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Décisions

Conseil Conc., 6 avril 2007, n° 07-D-13

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à de nouvelles demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Combaldieu, par M. Lasserre, Président, M. Nasse, Mme Aubert, Vice-Présidents.

Conseil Conc. n° 07-D-13

6 avril 2007

Le Conseil de la concurrence (Commission permanente) ;

Vu la lettre enregistrée le 7 mars 2007 sous les numéros 07/0022 F et 07/0023 M par laquelle la société Corsica Ferries a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de la Société Nationale Maritime Corse Méditerranée et de la Compagnie Méridionale de Navigation et a demandé le prononcé de mesures conservatoires ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées la Société Nationale Maritime Corse Méditerranée, la Compagnie Méridionale de Navigation, la société Corsica Ferries et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les décisions de secret des affaires n° 07-DSA-62, n° 07-DSA-67, n° 07-DSA-68, n° 07-DSA-71, n° 07-DSA-73 et 07-DSA-81 ; Vu les décisions du rapporteur général en date du 9 mars 2007 de disjonction et de jonction du dossier avec celui enregistré sous le n° 06/0072 F ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants, de la société Corsica Ferries, de la Compagnie Méridionale de Navigation (CMN) et de la Société Nationale Maritime Corse Méditerranée (SNCM) entendus lors de la séance du 4 avril 2007 ; Les représentants de l'Office des transports de la Corse (OTC) entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. CONSTATATIONS

A. LE SECTEUR

1. Le secteur concerné est celui du transport maritime de passagers et de fret entre le continent et la Corse. Il a été examiné par le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 06-MC-03 du 11 décembre 2006, qui a précisé que le marché du transport de passagers vers la Corse se caractérise par une forte saisonnalité en période de vacances scolaires alors que le trafic fret se caractérise par une faible saisonnalité et par un fort déséquilibre entre les entrées et les sorties, ce qui oblige les navires à effectuer des "retours à vide" à partir des ports de Corse.

2. Avec 3,9 millions de passages, l'année 2006 a connu, par rapport à 2005, une augmentation de 6,1% du trafic maritime de passagers entre le continent et la Corse. Cette croissance très soutenue s'explique par une augmentation de 11% du trafic au départ des ports continentaux mais aussi de 4% du trafic avec l'Italie. Selon l'Observatoire Régional des Transports de la Corse (ORTC), cette croissance a profité à toutes les compagnies "et notamment à la SNCM dont les trafics redécollent après deux années marquées par les conflits sociaux.". Le fret progresse globalement de 3,5% en 2006 et de 5,7% au départ de Marseille.

B. LES ACTEURS

3. L'activité des compagnies SNCM, CMN et Corsica Ferries a déjà été décrite dans la décision 06-MC-03, rendue en présence des mêmes parties, à laquelle il convient de se référer, aucun changement majeur n'étant intervenu depuis décembre 2006 dans la taille ou les capacités de ces entreprises.

4. Il convient néanmoins de relever que, le 15 décembre 2006, la Cour d'appel de Paris, infirmant le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 17 octobre 2006, a jugé que le pacte d'actionnaire qui liait les sociétés SNCM et CMN avait été valablement dénoncé par cette dernière. Elle a en conséquence débouté la SNCM de ses demandes tendant à se voir reconnaître le contrôle de la CMN. La SNCM s'est pourvue en cassation.

C. LA CHRONOLOGIE DES FAITS

5. Par une délibération en date du 24 mars 2006, l'assemblée territoriale de Corse a fixé le " principe de l'organisation générale de la desserte maritime de service public entre le port de Marseille et les ports corses à compter du 1er janvier 2007 " et adopté le règlement de l'appel d'offres ainsi que le cahier des charges. Par la même délibération, elle a donné mandat au président de l'Office des Transports pour lancer, au nom de la collectivité, la procédure d'appel d'offres, procéder à l'instruction technique des dossiers et assister la collectivité pour la mise en œuvre de la procédure d'attribution de la délégation de service public.

6. L'attribution de la délégation de service public de continuité territoriale ayant fait l'objet d'un appel d'offres communautaire, plusieurs offres concurrentes ont été déposées le 4 août 2006, date limite de remise des offres, dont une offre globale et indivisible de la SNCM portant sur l'ensemble des lignes et comportant deux options : une option de base avec de nouveaux bateaux avec une demande de subvention à 107 millions d'euro, et une variante avec une subvention à 104 millions d'euro dans l'hypothèse d'une sous-traitance des bateaux de la CMN.

7. Le groupement momentané constitué par la société Corsica Ferries et la CMN a également déposé une offre portant alternativement soit sur les lignes Marseille-Bastia et Marseille-Propriano, soit sur les lignes Marseille-Ajaccio et Marseille-Propriano.

8. A la suite des négociations avec l'OTC prévues aux articles L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales, la SNCM a proposé une offre globale pour un montant de subvention de 94,75 millions d'euro par an.

9. Le 11 décembre 2006, le Conseil de la concurrence a estimé que le dépôt d'une offre globale et indivisible par la SNCM était susceptible, en l'état de l'instruction, d'être regardé comme un abus de position dominante de la part de cette dernière. Une telle offre pouvait avoir pour effet d'évincer les autres entreprises du marché de la gestion déléguée de la liaison maritime entre Marseille et la Corse dans la mesure où, d'une part, aucun autre candidat n'était capable de déposer des offres portant sur l'ensemble des lignes, et, d'autre part, où la présentation de l'offre de la SNCM, par le lien indivisible qu'elle avait établi entre les lignes pour lesquelles elle s'était déclarée candidate, privait l'Office des transports de la Corse de la possibilité de comparer les différentes offres en concurrence sur leurs mérites propres, avec le risque de ne pouvoir, a priori, retenir que l'offre globale, dès lors que les offres individuelles n'étaient pas suffisamment nombreuses pour couvrir la totalité du service public délégué (décision n° 06-MC-03).

10. Le Conseil a notamment enjoint à la SNCM d'indiquer dans les quarante-huit heures à l'Office des transports de la Corse le montant ferme de la subvention sur lequel elle s'engageait ligne par ligne dans l'offre qu'elle avait déposée.

11. Le 13 décembre, la SNCM a adressé au Conseil de la concurrence copie de l'offre divisible ligne par ligne qu'elle détaillait auprès de l'Office.

12. Le 15 décembre 2006, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé la procédure de passation de la délégation du service public. Cette décision a laissé à la collectivité territoriale de Corse le choix de reprendre cette procédure soit intégralement, soit à compter de la nouvelle date à fixer pour la remise, dans les conditions prévues par le règlement particulier d'appel d'offres, des plis contenant les nouvelles offres des candidats.

13. Le 22 décembre 2006, l'Assemblée de Corse, par une délibération n° 06/263 AC, a décidé de prolonger la délégation en cours jusqu'au 30 avril 2007 et de fixer au 1er mai 2007 la date de mise en service de la nouvelle délégation de service public.

14. Le 6 janvier 2007, la cour d'appel de Paris a rejeté, comme étant dépourvu d'objet et donc irrecevable, le recours formé par la SNCM contre la décision précitée du Conseil de la concurrence en date du 11 décembre 2006.

15. Le 9 février 2007, deux offres ont été déposées auprès de l'office des transports : une offre commune constituée par le groupement momentané SNCM/CMN et portant sur la totalité des lignes, sous la forme à la fois d'une offre globale et d'offres ligne par ligne, et une offre de Corsica Ferries portant sur les lignes Ajaccio, Propriano et Porto-Vecchio, sous la forme à la fois d'une offre globale portant sur ces trois lignes et d'offres ligne par ligne, mais dont la date de mise en service était fixée au 12 novembre 2007.

16. Le 20 février 2007, Corsica Ferries a saisi le tribunal administratif de Bastia d'une requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 22 décembre 2006.

17. Le 7 mars 2007, la même société a saisi le Conseil de la concurrence d'une plainte assortie d'une demande de mesures conservatoires.

18. Le 28 mars 2007, le groupement SNCM/CMN a transmis à l'OTC une version modifiée de son offre, se traduisant notamment par une baisse sensible de la subvention demandée en contrepartie de l'offre globale. Toutefois, un grand nombre de paramètres économiques déterminants pour le calcul de la subvention ont subi des modifications importantes : le niveau prévisionnel du trafic, la valeur vénale de certains navires du groupement, la date d'affrètement de nouveaux navires ou encore le niveau des économies de coûts entre l'offre globale et les offres ligne par ligne.

19. Le 29 mars 2007, l'OTC a rendu son avis, qui retient - après négociation - l'offre globale du groupement momentané et rejette l'offre de Corsica Ferries.

D. LA SAISINE

20. Dans sa saisine, en date du 7 mars 2007, la société Corsica Ferries dénonce, en premier lieu, une entente consistant, pour la société Compagnie Méridionale de Navigation (ci-après CMN) et la Société de Navigation Maritime Corse Méditerranée (ci-après SNCM) à mettre en place un groupement momentané d'entreprises sans justification technique ou économique, dont l'objet et l'effet serait d'éliminer toute concurrence entre elles et de réduire fortement la pression concurrentielle que peut exercer la société Corsica Ferries dans le cadre de l'appel d'offres pour le renouvellement de la délégation du service public de la desserte maritime de la Corse à partir de Marseille, permettant ainsi à la SNCM et à la CMN d'augmenter artificiellement la subvention d'exploitation demandée à la collectivité. La saisissante soutient qu'un tel comportement est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce. Elle fait valoir qu'il constitue également, de la part de la SNCM, un abus de position dominante prohibé par les dispositions de l'article L. 420-2 du même code.

21. En second lieu, la société Corsica Ferries estime que la SNCM et la CMN auraient, en violation de l'article L. 420-2 du code de commerce, abusé de leur position dominante collective en demandant un montant de subvention excessif et manifestement disproportionné par rapport aux montants sollicités par la SNCM dans le cadre de sa précédente offre globale de 2006. Ce niveau de subvention permettrait aux membres du groupement de dégager des profits injustifiés, créant ainsi un risque de subvention croisée entre l'activité de gestion déléguée du service public depuis le port de Marseille et l'exploitation des liaisons depuis Nice et Toulon.

22. La société Corsica Ferries a assorti sa saisine au fond d'une demande de mesures conservatoires en application de l'article L. 464-1 du code de commerce.

II. Discussion

A. SUR LA COMPETENCE DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE

23. La SNCM soulève l'incompétence du Conseil de la concurrence pour statuer tant sur les pratiques alléguées d'entente que sur celles dénonçant les abus de position dominante, au motif que les pratiques en cause sont indissociables de la procédure de délégation de service public, dont la légalité ne peut être appréciée que par la juridiction administrative. Le dépôt de l'offre et sa négociation correspondraient à une étape de la procédure conduisant à l'attribution de la délégation, qui constitue une décision prise pour l'organisation du service public et faisant usage de prérogatives de puissance publique. Selon elle, " le Conseil de la concurrence n'est donc pas fondé à examiner, à ce stade de la procédure de l'appel d'offres, la constitution d'un groupement et l'offre qu'il dépose en réponse à un règlement de consultation, puisqu'il se trouve, du fait du déroulement de la procédure organisée par le code général des collectivités territoriales, au coeur du processus de négociation dirigée par la personne publique. "

24. Le caractère prématuré de l'intervention du Conseil de la concurrence se manifesterait "non seulement vis-à-vis de chacun des griefs soulevés par Corsica Ferries, puisque, lors de la phase de négociation, les offres déposées sont amenées à évoluer d'un point de vue qualitatif et financier, mais surtout vis-à-vis de la demande de mesures conservatoires, car l'intervention du Conseil de la concurrence reviendrait à s'immiscer indûment dans l'exercice par la collectivité de Corse de ses prérogatives de puissance publique et contreviendrait au principe de libre administration des collectivités."

25. La CMN, quant à elle, estime que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour statuer "sur les griefs dirigés contre le mode d'organisation du service public et contre l'éventuelle exclusivité de fait qu'il ferait naître au profit du ou des attributaires de la délégation de service public de desserte maritime de la Corse".

26. Mais, en l'espèce, contrairement à ce qu'indiquent les deux entreprises en défense, la légalité des actes de la collectivité territoriale ne sont pas en cause, puisque la saisissante dénonce seulement les comportements de la SNCM et de la CMN qui, par le dépôt d'offres en réponse à la consultation organisée par la collectivité, ont décidé d'intervenir sur le marché défini par cette dernière. Il est de jurisprudence constante, comme l'avait déjà rappelé le Conseil dans sa décision du 11 décembre 2006, que de tels actes de "service" au sens de l'article L. 410-1 du code de commerce, qui sont détachables de ceux par lesquels la collectivité publique fixe le mode d'attribution de la délégation et choisit le délégataire, peuvent être qualifiés par le Conseil au regard du droit des ententes et des abus de position dominantes.

27. La circonstance que la négociation menée avec le groupement soit susceptible de modifier la nature des offres ou leur contenu n'est pas de nature à éliminer la possibilité d'un objet ou d'un effet anticoncurrentiel résultant de la constitution du groupement ou du montant de la subvention qu'il a demandée, qu'il est de la compétence du Conseil d'apprécier.

28. Enfin, l'argument tiré de ce que, compte tenu du stade de la négociation auquel elles sont présentées, les mesures conservatoires sollicitées empièteraient sur les prérogatives dont dispose la collectivité territoriale de Corse sera examiné par la présente décision lorsque seront discutés l'utilité et le bien fondé de ces mesures.

B. SUR LES PRATIQUES

1. LES MARCHES CONCERNES

29. Le Conseil de la concurrence a distingué dans sa décision n° 06-MC-03 précitée un marché du transport maritime régulier de passagers et un marché des services de transport maritime de fret, en laissant ouverte la question de l'éventuelle segmentation du marché de fret selon le type de remorques, tractées ou inertes, auxquelles les transporteurs ont recours. De même, le Conseil n'a pas exclu une segmentation du premier marché de services en fonction de la basse et de la haute saison constituée par la clientèle des touristes.

30. La même décision a également considéré que chacun de ces marchés de service pourrait se subdiviser en trois marchés géographiques : le faisceau de lignes reliant la Corse à Marseille, le faisceau de lignes reliant la Corse à Toulon, et le faisceau de lignes reliant la Corse à Nice. La CMN ne conteste pas ces délimitations provisoires des marchés.

31. La SNCM considère que le marché de transport de marchandises ne devrait pas faire l'objet de subdivisions entre le fret inerte et le fret tracté. Elle conteste également la dimension géographique du marché de transport de marchandises en précisant que ce marché revêt une dimension géographique au moins continentale (ports français et italiens), que subsidiairement, le périmètre du marché doit au moins englober l'ensemble des ports français, Marseille, Toulon et Nice et enfin, à titre très subsidiaire, que le périmètre du marché ne saurait être réduit au seul port de Marseille et devrait au minimum comprendre les ports de Marseille et de Toulon.

32. Mais aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'analyse provisoirement effectuée par le Conseil dans sa précédente décision n'est apporté. Il convient donc de se reporter à cette analyse, menée pour les besoins de l'examen de la demande de mesures conservatoires, qui avait indiqué que plusieurs marchés pertinents pourraient être identifiés en croisant des critères relatifs à la demande (fret et passagers), à la saisonnalité (haute et basse saison), à la substituabilité géographique, aux conditions de concurrence (existence ou non d'une délégation de service public). L'ensemble des éléments examinés sont, à ce stade de l'instruction, suffisants pour confirmer que les liaisons maritimes entre Marseille et la Corse pourraient constituer un marché pertinent, aussi bien pour les passagers que pour le fret.

2. L'EXISTENCE D'UNE POSITION DOMINANTE DETENUE PAR LA SNCM SEULE OU CONJOINTEMENT AVEC LA CMN

33. Le Conseil avait, dans sa décision précitée, conclu, s'agissant de la position individuelle de la SNCM, que l'instruction menée jusqu'ici avait rassemblé suffisamment d'éléments pour considérer que la SNCM est susceptible de détenir une position dominante sur les marchés du transport maritime entre Marseille et la Corse, aussi bien pour les passagers que pour le fret. Si la SNCM conteste cette analyse en se référant à l'argumentation qu'elle a présentée devant la cour d'appel, ces éléments ne sont pas de nature, à ce stade de l'instruction, à remettre en cause la conclusion préliminaire à laquelle était parvenu le Conseil.

34. S'agissant de la position dominante collective de la SNCM et de la CMN sur ces mêmes marchés, le Conseil avait précisé que, même dans l'hypothèse ou le juge judiciaire validerait la dénonciation du pacte d'actionnaires liant les deux entreprises, ce que la cour d'appel de Paris a fait par son arrêt du 15 décembre 2006, "les liens structurels entre la CNM et la SNCM, et les liens commerciaux noués pour l'exécution de la délégation du service public devraient suffire pour constater une position de domination collective de ces deux entreprises sur le transport du fret entre Marseille et la Corse".

35. Cette analyse, encore préliminaire au stade de l'instruction où elle a été menée, est contestée par la SNCM qui se réfère sur ce point également à ses écritures devant la cour d'appel. Elle est également discutée par la CMN, sans être pour autant remise en cause.

36. Dans ses décisions n° 06-D-02 du 20 février 2006, n°06-D-18 du 28 juin 2006 et n° 07-D-08 du 12 mars 2007 (paragraphe 207 et suivants), le Conseil de la concurrence a rappelé les principes dégagés par la jurisprudence française et communautaire pour définir une position dominante collective :

"pour démontrer l'existence d'une position dominante collective, il faut établir que les entreprises "ont, ensemble, notamment en raison des facteurs de corrélation existant entre elles, le pouvoir d'adopter une même ligne d'action sur le marché et d'agir dans une mesure appréciable indépendamment des autres concurrents, de leur clientèle et, finalement, des consommateurs" (CJCE, 31 mars 1998, aff. jointes C-68-94 et C-30-95, Kali & Saltz, pt. 221; TPICE, 25 mars 1999, aff. T-102-96, Gencor, pt. 163), ce qui peut ressortir de l'examen même des liens ou facteurs de corrélation juridiques existant entre les entreprises ou de l'examen de la structure du marché selon les critères dégagés par le Tribunal de première instance des communautés dans l'arrêt Airtours.

L'existence de liens structurels entre des entreprises d'une part, tels que des liens en capital ou encore des accords formalisés entre elles, et l'adoption d'une ligne commune d'action sur le marché d'autre part, suffisent à démontrer l'existence d'une position de dominance collective (CJCE, 16 mars 2000, Compagnie maritime belge ; TPICE, 7 octobre 1999, Irish Sugar ; Cour de cassation, 5 mars 1996, Total Réunion Comores ; Cour d'appel de Paris, 30 octobre 2001, OMVESA ; Cour d'appel de Paris, 4 juin 2002, CFDT Radio Télé).

En l'absence de tels liens, la seule structure du marché peut permettre de mettre en évidence une position dominante collective, si les critères cumulatifs dégagés par le Tribunal de première instance dans son arrêt Airtours du 6 juin 2002 (affaire T-342-99) sont réunis, à savoir la structure oligopolistique et la transparence du marché concerné, la possibilité d'exercer des représailles sur les entreprises déviant de la ligne d'action commune et enfin la non contestabilité du marché ou l'absence de compétition potentielle (...)".

37. Si l'on s'intéresse à la première branche de cette définition alternative de la position dominante collective qui, faut-il le rappeler, n'est pas illicite en soi, force est de reconnaître qu'il existe des liens ou facteurs de corrélation structurels entre les deux entreprises : des liens en capital dans la mesure où la SNCM détient des participations à deux niveaux dans l'actionnariat des sociétés du groupe STEF-TFE (45% du capital de la CMN et 45% dans celui de la CGTH qui détient 53% de la CMN) ; l'exécution en commun de l'actuelle délégation de service public qui a donné lieu à la signature d'une convention de partenariat, après la constitution d'un groupement momentané d'entreprises afin d'obtenir le renouvellement de la convention pour la période 2002-2006 ; le partage d'un même réseau de distribution de billets ; la décision de créer, à nouveau, un groupement momentané pour se porter candidat à la nouvelle délégation de service public devant entrer en service à compter du 1er mai 2007.

38. La CMN insiste sur le fait que ces liens structurels sont subis par elle, plus qu'ils ne sont désirés. Elle souligne son indépendance managériale vis-à-vis de la SNCM, qu'elle revendique fortement et indique l'avoir démontrée en déposant, en août 2006, une offre concurrente de celle de la SNCM lors du précédent appel d'offres. Elle explique qu'elle ne dispose d'aucun moyen légal d'obtenir, malgré toutes ses tentatives, la cession forcée des participations détenues par le groupe SNCM. Elle fait valoir enfin, que le système technique de distribution de billets, qu'elle a mis en commun avec la SNCM, concerne une prestation qui n'est pas au coeur de son métier.

39. Ces arguments n'emportent pas, à ce stade de l'instruction, la conviction du Conseil : l'examen des liens ou facteurs de corrélation structurels doit en effet se faire, pour la recherche de la domination collective d'un marché, non pas de manière subjective, en tenant compte de l'intérêt respectif des entreprises à les poursuivre ou à y mettre fin, mais de manière objective en tenant compte de critères comme leur intensité, leur ancienneté, leur constance, leur aptitude à réunir les entreprises ainsi liées autour d'une ligne d'action commune.

40. C'est sur ce dernier point que l'instruction devra être poursuivie, afin de caractériser plus finement la ligne d'action commune - en matière de politique tarifaire ou de choix de politique commerciale - qui a pu être adoptée par les deux entreprises.

3. LES COMPORTEMENTS DENONCES

a) sur le caractère anticoncurrentiel de la constitution du groupement momentané entre la SNCM et la CMN :

41. Il est de jurisprudence constante que la constitution de groupements momentanés pour répondre à un appel d'offres n'a pas, en soi, un objet illicite (voir notamment en ce sens les décisions du Conseil n° 07-D-01 du 17 janvier 2007, n° 05-D-74 du 20 décembre 2005, n° 03-D-19 du 15 avril 2003, n° 04-D-17 du 15 avril 2004, n° 04-D-20 du 14 juin 2004 et les arrêts de la Cour d'appel de Paris du 5 décembre 2000 et du 18 février 2003).

42. Le Conseil de la concurrence considère que "de tels groupements peuvent avoir un effet pro-concurrentiel s'ils permettent à des entreprises, ainsi regroupées, de concourir alors qu'elles n'auraient pas été en état de le faire isolément ou de concourir sur la base d'une offre plus compétitive. Ils peuvent, en revanche, avoir un effet anticoncurrentiel s'ils provoquent une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates, dissimulant une entente anticoncurrentielle ou de répartition des marchés. Si l'absence de nécessité technique et économique de nature à justifier ces groupements peut faire présumer leur caractère anticoncurrentiel, elle ne suffit pas à apporter la preuve d'un tel caractère" (décisions n° 04-D-57 du 16 novembre 2004 ; n° 03-D-19 du 15 avril 2003).

43. Dans une décision n° 05-D-24 du 31 mai 2005, il a relevé que "la complémentarité technique entre les membres d'un groupement peut tout autant recouvrir l'addition de spécialités différentes, de procédés techniques exclusifs, de facilités d'approvisionnement en matériaux que la simple disponibilité de matériels et de personnels. L'existence supposée ou avérée de moyens matériels et humains au sein d'une entreprise ne permet pas de préjuger des capacités de mobilisation rapide voire simultanée, sur un territoire géographique aussi étendu qu'un département dans le cadre d'un processus de réalisation technique de travaux offrant peu de souplesse. Une soumission en partenariat permet d'accroître les marges de manœuvre en termes de moyens mobilisables".

44. La Cour d'appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 18 février 2003 (Syndicat intercommunal de l'eau de Dunkerque), que la formule du groupement pouvait avoir plusieurs justifications pour une entreprise : l'aider à acquérir une compétence lui faisant défaut, s'assurer de meilleures chances de succès, répartir la charge de travail afin de gagner en souplesse, la mettre en situation de réaliser des travaux qu'il lui aurait été difficile de réaliser seule compte-tenu de leur importance. La pertinence de ces justifications techniques est appréciée au cas par cas, en évaluant leur effet sur l'intensité de la concurrence résiduelle une fois le groupement formé.

45. En l'espèce, l'instruction écrite et l'audience qui s'est tenue le 4 avril ont convaincu le Conseil que, si l'on peut s'interroger sur les économies d'échelle justifiant le groupement (celles-ci se trouveraient plutôt dans les services à terre - frais de structure, systèmes de réservation etc...- que la CMN tient justement à ne pas fusionner avec ceux de la SNCM), il existe des justificatifs techniques de nature à accroître l'efficacité concurrentielle de ce groupement. Compte tenu de la façon dont a été organisé l'appel d'offres, qui exige des candidats le dépôt d'offres pour des lignes complètes (service permanent et complémentaire), la CMN ne peut, avec ses moyens existants, répondre que sur deux lignes secondaires (en ne rentabilisant que deux navires sur trois) ou sur une partie du service pour des lignes plus importantes (ce qui l'exclurait de la compétition). La SNCM a, quant à elle, besoin des navires de la CMN - comme elle le reconnaît dans ses dernières écritures - pour présenter une offre globale. La réunion des deux entreprises répond donc à une complémentarité technique objectivement justifiée, qui augmente leurs chances de succès dans l'appel d'offres organisé par la collectivité et améliorera le service rendu si le groupement est retenu (plus grande souplesse, optimisation des mouvements de navires, meilleure garantie de continuité de service en cas de problèmes sociaux).

46. Dans ce contexte, l'objet anticoncurrentiel du groupement ne ressort pas de l'examen des justifications avancées pour sa constitution. Et si la société Corsica Ferries soutient que la véritable motivation des deux entreprises aurait été "d'assécher" la concurrence ou du moins de diminuer fortement la pression concurrentielle qu'elle pourrait exercer, elle n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations. C'est en réalité la décision de la collectivité de choisir le 1er mai 2007 comme date de mise en service de la nouvelle délégation - choix d'ailleurs contesté par Corsica Ferries devant la juridiction administrative - qui est la cause de cette éviction. Compte tenu du fait que les billets pour la saison touristique 2007 sont mis en vente à compter du mois de janvier, la société Corsica Ferries, ayant déjà mobilisé sa flotte sur Nice et Toulon, s'est trouvée dans l'impossibilité de proposer une offre effective au 1er mai et a dû reporter la date d'effet de son offre au 12 novembre 2007 - date elle-même incompatible avec les prescriptions du cahier des charges.

b) sur l'abus d'exploitation reproché à la SNCM seule ou conjointement avec la CMN :

47. Selon la jurisprudence communautaire et nationale, les prix pratiqués par une ou plusieurs entreprises en position dominante peuvent, par leur caractère excessif, être considérés, dans certaines circonstances, comme constitutifs d'un abus d'exploitation du pouvoir de marché (Conseil de la concurrence, 15 décembre 2006, n° 06-D-39). Une pratique de prix abusifs à l'égard de particuliers ou de professionnels peut être établie, s'il existe une disproportion manifeste entre ce prix et la valeur du service correspondant (CJCE, General Motors, 13 novembre 1975 et CJCE, 11 novembre 1986, British Leyland), ou si une telle anomalie manifeste apparaît à la suite d'une comparaison effectuée sur une base homogène dans le cadre d'une analyse des composants du prix pratiqué (CJCE, 14 février 1978, UBC et CJCE, 13 juillet 1989, Tournier).

48. Le représentant de l'OTC a indiqué à l'audience que la moyenne annuelle (valeur 2007) des subventions réellement versées au groupement SNCM/CMN pour la période 2002 - 2006 a été d'environ 100 millions d'euro.

49. En août 2006, la SNCM a déposé, seule, une offre globale en demandant une subvention de 94,75 millions d'euro par an.

50. En février 2007, le nouveau groupement SNCM/CMN a déposé une offre, estimée par Corsica Ferries supérieure d'environ 30 % à l'offre déposée par la SNCM seule lors du précédent appel d'offres et à la subvention actuellement accordée au groupement par la collectivité. Il convient cependant de relever qu'elle comportait une option qualitative qui renchérissait - mais pas dans des proportions aussi fortes - la valeur du service rendu.

51. En mars 2007, après négociation avec la collectivité et alors que l'instruction de la demande des mesures conservatoires était en cours, le même groupement a substantiellement baissé son offre pour atteindre un niveau de subvention plus proche de celui pratiqué en 2006 par la collectivité.

52. Deux points ne font pas de doute dans l'application du raisonnement sur les prix abusifs au cas de l'espèce.

53. En premier lieu, il est certain que la jurisprudence citée au paragraphe 47 s'applique, non seulement aux prix pratiqués par une entreprise à l'égard des acheteurs auxquels elle fournit des biens ou des services, mais aussi aux avantages financiers de toute nature que l'entreprise peut extraire, du fait de son pouvoir de marché, du bénéficiaire du service rendu ou de celui qui l'organise : en l'espèce une subvention versée par la collectivité de Corse en contrepartie de l'exécution de la délégation de service public entre dans cette catégorie.

54. En second lieu, le lien de causalité entre l'important pouvoir de marché dont dispose - seule ou conjointement avec la CMN - la SNCM et le montant de la subvention qu'elle est capable d'extraire de la collectivité ressort clairement du dossier. Ce pouvoir de marché est d'autant plus fort :

- que la SNCM est l'actuel délégataire du transport maritime entre Marseille et la Corse, avec ses propres moyens qui ont été conçus pour ces missions ou adaptés, au fil des ans, à leurs spécificités ;

- qu'elle se sait incontournable dans l'attribution de la nouvelle délégation ;

- qu'elle dispose d'une arme puissante de persuasion avec la "clause de retour" négociée lors de sa privatisation, par laquelle l'État a consenti à ses acquéreurs la possibilité de sortir du capital de la SNCM si la délégation de service public n'était pas renouvelée, dans sa totalité, au profit de celle-ci.

55. C'est bien l'existence d'un tel pouvoir de marché qui explique le dépôt par la SNCM, en février 2007, d'une offre en groupement dont le coût était, pour la collectivité, substantiellement supérieur à celui sur lequel elle s'était accordée, seule, à la fin 2006 et qui, dans une compétition réellement ouverte, aurait exposé son auteur à un risque sérieux d'être écarté.

56. Deux questions méritent cependant d'être examinées :

- un abus peut-il résulter d'une simple proposition de prix - ou en l'espèce d'une demande de subvention - alors même que la négociation conduit in fine à un montant moins élevé ?

- pour l'application de la jurisprudence citée au paragraphe 47, par rapport à quels éléments convient-il d'apprécier l'éventuelle "disproportion manifeste" ?

57. L'ensemble de ces éléments ou interrogations conduit le Conseil à souhaiter que les pratiques d'abus d'exploitation reprochées par la société plaignante - dans le contexte à la fois bref et mouvant dans lequel s'inscrit la saisine - fassent l'objet d'une instruction au fond.

58. Cette dernière devra s'attacher en particulier :

- à vérifier quel montant de subvention effectif sera versé au groupement - dans le cas où il remporterait l'appel d'offres - pendant les premières années de la délégation. Il existe en effet des incertitudes sur les conséquences que pourra créer, à la hausse, le jeu de la clause de sauvegarde insérée à l'article 7.2 du projet de convention de délégation, qui prévoit la compensation partielle de la différence entre recettes prévisionnelles et recettes réelles, alors même que les chiffres du trafic prévisionnel fournis par la SNCM ont subi de fortes variations entre février et mars 2007, sans que les représentants de l'Office des transports de la Corse, interrogés au cours de l'audience, ne puissent les expliquer ;

- à rechercher les raisons pour lesquelles, alors que l'offre globale du groupement a fait l'objet d'une diminution substantielle au cours de la négociation qui s'est tenue jusqu'au 29 mars 2007, le total du montant des offres présentées ligne par ligne -conformément à l'injonction prononcée le 11 décembre 2006 par le Conseil - n'a fait l'objet que d'un ajustement très marginal à la baisse. L'observation des faits montre en effet qu'il suffit au groupement SNCM/ CMN, seul en situation d'obtenir l'exploitation groupée des cinq lignes offertes à la compétition, de déterminer le montant de la subvention qu'il désire pour cette exploitation, puis de demander des subventions très élevées pour chacune des cinq offres ligne par ligne, pour obtenir avec certitude que toute solution envisagée par la collectivité consistant à "panacher" une partie de ces dernières avec tout ou partie de celles de son concurrent, se révèle plus coûteuse pour elle et soit donc écartée de l'attribution des lots.

59. En conclusion, la saisine au fond dénonçant le caractère anticoncurrentiel du groupement momentané constitué entre la SNCM et la CMN doit être rejetée, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L.462-8 du code de commerce, comme dépourvue d'éléments suffisamment probants. Son instruction doit, au contraire, être poursuivie, en ce qui concerne les pratiques alléguées d'abus d'exploitation et pourra conduire le Conseil à se saisir d'office en application de l'article L.462-5 du code de commerce si l'observation des faits postérieurs à l'attribution de la délégation le justifie.

C. SUR LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES

60. Aux termes de l'article L.464-1 du code de commerce, "le Conseil de la concurrence peut [...] prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui paraissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt du consommateur ou à l'entreprise plaignante. Elles peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence."

61. Les mesures conservatoires présentées par la société Corsica Ferries sur le fondement des dispositions précitées ont varié entre la saisine du 7 mars 2007, ses écritures déposées le 22 mars suivant, qui ont "précisé et modifié" la nature des injonctions sollicitées, puis l'audience qui s'est tenue le 4 avril.

62. Dans le dernier état de sa demande, telle qu'elle a été présentée à l'audience, la société Corsica Ferries sollicite du Conseil :

- qu'il enjoigne à la SNCM et à la CMN de mettre fin, dans les plus brefs délais, à leur accord intervenu pour constituer un groupement momentané en vue de répondre à l'appel d'offres organisé par l'OTC pour le renouvellement de la délégation du service public de la desserte maritime de la Corse ;

- qu'il enjoigne aux mêmes sociétés de ramener leur demande de subvention au montant de 94,75 millions d'euro correspondant à l'offre déposée par la SNCM, après négociation, dans le cadre de la procédure de renouvellement finalement annulée par le Conseil d'Etat le 15 décembre 2006 ;

- qu'il enjoigne aux mêmes sociétés de faire rapport chaque année au Conseil de la concurrence, dans le cas où le groupement qu'elles ont constitué serait retenu comme délégataire, du montant effectif de la subvention reçue de la collectivité de Corse en contrepartie de l'exécution de la délégation de service public.

63. La première mesure conservatoire doit être écartée par voie de conséquence du rejet, pour défaut d'éléments suffisamment probants, de la saisine au fond en tant qu'elle conteste la constitution du groupement momentané entre la SNCM et la CMN.

64. La deuxième injonction va manifestement au-delà de ce que commanderait la prévention, en urgence, d'un éventuel abus d'exploitation : le Conseil de la concurrence qui n'est ni l'arbitre, ni à fortiori le "faiseur" des prix, ne peut - sans empiéter sur les prérogatives de l'assemblée de Corse ni limiter à l'excès la liberté des acteurs économiques - décider lui-même de ce que doit être la valeur du service objet de l'appel d'offres.

65. La troisième et dernière mesure est inutile, dans la mesure où les informations visées peuvent être obtenues par les services d'instruction du Conseil dans le cadre des pouvoirs que leur confient les articles L.450-1 et suivants du code de commerce.

66. Il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin de vérifier que les autres conditions posées par l'article L.464-1 du code de commerce sont remplies, de rejeter la demande de mesures conservatoires présentées par la société Corsica Ferries.

DECISION

Article unique : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le n° 07/0023 M est rejetée.