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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 30 novembre 2004, n° 03-04896

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Diapar (Sté), Groupe G 20 (Sté)

Défendeur :

Prodim (Sté), CSF (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

MM. Patte, Christien

Avoués :

SCP Castres Colleu Perot & Le Couls-Bouvet, SCP Chaudet-Brebion-Chaudet

Avocats :

Mes Perrin, Lehuede

T. com. Rennes, du 17 juin 2003

17 juin 2003

Exposé du litige

Le 11 juillet 1997, la société Sodico a souscrit avec la société Comptoirs Modernes Economiques de Rennes (CMER) un contrat de franchise, d'approvisionnement et de jouissance de l'enseigne Comod, en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce à dominante alimentaire situé dans le centre commercial "Les Chardons" à Pleumeur-Bodou, pour une durée de sept années à compter du 15 juillet 1997;

La société CMER est devenue la société Comptoirs Modernes Supermarché Ouest (CMSO) qui s'est elle-même scindée entre la société Prodim et la société CSF, la première société reprenant la partie "franchise" et la seconde la partie "approvisionnement et logistique";

Un important contentieux étant né entre la société Sodico et les franchiseurs successifs, le Tribunal de commerce de Rennes, suivant jugement en date du 17 juin 2003, a notamment condamné la société Sodico à poursuivre ses relations contractuelles avec Prodim et CSF et à payer, à titre de dommages et intérêts, 7 500 euro à la première société et 35 000 euro à la seconde;

Ce jugement a fait l'objet d'un appel dont les parties se sont ensuite désistées;

Suivant assignation en date du 28 février 2003 les sociétés Prodim et CSF ont fait assigner la société Diapar et la société Groupe G 20 afin que le jugement à intervenir (jugement du 17 juin 2003) leur soit déclaré commun, que ces sociétés soient condamnées sous astreinte à cesser leurs activités malveillantes et qu'elles soient condamnées à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil;

Par jugement en date du 1er juillet 2003 le Tribunal de commerce de Rennes a:

- condamné sous astreinte la société Groupe G 20 à s'abstenir de mettre en place, sur le fonds de commerce de la société Sodico, l'enseigne G 20;

- déclaré fautive l'attitude des sociétés G 20 et Diapar;

- condamné solidairement la société Sodico et les sociétés Diapar et Groupe G 20 à payer diverses sommes aux sociétés Prodim et CSF sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil outre 1 525 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

La société Diapar et la société Groupe G 20 ont interjeté appel de cette décision en demandant à la cour, aux termes de leurs conclusions récapitulatives déposées et signifiées, pour la société Diapar le 4 octobre 2004 et pour la société Groupe G 20 le 20 juillet 2004,

En ce qui concerne la société Diapar:

- de constater le défaut de qualité à agir des sociétés Prodim et CSF;

- de constater que la clause d'approvisionnement constitue une pratique de concurrence, telle que visée aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce

- de la dire nulle et de nul effet et de débouter les sociétés Groupe G 20 et CSF de leurs demandes contraires aux règles d'ordre public économique;

- de condamner les mêmes solidairement à payer à la société Diapar la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

En ce qui concerne la société Groupe G 20:

- de débouter les sociétés appelantes de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives la société Prodim et la société CSF demandent à la cour :

- d'écarter des débats les conclusions notifiées par la société Diapar le 4 octobre 2004 pour violation du principe du contradictoire en application de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile;

- à titre subsidiaire de déclarer recevable l'action diligentée par les sociétés Prodim et CSF à l'encontre de la société Diapar;

- de constater que la société Diapar ne sollicite plus le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir dans l'instance ayant opposé les sociétés Prodim et CSF à la société Sodico;

- de décerner acte aux sociétés appelantes de ce qu'elles renoncent au bénéfice du jugement en ce qu'il a condamné sous astreinte la société Groupe G 20 à s'abstenir de mettre en place son enseigne, dans la mesure où Sodico a repris ses relations contractuelles avec elles;

- de confirmer pour le surplus le jugement entrepris sauf à retenir en tant que de besoin que les fautes des sociétés société Diapar et Groupe G 20 constituent non seulement une faute de nature délictuelle mais aussi des faits de concurrence déloyale;

- de condamner en outre les sociétés Diapar et Groupe G 20 à payer:

* à la société Prodim la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et absence de moyens sérieux outre 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

* les mêmes sommes à la société CSF pour les mêmes motifs;

Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux écritures récapitulatives des parties;

Motifs de la décision

Sur les conclusions tardives de la société Diapar

Considérant que pour permettre aux parties d'échanger leurs dernières écritures l'ordonnance de clôture a été reportée à plusieurs reprises pour être prononcée le jour même de l'audience;

Qu'aux conclusions signifiées le 4 octobre 2004 par la société Diapar les sociétés Prodim et CSF ont répondu par des écritures signifiées le 12 octobre;

Que le principe du contradictoire a ainsi été respecté et qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de ce chef des sociétés intimées;

Sur la recevabilité de l'action de la société Prodim et de la société CSF

Considérant que par procès-verbal en date du 30 avril 2002 l'associé unique de la société CMSO (Comptoirs Modernes Supermarchés Ouest) a approuvé le projet d'apport partiel d'actif à la société CSF qui a ainsi acquis de la CMSO la branche d'activité commerciale et d'approvisionnement de fonds de commerce de type supermarchés et les contrats y afférents;

Que, de même, suivant procès-verbal de décision des associés en date du 26 juin 2002 la société Prodim a acquis de la CMSO les branches d'activité commerciale relatives d'une part à l'exploitation de fonds de commerce alimentaire de proximité y compris les contrats y afférents et d'autre part à la franchise et à l'animation du réseau de franchise Comod et Marché Plus, y compris les contrats y afférents;

Considérant que dans ces conditions, les sociétés Prodim et CSF justifient d'un intérêt à agir en justice au lieu et place de la société CMSO;

Sur le fond

Considérant que compte tenu de l'évolution du litige et en particulier de la reprise des relations commerciales entre la société Sodico et les sociétés Prodim et CSF à la suite de la transaction intervenue sur les jugements rendus le 1er octobre 2002 et le 17 juin 2003 par le Tribunal de commerce de Rennes, le procès se réduit à l'action dirigée par les sociétés Prodim et CSF contre les sociétés Diapar et Groupe G 20 auxquels il est reproché des fautes de nature délictuelle et des faits de concurrence déloyale et ce pour la période du 22 mars au 27 juillet 2002;

Considérant qu'au soutien de son recours la société Diapar fait à nouveau valoir que la clause d'approvisionnement contenue dans le contrat de franchise n'oblige pas le franchisé (la société Sodico) à s'approvisionner exclusivement auprès de la société CSF ce qui exclut toute faute de sa part (société Diapar), qu'il s'agit, le cas échéant, d'une clause d'exclusivité dont elle est bien fondée à demander la nullité en application du règlement européen 4087-88 du 30 novembre 1988 et de l'article L. 420-3 du Code de commerce;

Que la société Diapar fait en outre valoir qu'aucun reproche ne peut lui être adressé dans la mesure où elle n'a fait qu'approvisionner un client, sur sa demande, et alors que celui-ci avait mis fin au contrat de franchise le liant alors à la société CMSO aux droits de laquelle viennent les sociétés Prodim et CSF;

Considérant que les sociétés Prodim et CSF nient le caractère exclusif de la clause d'approvisionnement; qu'elles maintiennent que tant la société Groupe G 20 que la société Diapar se sont rendues complices, par leurs agissements fautifs de la rupture par Sodico de son contrat de franchise;

Qu'elles soulignent en particulier la concomitance de la résiliation unilatérale du contrat par Sodico avec l'installation de l'enseigne G 20 et la présence dans les rayons de la superette des produits commercialisés par Diapar (Marques Belle France et Winny) et alors même que ces deux sociétés avaient été informées de l'existence de la franchise;

Considérant que la clause d'approvisionnement incluse dans le contrat de franchise liant la société Sodico à la CMSO est ainsi rédigée : " Le franchisé a décidé de conclure le présent contrat afin de bénéficier de l'expérience, de l'habileté et de la puissance d'achat du franchiseur auprès duquel il s'engage à effectuer l'essentiel de ses achats nécessaires à l'exploitation du magasin "Comod ".

En outre le franchiseur lui remet une liste de fournisseurs agréés subsidiaires auprès desquels il aura également la possibilité d'acheter tout produit nécessaire à l'exploitation du magasin "Comod ";

Que cette clause, si elle peut s'analyser en une clause d'approvisionnement prioritaire, ne peut être qualifiée de clause exclusive relevant de la législation prohibant les activités anticoncurrentielles, dans la mesure où, si le franchisé doit effectuer l'essentiel de ses achats auprès du franchiseur ou de ses fournisseurs agréés rien ne lui interdit de compléter ses achats auprès d'autres fournisseurs de son choix;

Que le cas échéant, seul le franchisé, en l'espèce la société Sodico, avait la possibilité d'invoquer la nullité de cette clause à l'occasion de la remise en cause de ses relations contractuelles avec la société CMSO puis avec les sociétés Prodim et CSF;

Considérant, qu'il résulte, par ailleurs, de l'ensemble des procédures existant entre la société Sodico et la CMSO puis les sociétés Prodim et CSF que pour des raisons qui ont déjà été examinées, la société Sodico avait l'intention de se séparer de son franchiseur;

Que les changements d'enseigne et de fournisseur intervenus au mois de mars 2002 constituent la suite d'un désaccord persistant entre Sodico et CMSO (précédemment CMER) comme cela résulte, entre autres pièces, du courrier adressé par Sodico aux Comptoirs Modernes en date du 2 mars 2001 et dans lequel Sodico s'interroge sur la poursuite du contrat dans les conditions imposées par le franchiseur et sur lesquelles elle manifeste son désaccord;

Considérant que dans ses conditions il ne saurait être reproché à la société Sodico de s'être rapprochée de la concurrence à savoir en l'espèce la société Diapar et la société Groupe G 20 pour finalement conclure des accords commerciaux avec ces sociétés;

Considérant qu'en admettant que la société Sodico a pu être démarchée par G 20 et Diapar, il n'est démontré par nul élément de preuve précis et pertinent que ces sociétés ait usé de procédés déloyaux, quand bien même elles auraient été informées de l'existence du contrat de franchise mentionné par les sociétés intimées;

Que la société Diapar n'a pu livrer la société Sodico que dans la mesure où cette dernière avait émis des bons de commande;

Que ne pèse, ni sur la société Diapar, ni sur la société Groupe G 20, aucune obligation de conseil à l'égard de la société Sodico;

Que jusqu'à l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 27 juillet 2002 infirmant l'ordonnance de référé du tribunal de commerce, la société Groupe G 20 et la société Diapar ont pu légitimement croire que le contrat de franchise n'existait plus; qu'à compter de la décision de la cour d'appel, la société G 20 a procédé à la dépose de son enseigne;

Considérant que dès lors, la société Prodim et la société CSF, qui ne démontrent pas le comportement fautif ni de Diapar, ni de G 20, se verront déboutées de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre ces sociétés;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Diapar et de la société Groupe G 20 les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel et qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société Prodim et la société CSF à payer à chacune d'elle la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant que la société Prodim et la société CSF, qui succombent entièrement, supporteront les dépens de première instance et d'appel;

Décision

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris et statuant de nouveau : Déboute la société Prodim et la société CSF de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre la société Diapar et la société Groupe G 20; Condamne solidairement la société Prodim et la société CSF à payer à la société Diapar et à la société Groupe G 20 la somme de 1 500 euro à chacune, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Prodim et la société CSF aux entiers dépens qui pour ceux d'appel, seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Rejette toute prétention autre ou contraire.