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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 7 février 2007, n° 05-10724

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ardex (Sté)

Défendeur :

Ghesquières (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

Me Kieffer-Joly, SCP Garnier

Avocats :

Mes Du Payrat, Defaux, Delfly

T. com. Versailles, du 18 févr. 1998

18 février 1998

La société Ghesquières, laquelle a pour activité l'impression et la transformation de papiers et autres matériaux servant à l'emballage et au conditionnement, a proposé à la société Ardex, par lettre du 25 octobre 1993, de lui confier la représentation de ses sachets pour emballer des poulets.

Le 1er février 1996 un contrat d'agent commercial était finalement signé entre les sociétés Ghesquières et Ardex, donnant à cette dernière un mandat exclusif de représentation sauf pour une liste de clients réservés et contenant une obligation de non-concurrence de la société Ardex après la cessation du contrat.

Auparavant, la société Ardex avait déjà conclu le 1er janvier 1995 un contrat d'agent commercial avec la société Sacha, laquelle fabriquait également des "sacs poulets" qui se sont avérés être de simples contrefaçons de ceux fabriqués par la société Ghesquières. Cette dernière, ayant été par la suite informée de la contrefaçon et de la concurrence déloyale que lui faisait la société Sacha, reprocha à la société Ardex sa collaboration avec celle-ci et, par lettre du 5 novembre 1999, mit fin au contrat les liant pour faute grave et violation de l'article L. 134-3 du Code de commerce qui prévoit qu'un agent ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans l'accord de celui-ci.

C'est dans ces conditions que, par acte du 20 janvier 1997, la société Ghesquières assignait la société Ardex devant le Tribunal de commerce de Paris en indemnisation de son préjudice ainsi qu'au remboursement de commissions déjà versées.

La défenderesse a sollicité reconventionnellement l'octroi de dommages-intérêts en réparation des préjudices générés par la rupture fautive de son contrat d'agent commercial.

Par jugement en date du 18 février 1998, le Tribunal de commerce de Versailles a:

- dit que c'est à bon droit que la société Ghesquières a résilié pour faute grave le contrat d'agent commercial qu'elle avait conclu le 1er janvier 1996 avec la société Ardex,

- condamné cette dernière à payer à la société Ghesquières la somme de 30 000 F, soit 4 573,47 euro, à titre d'indemnité pour préjudice commercial et débouté la société Ghesquières pour le surplus de ses demandes,

- reçu la société Ardex en ses demandes reconventionnelles et l'y déclaré partiellement fondée,

- condamné la société Ghesquières à payer à la société Ardex les sommes de:

- 38 000 F, soit 5 793,06 euro, à titre d'indemnité pour clause de non-concurrence et

- 50 000 F, soit 7 622,45 euro, à titre d'indemnité pour commission non payée,

- débouté la société Ardex du surplus de ses demandes.

Sur appel formé par la société Ghesquières, la Cour d'appel de Versailles a le 9 mai 2001:

- confirmé le jugement entrepris en sa disposition ayant fait droit à la demande de la société Ghesquières de résiliation pour faute grave du contrat d'agent commercial et condamnant la société Ardex au paiement d'une somme de 30 000 F, soit 4 573,47 euro, pour préjudice commercial en ce qu'il a débouté la société Ghesquières de sa demande pour perte de clientèle,

- infirmant pour le surplus,

- condamné la société Ardex à payer à la société Ghesquières la somme de 116 412,20 F, soit 17 746,93 euro HT, en remboursement des commissions versées pour les ventes effectuées directement par la société Ghesquières en exécution du mandat d'exclusivité,

- débouté la société Ardex de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Ardex à payer à la société Ghesquières la somme de 20 000 F soit 3 048,98 euro, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur pourvoi formé par la société Ardex la Cour de cassation a, par arrêt du 7 janvier 2004, cassé et annulé la décision déférée mais seulement en ce qu'elle a condamné la société Ardex à rembourser à la société Ghesquières la somme de 116 421,20 F et rejeté sa demande en paiement d'une indemnité prévue par la clause de non-concurrence, remis, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite décision et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris.

La société Ardex a effectué sa déclaration de saisine devant la cour de renvoi le 12 mai 2005 et, par conclusions enregistrées le 5 décembre 2006, a prié la cour de:

- infirmer le jugement rendu le 18 février 1998 par le Tribunal de commerce de Versailles en sa disposition lui allouant à titre d'indemnité pour clause de non-concurrence la somme de 38 000 F, soit 5 793,06 euro,

et statuant à nouveau,

- condamner la société Ghesquières à lui payer la somme de 250 000 F, soit 38 112,25 euro, à titre d'indemnité pour clause de non-concurrence,

- subsidiairement, condamner cette dernière à lui payer la somme de 6 987 euro correspondant à l'application de l'article 10 du contrat d'agent commercial,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Ghesquières de sa demande en remboursement de la somme de 116 412,20 F, soit 17 746,93 euro, au titre des commissions versées sur les ventes effectuées directement par elle,

- condamner l'intéressée à lui restituer ladite somme avec les intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2001, date de son règlement,

- condamner la société Ghesquières aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 8 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées le 12 décembre 2006 la société Ghesquières a sollicité de la cour de:

- infirmer le jugement rendu le 18 février 1998 par le Tribunal de commerce de Versailles en sa disposition allouant à la société Ardex à titre d'indemnité pour clause de non-concurrence, la somme de 38 000 F, soit 5 793,06 euro, et statuant à nouveau, débouter la société Ardex de sa demande, non justifiée d'indemnité pour clause de non-concurrence,

à titre subsidiaire,

- dire que le montant de l'indemnité pour clause de non-concurrence à laquelle la société Ardex pourrait prétendre, s'élève à la somme de 12 335 F, soit 1 880,46 euro,

- infirmer ledit jugement en sa disposition la déboutant de sa demande de remboursement de la somme de 116 412,20 F, soit 17 746,93 euro, au titre des commissions versées sur les ventes effectuées directement par elle,

statuant à nouveau,

- condamner la société Ardex à lui payer la somme de 116 412,20 F, soit 17 746,93 euro en réparation du préjudice subi à raison de l'inexécution fautive par la société Ardex de ses obligations,

à titre subsidiaire,

si la cour ne faisait pas droit à sa demande en paiement constater dire et juger que l'éventuelle restitution de la somme susvisée ne sera productive d'intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Ardex aux dépens et au paiement de la somme de 8 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce

Sur la demande formée par la société Ghesquières et tendant au remboursement de la somme de 17 746,93 euro versée à la société Ardex au titre des commissions afférentes aux ventes effectuées directement par ses soins en exécution de son mandat

Considérant que si pour solliciter le remboursement des dites commissions la société Ghesquières excipe du non-respect par la société Ardex de ses obligations d'exclusivité et de loyauté résultant des dispositions des articles L. 134 et L. 134-4 du Code de commerce, il convient de relever que ni la loi du 25 juin 1991 ni le contrat du 1er janvier 1996 ne prévoit que l'éventuelle faute grave de l'agent commercial puisse être sanctionnée par le remboursement des commissions perçues avant la résiliation du contrat; qu'il n'est pas davantage démontré, sauf à ajouter à la convention liant les parties et à méconnaître par suite l'article 1134 du Code civil, que les commissions litigieuses eussent pu être regardées comme étant la contrepartie d'une obligation d'exclusivité mise à la charge de la société Ardex et que la violation de cette obligation eut été de nature à justifier le remboursement sollicité ; qu'enfin, et en tout état de cause, l'appelante ne démontre en aucune façon la réalité d'un préjudice dont le montant correspondait à celui des commissions dont s'agit ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement déboutant la société Ghesquières de sa demande susvisée et d'ordonner la restitution de la somme de 17 746,93 euro mise à la charge de la société Ardex par l'arrêt cassé, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, du présent arrêt;

Sur la demande formée par la société Ardex en paiement de l'indemnité prévue par la clause de non-concurrence

Considérant que si la société Ghesquières soutient que la société Ardex ne saurait prétendre à une quelconque indemnité au titre de la clause de non-concurrence dès lors qu'elle a concurrencé de mauvaise foi son mandant pendant la durée du contrat et que celui-ci a été résilié à ses torts pour ce motif, il sera souligné qu'il n'a nullement été contractuellement stipulé que l'indemnité réclamée ne serait pas due du fait d'une faute de l'agent ; que le contrat se borne, en effet, à prévoir en son article 10 qu'en contrepartie de ladite clause " et pour chaque mois de son application l'agent percevra une prime égale à un tiers de mois - Ce montant sera réduit de moitié en cas de rupture de contrat à l'initiative de l'agent - Cette prime sera calculée sur la base des commissions moyennes mensuelles des douze derniers mois..."; qu'ainsi les manquements imputés à la société Ardex sont sans influence sur la mise en œuvre de ces dispositions et il ne saurait davantage y avoir lieu à réduction de moitié de l'indemnisation prévue, dès lors, que le contrat a été rompu, en l'espèce, à la seule initiative de l'appelante par un courrier recommandé du 5 novembre 1996 ; qu'enfin et au regard du montant des commissions moyennes mensuelles des douze derniers mois précédant la rupture telle qu'il ressort des relevés établis par la société Ghesquières elle-même et des factures émises par les parties, la cour, faisant sien le mode de calcul proposé par l'intimée et que l'appelante ne conteste pas utilement au vu de ses écritures et des pièces produites à cet effet, évaluera à 6 987 euro l'indemnité correspondante due à ce titre à la société Ardex et arrêtée par les premiers juges à la seule somme de 5 793,06 euro;

Par ces motifs, LA COUR, statuant dans les limites de la cassation prononcée par l'arrêt susvisé du 7 janvier 2004, Confirme le jugement sauf à porter à 6 987 euro le montant de l'indemnité due par la société Ghesquieres à la société Ardex au titre de la clause de non-concurrence souscrite par celle-ci, Y ajoutant, Ordonne la restitution par l'appelante à la société Ardex de la somme de 17 746,93 euro, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, du présent arrêt, Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives, Condamne la société Ghesquières aux dépens du présent appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Kieffer Joly, avoué, La condamne aussi à verser à la société Ardex la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.