Cass. soc., 4 avril 2007, n° 05-44.104
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Finimétal (SA)
Défendeur :
Luquet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Rapporteur :
M. Texier
Avocat général :
M. Foerst
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Masse-Dessen, Thouvenin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Luquet a été embauché le 1er avril 1990 par la société Finimétal en qualité de VRP ; que son contrat stipulait qu'il était rémunéré par des commissions calculées à des taux dépendant des produits et des remises consenties, mais que cette clause n'a jamais été appliquée jusqu'au 1er juin 1999, date à laquelle la société l'a mise en application ; qu'à la suite de l'envoi de plusieurs courriers infructueux dénonçant cette pratique, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail ;
Sur le pourvoi principal formé par la société Finimétal : - Sur le premier moyen : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail de M. Luquet aux torts de la société, alors, selon le moyen : 1°) que le caractère discrétionnaire d'un avantage exclut qu'il puisse constituer un usage d'entreprise; qu'en l'espèce, l'arrêt énonce qu'en vertu d'une clause contractuelle, la faculté pour l'employeur d'imputer sur les commissions dues à M. Luquet les ristournes que la société Finimétal accordait aux clients était à la discrétion de celle-ci ; qu'en affirmant néanmoins que l'employeur avait supprimé un usage fixe de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil; 2°) que l'existence d'un usage d'entreprise résulte de la généralité, de la constance et de la fixité de l'avantage en cause, que, pour affirmer qu'il s'était institué au profit des salariés VRP, dont M. Luquet, un usage constant et général de ne pas imputer les escomptes accordés par l'employeur aux clients sur l'assiette de leurs commissions, à l'encontre du texte même du contrat de travail, la cour d'appel a relevé d'une part, que la société Finimétal avait accordé en 1993 des escomptes de 2,8 % à la société Novarina et de 3 % à la société Mestre, d'autre part, qu'il résultait d'une lettre de M. Luquet et d'un autre salarié VRP de la société qu'une opération de réduction de délai de paiement contre escompte sur facture avait existé en 1996, et que la société Finimétal n'avait jamais diminué les commissions du fait d'escomptes jusqu'en 1999; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la constance et la généralité de l'avantage en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant relevé que le calcul des commissions avant escompte concernait l'ensemble des VRP et qu'il s'était toujours appliqué jusqu'en 1999, a caractérisé la généralité et la constance de l'usage; que le moyen n'est pas fondé;
Mais sur le second moyen : - Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que la cour d'appel, en décidant que la demande d'indemnité de licenciement formulée par M. Luquet devait être requalifiée en demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a dénaturé les termes du litige;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident formé par M. Luquet : - Vu les articles L. 122-9 et L. 751-9 du Code du travail ; - Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité de clientèle et ne pas subsidiairement condamner la société à lui payer l'indemnité légale de licenciement, l'arrêt retient que M. Luquet justifie avoir augmenté la clientèle en nombre et en valeur ; qu'il est seulement contesté qu'il ait effectivement perdu sa clientèle, au motif qu'il continuerait de vendre le même genre de produit pour une autre société; qu'il convient de le débouter de sa prétention de ce chef; qu'il demande, subsidiairement, une indemnité de licenciement qui, compte tenu des modalités de calcul, douze mois de salaires, et de sa motivation, le caractère abusif et injustifié de la rupture, est en réalité une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir débouté M. Luquet de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle, et sans statuer sur son droit à une indemnité de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité légale de licenciement [selon arrêt rectificatif du 26 juin 2007] et accordé une somme de 70 000 euro à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 14 juin 2005, entre les parties, par la Cour d'appel de Chambéry; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Grenoble.