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Décisions

CA Pau, ch. soc., 1 mars 2004, n° 02-03498

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Courage

Défendeur :

Compo (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zanghellini

Conseillers :

Mmes Mollet, Claret

Avocats :

SCP Madar Danguy, Me Gogler

Cons. prud'h. Tarbes, du 4 oct. 2002

4 octobre 2002

Édith Courage a été embauchée par la société Algochimie le 17 août 1988 en qualité de VRP statutaire exclusif selon contrat à durée indéterminée. Le 22 février 1989 et le 21 septembre 2000 des avenants ont été signés entre les parties.

Le 14 mai 2001 la société Algochimie a donné son activité négoce en location-gérance à la société Compo Horticulture et Jardins (Compo) qui est devenue alors, en l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, l'employeur d'Édith Courage.

Le 15 juin 2001 la société Compo a proposé à Édith Courage une modification de son contrat de travail, celle-ci l'a refusée par courrier du 8 juillet 2001, et elle a été licenciée pour motif économique le 19 juillet 2001.

Par la décision entreprise, le Conseil des prud'hommes de Tarbes, statuant dans une instance engagée par Édith Courage qui sollicitait diverses sommes à titre d'indemnités et de dommages et intérêts, l'a déboutée de ses demandes relatives à un licenciement sans cause réelle sérieuse, et a condamné la société Compo à lui verser les sommes suivantes :

2 250 euro pour non-respect de la procédure de licenciement;

23 472 euro à titre de complément sur indemnités de clientèle;

500 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Par cette même décision le conseil des prud'hommes a pris acte de ce que la société Compo s'engageait à verser à Édith Courage la somme de 747 euro à titre de rappel de congés payés et l'y a condamnée en tant que de besoin.

Édith Courage, à laquelle cette décision a été notifiée le 16 octobre 2002, en a interjeté appel le 30 du même mois. Dans les écritures qu'elle a soutenues et déposées à la barre, elle fait valoir que son employeur n'a pas respecté la procédure de licenciement, elle affirme que le plan de sauvegarde de l'emploi est irrégulier, qu'il n'existe pas en fait de motif économique à son licenciement. Elle prie la cour en conséquence de condamner la société Compo à lui payer les sommes suivantes:

4 317,08 euro à titre d'indemnité pour non-respect de procédure de licenciement;

121 959,21 euro à titre d'indemnité de clientèle, sauf à déduire les sommes versées à titre de provision;

940,63 euro à titre de complément de congés payés sur les primes de résultat;

155 450 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse

25 000 euro à titre de rappel de commission;

2 500 euro au titre des congés payés sur rappel de commission;

13 440 ,97 euro à titre de rappel de commission sur les remboursements de fin d'année;

1 344,09 euro à titre de congés payés y afférant.

Elle demande que ces sommes portent intérêt au taux légal à compter de la date de présentation de la requête devant le conseil des prud'hommes et sollicite en outre 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre le remboursement du droit de recouvrement prévu par l'article 10 du tarif des huissiers de justice, en cas de recours à exécution forcée de la décision.

La société Compo soutient quant à elle qu'elle n'était pas tenue de convoquer Édith Courage à un entretien préalable. Elle affirme qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité et qu'elle a été contrainte d'aligner le statut et le niveau de rémunération de l'équipe intégrée aux conditions de son équipe existante. Elle demande en conséquence à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle lui a donné acte de ce quelle s'engageait à verser 747 euro à Édith Courage, au titre des congés payés sur prime d'objectif et l'infirmant pour le surplus, de débouter cette dernière en toutes ses demandes.

Sur quoi

Sur le respect de la procédure de licenciement

Au terme de l'article L. 122-14 du Code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée, toutefois ces dispositions ne sont pas applicables en cas de licenciement pour motif économique de dix salariés et plus dans une même période de 30 jours, lorsqu'il existe un comité d'entreprise ou des délégués du personnel dans l'entreprise.

Édith Courage soutient que la procédure de licenciement est irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été convoquée à un entretien préalable. Elle affirme que le plan social ne prévoyant pas de licenciements, son employeur ne pouvait être dispensé de la convoquer à un entretien préalable. Elle fait valoir en outre qu'elle-même ne faisait pas partie des salariés faisant l'objet d'un licenciement économique et que dès lors la procédure collective ne pouvait lui être applicable.

Toutefois lorsque l'employeur propose à plusieurs salariés une modification substantielle de leur contrat de travail pour motif économique, en cas de refus de ces modifications, la procédure peut se conclure par des licenciements purs et simples. Il est donc nécessaire d'envisager cette hypothèse dès l'origine et de mettre en œuvre la procédure de licenciement collectif adéquate.

Dès lors c'est à bon droit que l'employeur a mis en place la procédure de licenciement pour plus de dix salariés. Il y a lieu en conséquence de faire application du dernier alinéa de l'article L. 122-14 du Code du travail.

Il apparaît par ailleurs de la note technique, jointe au plan social et soumise au comité d'entreprise que " la société souhaite proposer aux 20 VRP de la marque Algo une modification de leur statut en les intégrant au statut régi par la convention collective des industries chimiques ". Dès lors qu'elle était VRP, Édith Courage était concernée par le plan social.

En conséquence la décision entreprise sera réformée en ce qu'elle a condamné la société Compo à verser à Édith Courage la somme de 2 250 euro pour non-respect de la procédure de licenciement.

Sur le licenciement

Au terme de l'article L. 321-1 du Code du travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant de la suppression, de la transformation d'un emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige doit, selon l'article L. 122-14-2 du Code du travail, énoncer les raisons économiques et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail.

En l'espèce ce courrier est ainsi rédigé : "... Concomitamment au transfert des contrats de travail, il a été décidé par la société Compo de mettre en place une seule force de vente commercialisant les marques Compo et Algo, et ce, en harmonie dans les différents statuts pouvant exister entre les différents salariés de ces deux sociétés.

Cette réorganisation s'est trouvée nécessitée par la sauvegarde de la compétitivité, et a pour objectif d'éviter des risques qui pourraient découler du maintien au sein d'une même structure de politiques commerciales et marketing différentes, et qui entraîneraient, à terme, une grave dégradation de la situation économique de la société.

Ces risques sont d'ordre structurel, marketing et commercial.

De plus, la réorganisation permettra de résorber très sensiblement le risque marketing en faisant bénéficier la marque Algo du soutient technique de l'équipe marketing professionnelle existante au sein de la société Compo.

Enfin d'un point de vue commercial, une part importante des distributeurs " Algopro " étant les mêmes que des distributeurs " Compopro ", la non-coordination de la politique commerciale pour éviter une source extrêmement importante de conflit commerciaux pouvant, à terme, entraîner une désorganisation complète de la force de vente commune... Compte-tenu de la réorganisation précisée ci-dessus, il vous a été proposé, en date du 15 juin 2001, une modification de votre contrat de travail que vous avez expressément refusée par courrier du 10 juillet 2001... "

Edith Courage soutient tout d'abord que le plan social est irrégulier comme ne comportant pas le nombre des licenciements envisagés ainsi que le calendrier des licenciements et que dès lors son licenciement est nécessairement abusif. Elle fait valoir ensuite que l'approbation du plan social par le comité d'entreprise ou par les représentants du personnel ne peut légitimer les licenciements qui en sont la conséquence. Elle affirme ensuite que le motif économique tiré du rapprochement des sociétés Compo et Algochimie ne peut, sauf à faire échec aux dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, justifier son licenciement. Elle indique encore que la société Compo était dans une excellente situation financière, faisant ressortir un résultat positif de 2 327 948 FF au 31 décembre 2000. Elle soutient en outre que la recherche d'une unicité de réseau commercial avec un seul statut ne constitue pas un motif économique et qu'aucune réorganisation n'était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Elle affirme que le changement de statut qui lui a été proposé avait pour seul but d'augmenter les profits de l'entreprise et que sa mutation constitue un motif inhérent à sa personne.

La société Compo a indiqué en page 12, 13, 20 et 22 du plan social le nombre des salariés concernés ainsi que le calendrier des éventuels licenciements dès lors, la demande d'Édith Courage tendant à voir déclarer ce plan irrégulier sera rejetée.

En revanche conformément aux dires de cette dernière, il appartient au juge, même lorsque le plan social a été approuvé par le comité d'entreprise ou les représentants du personnel, de vérifier la cause exacte du licenciement.

Il convient donc de rechercher si la modification substantielle du contrat de travail d'Édith Courage était consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise ayant pour but de sauvegarder sa compétitivité.

L'équipe commerciale de la société Compo s'est trouvée être constituée à compter du mois de mai 2001, des anciens VRP de la société Algochimie et de ses propres salariés ayant un statut différent. Elle justifie que l'alignement des salaires de l'ensemble de l'équipe commerciale sur ceux des anciens VRP d'Algochimie aurait représenté pour elle un surcoût de charges salariales et sociales de 4 514 434 FF, alors même qu'ayant dégagé un bénéfice de 2 327 948 FF en 2000, elle a connu une perte de 2 525 055 FF en 2001.

En homogénéisant les forces de vente issues des sociétés Algochimie et Compo, cette dernière a évité que ne se crée en son sein des rivalités et des luttes internes de nature à compromettre, à bref délai, sa compétitivité, voire sa pérennité.

Il apparaît par ailleurs à la lecture de sa situation comptable, que la société Compo s'est trouvée être dans une situation économique difficile dans le courant de l'année 2001 puisque elle est passée d'un bénéfice de plus de 2 300 000 FF en 2000 à une perte de 2 500 000 FF en 2001. Édith Courage ne pouvant utilement soutenir que l'origine de ce déficit est purement comptable.

En conséquence, il ne peut être fait grief à la société Compo d'avoir procédé à la réorganisation de l'entreprise dans le seul souci d'augmenter ses profits.

Par ailleurs cette réorganisation de découle pas directement, comme le soutient Édith Courage, du rapprochement entre les deux entreprises.

Dès lors que la sauvegarde de la compétitivité de la société Compo rendait indispensable la réorganisation de l'entreprise, la modification du contrat de travail d'Édith Courage était justifiée et la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté cette dernière de ses demandes relatives à licenciement sans cause réelle sérieuse.

Sur le rappel de commission sur les départements retirés à Edith Courage

Édith Courage soutient que son employeur lui a arbitrairement retiré 5 départements et qu'elle a ainsi subi un préjudice dont elle demande réparation par l'allocation d'une somme de 25 000 euro.

Il apparaît toutefois que si des départements ont été retirés à Édith Courage, une nouvelle gamme de produits lui a été attribuée et qu'elle a ainsi connu un gain de chiffre d'affaires et donc de commission.

Elle affirme toutefois que si les 5 départements litigieux ne lui avaient pas été retirés, elle aurait bénéficié d'une augmentation supplémentaire du chiffre d'affaires dans la mesure où de toute façon la nouvelle gamme de produits lui aurait été attribuée.

Il n'est pas établi qu'Édith Courage aurait nécessairement bénéficié d'une nouvelle gamme de produits, par ailleurs dès lors que la nouvelle organisation de la société lui a permis d'augmenter ses commissions, elle ne peut utilement soutenir qu'il y a eu en définitive une modification de sa rémunération. Il convient en effet de relever qu'elle a eu un gain net de chiffre d'affaire de 1 173 792 pour la campagne 99/00.

Sur l'indemnité de clientèle

Aux termes de l'article L. 751-9 du Code du travail, les VRP ont droit à une indemnité de clientèle en raison du préjudice qu'ils subissent à la suite de l'abandon d'une clientèle qu'ils avaient apportée, créé ou développée.

Il apparaît en l'espèce que le commissionnement d'Edith Courage est passé de 7 723 euro en 1988 à 38 505 euro en 1999/2000. Dès lors il ne peut être contesté que cette dernière a développé sa clientèle.

C'est à bon droit et par des motifs adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu que les efforts commerciaux faits par la société Compo ne peuvent justifier la diminution de cette indemnité.

En accordant de ce chef la somme de 23 412 euro, compte-tenu des sommes déjà versées, les premiers juges ont fait une exacte appréciation qui sera confirmée.

Sur le rappel de commission au titre des remboursements de remise sur de fin d'année

En retenant qu'aux termes du contrat liant les parties, les commissions versées étaient calculées sur le montant net de toutes charges et ristournes, les premiers juges ont fait une exacte appréciation. Dès lors la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'Édith Courage concernant le rappel de commission sur les ristournes accordées directement par l'employeur aux clients.

Sur le rappel de congés payés

Il n'est pas contesté qu'Édith Courage n'a pas perçu les congés payés sur les primes qui lui ont été réglées. Il apparaît au vu des bulletins salaires produits à la procédure qu'elle a reçu au titre de ses primes 33 000 FF pour l'année 1997 et 14 000 FF pour l'année 1998. Dès lors que les sommes perçues en 1999 et 2000 ne sont pas contestées, elle est en droit de recevoir de ce chef 10 % de 63 000 FF, soit 9 604,30 euro.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge d'Édith Courage les frais irrépétibles qu'elle a engagés dans la présente instance. Elle sera donc déboutée de la demande qu'elle formule en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort, Confirme la décision entreprise en ses dispositions non contraires au présent dispositif. Déboute Edith Courage de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement. Condamne la société Compo Horticulture et Jardins à lui verser la somme de 9 604,30 euro à titre de rappel de congés payés. Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour de l'introduction de la demande en justice. Rejette les autres chefs de demande. Condamne la société Compo Horticulture et Jardins aux entiers dépens.