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Décisions

CA Aix-en-Provence, 18e ch., 2 novembre 2004, n° 03-00904

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Petigas

Défendeur :

Wesumat (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Szalay

Conseillers :

Mmes Jacquemin, Elleouet-Giudicelli

Avocats :

Mes Chabas, Grardel

Cons. prud'h. Draguignan, du 26 nov. 200…

26 novembre 2002

Exposé du litige

Monsieur Petigas a été embauché par la société Neptune SA le 21 mai 1979 selon contrat à durée indéterminée en qualité d'attaché commercial puis de VRP.

Dans l'objectif de restructurer le réseau commercial de la société, l'employeur a notifié à Monsieur Petigas le 4 juillet 2001 une modification de son contrat de travail.

Monsieur Petigas qui a refusé les modifications proposées s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par courrier en date du 11 octobre 2001 ainsi motivé :

" Je fais suite à l'entretien de ce 3 octobre 2001 au cours duquel je vous ai fait part de la nécessité pour l'entreprise de restructurer son réseau commercial à la suite du contrat de coopération commerciale conclu entre la société Wesumat et la société California Kleindienst.

Chaque entité a dû réorganiser sa force de vente, compte tenu du fait que plusieurs représentants se trouvaient sur les mêmes secteurs géographiques, et compte tenu également du fait qu'il était impératif d'harmoniser les statuts de tous les commerciaux de la société.

C'est dans ces conditions que nous avons présenté à l'ensemble de nos représentants, y compris vous-même, des propositions de modification des contrats de travail.

Ces modifications permettaient à chacun de maintenir son niveau de rémunération en dépit d'un redécoupage de son secteur, et ce en raison du fait que le potentiel de clientèle était augmenté (clientèle + California Kleindienst).

Vous m'avez informé au cours de cet entretien que vous refusiez d'accepter ces modifications. Aussi, par la présente, je me trouve dans l'obligation de procéder à votre licenciement pour motif économique. "

Saisi par Monsieur Petigas aux fins d'obtenir un rappel de salaires sur commissions, des congés payés sur commissions, des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et abusif, une indemnisation pour violation de la priorité de réembauchage, une indemnité de clientèle, des commissions de retour sur échantillonnage et des congés payés, le Conseil des prud'hommes de Draguignan, par jugement du 26 novembre 2002 a jugé que le motif économique du licenciement était établi, condamné la SA Wesumat à payer la somme de 3 000 euro au titre de non-respect des critères en matière de licenciement économique et débouté Monsieur Petigas de ses autres demandes.

Monsieur Petigas a régulièrement formé appel, le 16 décembre 2002, de cette décision qui lui a été notifiée le 26 novembre 2002.

Dans les conclusions qu'il fait développer à la barre, Monsieur Petigas expose des arguments et fait valoir des moyens, auxquels il sera ultérieurement répondu, pour obtenir la réformation de la décision et voir condamner la société Washtec France SA (Wesumat) au paiement de:

- 91 154,58 euro à titre de rappel de salaire sur commissions de 1999 à 2001,

- 9 115,45 euro à titre de congés payés sur rappel de salaire,

- 295 352 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et abusif,

- 16 408,40 euro au titre de l'indemnisation pour violation de la priorité de réembauchage,

- 295 352 euro au titre de l'indemnité de clientèle, sous déduction de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité spéciale déjà versée,

- 98 450,46 euro au titre de commissions de retour sur échantillonnage,

- 9 845,04 euro au titre de l'incidence congés payés.

Il sollicite 3 048,98 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans les conclusions, auxquelles il sera ultérieurement répondu, la société Washtec demande d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur Petigas la somme de 3 000 euro au titre du non-respect des critères en matière de licenciement économique, confirmer le jugement en toutes les autres dispositions et constater que le licenciement est dépourvu de caractère abusif.

À titre subsidiaire elle demande que le montant de l'indemnité de clientèle ne puisse excéder l'équivalent de six mois de commissions calculé sur la moyenne des deux années et que l'indemnité spéciale de rupture versée à Monsieur Petigas, soit 61 531,50 euro, vienne s'imputer sur le montant des sommes versées.

Elle sollicite le paiement de la somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Attendu que le dossier ne contient pas d'éléments qui conduiraient la cour à relever d'office irrecevabilité de l'appel;

- Sur le rappel sur commissions

Attendu que l'article 6 du contrat en date du 1er janvier 1992 stipule que la société Fernep SNC versera à Monsieur Petigas, en rémunération de ses services, une commission de 8 % du montant net de la facture, après déduction des ristournes éventuelles. Les commandes livrées sur le secteur, mais prises hors secteur, donneront lieu à une commission amputée de 50 %;

Attendu que la rémunération de Monsieur Petigas est calculée sur l'établissement de facture par la société suivant les commandes transmises par celui-ci,

Qu'il percevait une avance sur commission qui faisait l'objet d'une régularisation trimestrielle,

Attendu que Monsieur Petigas ne fait état que de commandes et non de facturation qui constitue le seul fait générateur d'un paiement,

Qu'il n'apporte pas la justification de l'existence de factures qui n'auraient pas fait l'objet d'un paiement,

Qu'il est de jurisprudence constante que les commissions sur ordre indirect (sans intervention du VRP) ne sont dues aux représentants que dans le cas d'un accord des parties dont la preuve incombe au demandeur,

Qu'il en est de même s'agissant des contrats conclus avec les administrations sur appel d'offre,

Que sa demande sera rejetée et le jugement confirmé;

- Sur le licenciement

L'appelant fait valoir que le licenciement opéré constitue un abus manifeste dans la mesure où l'employeur n'avait aucune difficulté à maintenir ses fonctions et son secteur d'activité, le contrat de coopération avec la société Kleindienst n'ayant aucune incidence sur ses fonctions, qu'aucune solution de reclassement n'a été recherchée, que la violation des critères d'ordre justifie d'autant plus l'allocation de dommages intérêts;

Attendu que la société Washtec a été créée selon une opération de fusion entre la société Wesumat et la société California Kleindienst;

Attendu que la société Washtec expose que, suite à la fusion, la nouvelle entité créée ne disposait pas d'un service commercial homogène et ne pouvait assurer la commercialisation des machines Wesumat et California Kleindienst à l'ensemble de la clientèle,

Que pour maintenir son niveau de commande et pouvoir répondre aux besoins de sa clientèle elle devait procéder à une réorganisation du secteur commercial;

Attendu que pour effectuer cette réorganisation la société Washtec a proposé à Monsieur Petigas une modification essentielle de son contrat de travail le 4 juillet 2001,

Que suite au refus de celui-ci, elle lui a notifié son licenciement pour motif économique ;

Attendu que le refus d'une modification du contrat de travail dans le cadre de la réorganisation d'une entreprise peut constituer une cause économique de licenciement, pour autant que la réorganisation ait pour but de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise;

Attendu que, la société Washtec dénonce, du fait de la fusion, la présence de plusieurs commerciaux du même groupe sur un même secteur visitant les mêmes clients alors que d'autres secteurs n'étaient pas couverts et justifie la réorganisation par le fait qu'il était impératif d'harmoniser les statuts de tous les commerciaux de la société,

Attendu que la société Washtec verse aux débats la justification des accords commerciaux et ultérieurement de la fusion-absorption entre Wesumat et California pour constituer Washtec,

Qu'il est de jurisprudence constante que dans le cadre de l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail, l'employeur peut sans commettre d'abus dans l'exercice de son pouvoir de direction modifier les attributions des salariés pour les adapter à l'organisation de son entreprise et les harmoniser avec celles des autres salariés de sa catégorie,

Qu'il n'est pas contesté que le niveau de rémunération du salarié aurait été maintenu et que plusieurs contrats de travail en tant que commercial aient été proposés à celui-ci qu'il a refusés, que dans ces conditions, l'employeur pouvait prendre l'initiative de la rupture et prononcer le licenciement lequel s'avère fondé sur une cause réelle et sérieuse, la modification du contrat de travail proposée ayant un caractère légitime,

- Sur les critères de licenciement

Le salarié soutient qu'il a vu son secteur représenté par un autre salarié, que dans la mesure où l'employeur indique que plusieurs représentants auraient fait double emploi sur un même secteur, il n'est ni invoqué ni justifié que les critères de l'ordre des licenciements pouvaient jouer sur ce terrain sans que par ailleurs soit démontrée l'absence d'abus,

Que cependant l'ordre des licenciements ne peut jouer que lorsque l'employeur doit faire un choix, que s'agissant au cas d'espèce d'un refus par le salarié de la modification de son contrat de travail, la mise en œuvre de tels critères ne pouvait intervenir.

- Sur la priorité de réembauchage

Attendu qu'est établie l'absence de mention de la priorité de réembauchage dans la lettre de licenciement, que le salarié a nécessairement subi un préjudice qui appelle réparation à hauteur de 3 000 euro, sans que le salarié apparaisse fondé à se prévaloir de l'indemnité spéciale de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, ne démontant pas que l'absence de mention l'a empêché de bénéficier de la dite priorité.

- Sur l'indemnité de clientèle

Attendu qu'en cas de résiliation d'un contrat à durée indéterminée par le fait de l'employeur, l'employé a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, compte tenu des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions qui pourraient être constatées dans la clientèle préexistante et provenant du fait de l'employé;

Attendu qu'à compter du 1er janvier 1992 Monsieur Petigas a exercé son activité en qualité de VRP pour la société Fernep SNC, après avoir travaillé plusieurs années en qualité d'agent commercial, que son secteur géographique était déjà pourvu de 480 clients;

Attendu que Monsieur Petigas démontre qu'il a effectué des ventes chez de nouveaux clients

Que cependant la clientèle doit avoir un caractère durable et réel,

Que Monsieur Petigas ne démontre pas avoir effectué des opérations susceptibles de se reproduire avec des personnes ayant déjà traité une première fois,

Qu'il ne s'agit ainsi pas d'une clientèle représentant une valeur sûre de l'actif commercial,

Attendu qu'il n'est pas établi que Monsieur Petigas ait développé la clientèle déjà existante sur son secteur d'activité, qu'il ne peut justifier d'une indemnité de clientèle,

Que le jugement sera confirmé;

- Sur la commission de retour sur échantillonnage

Attendu que Monsieur Petigas réclame à la société Washtec le paiement de la somme de 98 450,46 euro au titre de commission de retour sur échantillonnage ainsi que 10 % pour l'incidence sur congés payés;

Attendu que quelles que soient la cause et la date de la cessation des services de l'employé, même lorsqu'elle se produit à l'expiration du contrat à durée déterminée, l'employé a toujours droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ de l'établissement, mais qui sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat;

Attendu que Monsieur Petigas a été remplacé immédiatement après la notification de son licenciement;

Attendu qu'il n'est pas possible d'entendre que le chiffre d'affaires réalisé pendant les mois qui suivent la rupture est exclusivement le résultat de l'activité de Monsieur Petigas,

Attendu que Monsieur Petigas n'apporte pas la preuve que le chiffre d'affaires réalisées après son départ est dû à sa propre activité;

Que sa demande sera rejetée et le jugement confirmé;

L'équité et la situation économique des parties ne justifient pas en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

Le salarié qui succombe supportera la charge des entiers dépens.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale ; Reçoit l'appel ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et alloue au salarié 3 000 euro en application de l'article L. 321-14 du Code du travail ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Petigas aux dépens.