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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 11 mai 2006, n° 05-01245

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Confédération syndicale des familles, Fédération des familles de France, Organisation générale des consommateurs, UFC Que Choisir Toulouse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pujo-Sausset

Conseillers :

M. Bastier, Mme Salmeron

Avocats :

Mes Piquet-Gautier, Blanchet, Dumaine, Avenas

TGI Toulouse, 3e ch., du 17 oct. 2005

17 octobre 2005

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement en date du 17 octobre 2005, a déclaré coupable:

X Patrice Joël Jean

Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, le 14/01/2003, à Toulouse, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 Al.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

Facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, le 14/01/2003, à Toulouse, infraction prévue par l'article L. 441-3 Al.2, Al.3, Al.4 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 441-4, L. 470-2 du Code de commerce

X Rémy Jean Joseph

Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, le 14/01/2003, à Toulouse, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 Al.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-l du Code de la consommation

Facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, le 14/01/2003, à Toulouse, infraction prévue par l'article L. 441-3 Al.2, Al.3, Al.4 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 441-4, L. 470-2 du Code de commerce

Et par application de ces articles, a condamné:

* X Patrice Joël Jean

a été relaxé du chef de facturation non conforme -

et condamné à 6 000 euro d'amende, du chef de publicité mensongère

et à la publication par extrait à ses frais dans le journal La Dépêche du Midi édition de Toulouse (coût maximum 500 euro),

et à l'affichage aux portes du magasin Z (<adresse> 31200 Toulouse) pendant 1 mois

X Rémy Jean Joseph

a été relaxé du chef de facturation non conforme -

et condamné à 6 000 euro d'amende du chef de publicité mensongère et a ordonné la publication par extrait à ses frais dans le journal La Dépêche du Midi édition de Toulouse (coût maximum 500 euro), et

l'affichage aux portes du magasin Z (<adresse> 31200 Toulouse) pendant 1 mois

Sur l'action civile

*a alloué à Confédération syndicale des familles, 100 euro à titre de dommages-intérêts, 100 euro au titre de l'article 475-1 duCPP

Fédération des familles de France, 100 euro à titre de dommages-intérêts, 100 euro au titre de l'article 475-1 du CPP

Organisation générale des consommateurs 100 euro à titre de dommages-intérêts, 100 euro au titre de l'article 475-1 du CPP

Union Fédérale des Consommateurs de Toulouse - Que Choisir, 100 euro à titre de dommages-intérêts, 100 euro au titre de l'article 475-1 du CPP

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur X Patrice, le 26 octobre 2005 contre Confédération syndicale des familles, Fédération des familles de France, Organisation générale des consommateurs, Union Fédérale des Consommateurs de Toulouse - Que Choisir

Monsieur X Rémy, le 26 octobre 2005 contre Confédération syndicale des familles, Fédération des familles de France, Organisation générale des consommateurs, Union Fédérale des Consommateurs de Toulouse - Que Choisir

M. le Procureur de la République, le 28 octobre 2005 contre Monsieur X Rémy, Monsieur X Patrice

Décision :

Patrice et Rémy X ont relevé appel le 26 octobre 2005 du jugement contradictoire rendu le 17 octobre 2005 par le Tribunal correctionnel de Toulouse qui les a relaxés du chef de facturation non conforme et déclarés coupables du chef et, en répression, les a condamnés à une peine de 6 000 euro d'amende, aux mesures de publication et d'affichage et a alloué à chaque partie civile, (la Confédération Syndicale des Familles, la Fédération des Familles de France, l'Organisation Générale des Consommateurs, l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir), 100 euro de dommages-intérêts et 100 euro d'indemnités sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le Procureur de la République a relevé appel incident le 28 octobre 2005. L'appel est général.

A l'audience de la cour,

La Confédération Syndicale des Familles et la Fédération des Familles de France, parties civiles, ont sollicité la confirmation du jugement attaqué, soit l'allocation pour chacune d'entre elles de 100 euro au titre des dommages-intérêts et 250 euro d'indemnités sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale (CPP). Par courrier du 16 mars 2006, UFC Que Choisir a demandé 100 euro de dommages-intérêts et 200 euro d'indemnités au titre de l'article 475-1 du CPP. Enfin, l'OGC a réclamé, par courrier du 14 mars 2006, 100 euro de dommages-intérêts et 100 euro d'indemnités sur le fondement de l'article précité.

L'Avocat général a écarté le moyen juridique selon lequel la personne morale devait seule être poursuivie et a demandé la déclaration de culpabilité des deux prévenus concernant les deux chefs de délit poursuivis et la confirmation de la peine d'amende ou bien le prononcé d'une peine d'emprisonnement avec sursis eu égard à leurs antécédents judiciaires.

Les prévenus représentés par leur avocat ont demandé leur relaxe en faisant valoir que la preuve n'était pas rapportée qu'ils aient réalisé des prestations de service sans facture conforme dès lors qu'il existait un contrat annuel entre les sociétés du groupe et que la facture litigieuse ne fait que matérialiser la facturation d'acomptes mensuellement adressés, des régularisations semestrielles ou annuelles intervenant par la suite conformément à l'article L. 441-3 du Code de commerce. Par ailleurs, le délit de publicité trompeuse ne pourrait être reproché à Rémy et Patrice X qui n'ont pas la qualité d'annonceur, qui n'ont pas de responsabilité pénale dans la commission des faits dans le cadre de la cogérance de la SARL Y, chargée de la publicité du groupe Z mais sont respectivement directeur général et président directeur général de la SA Z. L'annonceur, en l'espèce, était la SNC Midi Sud exploitant le magasin Z situé à Toulouse. Le message de la publicité n'était pas davantage mensonger et de nature à induire en erreur dès lors qu'il annonçait des soldes c'est-à-dire l'écoulement accéléré des marchandises en stock acquises par le commerçant depuis au moins un mois, stock qui ne pouvait être renouvelé. Les constats de la DGCCRF plusieurs jours après le début des soldes sont donc conformes à la pratique régulière des soldes et il ne pourrait être retenu, comme l'ont fait les premiers juges pour caractériser l'infraction de publicité mensongère, la disproportion entre l'emploi de la publicité réalisée et la pénurie d'articles correspondant à l'annonce. Les prévenus semblent également reprocher à la

DGCCRF de ne pas avoir constaté instantanément le délit de publicité trompeuse le jour de leur contrôle sur place mais d'avoir procédé à une enquête à partir des documents remis par les prévenus quelques jours plus tard pour démontrer le délit poursuivi. Enfin sur l'action civile, les prévenus contestent la recevabilité des constitutions de parties civiles des quatre organisations parties au dossier, leur contestant la possibilité d'agir sur le fondement des articles 2-1 à 2-21 du CPP, d'une part du fait qu'elles ne justifient pas d'un préjudice personnel direct lié aux infractions conformément à l'article 2 du CPP et en raison d'autre part du défaut de représentation de ces organismes par toute personne habilitée.

Motifs de la décision

Attendu que les appels, relevés dans les formes et délais requis par la loi, sont recevables;

Sur le plan de l'action publique:

Attendu que les premiers juges ont, par des motifs précis que la cour adopte, exposé les faits reprochés à Rémy et Patrice X; qu'il convient de s'y reporter;

Sur le fond:

Sur l'imputabilité des délits poursuivis à Rémy et Patrice X:

Attendu qu'il n'est pas contesté que les prévenus étaient cogérants de la SARL Y, chargée dans le groupe Z de la communication et de la publicité pour le compte des magasins du groupe gérés par des sociétés en nom collectif; que dès lors, Rémy et Patrice X sont bien à l'origine des factures de publicité critiquées et adressées à la société en nom collectif Midi Sud gérant les magasins situés à Toulouse;

Attendu que la SARL Y est détenue à 100 % par la société-mère, la SA Z, dont Patrice et Rémy X étaient respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la SA Z et qu'enfin la SARL Y était associé majoritaire dans la société en nom collectif qui gérait les magasins Z à Toulouse ; qu'il n'est pas contesté que la SARL Y a conçu la campagne publicitaire menée dans le magasin à l'enseigne Z à Toulouse conformément aux volontés des dirigeants de Y et de la société-mère du groupe Z; que dès lors, Rémy et Patrice X sont bien à l'origine de la publicité mensongère reprochée et diffusée concernant les magasins du groupe Z à Toulouse ; que les prévenus, dirigeants de la société Z, s'ils sont concepteurs du message publicitaire sont également les annonceurs pour le compte desquels ce message a été diffusé conformément aux dispositions de l'article 121-4 du Code de la consommation;

Attendu que, par ailleurs, il n'appartient pas aux magistrats du siège de remettre en question les décisions du Ministère publique qui apprécie, selon le principe de l'opportunité des poursuites pénales, s'il est ou non opportun de poursuivre tant la personne morale que ses dirigeants à titre personnel ou de n'en poursuivre qu'un au titre de la responsabilité pénale;

1. Sur le délit de publicité mensongère:

Attendu que la matérialité du délit est établie : qu'en effet, le prospectus diffusé à grande échelle (90 000 prospectus distribués) évoquait l'organisation de soldes avec des articles soldés à 95 %; que les enquêteurs de la DGCCRF, qui étaient habilités à opérer un tel contrôle sans autre condition réglementaire dans le cadre de leur pouvoir de police administrative et qui ont, à bon droit, procéder à une enquête sur plusieurs jours à défaut d'obtenir sur place le jour du contrôle les documents nécessaires à vérifier l'état des stocks réels et les conditions de vente des marchandises par rapport à la publicité initiale pour démontrer le délit de publicité trompeuse, ont constaté que les dirigeants étaient au départ dans l'incapacité de préciser quelles étaient les quantités de marchandises soldées disponibles au premier jour des soldes et, qu'au septième jour des soldes, plus aucun article soldé à 95 % n'était proposé à la clientèle alors que les panneaux publicitaires étaient toujours en place ; que certains plaignants ont fait état d'une absence totale des produits concernés dès le premier jour des soldes, que, sur les rouleaux de caisse des jours de soldes, ne sont apparus qu'un seul article (slips d'homme par lot de 3) parmi ceux présentés sur le prospectus et qu'après qu'il a été précisé que les rouleaux de caisse mentionnaient des familles d'articles, les enquêteurs ont établi que six articles n'ont jamais été vendus, ni même le premier jour, sur les 19 articles présentés dans la publicité, qu'enfin le stock écoulé était quasi inexistant de zéro à une pièce pour 9 articles des 19 proposés ; que ces simples constats suffisent à établir le caractère mensonger de la publicité attaquée ; que cette opération commerciale correspondait à une campagne publicitaire massive et cherchait à mettre en avant des conditions de vente exceptionnelles par l'importance de la réduction de prix accordée proposant à la vente 19 références de vêtements à des prix allant de 0,22 euro à 0,79 euro ; que les termes employés de "soldes totalement allumés" et "on vide" laissaient penser qu'il s'agissait d'un déstockage de grande ampleur; qu'il est manifeste, que les consommateurs ont été trompés;

Attendu que l'élément intentionnel est tout aussi caractérisé ; qu'en effet, en mai 2000 à l'occasion de l'ouverture du magasin à Toulouse, la DGCCRF avait adressé un rappel de la réglementation à l'entreprise notamment sur l'obligation de prévoir que les efforts de publicité déployés devaient être en rapport avec la quantité visée à vendre ; que notamment, il ne pouvait être visé des articles soldés si les dits articles n'étaient pas répertoriés dans l'inventaire avant les dites soldes ; que les dirigeants chargés de la publicité des magasins Z étaient donc précisément informés de leurs obligations légales et réglementaires et les ont sciemment transgressées;

Attendu que le délit de publicité mensongère est caractérisé en tous ses éléments constitutifs

2. Sur le délit de facturation non conforme:

Attendu qu'il est reproché aux gérants de la SARL Y d'avoir adressé une facture à la SNC Midi Sud gérant les magasins toulousains du groupe Z sans mentionner la nature, le prix unitaire et la quantité des prestations de services rendues conformément aux dispositions de l'article L. 441-3 du Code de commerce; Attendu que les prévenus soutiennent que la facture litigieuse s'inscrivait dans le cadre d'un contrat de prestations de services, signé entre la SARL Y la SNC Midi Sud en date du 2 janvier 2001, relatif aux prestations d'animation commerciale, de logistique et de gestion de communication au prix fixé à 8 % du chiffre d'affaires HT réalisé le mois précédent et réglé à réception d'une facture mensuelle à partir d'un chiffre d'affaires estimatif et régularisée en juin et en décembre en fonction du chiffre d'affaires effectivement réalisé par le magasin; que le dit contrat a été produit à l'audience;

Attendu que, comme l'ont analysé les premiers juges, la facture litigieuse du 31 janvier 2003 pour la période janvier 2003 visée dans le procès verbal de la DGCCRF n'est pas définitive et qu'au surplus, elle est fondée sur un contrat de prestations de services suffisamment précis ; que l'infraction n'est pas établie;

Attendu que, sur la peine, eu égard aux antécédents judiciaires des prévenus dont les casiers judiciaires mentionnent des condamnations pour des infractions économiques et devant l'ampleur de l'opération commerciale illégale dénoncée, il convient de les condamner respectivement à une amende de 12 000 euro chacun;

Sur le plan de l'action civile:

Attendu que les prévenus contestent la recevabilité des constitutions de parties civiles des associations la Confédération Syndicale des Familles, la Fédération des Familles de France, l'Organisation Générale des Consommateurs, l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 421-1 du Code de la consommation que les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des consommateurs peuvent si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs;

Attendu que le tribunal a, à juste titre, considéré que les faits de publicité mensongère reprochés aux prévenus avaient causé un préjudice direct ou indirect aux associations de consommateurs agréées : la Confédération Syndicale des Familles, la Fédération des Familles de France, l'Organisation Générale des Consommateurs, l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir, parties civiles ; que leur action est donc recevable;

Attendu que le tribunal a correctement apprécié le préjudice et la réparation qui devait être accordée, aux parties civiles; qu'il y a lieu de confirmer les dispositions civiles du jugement concernant les dommages-intérêts et les indemnités fondées sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu qu'il convient d'accorder une indemnité supplémentaire, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, à la Confédération Syndicale des Familles partie civile qui a dû exposer des frais pour se défendre en appel ; qu'il y a lieu de limiter ses indemnités à la somme de 250 euro; que l'UFC Que Choisir a réclamé 100 euro sur le même fondement en cause d'appel ; qu'il convient de faire droit à sa demande;

Par ces motifs, LA COUR statuant, après en avoir délibéré conformément à la loi, publiquement et en dernier ressort, contradictoirement à l'égard de Patrice et Rémy X , la Confédération Syndicale des Familles et la Fédération des Familles de France, par défaut à l'égard de l'Organisation Générale des Consommateurs, l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir en la forme reçoit les appels, au fond : sur l'action publique : - confirme le jugement en ses dispositions sur la déclaration de culpabilité concernant le délit de publicité mensongère et sur la relaxe partielle concernant la facturation non conforme, le réformant sur la peine et jugeant à nouveau, condamne Patrice et Rémy X à la peine de 12 000 euro d'amende chacun. - ordonne la publication par extrait de l'arrêt aux frais des condamnés Rémy et Patrice X solidairement dans le journal "la Dépêche du Midi" édition Toulouse sans que le coût de l'insertion ne dépasse 500 euro - ordonne l'affichage de l'arrêt aux portes du magasin Z, situé <adresse> 31200 Toulouse pendant un mois. Le Président n'a pu informer chacun des condamnés, en raison de leur absence à l'audience de lecture de l'arrêt. - que s'il s'acquitte du montant de l'amende pénale dans un délai d'un mois à compter de la date du prononcé de la décision, auprès du Trésor Public (32 rue de la Caravelle 31048 Toulouse Cedex - Tel • 05 34 25 61 20), ce montant sera alors diminué de 20 % sans que cette diminution ne puisse excéder 1 500 euro, et ce, en application de l'article 707-2 du Code de procédure pénale; - que le paiement de l'amende pénale ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Sur l'action civile : - confirme le jugement en toutes ses dispositions concernant les dommages-intérêts et les indemnités versées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; - condamne Patrice et Rémy X à payer une indemnité de 250 euro à la Confédération Syndicale des Familles et 100 euro à l'UFC Que choisir, parties civiles, en cause d'appel au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Rappelle que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable chaque condamné; Le tout en vertu des textes susvisés.