Livv
Décisions

Cass. crim., 27 mars 2007, n° 06-85.442

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farge (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Delbano

Avocat général :

M. Mouton

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan

TGI Toulouse, 3e ch., du 17 oct. 2005

17 octobre 2005

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par X, Y, contre l'arrêt n° 525 de la Cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 2006, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, les a condamnés, chacun, à 12 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication et d'affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation du principe non bis in idem et des articles 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée et prononcé des condamnations pénales et civiles du chef de publicité de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que s'agissant de la prétendue violation de l'autorité de chose jugée, en ce que les prévenus ont déjà été jugés pour les mêmes faits par le Tribunal correctionnel de Nantes, la règle invoquée fondée sur les dispositions de l'article 132-2 du Code pénal ne saurait trouver à s'appliquer car, s'il s'agit de faits de même nature et correspondant à des opérations commerciales similaires au cours de la même période, les faits se sont déroulés en un lieu différent vis-à-vis d'une clientèle distincte (arrêt, p. 7) ;

"alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur, même s'il se manifeste lors de chaque communication au public d'une telle publicité, constitue une infraction unique qui ne peut être poursuivie et sanctionnée qu'une seule fois dès l'instant où il s'agit d'allégations identiques, contenues dans le même message publicitaire et diffusées simultanément dans le cadre d'une campagne unique définie pour l'ensemble des magasins d'un groupe ; que les prévenus ont fait valoir qu'ils avaient été jugés pour avoir, à Nantes, réalisé des tracts publicitaires pour des opérations commerciales du 9 au 13 janvier 2002, précisément des soldes à 100 %, alors que certains produits n'étaient pas disponibles en magasin et pour avoir réalisé des affiches omettant de surcroît la restriction " quantité répartie sur cinq jours dans le magasin ", qu'ils avaient été condamnés en conséquence à une peine d'amende de 5 000 euro pour publicité trompeuse par le Tribunal correctionnel de Nantes, peine aggravée à 20 000 euro par la Cour d'appel de Rennes, dont l'arrêt est devenu définitif ; que ces publicités contenaient donc le même message que celles incriminées dans la présente procédure ; qu'elles avaient été véhiculées par les mêmes supports (affiches et tracts) et pour la même période de soldes (opérations commerciales du 9 au 13 janvier 2002) ; que dès lors que la cour d'appel constatait que les prévenus avaient été déjà jugés pour des publicités de même nature, qui correspondaient à des opérations commerciales similaires et simultanées par rapport aux faits dont elle avait à connaître relevant d'un dessein unique, il importait peu que les publicités incriminées se manifestent envers une clientèle différente en un lieu différent que les publicités déjà jugées ; qu'en effet, ces faits, commis à Nantes et à Toulouse, procédaient ainsi d'une seule et même infraction, et avait donc déjà été jugée au criminel ; qu'en conséquence, la cour d'appel devait déclarer éteinte l'action publique par l'effet de la chose jugée ; que la cassation aura lieu sans renvoi" ;

Vu l'article 6 du Code de procédure pénale ; - Attendu que l'action publique s'éteint par la chose jugée ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que X et Y, qui dirigent un groupe de sociétés exploitant des magasins d'habillement, ont été poursuivis pour avoir, à Toulouse, courant janvier et février 2002, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ; que, devant le tribunal correctionnel, puis la cour d'appel, les prévenus ont fait valoir qu'ils avaient été condamnés par jugement du Tribunal correctionnel de Nantes du 23 septembre 2003 pour les mêmes annonces diffusées dans le département de la Loire-Atlantique, à l'occasion de la même campagne publicitaire ;

Attendu qu'il résulte encore des pièces produites à l'appui du pourvoi que le jugement du 23 septembre 2003 a été confirmé, quant à la culpabilité des deux prévenus du chef de publicité de nature à induire en erreur, par arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 18 novembre 2004, décision devenue définitive par le rejet du pourvoi prononcé le 14 juin 2005 ;

Attendu que, pour écarter l'exception soulevée par les prévenus, l'arrêt retient que, si les faits commis dans la Loire-Atlantique sont de même nature et correspondent à des opérations commerciales similaires, ils se sont déroulés en des lieux différents et à l'égard de clientèles distinctes ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur, même s'il se manifeste lors de chaque communication au public d'une telle publicité, constitue une infraction unique qui ne peut être poursuivie et sanctionnée qu'une seule fois dès l'instant où il s'agit d'allégations identiques, contenues dans le même message publicitaire et diffusées simultanément, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la Cour d'appel de Toulouse, en date du 11 mai 2006 ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.