Cass. com., 24 avril 2007, n° 06-11.008
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Formuplast (SARL), Ateliers de Beaulieu (SA), Plasti-Tremp (SAS)
Défendeur :
Synthène (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Gérard
Avocat général :
M. Main
Avocat :
SCP Boutet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 7 décembre 2005), que les sociétés Plasti-Tremp et Ateliers de Beaulieu se sont fournies pendant longtemps de plastisols auprès de la société Synthésia, devenue la société Synthène; qu'ayant noté, peu après le départ d'un de ses salariés, intervenu le 25 août 2000 à la suite de sa démission présentée le 25 mai 2000, que ces deux sociétés ne se fournissaient plus auprès d'elle, la société Synthésia a appris que cet ancien salarié avait été embauché le 11 septembre 2000 par la société Formuplast, qui, créée en mai 2000 par les dirigeants des sociétés Plasti-Tremp et Ateliers de Beaulieu, avait été, en quelques mois, en mesure de leur livrer des plastisols; que la société Synthésia a assigné les sociétés Plasti-Tremp, Ateliers de Beaulieu et Formuplast, leur reprochant des actes de concurrence déloyale;
Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Plasti-Tremp, Ateliers de Beaulieu et Formuplast font grief à l'arrêt de leur avoir déclaré opposable le rapport d'expertise judiciaire et, en conséquence, d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il les avait déclarées coupables d'actes de pillage constitutifs de concurrence déloyale et les avait condamnées solidairement à verser à la société Synthésia la somme de 298 095 euro à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que dans le cadre du respect du principe de la contradiction, les experts sont tenus lorsqu'ils reçoivent un dire d'une partie de le communiquer aux autres parties et de laisser à celles-ci un délai nécessaire pour y répondre; que tout en constatant que l'expert avait reçu le 9 mai un dire de la part de la société Synthésia auquel était annexé un rapport d'expertise amiable, et avait cependant déposé son rapport le 10 mai sans communiquer ce dire aux sociétés intéressées ni leur laisser le temps nécessaire pour y répondre, la cour d'appel qui s'est fondée sur la circonstance inopérante que celles-ci avaient été en mesure de discuter devant elle les moyens et arguments, déclarés tardifs déposés par la société Synthésia, a méconnu le principe de la contradiction en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses propres observations au regard des articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile qu'elle a violés;
Mais attendu qu'après avoir constaté que l'expert avait reçu un dire de la société Synthésia, qu'il avait annexé au rapport sans le communiquer aux autres sociétés l'arrêt retient que ce dire ne faisait que répondre à des dires et avis précédents, qu'il n'a pas modifié le rapport de l'expert judiciaire, dont les conclusions se situaient dans la continuité du pré-rapport déposé antérieurement et que l'expert avait expliqué dans une lettre d'envoi de son rapport qu'il avait annexé le dire sans le discuter; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé;
Et sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Plasti-Tremp, Ateliers de Beaulieu et Formuplast font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il les avait déclarées coupables d'actes de pillage constitutifs de concurrence déloyale et les avait condamnées solidairement à verser à la société Synthésia la somme de 298 095 euro à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) qu'un acte de concurrence déloyale n'est constitué qu'à la condition que le produit en cause soit protégeable, protégé et non tombé dans le domaine public; que tout en observant que l'expert judiciaire avait conclu que les composants utilisés par les producteurs de plastisols étaient dans la littérature, la cour d'appel qui n'a pas procédé à la recherche qui s'imposait quant au caractère protégé ou non des plastisols dont la reproduction était reprochée à la société Formuplast, n'a pas caractérisé un acte de concurrence déloyale au regard de la liberté du commerce et de l'industrie, privant son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil; 2°) qu'au regard des libertés du commerce, de l'industrie et du travail, n'est pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale, le fait d'avoir utilisé les compétences d'une personne qualifiée engagée après sa démission d'une société avec laquelle il n'était pas tenu par une clause de non-concurrence; que sans retenir à l'encontre des sociétés concernées des actes de débauchage, de dénigrement, ou de détournement de clientèle, ni la création de copies serviles ou de produits identiques de nature à créer la confusion dans l'esprit de la clientèle, la cour d'appel qui s'est bornée à leur reprocher le seul fait d'avoir utilisé les connaissances acquises par un ancien employé de la société Synthésia, avec laquelle celui-ci n'était pourtant pas lié par une clause de non-concurrence, après son embauche sans débauchage, quatre mois après se démission, a méconnu le principe susvisé et n'a pas caractérisé d'actes de concurrence déloyale en violation de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que constitue un acte de concurrence déloyale le fait pour une société d'utiliser le savoir-faire propre à une autre société et détourné par un ancien employé de cette dernière; qu'après avoir constaté que la preuve du pillage des secrets de fabrication de la société Synthésia était rapportée, l'arrêt retient que les sociétés Ateliers de Beaulieu Plasti-Tremp et Formuplast ont ainsi bénéficié du savoir-faire propre acquis par la société Synthésia après de nombreuses années de recherches et d'investissements coûteux et détourné par son ancien employé à leur profit ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante, dont fait état la première branche, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.