Cass. com., 2 mai 2007, n° 05-21.361
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
CM Emballage (SARL)
Défendeur :
Emballage SFE (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Thomas-Raquin, Bénabent
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 octobre 2005, rectifié le 7 décembre 2005), que la société Emballage SFE (SFE) conçoit, fabrique et commercialise des emballages destinés au transport aérien de marchandises dangereuses ; que M. Guilment, directeur d'exploitation de cette société en a démissionné puis a créé, au cours de son préavis, la société CM Emballage (CM) qui exerce la même activité ; que s'estimant victime d'actes de concurrence déloyale et parasitaire de la part de la société CM en raison notamment du débauchage de M. Guilment et de M. Le Normand, salarié de SFE, et de détournements de clientèle, la société SFE l'a assignée afin d'obtenir la cessation des agissements incriminés et le paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société CM fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle s'était rendue coupable de concurrence déloyale au préjudice de la société SFE et par conséquent, de lui avoir interdit de fabriquer et commercialiser des emballages destinés au transport des matières dangereuses sans avoir reçu l'agrément du ministère des Transports et de l'avoir condamnée à payer à la société SFE une somme provisionnelle de 100 000 euro, alors, selon le moyen : 1°) que la responsabilité suppose toujours une faute ; qu'en condamnant la société CM pour concurrence déloyale aux motifs que M. Guilment avait créé cette société avant l'expiration de son préavis, alors qu'il était tenu d'une obligation de fidélité et de loyauté exclusive de tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de son ancien employeur, la cour d'appel, qui n'a ainsi constaté aucun acte de concurrence déloyale imputable à la société CM, par hypothèse encore privée de personnalité juridique au moment des faits reprochés à M. Guilment, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil; 2°) qu'en toute hypothèse, le seul fait, pour un salarié, de créer une société exerçant une activité concurrente à celle de son ancien employeur alors qu'il se trouve encore pendant la période de préavis ne constitue pas un acte de concurrence déloyale; qu'en se prononçant comme elle a fait, sans constater que la société CM avait effectivement débuté une activité concurrentielle à celle de la société SFE avant l'expiration du préavis de M. Guilment, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées le 29 août 2005, la société CM faisait expressément valoir que l'on pouvait s'interroger sur la validité de la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail de M. Le Normand, compte tenu de l'intérêt légitime que pouvait avoir l'employeur d'insérer une telle clause au regard de l'emploi d'emballeur du salarié; qu'en se bornant à indiquer que la société CM ne critiquait pas utilement la validité de la clause de non-concurrence, sans répondre précisément à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 4°) qu'en tout état de cause, la société CM faisait expressément valoir, dans ses conclusions déposées et signifiées le 29 août 2005, que la société SFE ne démontrait nullement avoir subi un quelconque préjudice résultant du départ de M. Le Normand ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté d'un côté que M. Guilment avait, pendant la période de préavis faisant suite à sa démission de ses fonctions de directeur d'exploitation de la société SFE, créé et animé la société concurrente CM, de l'autre que la société CM avait, en connaissance de cause, recruté M. Le Normand qui exerçait les fonctions de chef d'équipe au sein de la société SFE et qui était lié à cette dernière par une clause de non-concurrence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société CM fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que le juge doit en toutes circonstances faire respecter et respecter le principe de la contradiction; qu'en retenant que la société CM n'avait pu, malgré l'injonction adressée à cet effet par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 juin 2002, justifier de l'existence des certificats d'agrément administratifs afférents aux emballages qu'elle commercialisait auprès de ses autres clients, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces qui figuraient au bordereau de pièces régulièrement notifiées le 27 juin 2005, notamment le certificat d'agrément n° 3918 de la société Speed et dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; 2°) que dans son procès-verbal de constat en date du 30 août 2002, M. Rochet avait simplement constaté, s'agissant de la société Géoservices qu'avaient été fournies les factures de ventes des pièces incriminées à cette société pour la période de janvier 2002 à août 2002; qu'il résultait également de ce procès-verbal, d'une part, que M. Guilment avait déclaré à l'huissier de justice que la société ne fabriquait aucun carton et aucune caisse et qu'il s'approvisionnait auprès d'autres et d'autre part, que M. Lacoste, présent lors des opérations d'expertise avait indiqué que "compte tenu des éléments qu'il pouvait visualiser..., la société CM devait forcément fabriquer elle-même les pièces litigieuses"; qu'ainsi en affirmant qu'il résultait du procès-verbal de constat établi par M. Rochet le 30 août 2002, que la société CM avait fabriqué et commercialisé pour le compte de la société Geoservices des emballages destinés au transport aérien de marchandises dangereuses sans avoir reçu l'agrément ad hoc du ministère des Transports et en y apposant en outre des faux numéros de certificat, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce procès-verbal en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que dans ses conclusions régulièrement déposées et signifiées le 29 août 2005, la société CM faisait valoir qu'elle ne fabriquait aucun emballage destiné au transport, mais qu'elle les achetait auprès de fabricants disposant des agréments nécessaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures, pourtant de nature à avoir une incidence sur l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) qu'en décidant que la société CM avait commis un acte de concurrence déloyale perce que M. Guilment n'était plus titulaire d'un certificat d'aptitude de transport de marchandises dangereuses par voie aérienne entre le 17 novembre 2002 et le 27 janvier 2003, et qu'il n'était pas justifié qu'un autre salarié de l'entreprise aurait disposé de ce certificat pendant la période en cause, sans constater que M. Guilment avait effectivement contrevenu à la réglementation en vigueur en transportant des marchandises dangereuses sans certificat au cours de ladite période, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil;
Mais attendu que, pour retenir qu'en s'affranchissant, dans l'exercice de son activité, du respect des exigences administratives et donc des coûts en résultant, la société CM a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société concurrente SFE, l'arrêt relève, en se fondant sur l'ensemble des pièces du dossier et non sur le seul constat d'huissier du 30 août 2002, que la société CM a fabriqué et commercialisé pour le compte de la société Geoservices, ancienne cliente de la société SFE, des emballages destinés aux transports aériens de marchandises dangereuses sans avoir reçu l'agrément du ministère des Transports et en y apposant de faux numéros de certificats et qu'en dépit d'une injonction du conseiller de la mise en état, la société CM n'a pu justifier de l'existence des certificats d'agrément administratifs afférents aux emballages commercialisés auprès d'autres clients ; qu'il ajoute que durant la période du 17 novembre 2002 au 27 janvier 2003, M. Guilment, ni aucun salarié de la société CM, n'était titulaire du certificat d'aptitude au transport de marchandises dangereuses par voie aérienne exigé par la réglementation ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen, nouveau et comme tel irrecevable en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.