CA Paris, 16e ch. A, 30 juin 2004, n° 02-09224
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Bercy Poniatowski (SA)
Défendeur :
Pétroles Shell (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Duclaud
Conseillers :
Mmes Imbaud-Content, Fossaert-Sabatier
Avoués :
SCP Goirand, SCP Bolling Durand Lallement
Avocats :
Mes Banide, Mahl
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Bercy Poniatowski d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 20 mars 2002 qui a:
- débouté les parties de leurs demandes,
- dit qu'il n'y a lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- fait masse des dépens, en ce compris les frais d'expertise, le tout étant supporté par moitié par les deux parties.
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit.
Par acte sous seing privé du 21 janvier 1971, la société Bercy Poniatowski, propriétaire d'un fonds de commerce de station-service exploité sur une emprise appartenant à la SNCF, boulevard Poniatowski à Paris (12e) en vertu d'une autorisation de ladite SNCF, a donné à la société des Pétroles Shell la location-gérance dudit fonds, et ce, pour une durée de 23 ans.
Par un second acte sous seing privé du même 21 janvier 1971, ultérieurement complété par un acte du 26 avril 1971, la société des Pétroles Shell a consenti à mettre à la disposition de la société Bercy Poniatowski à titre de prêt à usage divers matériels d'équipement de la station-service, dont deux réserves de 30 m2.
Par acte sous seing privé du 11 janvier 1984 emportant résiliation du contrat de location-gérance, les parties ont conclu un nouvel accord de location-gérance portant toujours sur le même fonds, pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 1984, en prévoyant qu'au-delà, celui-ci se poursuivrait pour une durée indéterminée et pourrait être résilié à l'initiative de l'une quelconque des parties par lettre recommandée avec avis de réception moyennant le respect d'un préavis de trois mois.
Par lettre du 8 juillet 1989, la société des Pétroles Shell a fait part à la société Bercy Poniatowski de sa décision de mettre fin aux contrat de location-gérance pour le 15 octobre 1999 au motif qu'elle n'a pu mettre en œuvre son projet de modernisation de la station-service "faute d'avoir rencontré l'adhésion de la bailleresse" et faute aussi d'avoir la certitude de son maintien sur le site, - allusion à l'absence de preuve de l'acceptation de la SNCF du renouvellement de l'autorisation de l'occupation du domaine public du chemin de fer.
Le 15 octobre 1999, la société Bercy Poniatowski n'a pas repris possession des lieux car, même si elle ne le fait pas savoir à cette date, l'avenir montrera qu'elle a toujours été en désaccord avec la société des Pétroles Shell sur les obligations incombant à celle-ci quant à la restitution des éléments matériels du fonds de commerce. Le présent litige montre qu'elle voulait que la société des Pétroles Shell procédât à l'enlèvement des deux cuves de 30 m2 qui lui appartenaient.
La société des Pétroles Shell a, par acte du 7 décembre 1999, assigné la société Bercy Poniatowski devant le Juge des référés du Tribunal de commerce de Paris, aux fins de le voir condamner sous astreinte à reprendre possession des lieux et de voir désigner un expert "aux fins de fournir au tribunal éventuellement saisi au fonds tous les éléments de nature à lui permettre de déterminer les coûts de neutralisation des matériels évoqués".
Le juge des référés a nommé, par ordonnance du 17 décembre 1999, un expert à cette fin qui sera remplacé par Monsieur Poirier, et, un autre expert, Monsieur Ferrandi aux fins de donner son avis notamment sur les préjudices allégués par les deux sociétés litigantes.
Par acte du 29 mars 2001, la société Bercy Poniatowski a assigné la société des Pétroles Shell aux fins notamment de:
- dire que la lettre de résiliation du 8 juillet 1999 contient la reconnaissance d'une faute de la société des Pétroles Shell quant à l'entretien du matériel et des aménagements de la station,
- constater que cette dernière société n'a pas restitué le fonds par suite de son absence d'exploitation depuis juin 1999,
- constater que cette situation a fait obstacle à la recherche d'un autre locataire-gérant,
- condamner la société des Pétroles Shell à verser à la société Bercy Poniatowski la somme de 4 700 000 F correspondant à l'indemnisation pour perte définitive de son fonds telle qu'évalué par l'expert Ferrandi,
- condamner la société des Pétroles Shell à verser à la société Bercy Poniatowski la somme de 236 834,02 F TTC, montant de la redevance versée à la SNCF entre le 1er janvier et le 30 novembre.
La société des Pétroles Shell a demandé au tribunal de rejeter ces demandes, et, reconventionnellement, de condamner la société Bercy Poniatowski à lui verser les sommes de:
- 850 000 F à titre de dommages-intérêts pour perte commerciale,
- 293 895 F au titre des dépenses de sécurisation et de retrait des cuves, avec intérêt au taux légal et anatocisme,
- 50 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré.
La société Bercy Poniatowski, appelante, demande à la cour de:
- déclarer la société Bercy Poniatowski bien fondée en son appel,
- dire que le premier juge a, à bon droit, constaté que la société Les Pétroles Shell, qui s'était vue confiée l'exploitation d'un fonds de commerce en location-gérance, avait l'obligation, à l'issue de la convention, de restituer ce fonds pourvu de tous les éléments le constituant,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que la société Les Pétroles Shell avait été défaillante dans l'exécution de son obligation de restituer la totalité du fonds et de pourvoir à son entretien en bon état de réparations de toute nature,
- l'infirmer en ce que le premier juge a retenu l'absence de faute de la société Les Pétroles Shell pour l'exonérer de toute obligation à réparer le préjudice subi par la société Bercy Poniatowski,
- dire que le régime de responsabilité que doit supporter la société Les Pétroles Shell ne répond pas aux critères d'une faute qui engagerait la responsabilité,
- dire qu'à défaut, pour Les Pétroles Shell de justifier d'un fait qui l'exonérerait de son obligation de restituer la totalité des éléments composant le fonds de commerce, elle doit indemniser la perte de ce fonds,
- constater que les faits exonératoires invoqués par la société Les Pétroles Shell devant le premier juge sont sans fondement, tant en ce qui concerne l'absence de suite donnée au projet de rénovation que l'absence de pérennité sur le site,
En conséquence, entérinant le rapport de Monsieur Ferrandi, expert,
- condamner la société Les Pétroles Shell au paiement de la somme de 716 510,38 euro TTC,
- la condamner en outre au paiement des redevances d'occupation qui ont été payées sans contrepartie à la SNEF, soit 36 105,11 euro,
- débouter la société Les Pétroles Shell de ses demandes reconventionnelles et fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une procédure abusive,
- condamner la société Les Pétroles Shell en outre sur le fondement de l'article 700 au paiement d'une somme de 4 000 euro ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société des Pétroles Shell, intimée, prie la cour de:
Vu les faits, les pièces communiquées, les articles 1134 et suivants du Code civil, les textes régissant la location-gérance, et ensemble leur interprétation jurisprudentielle, statuant à nouveau et infirmant partiellement le jugement entrepris et déclarant la Shell recevable et bien fondée en ses moyens et prétentions la cour ne pourra que:
- dire régulière en la forme, légitime au fond, et exclusive de tous dommages réparables, la résiliation de la location-gérance,
- dire que la SBP ne saurait ni légalement, ni contractuellement imputer la faute à charge de réparation à la Shell, l'interruption de l'exploitation antérieure au 15 octobre 1999, et la défaillance des superstructures et des matériels de stockage, pour les causes ci-dessus énoncées,
- dire la SBP exclusivement responsable, pour l'ensemble des causes ci-dessus énoncées, de l'interruption de l'exploitation et de la prolongation de cette interruption,
- dire que la disparition du "fonds" résulte de faits étrangers à la Shell comme étant celui de l'appelante elle-même et de tiers, et dire que le dommage partiel qui aurait pu résulter de l'interruption temporaire de l'exploitation incombe exclusivement à la SBP pour les causes ci-dessus énoncées,
- en conséquence, débouter la société Bercy Poniatowski de l'ensemble de ses moyens et prétentions et la condamner à payer à la société des Pétroles Shell:
* 129 581,66 euro de dommages et intérêts avec intérêts de droit au titre de la perte commerciale,
* 44 804,00 euro, sauf à parfaire, au titre des opérations de sécurisation et de retrait, et ce, avec intérêts de droit,
* 7 622,45 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive, et 7 622,45 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dire que les intérêts produiront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du Code civil,
- condamner pour le surplus la société Bercy Poniatowski "SBP" aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Ceci étant exposé, LA COUR,
I) Sur le principe de la responsabilité de la société des Pétroles Shell:
Considérant que la société Bercy Poniatowski soutient que la responsabilité des Pétroles Shell est, par suite de la résiliation à son initiative du contrat de location-gérance à effet du 15 octobre 1999, tenue d'une obligation de restitution au propriétaire du fonds de commerce dont elle était locataire-gérante, de tous les éléments du fonds de commerce visés dans le contrat de location-gérance ; qu'il s'ensuit que le juge n'a pas à rechercher la commission d'une faute, l'obligation de restituer le fonds étant objective; qu'en l'espèce, la société Shell, qui a de son propre aveu cessé d'exploiter le fonds, a restitué un fonds privé de clientèle et d'achalandage;
Que poursuivant son analyse juridique des éléments du litige, l'appelante fait valoir que ne restituant pas ainsi cet élément du fonds de commerce, la société Shell ne peut échapper à la réparation du préjudice subséquent qu'en apportant la preuve d'un ou plusieurs faits exonératoires ; que les deux motifs invoqués par la société les Pétroles Shell, - à savoir l'impossibilité de moderniser ses installations en l'absence de réponse du bailleur sur le projet envisagé et l'absence d'assurance quant au renouvellement de l'autorisation de l'occupation du domaine public -, ne sont pas fondés ;
Considérant que la société les Pétroles Shell dit apporter la preuve que les deux raisons qu'elle a données à l'appui de sa demande de résiliation sont constitutives de faits exonératoires qui suivent ; que si elle a cessé l'exploitation des carburants fin juin 1999, c'est parce qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité légale et matérielle de poursuivre l'exploitation, en raison de la mise hors d'usage des citernes "dont la prévisibilité ne pouvait d'ailleurs à tous points de vue être ignorée par la société Bercy Poniatowski en sa qualité d'exploitant professionnel"; que l'arrêt de distribution du carburant s'imposait de façon d'autant plus inéluctable que la société Bercy Poniatowski restait durablement taisante sur le projet de restructuration qui lui avait été soumis en 1998 consistant en des travaux de deux millions de francs, - projet subordonné à la justification de l'accord de la SNCF pour une poursuite durable de l'exploitation ;
Considérant, ceci étant, qu'il faut relever que les deux cuves de stockage de 30 m2 chacune étaient contractuellement la propriété de la société les Pétroles Shell, le contrat de location-gérance présentant la particularité de porter sur un fonds dont les matériels essentiels n'appartenaient pas au propriétaire du fonds et n'étaient destinés à devenir sa propriété ; que s'il est vrai que la société Bercy Poniatowski n'a jamais accepté le projet de modernisation de la station-service que la société les Pétroles Shell lui a soumis en décembre 1998, ce qui aurait entraîné le remplacement des dites cuves, et, n'a pas fourni les assurances quant à l'accord de la SNCF pour un renouvellement d'autorisation d'occupation du domaine public, du moins en temps utile, il n'en demeure pas moins que ces faits ne sont pas exonératoires de la responsabilité de la société les Pétroles Shell quant à son obligation de restituer la clientèle, élément sur lequel portait la location-gérance, dans la mesure où ils n'imposaient pas une fermeture du fonds dès juin 1999 soit plus de trois mois avant la date de prise d'effet de la résiliation du contrat de location-gérance, le 15 octobre 1999;
Que le seul fait qui aurait pu justifier la fermeture immédiate du fonds dès juin 1999 aurait pu être la nécessité absolue de fermer est le caractère "fuyard" des deux cuves de stockage de carburant;
Mais considérant qu'il faut relever que la société les Pétroles Shell, dans sa lettre de résiliation du contrat de location-gérance du 8 juillet 1999, n'invoquait nullement la nécessité d'arrêter l'exploitation de la station-service pour des motifs tenant au respect des règles de sécurité ; que cet argument ne sera avancé qu'après que l'expert judiciaire Poirier eut estimé dans son rapport que la poursuite de l'exploitation n'était pas possible sans remplacement des cuves fuyardes en raison de leur percement par corrosion, lesquelles, selon cet expert, n'étaient que la conséquence d'une usure normale depuis leur pose en 1971 ;
Considérant qu'en définitive la société des Pétroles Shell n'avait pas de motif l'empêchant d'exploiter le fonds jusqu'au 15 octobre 1999, date de résiliation ; que si cet arrêt prématuré de l'exploitation de la station a entraîné une perte de clientèle, celle-ci va être aggravée par le laps de temps qui s'est écoulé ensuite entre la date du 15 octobre 1999 et la date de mise du fonds à la disposition de la société Bercy Poniatowski, conformément aux stipulations du contrat de location-gérance, qui, ainsi que la cour la retiendra plus loin, est le 16 février 2000;
Sur le montant du préjudice:
Considérant que si l'expert Ferrandi, expert judiciaire, a proposé de fixer la valeur de la perte du fonds à 4 700 000 F, ce chiffrage ne saurait être retenu en son principe même;
Qu'en effet, la perte de clientèle consécutive au comportement fautif de la société des Pétroles Shell ne peut être qualifiée de total, base de calcul de l'expert, et ce, pour deux motifs;
Que d'une part, le 15 octobre 1999, contrairement à l'engagement qu'elle avait pris dans la lettre qu'elle a écrit le 14 septembre 1999, la société des Pétroles Shell n'avait pas exécuté ses obligations relatives à la restitution, à savoir l'enlèvement d'éléments d'exploitation qui lui appartenaient, à savoir les deux cuves de stockage du carburant d'une contenance de 30 m2 chacune ; que cette société avait d'autant plus conscience de sa défaillance que, par acte du 7 décembre 1999, elle a assigné la société Bercy Poniatowski en référé aux fins notamment de voir désigner un expert pour évaluer le coût de la mise hors service des dites cuves car elle savait que la réglementation lui imposait un processus prévu pour le dégazage des cuves ; que dans une lettre adressée le 24 février 2000 adressée à l'expert Poirier, la société des Pétroles Shell admet devoir faire "des travaux d'extraction des matériels et des matériaux de confinement en vue d'assurer la neutralisation des risques liés au caractère "fuyard" des citernes" ; que ce n'est qu'après l'exécution de ces travaux d'enlèvement des cuves que la société Bercy Poniatowski a pu reprendre possession des locaux loués le 16 février 2000;
Qu'il s'ensuit que la société des Pétroles Shell est réputée avoir rempli ses obligations relatives à la restitution des lieux loués à cette date, soit plus de huit mois après avoir cessé d'exploiter le fonds et quatre mois après la date de résiliation ;
Que d'autre part, la clientèle du fonds dont il s'agit est ainsi que l'indique avec bon sens l'expert Ferrandi essentiellement une clientèle de passage pour la simple raison que la station dont il s'agit est située entre la Seine et l'avenue de Charenton, dans un secteur dépourvu d'habitations et de commerce (rapport Ferrandi page 29), ce qui explique qu'elle n'ait pas eu d'appareil de lavage automatique;
Qu'en troisième lieu, il est à noter que l'expert Ferrandi dans une réponse à un dire admet qu'il n'y a en l'espèce que "perte partielle de clientèle"; qu'il faut comprendre qu'il tire cette opinion du rapprochement des deux observations précédentes; que la perte de clientèle est limitée dans le temps, celui de la non-exploitation de la station car il s'agit d'une clientèle de passage qui reviendra dès réouverture de ladite station; que dans ce contexte, la clientèle peut être raisonnablement évaluée à "5 % du chiffre d'affaires";
Qu'en vain, la société des Pétroles Shell prétend qu'il n'y a pas de préjudice au motif que de toute façon, cette station était vouée à la fermeture définitive par suite de création au cours de l'année 2000 d'une voie de circulation aménagée pour les autobus (couloir protégé) qui aurait empêché l'accès à cet établissement; qu'en effet, il est évident qu'une autorisation n'avait pu être refusée et aurait permis d'aménager l'accès au site;
Qu'en revanche, on peut admettre que la société Bercy Poniatowski s'est sans doute découragée un peu vite dans sa recherche d'un nouveau locataire-gérant, renonçant au bénéfice de l'autorisation d'occupation du domaine de la SNCF en novembre 2000, mais il est vrai que la station était restée trop longtemps inexploitée par la faute de la société des Pétroles Shell;
Considérant que la cour, tenant compte de tous ses éléments et du fait que la société Bercy Poniatowski a versé une redevance à la SNCF sans percevoir de redevances du locataire-gérant, condamnera la société des Pétroles Shell à verser la somme de 70 000 euro, tous préjudices confondus;
II) Sur les demandes reconventionnelles de la société des Pétroles Shell:
A) Sur la perte de litrage après dépose forcée de l'auvent:
Considérant que la société des Pétroles Shell prétend qu'en l'absence d'auvent qu'elle a dû déposer pour des raisons de sécurité, les automobilistes ne pouvaient découvrir qu'au dernier moment l'existence de la station, ce qui ne leur permettait pas de s'y arrêter sauf à risquer de provoquer un accident;
Mais considérant que l'auvent était la propriété de Shell (voir notamment lettre de cette résiliation du 8 juillet 1999 et l'inventaire de fin de gérance annexé au rapport Poirier qui fait état de six poteaux porteurs de l'auvent) ; qu'il appartenait donc à celle-ci de consolider l'auvent au lieu de le déposer; que ce chef de demande ne peut qu'être rejeté;
B) Préjudice résultant du défaut de remplacement des cuves
Considérant que la société des Pétroles Shell entend se voir indemniser du fait qu'elle a eu un manque à gagner entre le 15 juin et le 15 octobre 1999 "par suite de l'arrêt obligatoire de distribution des carburants";
Mais considérant que, comme la cour l'a dit plus haut, la société des Pétroles Shell n'a pas invoqué la dangerosité des cuves comme motif de résiliation, ce qu'elle n'aurait pas manqué de faire si cela avait été la raison d'arrêt immédiat de la vente de carburants ; que par ailleurs, les cuves étant sa propriété, il lui appartenait de les changer; qu'ayant préféré la résiliation pour éluder le problème, celle-ci ne peut s'en prendre qu'à elle-même du manque à gagner qu'elle invoque;
C) Préjudice résultant des frais avancés pour le retrait des matériels et les opérations de dépollution:
Considérant que la société des Pétroles Shell demande à voir condamner la société Bercy Poniatowski à lui verser la somme de 44 804 euro à ce titre;
Mais considérant que la société des Pétroles Shell fonde cette demande sur le paragraphe 4 de la convention de location-gérance du 11 janvier 1984 ainsi rédigé : "il est précisé pour tous les matériels et installations se trouvant dans le fonds appartenant à la preneuse... il est entendu que les frais d'ouverture nécessaires pour le retrait des tuyauteries et pour l'enlèvement et le passage de réservoirs de l'intérieur des fosses hors de la propriété du loueur seront à la charge de ce dernier" ; que la société des Pétroles Shell n'apporte nullement la preuve que les travaux d'enlèvement des cuves aient entraîné un "passage" hors de la propriété mis à la disposition du loueur, la société Bercy Poniatowski; qu'en conséquence, la société des Pétroles Shell ne peut qu'être déboutée de ce chef de demande;
III) Sur les autres demandes:
Considérant que l'équité commande de condamner la société des Pétroles Shell à verser à la société Bercy Poniatowski la somme de 4 000 euro en paiement de ses frais irrépétibles de procédure;
Par ces motifs, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Bercy Poniatowski de ses demandes, Statuant à nouveau, Condamne la société des Pétroles Shell à verser à la société Bercy Poniatowski la somme de 70 000 euro à titre de dommages-intérêts pour perte partielle de clientèle par suite de l'inexécution fautive par la première société de son obligation de restitution du fonds loué à la seconde et en indemnisation de tous préjudices subséquents, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société des Pétroles Shell de ses demandes reconventionnelles, Y ajoutant, Condamne la société des Pétroles Shell à verser à la société Bercy Poniatowski la somme de 4 000 euro en paiement de ses frais irrépétibles de procédure; autorise la SCP Goirand, avoués, à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.