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Décisions

Cass. soc., 3 avril 2007, n° 05-43.008

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Duse

Défendeur :

Novax (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gillet (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Bobin-Bertrand

Avocat général :

M. Duplat

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Gatineau

Cons. prud'h. Grenoble, du 12 févr. 2004

12 février 2004

LA COUR : - Attendu que M. Duse, engagé le 16 février 1999 par la société Novax en qualité d'attaché commercial et devenu responsable de groupe, s'est vu proposer la modification de son contrat de travail par lettre du 31 octobre 2002, lui impartissant un délai d'un mois pour faire connaître sa réponse et l'informant que son défaut de réponse à l'issue de ce délai, vaudrait acceptation ; qu'après avoir refusé cette modification et obtenu, à sa demande, le statut de VRP, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par lettre du 6 janvier 2003 ; qu'il a ensuite été licencié pour faute grave le 4 mars 2003;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail lui était imputable et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°) que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié qui a refusé une proposition de modification de son contrat de travail n'est justifiée que si l'employeur lui a, malgré ce refus, effectivement imposé ladite modification, qu'en déduisant le bien-fondé de la prise d'acte du seul constat que le salarié avait refusé la modification du contrat de travail proposé par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du Code du travail ; 2°) que les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de pure affirmation ; qu'en l'espèce, la société Novax contestait avoir appliqué au salarié la modification du contrat de travail qui lui avait été proposée le 31 octobre 2002, en indiquant que les seuls changements intervenus n'étaient que la conséquence du passage au statut de VRP, sollicité par M. Duse lui-même; qu'en affirmant péremptoirement que la société aurait mis en œuvre la proposition refusée par M. Duse, sans préciser concrètement en quoi cette proposition avait été appliquée, ce qui était expressément contesté par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'employeur n'avait pas renoncé à la modification refusée par le salarié, en a justement déduit que celui-ci était fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail ;

Sur le moyen unique du pourvoi du salarié : - Attendu que le salarié reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la modification de son contrat de travail ne revêtait pas un caractère économique et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen : 1°) qu'en affirmant que la modification du contrat de travail de M. Duse ne revêtait pas un caractère économique alors qu'elle constatait que, par lettre en date du 31 octobre 2002, la société Novax avait informé le salarié de la transformation de son emploi et de la diminution de son commissionnement et lui avait imparti un délai d'un mois pour faire connaître se réponse, sans quoi son silence équivaudrait à une acceptation de ces modifications de son contrat de travail, ce dont il résultait qu'elle lui avait proposé, peu important l'absence de référence à l'article L. 321-1-2 du Code du travail, une modification de son contrat de travail pour motif économique, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L. 321-1-2 du Code du travail; 2°) que l'accord du salarié, lorsque la modification est justifiée par un motif personnel ou disciplinaire, doit être clair et sans équivoque et ne peut en aucune manière se déduire du silence du salarié ; qu'ainsi en admettant même que l'usage par l'employeur de la procédure de l'article L. 321-1-2 du Code du travail ne suffise pas à caractériser l'existence d'une modification du contrat pour motif économique, cette conclusion s'impose nécessairement dès lors qu'il apparaît que l'employeur a assimilé le défaut de réponse du salarié à son acceptation; qu'en conséquence, la cour d'appel qui tout en relevant que le courrier envoyé par la société Novax à M. Duse, qui lui proposait de "réfléchir" aux propositions de modification pendant un mois, lui rappelait également que le défaut de réponse de sa part à l'issue de ce délai équivaudrait à une acceptation de ces modifications, a néanmoins cru pouvoir leur dénier toute nature économique, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé une nouvelle fois les articles L. 321-1 et L. 321-1-2 du Code du travail ; 3°) subsidiairement, que s'il appartenait au salarié qui invoquait une autre motivation à la mesure de modification de son contrat que celle que son employeur avait avancée, de verser aux débats des éléments établissant que ce dernier lui avait bien, pour des considérations économiques, proposé cette modification, il ne pouvait en revanche être exigé de lui qu'il établisse la réalité du motif économique tel qu'énoncé par l'article L. 321-1 du Code du travail; qu'en déboutant, dès lors, M. Duse, qui avait pourtant établi que la décision de modifier son contrat n'avait pas été prise pour des raisons personnelles ou disciplinaires, mais bien dans un souci de réorganiser l'ensemble de la force de vente constituée de douze commerciaux afin de redresser une situation qualifiée par son employeur lui même d' "extrêmement inquiétante" pour la société, de sa demande tendant à voir constater le caractère économique de la mesure de modification aux motifs qu'il n'aurait pas démontré que la société Novax aurait été confrontée à des difficultés économiques mettant en péril sa compétitivité ou sa pérennité, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 4°) que la réorganisation, qui conduit à des modifications de contrats refusées par les salariés licenciés, n'a pas nécessairement à entraîner une réduction des effectifs pour que les licenciements revêtent un caractère économique; qu'en l'espèce, la cour d'appel, tout en constatant pourtant que M. Duse avait été privé de ses fonctions de responsable de groupe, a cru pouvoir affirmer que la modification de son contrat de travail ne revêtait pas un caractère économique dans la mesure où aucun poste n'aurait été supprimé au sein de la société ; qu'en subordonnant, dès lors, la constatation du caractère économique de la modification à l'existence d'une compression des effectifs de l'entreprise, elle a violé, par fausse application, l'article L. 321-1 du Code du travail;

Mais attendu que le moyen est inopérant dès lors que la cour d'appel qui a statué, comme elle le devait, en premier lieu, sur la demande de prise d'acte, a constaté que celle-ci était justifiée et en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs au caractère économique de la modification proposée et sans avoir à se prononcer sur des demandes indemnitaires que ses constatations rendaient sans objet, qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Mais sur le second moyen du pourvoi incident de l'employeur : - Vu l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs-représentants-placiers du 3 octobre 1975; - Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnité spéciale de rupture, l'arrêt retient que le droit à indemnité du salarié doit s'apprécier en fonction de son statut au moment de la rupture ; qu'au jour de la rupture, son statut était celui de VRP; qu'en application de l'article 14 de la convention collective des VRP, l'indemnité spéciale de rupture s'élève à 3,1 mois de salaires ; qu'en effet la prise d'acte de la rupture ayant eu lieu le 6 janvier 2003, le contrat expirait le 6 avril 2003 compte tenu du préavis; qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de l'article 14 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, l'ancienneté prise en compte pour le calcul de l'indemnité spéciale de rupture est celle acquise dans la fonction, la cour d'appel, qui s'est prononcée au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, a violé le texte susvisé;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'une indemnité spéciale de rupture, l'arrêt rendu le 13 avril 2005, entre les parties, par la Cour d'appel de Grenoble; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Chambéry.