Cass. com., 20 mars 2007, n° 04-19.679
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
HSM Schuhmarketing Gmbh
Défendeur :
Gep Industries (Sté), Rousseau (ès qual.), Martin-Touchais (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Pietton
Avocats :
SCP de Chaisemartin, Courjon, SCP Gatineau
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 9 mars 2004), que la société Gep Industries (la société Gep), fabricant d'un modèle de chaussures dénommé "Nevral/s", a assigné devant la juridiction française la société HSM Schuhmarketing (la société HSM), ayant son siège social à Hattingen (Allemagne), lui reprochant de commercialiser une copie servile de ce produit sur son site internet;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société HSM fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce qui s'est déclaré compétent pour juger le litige opposant la société de droit allemand HSM et la société de droit français Gep, alors, selon le moyen, que la société HSM soutenait qu'elle ne commercialisait les articles litigieux sur son site internet, exclusivement conçu en langue allemande, que sur le territoire allemand; qu'elle relevait d'ailleurs que la société Gep, sur qui pesait la charge de la preuve, ne justifiait d'aucun acte de vente en ligne en France au moyen de ce site; que dès lors, en fondant la compétence du juge français sur la simple affirmation que, non seulement tous les internautes pouvaient se connecter sur le site, mais encore "commander ses produits en ligne", sans préciser de quels documents de la cause, qui ne sont pas davantage analysés, résulterait la possibilité - contestée - pour un internaute de commander en ligne en France, ce que la simple connexion sur un site ne suffit pas à impliquer, les juges du fond ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que, constatant la représentation sur le site internet incriminé d'un modèle de chaussures dont il était prétendu qu'il caractérisait une concurrence déloyale envers le plaignant, la cour d'appel a exactement retenu sa compétence dès lors que les faits allégués de commercialisation de ces produits sur le territoire national seraient susceptibles de causer un préjudice; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société HSM fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné sous astreinte la cessation immédiate de son activité de concurrence déloyale sur le modèle de chaussures " Nevral/s " de la société Gep, sous toutes formes et en quelques lieux que ce soit, et de l'avoir condamnée à payer à la société Gep une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) qu'en l'absence de tout droit privatif, le seul fait de commercialiser des produits identiques à ceux distribués par un concurrent n'est pas fautif; qu'en l'espèce, en considérant, au contraire, qu'était fautif le seul fait pour la société HSM de commercialiser une chaussure identique au modèle de chaussure Nevral/s academy verone, commercialisé par la société Gep, qui n'avait déposé ni dessin ni modèle à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie; 2°) qu'en se fondant à nouveau, pour retenir l'existence d'un risque de confusion, sur la simple affirmation que la société HSM commercialisait les chaussures litigieuses sur son site internet, non seulement en Allemagne mais dans le monde entier, sans préciser de quels documents de preuve, n'ayant fait l'objet d'aucune analyse, même sommaire, résultait cette allégation contestée, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que l'arrêt relève que les modèles de chaussures reproduits dans le catalogue de la société HSM sont strictement identiques au modèle "Nevral/s", commercialisé antérieurement par la société Gep, que ce soient la forme, le matériau, le dessin et sa dimension, les différences étant limitées à la couleur des losanges et aux marques intérieures peu visibles; qu'en déduisant de ces constatations la volonté de la société HSM d'entretenir dans l'esprit du public une confusion entre les produits, la clientèle, même attentive, ne pouvant remarquer aucune différence entre les modèles de chaussures litigieux, la cour d'appel, qui n'a pas dit, pour retenir le risque de confusion, que la société HSM commercialisait les chaussures litigieuses sur son site internet, non seulement en Allemagne, mais également dans le monde entier, a caractérisé la faute commise par la société HSM et a pu statuer comme elle a fait; que le moyen qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société HSM fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Gep une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) qu'une faute n'engage la responsabilité de son auteur que si elle est la cause du dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que les ventes réalisées par la société HSM ne se seraient pas nécessairement reportées sur le modèle de chaussure commercialisé par la société Gep si celui-ci n'avait pas été copié, ce dont il résultait que le lien de causalité entre la faute de concurrence déloyale reprochée et le préjudice subi n'était pas caractérisé ; qu'en allouant néanmoins à la société Gep la somme de 15 000 euro en réparation du préjudice subi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en déclarant tout à la fois que la concurrence déloyale de la société HSM a joué un rôle certain dans la chute des ventes du modèle en cause et que les ventes réalisées par la société HSM ne se seraient pas nécessairement reportées sur ce modèle, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société HSM avait pu, grâce à la copie servile du modèle de la société Gep, proposer un produit identique à un prix inférieur et que ce comportement déloyal avait joué un rôle certain dans la baisse des ventes du modèle "Nevral/s" dont la société Gep démontrait l'existence, la cour d'appel, établissant ainsi le lien de causalité entre la faute de la société HSM et le préjudice de la société Gep et appréciant souverainement les éléments de preuve versés aux débats, a, sans contradiction, pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.