Ministre de l’Économie, 15 décembre 2006, n° ECOC0700095Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Deloitte
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 10 novembre 2006, vous avez notifié l'acquisition par la société Deloitte France* de Janny Marque Future**, holding du groupe BDO Marque et Gendrot. Cette opération a été formalisée par un protocole d'accord signé le 21 juillet 2006.
1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPERATION DE CONCENTRATION
Les entreprises concernées par la présente opération sont les suivantes :
Deloitte France (ci-après " Deloitte ") est une société anonyme active, en France, dans les secteurs de l'audit et de l'expertise comptable des grandes et moyennes entreprises, par l'intermédiaire de ses filiales Deloitte & Associés et Calan Ramolino & Associés, de l'audit et de l'expertise comptable aux petites et très petites entreprises, par l'intermédiaire de sa filiale Société Financière In Extenso National (ci-après " SFIEN ", holding de In Extenso Opérationnel et de In Extenso National), de l'assistance financière aux entreprises et de l'accompagnement des sociétés en difficultés, par l'intermédiaire de sa filiale Deloitte Finance et du conseil, par l'intermédiaire de sa filiale Deloitte ERS. Deloitte France et SFIEN coiffent un ensemble d'une centaine de sociétés.
Deloitte France est un cabinet membre du réseau international Deloitte Touche Tohmatsu (ci-après " DTT "), détenu*** par Verein DTT, association de droit suisse, et spécialisé dans le commissariat aux comptes, l'audit, l'expertise comptable et le conseil. Néanmoins, s'il existe un lien d'exclusivité entre les deux entités, Deloitte France constitue une entreprise autonome et entièrement indépendante en ce qui concerne sa direction et sa gestion effective.
En 2005, le chiffre d'affaires mondial consolidé de Deloitte France s'est élevé à [...]**** millions d'euro, dont [>50] millions d'euro ont été réalisés en France.
Janny Marque Future (ci-après " JMF ") est la holding du groupe BDO Marque et Gendrot (1) (ci-après " BDO "), actif dans les secteurs de l'audit, de l'expertise comptable et du conseil. Les activités d'audit et d'expertise comptable, d'une part, et de conseil, d'autre part, sont exercées dans des filiales distinctes. JMF coiffe un ensemble d'une cinquantaine de sociétés.
JMF et ses filiales appartiennent***** actuellement au réseau international BDO Global Coordination BV, société de droit hollandais. Dans le cadre de la présente opération de concentration, il sera mis fin à cette appartenance.
En 2005, le chiffre d'affaires mondial consolidé de JMF s'est élevé à [...]**** millions d'euro, dont [>50] millions d'euro ont été réalisés en France.
L'opération consiste en l'acquisition par Deloitte France de 100% à terme des actions de JMF et de l'ensemble de ses filiales. Elle a ainsi pour effet de conférer à Deloitte France le contrôle exclusif direct de JMF et indirectement de BDO. A ce titre, elle constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
2. LES MARCHES CONCERNÉS PAR L'OPERATION
2.1 Les marchés de services
Dans sa décision M.1016 du 20 mai 1998, Price Waterhouse/Coopers & Lybrand, la Commission européenne a considéré que les activités des cabinets d'audit et d'expertise comptable recouvraient six marchés de service distincts : le marché des services de conseil en gestion, le marché des services de conseil et d'assistance financière aux entreprises, le marché des services de conseil et d'assistance en fiscalité, le marché des services de conseil aux entreprises en difficulté, le marché des services d'audit et d'expertise comptable aux petites et moyennes entreprises et le marché des services d'audit et d'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Cette segmentation a également été reprise dans la décision de la Commission européenne COMP/M.2816, Ernst & Young/Andersen France, du 5 septembre 2002.
Deloitte et BDO sont simultanément actives sur les secteurs des services de conseil en gestion (2.1.1), de conseil et d'assistance financière aux entreprises (2.1.2), de conseil aux entreprises en difficulté (2.1.3) ainsi que des services d'audit et d'expertise comptable à l'ensemble des entreprises (2.1.4).
2.1.1 Les services de conseil en gestion
La Commission européenne considère, dans les décisions précitées, que les services de conseil* aux entreprises, quelle que soit leur taille, constituent un marché pertinent, sans s'être livrée à une analyse approfondie de la délimitation précise de ce marché.
Les parties considèrent, sur la base des informations diffusées par les organismes professionnels du secteur (2), que les services de conseil en gestion comprennent le conseil en stratégie, le conseil opérationnel, le conseil et l'intégration des systèmes d'informations et l'externalisation. La majorité des opérateurs ayant répondu à l'enquête de marché souscrivent à cette description des services de conseil en gestion.
L'instruction n'a donc pas invalidé la définition antérieurement retenue par la Commission européenne d'un marché des services de conseil en gestion, sur lequel sera menée l'analyse de la présente opération de concentration.
2.1.2 Les services de conseil et d'assistance financière aux entreprises
La Commission européenne, dans les décisions précitées, considère également que les services de conseil et d'assistance financière aux entreprises, quelle que soit leur taille, constituent un marché pertinent distinct, sans s'être livrée à une analyse approfondie de la délimitation précise de ce marché.
Les parties considèrent que les services de conseil et d'assistance financière aux entreprises regroupent les prestations de conseil en fusion-acquisition, en ingénierie financière et l'évaluation financière d'entreprises. La majorité des opérateurs ayant répondu à l'enquête de marché souscrivent à cette description des services de conseil et d'assistance financière aux entreprises.
L'instruction n'a donc pas invalidé la définition antérieurement retenue par la Commission européenne d'un marché des services de conseil et d'assistance financière aux entreprises, sur lequel sera menée l'analyse de la présente opération de concentration.
2.1.3 Les services de conseil aux entreprises en difficulté
Les autorités nationales et communautaires de concurrence ne se sont pas livrées à une analyse approfondie du marché des services de conseil aux entreprises en difficulté, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées dans chacune des décisions précitées.
Au regard de l'activité des parties et de leurs concurrents sur ce secteur, il apparaît que ce marché regroupe des prestations de service telles que les diagnostics stratégiques, opérationnels, financiers et juridiques, l'assistance dans le cadre d'un mandat ad hoc, la mise en place de mesures d'urgence, l'assistance en phase de pré- et post-redressement judiciaire, le recouvrement de créances, l'assistance en phase de cession d'entreprise, l'assistance au tiers repreneur et la rédaction des offres de reprise ainsi que l'assistance à la restructuration financière et opérationnelle.
L'instruction du dossier n'a pas invalidé la définition antérieurement retenue par la Commission européenne d'un marché des services de conseil aux entreprises en difficulté, sur lequel sera menée l'analyse de la présente opération de concentration.
2.1.4 Les services d'audit et d'expertise comptable
Selon l'étude Xerfi de mars 2005 (3), l'expertise comptable regroupe des activités telles que l'établissement de comptes annuels (bilan, comptes de résultats et annexes), le contrôle a priori des comptes, l'établissement des tâches administratives, l'assistance aux entreprises en matière fiscale et juridique (4) et le conseil en patrimoine. L'étude Xerfi souligne, en outre, qu' " au-delà de ses fonctions de ''base'', l'expert comptable tend [...] de plus en plus à intervenir dans de multiples domaines de la vie des entreprises : la fiscalité, le conseil, les finances, l'organisation (mise en place de structures administratives, comptables et commerciales de l'entreprise), le social, le droit...S'il reste un professionnel du chiffre, l'expert comptable s'impose dorénavant (ou du moins tente de le faire) comme un véritable partenaire des entreprises. "
S'agissant des missions d'audit, il convient de faire une distinction entre audit légal et audit contractuel :
-En France, c'est la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés anonymes qui a institué un contrôle légal des comptes, le commissaire aux comptes ayant pour missions l'audit des comptes annuels, la certification a posteriori des comptes des entreprises et d'autres vérifications spécifiques de nature juridique. En France, les structures étant dans l'obligation de désigner au moins un commissaire aux comptes sont principalement les sociétés par action, les établissements de crédit, les groupements d'intérêt économique (employant plus de 500 salariés et/ou émettant des obligations), les coopératives agricoles, les entreprises d'assurance, les SEM locales, les associations recevant au moins 150 000 euro de subventions publiques par an, les fondations reconnues d'utilité publique et les OPCVM. En outre, certaines structures sont tenues de désigner au moins deux commissaires aux comptes appartenant à des cabinets d'audit (5) : il s'agit des établissements de crédit, des sociétés astreintes à publier des comptes consolidés et de certains partis ou groupements politiques.
- L'audit contractuel, qui relève de la volonté des entreprises de se forger une opinion pour leur propre compte, concerne des activités diverses recouvrant tout aussi bien les missions incombant à un auditeur légal (6) que des prestations très diverses et de plus en plus nombreuses compte tenu de la récente séparation de l'audit et du conseil et des nombreux cas d'incompatibilité qui en découlent pour les missions d'auditeur légal, comme il le sera mentionné plus en avant. Ainsi l'audit contractuel recouvre aujourd'hui des prestations telles que* la tenue de la comptabilité, la préparation et l'établissement des comptes, le recrutement du personnel, la mise en place de mesures de contrôle interne, la prise en charge d'une prestation d'externalisation, l'expertise indépendante, etc. La frontière entre audit contractuel et expertise comptable peut donc apparaître relativement floue.
Les autorités communautaire et nationales de concurrence considèrent qu'il convient de segmenter un marché de l'audit légal** en fonction des sociétés clientes (2.1.4.1). En outre, dans la décision du ministre de l'Economie KPMG/Salustro Reydel et Associés (ci-après " SRA ") du 19 novembre 2004 s'est posée la question de l'existence, pour les grandes entreprises et les sociétés cotées d'un marché de l'audit légal distinct d'un marché de l'audit contractuel et de l'expertise comptable (2.1.4.2).
2.1.4.1 La segmentation des services d'audit et d'expertise comptable selon la clientèle visée
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a considéré qu'il convenait de segmenter les prestations d'audit et d'expertise comptable selon deux catégories de clientèle : le marché des services d'audit et d'expertise comptable aux petites et moyennes entreprises (PME) et le marché des services d'audit et d'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
Elle a, dans cette décision, souligné les spécificités de la demande des grandes entreprises et des sociétés cotées qui " souhaitent que les sociétés leur fournissant des services d'audit et de comptabilité aient la réputation nécessaire sur les marchés financiers (pour les sociétés cotées en bourse), la couverture géographique nécessaire pour couvrir les besoins des sociétés dans le monde entier (pour les multinationales), la compétence requise dans leur secteur spécifique (grandes sociétés en général et, en particulier, secteurs réglementés tels que ceux des banques et des compagnies d'assurance) et, enfin, des ressources importantes (toutes les grandes sociétés) " (7). (Point 32).
Dans sa décision Ernst & Young/Andersen France précitée, la Commission européenne a repris cette segmentation, en apportant toutefois des éléments supplémentaires sur les caractéristiques du marché français de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Elle a considéré que " les grands cabinets internationaux connus sous le nom des Big Six ont à la fois la couverture géographique et la fiabilité requise sur les marchés financiers internationaux, de telle manière qu'ils sont les seuls à intervenir sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées " (Point 35 - Traduction libre).
Elle a toutefois ajouté que " le test de marché a souligné combien les particularités du marché français permettaient à des entreprises de second rang et même à des cabinets d'audit plus petits d'avoir accès aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Plus précisément, des cabinets français comme Mazars & Guérard et Salustro Reydel, et d'autres cabinets de second rang comme Constantin, BDO ou Grant Thornton International sont en mesure de fournir des prestations d'audit légal à un certain nombre de grandes entreprises et de sociétés cotées en France." (Point 37 - Traduction libre).
Elle a conclu, au niveau de la définition des marchés et pour les besoins de l'analyse de l'acquisition de Andersen France par Ernst & Young, qu'il pouvait être " considéré que les Big Five desservent exclusivement le marché de l'audit et de l'expertise comptable pour les grandes entreprises et les sociétés cotées. Les autres cabinets peuvent seulement exercer une pression concurrentielle à la marge, dans le cadre du double commissariat aux comptes ". (Point 41 - Traduction libre)
Dans sa décision KPMG/SRA précitée, le ministre de l'Economie a souscrit à la segmentation selon le type de clientèle en ajoutant que les grandes entreprises et des* sociétés cotées avaient des besoins spécifiques internes (cohérence et fiabilité du reporting) et externes (respect de la réglementation et des bonnes pratiques, informations destinées aux marchés financiers et application des normes IAS-IFRS, depuis janvier 2005, pour les sociétés cotées ou déposant des comptes consolidés dans le cadre de l'harmonisation des référentiels comptables européens). S'agissant des PME, il a souligné qu'elles " disposent de moins de compétences en interne, ce qui nécessite le recours à des prestations de type expertise comptable et de conseil ne nécessitant pas les services d'un réseau international pour la certification de leurs comptes. Les services fournis aux PME couvrent ainsi la production des comptes annuels et des états de gestion ainsi que le conseil, notamment dans le domaine social et fiscal ".
Ainsi, la Commission européenne et le ministre ont identifié en France un marché de l'audit et de l'expertise comptable pour les PME et un marché de l'audit et de l'expertise comptable pour les grandes entreprises et les sociétés cotées.
A ce stade de l'analyse il apparaît important de souligner que la demande, sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, est constituée des entreprises soumises aux normes et règlementations nationales et internationales en matière d'audit et de comptabilité et que l'offre est composée, pour l'essentiel, par les grands cabinets d'audit seuls en mesure de répondre aux exigences de cette clientèle.
Cependant, ni la Commission ni le ministre de l'Economie n'ont précisé plus finement le périmètre du marché du côté de la demande. En effet, s'il est quasiment certain que les entreprises du CAC 40 et les sociétés cotées du SBF 120 appartiennent à ce marché dans la mesure où elles sont pour la plupart d'entre elles soumises aux normes et règles nationales et internationales en matière d'audit et de comptabilité et où elles sont très largement clientes des grands cabinets (81% des mandats des entreprises du CAC 40 et 73 % des mandats des entreprises du SBF 120), des entreprises de grande taille ou des sociétés cotées ne figurant pas dans l'indice SBF 120 peuvent également avoir le même type d'exigences et être clientes des grands cabinets d'audit. Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs souligné dans son arrêt du 30 juin 2006 que " les sociétés du CAC 40 et du SBF 120 ne sont pas les seules grandes entreprises à avoir recours aux services des grands cabinets d'audit ". A cet égard, les parties ont fourni dans leur dossier de notification, des informations relatives aux sociétés du SBF 250 (indice le plus large de la Bourse de Paris) et à l'ensemble des sociétés cotées en France, dont elles estiment le nombre à 1044.
Pour déterminer le périmètre du marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées et considérer pertinent ou non d'élargir ce périmètre au-delà des entreprises du CAC 40 et du SBF 120, il convient de s'intéresser à la demande exprimée par les entreprises du SBF 250 ou des 1044 sociétés cotées et à la réponse fournie par les offreurs. En d'autres termes, si ces entreprises et sociétés ont une demande similaire à celles des entreprises du CAC 40 et des sociétés du SBF 120, la proportion des grands cabinets d'audit répondant à cette demande spécifique devrait être équivalente. Or, pour les entreprises du SBF 250 (hors SBF 120), les grands cabinets d'audit ne détiennent que 50,2% des mandats et pour les 1044 sociétés cotées, cette proportion tombe à 38,1%. Par conséquent, la demande des entreprises du SBF 250 et des 1044 sociétés cotées peut être considérée comme différente de celle des entreprises du CAC 40 et du SBF 120, même si une partie d'entre elles peuvent avoir des besoins similaires.
Il n'est pas nécessaire de préciser si le périmètre du marché pertinent doit être élargi à l'ensemble des entreprises du SBF 250 voire des 1044 sociétés cotées dans la mesure où, comme cela a été constaté par la Commission européenne et par le ministre dans sa décision KPMG/SRA, l'analyse concurrentielle menée sur le seul segment des entreprises du CAC 40 et du SBF 120 fournit une bonne approximation des effets de la concentration, et, en tout état de cause, ne sous estime pas les effets de l'opération dès lors que ceux-ci se manifesteront de manière plus flagrante sur le marché le plus étroit. Dans la mesure où la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché le plus étroit possible, à savoir le marché de l'audit et de l'expertise comptable des grandes entreprises et des sociétés cotées, limitées aux entreprises du CAC 40 et du SBF 120, il n'est pas nécessaire de trancher la question du périmètre exact d'un tel marché.
***
Par conséquent, aux fins de l'analyse de la concentration, un marché de l'audit et de l'expertise comptable aux PME sera distingué d'un marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
2.1.4.2 La question de la distinction des prestations d'audit légal de celles d'audit contractuel et d'expertise comptable sur le marché des prestations aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
i) Le ministre, dans sa décision KPMG/SRA, a envisagé une segmentation plus fine sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées en fonction de la nature des prestations
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a considéré qu'il convenait de réunir sur un même marché l'audit, l'expertise comptable et les services connexes : " les services d'audit et de comptabilité comprennent l'audit, légal ou autre, des comptes d'entreprises, ainsi que d'autres services de comptabilité liés aux opérations d'audit, qui nécessitent les compétences de l'auditeur, pour le contrôle des opérations commerciales et des processus comptables, afin de vérifier que les transactions et leurs implications (en termes, entre autres, de passif éventuel, de risques, de revenus futurs) sont reflétées de façon véridique et fidèle dans les comptes annuels des décisions " (Point 26).
Dans sa décision Ernst & Young/Andersen France précitée, la Commission européenne s'est posée la question d'une segmentation entre les prestations d'audit légal et les services d'audit contractuel et d'expertise comptable compte tenu des restrictions réglementaires françaises et des nouvelles contraintes imposées aux sociétés françaises inscrites sur les marchés financiers américains. Elle a toutefois souligné que " le test de marché a confirmé que la prohibition de fournir certains services liés à l'audit aux clients auxquels ils fournissent des prestations d'audit légal n'empêche pas un cabinet d'offrir ces services à d'autres clients dès lors qu'une même expertise est requise pour la fourniture des services d'audit légal et des services contractuels liés à l'audit. Les deux catégories de services sont donc caractérisées par une claire substituabilité du côté de l'offre " (Point 34 - Traduction libre)
Dans sa décision KPMG/SRA précitée, le ministre de l'Economie a soulevé un certain nombre de facteurs exogènes et endogènes de nature à démontrer l'existence d'une demande spécifique des grandes entreprises et des sociétés cotées vis-à-vis des prestations d'audit légal :
- encadrement législatif de la profession comptable par la loi américaine Sarbannes-Oxley* d'août 2002 ;
- renforcement de l'indépendance des commissaires aux comptes (8) et des cas d'incompatibilité entre les prestations d'audit légal et de conseil ainsi que création du Haut Commissariat aux Comptes** (H3C) et de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) par la loi sur la sécurité financière adoptée en France le 1er août 2006***;
- modification des modes d'organisation des cabinets d'audit et d'expertise comptable (certains cabinets ont cédé leur branche conseil, d'autres ont créé des structures différentes pour les deux types de prestation) ;
- prestations de nature différente, l'audit légal étant un contrôle a posteriori des comptes résultant d'une obligation légale pour les entreprises concernées et l'expertise comptable et l'audit contractuel résultant de la volonté des entreprises clientes de se forger une opinion pour leur propre compte ;
- présence très majoritaire des "Big Four" (Ernst & Young, PricewaterhouseCoopers - ci-après " PWC " - , Deloitte et KPMG) dans le système du double commissariat aux comptes en France, notamment au niveau des sociétés du CAC 40 et du SBF 120.
Toutefois, le ministre de l'Economie n'a pas tranché la question d'une distinction d'un marché de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, les conclusions de l'analyse concurrentielle de l'acquisition de SRA par KPMG demeurant inchangées en l'espèce.
ii) Dans le cadre de la présente opération, la question d'une distinction de l'audit légal des prestations d'audit contractuel et d'expertise comptable reste pertinente
Dans le cadre de la présente opération de concentration, les parties considèrent que le marché de l'audit et de l'expertise comptable constitue un ensemble cohérent, dont l'audit légal ne constitue qu'un élément.
Au niveau de la demande, elles estiment que les grandes entreprises et les sociétés cotées font appel aux mêmes prestataires pour procéder à l'audit, légal ou contractuel, et à diverses missions d'expertise comptable. En outre, elles considèrent que, compte tenu de la diversité des besoins des entreprises, l'analyse de la demande ne permet pas de mettre en évidence de façon suffisamment précise les caractéristiques du marché en cause.
Au niveau de l'offre, elles soulignent que les cabinets sont constitués des mêmes professionnels, les professions de commissaire aux comptes et d'expert comptable reposant sur un socle commun de formation en comptabilité. A titre d'exemple, elles soulignent qu'au sein de Deloitte France, les équipes comptent [150-200] commissaires aux comptes dont [140-180] sont titulaires d'un diplôme d'expert comptable et qu'il existe une forte polyvalence des professionnels entre les travaux d'audit et d'expertise comptable.
Enfin, elles affirment que l'audit légal fait appel aux mêmes connaissances et aux mêmes techniques de travail que l'audit contractuel et l'expertise comptable. Elles expliquent ainsi que la mission d'audit légal a pour objet de vérifier les comptes de l'entité auditée afin d'en certifier la régularité et la sincérité, ce qui nécessite des compétences de comptabilité, nécessaires sur un plan technique et indispensables en raison de la responsabilité de l'auditeur ainsi que d'autres compétences pouvant parallèlement être utilisées dans le cadre d'une mission d'audit contractuel, comme la prise de connaissance des procédures de contrôle interne, du système d'information relatif à l'élaboration de l'information financière, des enregistrements comptables correspondants ou encore du processus d'élaboration des comptes.
Les réponses à l'enquête de marché effectuée auprès de la clientèle montrent que la grande majorité des sociétés du CAC 40 et du SBF 120 considèrent que l'audit légal, l'audit contractuel et l'expertise comptable constituent des segments d'activité d'un même marché pertinent. Certains des clients font valoir que l'ensemble des normes et des règlementations de plus en plus complexes et rigoureuses qui s'imposent à toutes les grandes entreprises a tendance à homogénéiser la demande et, par conséquent, à structurer l'offre.
D'aucuns soulignent que les deux types de prestations (audit légal, d'une part, audit contractuel et expertise comptable, d'autre part) sont assurés par les mêmes cabinets d'audit qui sont en mesure d'intervenir sur l'ensemble des prestations demandées par les clients. D'autres, enfin, soulignent que l'unique différence entre les deux types de prestations relève du fait que l'audit légal est imposé à la société alors que l'audit contractuel naît d'une volonté discrétionnaire de l'entreprise de se forger une appréciation pour son propre compte. Une seule société mentionne, en revanche, que l'audit légal se distingue des autres prestations d'audit et d'expertise comptable en ce qu'il nécessite, pour les grandes entreprises et les sociétés cotées, de faire appel à un nombre restreint de cabinets d'audit de dimension internationale.
Les réponses à l'enquête de marché effectuée auprès des cabinets d'audit et d'expertise comptable sont plus mitigées en ce que la moitié des opérateurs interrogés considère qu'il convient de retenir un seul marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées alors que l'autre moitié estime qu'il est pertinent de distinguer un marché de l'audit légal. Les raisons mentionnées par la première catégorie d'opérateurs sont similaires à celles des parties. S'agissant de la deuxième catégorie d'acteurs, les arguments plaidant pour une distinction de l'audit légal sont les suivantes : risque professionnel spécifique pour la mission d'audit légal dont l'étendue et la nature ne sont pas comparables à celui relatif aux missions d'audit contractuel et d'expertise comptable, ce qui peut conduire le professionnel à se spécialiser sur l'un ou l'autre de ces segments ; prestataires différents sur les deux segments d'activité (9) ; absence de substituabilité du côté de la demande, les grandes entreprises et les sociétés cotées n'ayant pas de besoin récurrent de services externalisés en matière d'audit contractuel et d'expertise comptable contrairement aux prestations d'audit légal, imposées par la loi.
L'instruction du dossier a montré que, depuis la décision KPMG/SRA précitée, la réglementation du secteur de l'audit et de l'expertise comptable est devenue plus contraignante, notamment par l'adoption du code de déontologie de la profession de commissaires aux comptes, issue du décret du 16 novembre 2005 (10). Ce code a renforcé l'indépendance de l'auditeur légal notamment par :
- l'instauration d'un délai de " viduité " de deux ans pendant lequel un commissaire aux comptes ne peut accepter un mandat pour le compte d'un client auquel il a fourni, directement ou par l'intermédiaire du réseau dont il dépend, une autre prestation que celle d'audit ;
- l'obligation pour le commissaire aux comptes d'être en mesure de justifier que son réseau l'informe du prix et de la nature des prestations fournies par ce réseau à une société dont il audite les comptes (société mère ou filiale) ;
- des interdictions strictement encadrées, via l'article 10 du code de déontologie : interdiction pour l'auditeur légal de procéder, au bénéfice de l'entité dont il audite les comptes, à toute prestation de nature à le mettre dans la position d'avoir à se prononcer dans sa mission de certification sur des documents, des évaluations ou des prises de position qu'il aurait contribué à élaborer ; à la réalisation de tout acte de gestion ou d'administration ; à la tenue de la comptabilité, à la préparation et à l'établissement des comptes, à l'élaboration d'une information ou d'une communication financières ; à une mission de commissariat aux apports et à la fusion ; à une mise en place des mesures de contrôle interne ; à des évaluations destinées à faire partie des comptes ou de l'information financière, en dehors de sa mission légale ; à la prestation de services, notamment de conseil en matière juridique, financière, fiscale ou relative aux modalités de financement ; à la prise en charge d'une prestation d'externalisation.
Le durcissement de la réglementation en matière d'indépendance de l'auditeur légal peut plaider pour une distinction de l'audit légal. En effet, l'augmentation des cas d'incompatibilité auxquels s'ajoute l'instauration du délai de viduité amènent certains acteurs, interrogés dans le cadre de l'enquête de marché, à déclarer que ces évolutions réglementaires pourraient entraîner un désintérêt de la part des plus grands cabinets d'audit pour les missions d'audit contractuel au profit des prestations d'audit légal, ces dernières présentant une plus forte valeur ajoutée et générant un chiffre d'affaires significatif sur une longue durée, les mandats de commissaire aux comptes étant établis pour une durée de six ans. Si ces réglementations peuvent permettre à des cabinets de moindre importance d'accéder aux grandes entreprises et aux sociétés cotées pour des missions ponctuelles d'audit contractuel ou d'expertise comptable, il n'en demeure pas moins qu'ils ne pourront pas, par la suite, postuler pour un mandat d'auditeur légal dans les sociétés où ils auront réalisé de telles missions, compte tenu du délai de viduité. L'adoption du nouveau code de déontologie est toutefois trop récente pour en mesurer son impact.
Au cas d'espèce toutefois, il n'apparaît pas nécessaire de trancher de manière définitive la question de l'existence d'un marché de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelles que soient les définitions de marché retenues.
2.2 Les marchés géographiques
i) Les services de conseil en gestion
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a laissé ouverte la question de la définition géographique du marché des services de conseil en gestion. Dans cette affaire, les entreprises concernées soutenaient que le marché revêtait une dimension aussi bien nationale qu'internationale. Cette argumentation reposait sur le fait que " l'unique facteur qui limite la capacité d'opérer sur ce type de marché était la nécessité de posséder les compétences et les ressources dont les clients ont besoin ; pour certains, ces besoins se font uniquement sentir au niveau national ou local et pour d'autres (les multinationales), dans plusieurs pays " et qu'il existe " une série de prestataires se faisant concurrence à ces deux niveaux, y compris des boutiques spécialisées (au niveau national ou local), des cabinets d'expertise comptable et des cabinets d'experts-conseils (aux deux niveaux) ".
Les parties souscrivent à une dimension aussi bien nationale qu'internationale du marché compte tenu de la diversité de la clientèle se composant d'entreprises locales, nationales et multinationales.
En l'espèce, la question de la délimitation précise du marché du conseil en gestion peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelle que soit la définition géographique retenue.
ii) Les services de conseil et d'assistance financière aux entreprises
Dans sa décision IV/M.319, BHF/CCF/Charterhouse, du 30 août 1998, la Commission européenne a examiné les effets d'une opération de concentration sur le marché des services de conseil et d'assistance financière au niveau national. Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a toutefois laissé ouverte la question de la définition géographique du marché des services de conseil et d'assistance financière aux entreprises, en considérant que la prestation de ces services offrait des aspects aussi bien nationaux qu'internationaux.
Les parties souscrivent à une dimension aussi bien nationale qu'internationale du marché compte tenu de la diversité de la clientèle se composant d'entreprises locales, nationales et multinationales.
En l'espèce, la question de la délimitation précise du marché des services de conseil et d'assistance financière aux entreprises peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelle que soit la définition géographique retenue.
iii) Les services de conseil aux entreprises en difficulté
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a considéré qu' " alors que des défaillances d'entreprises peuvent se produire à l'échelle internationale, la nomination d'un liquidateur se fait au niveau national, conformément aux règles de chaque juridiction nationale " et a retenu une délimitation nationale pour le marché des services de conseil aux entreprises en difficulté.
Aux fins de la présente analyse, le marché des services de conseil aux entreprises en difficulté sera donc considéré dans sa dimension nationale.
iv) Les services d'audit et d'expertise comptable
Dans ses décisions Price Waterhouse/Coopers & Lybrand et Ernst & Young/Andersen France précitées, la Commission a estimé que les marchés des services d'audit et d'expertise comptable destinés aux grandes entreprises et sociétés cotées, d'une part, et des PME, d'autre part, étaient de dimension nationale. Les arguments alors évoqués reposaient sur le fait que les services d'audit et d'expertise comptable étaient encadrés par des prescriptions réglementaires nationales et que les prestataires de services pour être actifs dans un pays, devaient y être implantés.
Dans sa décision KPMG/SRA précitée, le ministre de l'Economie a considéré qu'il fallait tenir compte de l'évolution actuelle du marché, marquée par une uniformisation européenne des normes comptables pour les grandes entreprises et sociétés cotées. Il a toutefois considéré que la dimension nationale des marchés des services d'audit et d'expertise comptable gardait sa pertinence. En effet, il a estimé que même si les grandes entreprises et sociétés cotées ont systématiquement recours à des grands cabinets intégrés dans un réseau international, il n'en demeurait pas moins que leurs prestataires de services doivent être présents dans le pays où elles sont implantées. Il a également souligné que les parts de marché des différents prestataires et le niveau de concentration des marchés d'audit et d'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées étaient d'ailleurs hétérogènes selon les pays.
L'instruction du dossier permet de confirmer l'analyse menée par le ministre dans sa précédente décision. Aux fins de la présente analyse, les marchés des prestations d'audit et d'expertise comptable seront donc considérés dans leur dimension nationale.
3. ANALYSE CONCURRENTIELLE
3.1 Le marché du conseil en gestion
Les prestations de Deloitte ERS, filiale de Deloitte, en matière de conseil en gestion comportent des services relatifs à la sécurité des systèmes, des processus et des organisations, au pilotage des entreprises et à l'accompagnement auprès des sociétés et des institutions financières. En 2005, ces activités ont représenté un chiffre d'affaires de l'ordre de [40-60] millions d'euro. BDO est également présente sur ce marché au travers de [...] filiales (11) qui proposent des prestations de conseil en management, en organisation et en gestion, de conseil en ressources humaines, d'externalisation de fonctions administratives et financières, d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, de conseil en informatique et de formation. En 2005, l'ensemble de ces prestations a généré un chiffre d'affaires de l'ordre de [0-5] millions d'euro.
Sur les bases de données communiquées par le Syntec Conseil en Management et par l'organisme Precepta (filiale du groupe Xerfi), les parties estiment que le marché du conseil en gestion a généré, en France, un chiffre d'affaires d'environ [0-5] milliards d'euro. Dès lors, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à [0-5]%. En outre, l'étude Xerfi relative au conseil en management de mars 2006 indique que les leaders du marché du conseil en gestion sont Accenture, Bearing Point, Capgemini Consulting, CSC Consulting, IBM BCS, The BCG et Unilog. Enfin, il ressort de cette étude que la structure du marché du conseil en gestion est très atomisée, les cabinets-conseil subissant également la forte concurrence des professionnels des services informatiques (les SSII) ainsi que celle des départements spécialisés des banques d'affaires.
Si une dimension géographique plus large devait être retenue pour le marché du conseil en gestion, la part de marché de la nouvelle entité serait encore plus modeste, en raison notamment de la faible part de chiffre d'affaires réalisée par les parties en dehors du territoire français.
Enfin, l'enquête de marché n'a révélé aucun problème de concurrence sur ce marché, tant du côté des clients que des concurrents.
Par conséquent, l'acquisition de BDO par Deloitte n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du conseil en gestion, quelle que soit la délimitation géographique retenue.
3.2 Le marché du conseil et de l'assistance financière aux entreprises
Les prestations de Deloitte Finance, filiale de Deloitte, en matière de conseil et d'assistance financière aux entreprises concernent le soutien aux sociétés lors des revues de " due diligence " pré et post acquisitions, qui a généré, en 2005, un chiffre d'affaires de [10-20] millions d'euro, et des prestations d'ingénierie financière et d'évaluation financière des entreprises, qui ont représenté, en 2005, un chiffre d'affaires de [10-20] millions d'euro. Durant cette période, Deloitte est intervenue directement sur treize opérations de fusion-acquisition. S'agissant de BDO, l'essentiel de son activité sur ce marché concerne des prestations d'assistance financière aux entreprises lors des revues de due diligence qui ont généré, en 2005, un chiffre d'affaires de [0-5] millions d'euro. Durant cette période, BDO n'est intervenue que sur une seule opération de fusion-acquisition.
Les parties n'ont pas été en mesure d'estimer le chiffre d'affaires total généré en 2005 par les prestations de conseil et d'assistance financière aux entreprises en France. Sur ce point, elles soulignent que les seules données publiées sont circonscrites à l'activité de " fusions-acquisitions d'entreprises ". D'après la revue Capital Finance d'avril 2006, il apparaît que les 33 principaux cabinets-conseil ont traité 331 transactions dont le montant cumulé s'élève à près de 11,5 milliards d'euro. Sur cette base, elles estiment que Deloitte représente [0-5]% de la valeur totale des transactions ainsi que du nombre de transactions traitées. BDO n'est, pour sa part, pas répertorié parmi les 33 principaux cabinets mentionnés par Capital Finance.
Le classement établi par Capital Finance classe Deloitte Finance au 9ème rang, derrière des opérateurs comme Bucéphale Finance, KPMG CF, Close Brothers, PwC CF et Sodica. En outre, les parties ajoutent que la structure concurrentielle de ce marché est extrêmement atomisée, les cabinets d'audit subissant la concurrence directe des banques d'affaires, dont les 17 principales ont traité ensemble 376 opérations de fusion-acquisition pour un montant cumulé de 532 milliards d'euro.
Sur la base de l'ensemble de ces informations, les parties estiment la part de marché de la nouvelle entité, en France, à moins de 1% sur le marché du conseil et de l'assistance financière aux entreprises. Si une dimension géographique plus large devait être retenue, la part de marché de la nouvelle entité serait encore plus faible, compte tenu notamment de la faible part de chiffre d'affaires réalisée par les parties en dehors de la France.
Enfin, l'enquête de marché n'a révélé aucun problème de concurrence sur ce marché, tant du côté des clients que des concurrents.
Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du conseil et de l'assistance financière aux entreprises, quelle que soit la définition géographique retenue.
3.3 Le marché du conseil aux entreprises en difficulté
En 2005, l'activité de Deloitte Finance, filiale de Deloitte, en matière de conseil aux entreprises en difficulté a généré un chiffre d'affaires de [0-5] millions d'euro. Pour sa part, BDO a réalisé un chiffre d'affaires de [0-5] million d'euro pour la fourniture de ces mêmes prestations.
Les parties n'ont pas été en mesure d'estimer le chiffre d'affaires total généré en 2005, en France, par le conseil aux entreprises en difficulté. Toutefois, sur la base du chiffre d'affaires des activités d'administration et de liquidation judiciaire communiqué par La Profession Comptable d'octobre 2006 et s'élevant à 650 millions d'euro en France en 2005, elles estiment la part de marché de la nouvelle entité à environ [0-5]%. Les parties indiquent, en outre, que la structure concurrentielle du marché du conseil aux entreprises en difficulté est très atomisée dans la mesure où il existe un nombre significatif d'acteurs, constitués tant par les cabinets-conseil que par les cabinets d'avocats ou encore les banques.
Enfin, l'enquête de marché n'a révélé aucun problème de concurrence sur ce marché, tant du côté des clients que des concurrents.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les risques d'atteinte à la concurrence peuvent être écartés sur le marché français du conseil aux entreprises en difficulté.
3.4 Le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux petites et moyennes entreprises
Les parties n'ont pas été en mesure d'estimer le chiffre d'affaires total généré par les services d'audit et d'expertise comptable aux PME.
Sur la base du chiffre d'affaires des cabinets fournissant des services d'audit et d'expertise comptable en France toutes entreprises confondues, s'élevant à 11,9 milliards d'euro (12), elles considèrent que la part de marché de la nouvelle entité s'établira, à l'issue de l'opération, à moins de 5%. Elles soulignent, comme l'avait mentionné le ministre de l'Economie dans sa décision KPMG/SRA, que plus de 70% des prestations sont réalisées en dehors des dix premiers cabinets.
Il ressort de l'instruction du dossier, et notamment de l'enquête de marché, que les données communiquées par les parties sont conformes à la structure actuelle du marché français de l'audit et de l'expertise comptable aux petites et moyennes entreprises. Il apparaît notamment que la part de marché de la nouvelle entité s'élèverait à moins de 20% au sein des dix premiers réseaux pluridisciplinaires et environ 5% parmi l'ensemble des cabinets de plus de cinquante salariés.
En outre, il ressort de l'instruction du dossier que les deux plus importants du secteur restent KPMG (13) et Fiducial (14), qui disposent d'un maillage géographique très fin sur l'ensemble du territoire national. Ainsi, si l'acquisition de BDO par Deloitte permet à la nouvelle entité de renforcer sa présence dans certaines régions, comme l'Île-de-France et la Provence-Alpes-Côte-d'Azur, cette extension de son implantation géographique sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux petites et moyennes entreprises n'est pas de nature à lui conférer un avantage concurrentiel significatif vis-à-vis de ses principaux concurrents. En outre, ce marché se caractérise par un très grand nombre de cabinets (plus de 17 000 selon La Profession Comptable).
Enfin, les petites et moyennes entreprises favorisent le développement des petites structures de proximité et la plupart des clients n'est pas attachée à l'image de marque internationale des grands cabinets d'audit.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que l'acquisition de BDO par Deloitte n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux PME.
3.5 Le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
Les autorités nationales et communautaire de la concurrence ont souligné dans l'ensemble des décisions adoptées dans le secteur de l'audit et de l'expertise comptable que le marché de la prestation de ces services aux grandes entreprises et aux sociétés cotées se caractérisait par un degré élevé de concentration, les quatre principaux cabinets (ci-après " Big Four " pour Ernst & Young, PWC, KPMG et Deloitte) apparaissant comme les seuls en mesure de répondre aux exigences d'une grande entreprise et d'une société cotée.
Dans le cadre de la présente opération de concentration, il convient donc d'examiner si l'acquisition de BDO par Deloitte est de nature à déboucher sur la création ou le renforcement d'une position dominante non seulement individuelle (3.4.1) mais également oligopolistique (3.4.2)*.
3.5.1 Analyse des effets non coordonnés de l'opération
3.5.1.1 Les effets de l'opération sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
i) Remarques préalables sur le calcul des parts de marché
Dans sa décision Ernst & Young/Andersen France précitée, la Commission européenne a souligné les difficultés rencontrées pour calculer les parts de marché des différents opérateurs actifs sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Ces difficultés sont notamment liées au fait qu'il n'existe pas de données publiques sur le marché français, en dehors des chiffres d'affaires des plus importants réseaux d'audit multidisciplinaires publiés par la revue spécialisée, La Profession Comptable. Ces chiffres d'affaires ne permettent toutefois pas d'établir la position des opérateurs sur le seul marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
Après avoir considéré que l'échantillon des entreprises du SBF 120 constituait une approximation convenable du marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, la Commission européenne a envisagé de retenir différentes méthodes de calcul des parts de marché, tout en reconnaissant les inconvénients de chacune d'entre elles :
- calcul des parts de marché par nombre de mandats et par montant des honoraires : la Commission a estimé que ces méthodes présentent l'avantage d'être basées sur des données publiques puisque le nom des commissaires aux comptes et le montant de leurs honoraires sont publiés dans le rapport annuel des grandes entreprises. Elle a toutefois considéré que ces données ne donnent qu'une image partielle du marché dans la mesure où elles ne concernent que l'audit légal et non les autres prestations d'audit et d'expertise comptable ;
- calcul des parts de marché par chiffre d'affaires et par capitalisation des clients des cabinets aux comptes : cette méthode peut pallier les inconvénients mentionnés ci-dessus mais présente le désavantage de ne pas nécessairement proportionner les parts de marché aux honoraires des auditeurs.
Dans sa décision KPMG/SRA, le ministre de l'Economie a repris ces différentes méthodes de calcul des parts de marché des opérateurs s'agissant de la demande émanant des sociétés du SBF 120, en ajoutant également les positions des acteurs sur les sociétés du CAC 40. Pour les besoins de la présente opération de concentration, ces différentes méthodes de calcul seront reprises pour examiner les effets de l'acquisition de BDO par Deloitte sur la structure de la concurrence.
ii) Les effets de l'opération sur les parts de marché détenue par la nouvelle entité sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
Les tableaux présentés ci-après, et basés sur les estimations des parties, reprennent la méthode d'analyse " multicritères " arrêtées par la Commission européenne dans sa décision Ernst & Young / Andersen France précitée : calcul par nombre de mandats (i), calcul par montant des honoraires (ii), calcul par chiffre d'affaires du client (iii) et calcul par capitalisation boursière du client (iv)
<emplacement tableau>
Il ressort de l'ensemble de ces données que l'acquisition de BDO par Deloitte confortera sa présence sur le marché français de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées sans pour autant lui conférer une position dominante simple. Quelle que soit la méthode de calcul des parts de marché retenue, la nouvelle entité restera en deuxième ou en troisième position du marché et ne détiendra pas, à l'issue de l'opération de concentration, une part de marché cumulée supérieure à 23,1%.
iii) Les effets de l'opération sur la structure de la concurrence du marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
Les tableaux présentés ci-dessus montrent que l'activité apportée par BDO à Deloitte est faible sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable des grandes entreprises et des sociétés cotées.
En outre, la nouvelle entité reste confrontée à la vive concurrence des trois autres principaux acteurs du marché, Ernst & Young, PWC et KPMG, qui détiennent des parts de marché similaires aux siennes mais également, dans une certaine mesure, du cabinet Mazars, qui détient une part de marché non négligeable selon la première, la troisième et la quatrième méthode de calcul des parts de marchés.
Le risque que l'opération de concentration produise des effets unilatéraux sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées peut par conséquent être écarté.
3.5.1.2 Les effets de l'opération de concentration sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
Comme mentionné précédemment, le nombre de mandats et le montant des honoraires constituent la meilleure approximation de la structure concurrentielle du segment de l'audit légal en ce qu'ils n'intègrent pas les prestations d'audit contractuel et d'expertise comptable.
Or il ressort des tableaux présentés ci-dessous que la part de marché de la nouvelle entité sera de l'ordre de 17,3%, derrière Ernst & Young (23,6%) et devant KPMG (17,30%), PWC (14,35%) et Mazars (11,39%) en termes de nombre de mandats donnés par les sociétés du SBF 120.
S'agissant du montant des honoraires versés par les sociétés du SBF 120, la part de marché de la nouvelle entité s'établira à 21,8%, derrière Ernst & Young (32,56%) et devant PWC (20,59%), KPMG (16,07%) et Mazars (7,67%).
Sur le segment de l'audit légal, il convient en outre d'observer que l'apport de l'activité de BDO à Deloitte est tout à fait modeste, le premier n'ayant que quatre mandats de commissaire aux comptes parmi les sociétés du SBF 120 (hors CAC 40). De surcroît, l'un de ces quatre mandats est détenu en cocommissariat avec Deloitte ; ainsi, à l'issue de l'opération de concentration, la nouvelle entité devra céder l'un de ses mandats de co-commissariat aux comptes au profit d'un autre cabinet d'audit, conformément à la législation en vigueur.
Il ressort de l'ensemble des données qui précèdent que, compte tenu de l'apport limité d'activité par BDO à Deloitte et de la présence d'acteurs disposant de parts de marché similaires à celle de la nouvelle entité, le risque que l'opération de concentration produise des effets unilatéraux sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées peut être écarté.
3.5.1.3 Les effets de l'opération de concentration sur le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
Sur le segment des prestations d'audit contractuel et d'expertise comptable, Deloitte a perçu, en 2005, un montant d'honoraires de [30-40] millions d'euro et BDO un montant d'honoraires de [0-5] millions d'euro de la part des sociétés du SBF 120.
Les parties n'ont pas été en mesure d'estimer la valeur totale du segment des prestations d'audit contractuel et d'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Elles se sont toutefois livrées à une évaluation des effets de l'opération de manière qualitative. Les parties considèrent que sur ce segment d'activité, la mise en concurrence par appel d'offres ou consultations restreintes est la règle. Les parties ont ainsi communiqué la liste d'un grand nombre d'appels d'offre ou de consultations restreintes pour lesquelles le cabinet Deloitte a soumis une proposition.
Ces appels d'offres et consultations restreintes portent sur des missions telles que l'assistance à l'audit et à la mise en place des contrôles financiers, l'évaluation de la performance de l'audit interne d'un groupe, l'assistance pour la consolidation, l'accompagnement pour la délocalisation, la formation aux normes IFRS, etc.
L'analyse de ces appels d'offres permet de valider l'argument des parties selon lequel, au regard des informations communiquées, les grandes entreprises et les sociétés cotées ont facilement recours à des procédures d'appel d'offres ou de consultations restreintes pour des missions d'audit contractuel ou d'expertise comptable, dont la durée dépend de la nature de la prestation demandée par l'entreprise cliente. En outre, il ressort de l'examen de ces appels d'offres que des acteurs autres que les principaux cabinets d'audit et d'expertise comptable répondent aux appels d'offres, à l'instar d'Accenture, d'Altia et de Capgemini qui participent à des procédures de consultation dans le cadre de missions telles que l'assistance à la maîtrise d'ouvrage comptable sur des activités de marché (dans le secteur bancaire), l'assistance au projet de réduction des délais d'arrêté (dans le secteur de l'assurance) ou bien l'assistance pour la dématérialisation des marchés publics (dans le secteur public). Ainsi Accenture a effectivement remporté l'un de ces appels d'offres.
Il apparaît ainsi que sur le segment plus étroit des missions d'audit contractuel et d'expertise comptable, il existe des alternatives aux "Big Four". Dès lors, il n'est pas à exclure que le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable soit plus ouvert que celui de l'audit légal, les cabinets d'audit et d'expertise comptable pouvant subir la concurrence directe d'autres acteurs tels que les cabinets-conseil.
En outre, les récentes réglementations relatives à l'indépendance des commissaires aux comptes et à l'incompatibilité croissante des missions d'auditeur légal avec d'autres prestations d'audit (loi américaine Sarbannes-Oxley, loi française sur la sécurité financière et plus récemment adoption du nouveau code de déontologie de la profession de commissaires aux comptes) ont eu pour effet de transférer certaines missions auparavant dévolues à l'auditeur légal dans le cadre de son mandat à d'autres cabinets d'audit intervenant dans le cadre de prestations d'audit contractuel. Selon les parties, ce transfert de missions a notamment bénéficié à des cabinets de second rang. Ainsi, pour la seule société [...] dont l'un des commissaires aux comptes est employé par Deloitte, Mazars a effectué diverses missions de diagnostic et d'assistance auprès de la Direction, Constantin est intervenu en matière d'aide à la préparation des comptes pro-forma dans le cadre de la conversion aux normes comptables IFRS et Grant Thornton a réalisé une consultation comptable relative à la filialisation de la distribution.
Certaines entreprises clientes ont toutefois souligné, dans le cadre du test de marché, que les "Big Four", compte tenu de leur niveau d'expertise, sont incontournables en matière d'audit contractuel lié à l'application des normes IFRS. Les données communiquées par les parties montrent que durant la période 2003/2006, Deloitte a réalisé un chiffre d'affaires de [10-20] millions d'euro pour de telles prestations aux grandes entreprises [0-10]( millions en 2003/2004, [0-5] millions en 2004/2005 et [0-5] millions en 2005/2006). En revanche, BDO n'a effectué aucune prestation de ce type durant cette même période. La concentration n'a, par conséquent, aucune incidence sur la fourniture de telles prestations aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
En outre, l'application des normes IFRS aux sociétés cotées ou déposant des comptes consolidés étant entrée en vigueur le 1er janvier 2005, les prestations d'audit contractuel liées à la mise en œuvre de ces normes ont vocation à disparaître puisqu'elles sont de moins en moins demandées par les grandes entreprises et les sociétés cotées, comme en témoigne l'évolution du chiffre d'affaires de Deloitte sur ce type de mission.
En conclusion, même si des données quantitatives manquent à l'analyse du segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, il apparaît que la description qualitative du secteur permet d'effectuer un examen rigoureux des effets de l'opération sur ce marché. Compte tenu du faible chiffre d'affaires réalisé par BDO sur ce segment et, par conséquent, du faible renforcement de la position de Deloitte sur ce marché, de la pression concurrentielle exercée par les grands cabinets d'audit mais aussi par d'autres acteurs de taille plus modeste et enfin de la possibilité pour les cabinets de taille inférieure aux "Big Four" de proposer des missions d'audit contractuel aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, en raison des réglementations en vigueur, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, à raison de ses effets unilatéraux, sur le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
3.5.2 Analyse des effets coordonnés de l'opération
Dans son arrêt T-342-99, Airtours contre Commission, du 6 juin 2002, le Tribunal de Première Instance des Communautés européennes a imposé trois conditions cumulatives pour établir qu'une concentration crée ou renforce une position dominante collective :
- la connaissance par chaque membre de l'oligopole du comportement des autres membres par un degré de transparence suffisant du marché ;
- une incitation à ne pas s'écarter de la ligne de conduite commune ;
- l'incapacité des concurrents actuels et potentiels et par les consommateurs à remettre en cause de manière efficace la coordination.
Une situation de position dominante oligopolistique peut ainsi être définie comme une situation où certains acteurs d'un marché sont en mesure d'adopter une ligne d'action commune restrictive de concurrence indépendamment du comportement des consommateurs et des concurrents actuels et/ou potentiels, et s'exposent à des représailles en cas de déviation par rapport à cette ligne commune.
Eu égard aux définitions de marché envisagées pour les prestations d'audit et d'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, l'analyse de la position dominante collective doit être examinée sur le marché global ainsi que sur le segment de l'audit légal et sur le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
Cette analyse sera toutefois menée sur le seul segment de l'audit légal dont les caractéristiques détaillées ci-après sont les plus susceptibles de conduire à un renforcement ou à une création d'une position dominante collective.
A l'inverse, le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable présente, au regard des trois conditions de l'arrêt Airtours, une structure beaucoup moins propice à la constitution d'un oligopole dominant que le segment de l'audit légal.
Tout d'abord, comme il l'a été mentionné au niveau de l'analyse des effets non coordonnés, l'examen qualitatif de la structure du segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées montre le caractère plus atomisé de l'offre, compte tenu notamment de la présence d'autres acteurs que les cabinets d'audit, à l'instar des cabinets-conseil.
En outre, compte tenu de la diversité des prestations proposées sur ce segment quant à leur nature et à leur durée, il apparaît que les services présentent un degré d'homogénéité plus faible. Par ailleurs, l'absence de données publiques sur le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées introduit de l'opacité sur les tarifs proposés par les différents cabinets.
Enfin, l'évolution des réglementations relatives aux incompatibilités de la mission d'audit légal avec d'autres missions d'audit a permis aux cabinets de second rang et de moindre taille d'accéder aux grandes entreprises et aux sociétés cotées sur le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable. Il s'ensuit que de nombreux acteurs sont en mesure d'animer la concurrence sur le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
Eu égard à ces caractéristiques de marché, la démonstration de l'absence d'une position dominante collective sur le segment de l'audit légal emportera celle de l'absence d'une position dominante collective sur le segment de l'audit contractuel*.
Le ministre considère ainsi que l'examen du segment de l'audit légal constitue une bonne approximation du risque de renforcement ou de création d'une position dominante collective sur le marché global de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Au demeurant, il apparaît que cette analyse ne s'écarte pas de la pratique décisionnelle communautaire et nationale antérieure dans la mesure où l'examen des risques de position dominante collective mené jusqu'à maintenant par le ministre et par la Commission européenne a essentiellement porté sur les spécificités liées aux activités d'audit légal. Enfin, l'enquête de marché a permis d'établir que les inquiétudes de certains opérateurs par rapport à la présente opération de concentration concernent essentiellement le segment de l'audit légal.
Dans ces conditions, il convient donc d'examiner, dans un premier temps, si le segment des prestations d'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées en France se caractérise par une structure oligopolistique de nature à caractériser une position dominante collective qui serait renforcée par l'opération (3.5.2.1) ou, dans un deuxième temps, si, à l'issue de la concentration, le niveau de concentration du marché sera tel qu'il entraînera la création d'une position dominante collective (3.5.2.2).
3.5.2.1 Position dominante collective préexistant à l'opération
i) Pratique décisionnelle communautaire
A deux reprises, la Commission européenne a été amenée à s'interroger sur les risques de renforcement ou de création d'une position dominante collective sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
a) IV/M.1016, Price Waterhouse/Coopers & Lybrand, du 20 mai 1998 : passage des " Big Six " aux " Big Five "
Lors de l'acquisition de Coopers & Lybrand par Price Waterhouse, la Commission européenne a analysé les risques de renforcement et de création d'une position dominante collective entre les principaux acteurs compte tenu du fort degré de leur concentration dans chacun des Etats membres. Cette analyse est antérieure à la jurisprudence Airtours.
La Commission européenne a considéré que le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées présentait " dans une certaine mesure " des caractéristiques susceptibles de contribuer au renforcement ou à la création d'une position dominante collective : structure oligopolistique du marché (Big Six puis Big Five), stagnation de la demande, absence d'élasticité de la demande par rapport aux prix, homogénéité des produits, transparence du marché, faible degré d'innovation, existence de liens structurels entre les fournisseurs, fidélité des clients à leurs commissaires aux comptes et fortes barrières à l'entrée.
Néanmoins la Commission européenne a considéré que le nombre des principaux cabinets était trop élevé et rendait toute position dominante collective trop complexe et instable pour durer : " d'un point de vue général, une domination collective comprenant plus de trois ou quatre fournisseurs est peu probable, du simple fait de la complexité des relations mutuelles qu'elle suppose et de l'incitation qui en découle à s'écarter de cette ligne de conduite ; une telle situation est instable et intenable à long terme " En outre, elle a considéré que le marché restait concurrentiel, notamment par l'intermédiaire des appels d'offres, malgré leur caractère rare.
b) COMP/M.2816, Ernst & Young/Andersen France, du 5 septembre 2002 : passage des " Big Five " aux " Big Four "
Lors de l'acquisition d'Andersen France par Ernst & Young, la Commission européenne, à la lumière de l'arrêt Airtours du TPICE, a examiné si le passage de cinq à quatre cabinets d'audit sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable était de nature à créer une position dominante collective sur ce marché.
Elle a affirmé qu' " au cas d'espèce, il pourrait être considéré que les caractéristiques actuelles du marché combinées à la réduction supplémentaire des acteurs du marché de cinq à quatre pourrait conduire à une transparence suffisante, à des mécanismes de rétorsion efficaces et à un manque de réponse menaçante des concurrents actuels et potentiels, ces éléments pouvant conduire à la création d'une position dominante collective sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées ". (Point 74 - Traduction libre)
Elle a estimé que les caractéristiques du marché n'avaient pas suffisamment évolué depuis la décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand au point d'exclure que la réduction de cinq à quatre cabinets d'audit puisse à elle seule conduire à la création d'une position dominante collective. Elle a toutefois souligné que le système du double commissariat aux comptes et le lien étroit que cela crée entre les auditeurs au travers d'un choix limité de clients pouvait favoriser la transparence et faciliter la coordination.
Toutefois, la Commission européenne n'a pas jugé nécessaire d'examiner plus attentivement le risque de création d'une position dominante collective dans la mesure où la théorie de l'entreprise défaillante trouvait à s'appliquer au cas d'espèce.
***
Il ressort de la pratique décisionnelle communautaire que la Commission européenne n'a pas encore caractérisé une position dominante collective sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. En outre, il convient de souligner que la Commission européenne n'a pas été amenée à examiner de manière précise les deuxième et troisième critères de la jurisprudence Airtours dans le cadre des deux décisions examinées ci-dessus.
ii) Pratique nationale
Dans sa décision du 19 novembre 2004 relative à l'acquisition du cabinet Salustro Reydel (SRA) par KPMG, le ministre de l'Economie a considéré que le marché français de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, notamment sur le segment de l'audit légal, se caractérisait par une offre de plus en plus restreinte en raison de l'évolution de la réglementation relative aux incompatibilités des missions d'un commissaire aux comptes avec un certain nombre de prestations de conseil et d'expertise comptable, de la réticence de certains cabinets à confier un mandat de commissaire aux comptes à un cabinet auditant une entreprise concurrente et enfin de l'expertise particulièrement complexe requise par certains secteurs de la vie économique.
Il a considéré que l'opération ne modifiait pas la structure du marché " le nombre d'opérateurs " principaux " restant à quatre " même si elle conduisait " à la disparition d'un des cabinets " alternatifs " qui exercent une pression concurrentielle sur au moins un des deux mandats de commissariats aux comptes ".
Le ministre a néanmoins estimé que " pour autant, cette disparition ne privera pas les clients de solutions alternatives, d'autres cabinets restant indépendants, à l'instar de Mazars & Guérard, Groupe Constantin, BDO Marque & Gendrot ou Grant Thornton. Ainsi, parmi les sociétés du SBF 120, presque 40% des mandats sont confiés à des cabinets en dehors des " big four ". Il convient par ailleurs de souligner que le nombre de cabinets considérés par les clients comme fournissant une alternative envisageable aux " big four " a cru ces dernières années. Ainsi, selon les parties, sur les 14 cas de changement de commissaire aux comptes parmi les sociétés du SBF 120, intervenus entre le 1er juin et le 31 août 2004, les " big four " ont gagné cinq des nouveaux mandats alors que les cabinets alternatifs en ont obtenu neuf. C'est notamment le cas du cabinet Mazars & Guérard, qui s'est vu confier les mandats de Schneider et d'Eurotunnel, précédemment détenus par PWC. "
La troisième condition de l'arrêt Airtours précité n'étant pas remplie, le ministre de l'Economie a conclu à l'absence de renforcement ou de création d'une position dominante collective à l'issue de l'acquisition de SRA par KPMG.
Dans son arrêt du 30 juin 2006 faisant suite au recours de la société Fiducial contre cette décision, le Conseil d'Etat a suivi les conclusions du ministre de l'Economie et a considéré que " la capacité des concurrents actuels ou potentiels de l'oligopole à remettre en cause les résultats attendus d'une collusion tacite est un des éléments qui doivent être pris en compte pour déterminer les risques de création ou de renforcement d'une position dominante collective ; qu'à cet égard, le rachat par l'un des quatre grands cabinets internationaux de l'un des principaux cabinets d'audit de second rang en France capable de constituer, dans une certaine mesure, une alternative crédible, notamment en ce qui concerne l'attribution du second mandat de commissaire aux comptes (imposé aux sociétés astreintes à publier des comptes consolidés par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L.225-228 du code de commerce) à un cabinet n'appartenant pas au même réseau, pourrait faire craindre que l'opération en cause soit de nature à augmenter ces risques ;
Mais considérant que, d'une part, après l'opération autorisée, il reste au moins quatre cabinets indépendants qui sont regardés comme pouvant fournir une telle solution alternative ; que, d'autre part, l'analyse des changements récents de commissaires aux comptes parmi les sociétés du SBF 120 fait apparaître une relative fluidité des mandats favorisée par le recours à des procédures d'appel d'offres et que, notamment, l'un des plus importants d'entre eux a remporté des mandats précédemment détenus par l'un de ces grands cabinets ; qu'il convient enfin de relever que les sociétés du CAC 40 et du SBF 120 ne sont pas les seules grandes entreprises, à avoir recours aux services de grands cabinets d'audit ;
Considérant qu'ainsi et compte tenu de l'exigence d'apporter des éléments de preuve solides pour établir l'existence d'une position dominante collective, le ministre de l'Economie a pu, sans erreur de droit ni d'appréciation, écarter le risque que l'opération conduise à la création d'une telle position ".
***
L'analyse menée par le Conseil d'Etat sur le risque de renforcement ou de création d'une position dominante collective apparaît essentielle dans le cadre de l'examen de la présente opération de concentration. En considérant que le ministre de l'Economie n'avait pas commis d'erreur de droit ni d'appréciation en écartant les risques de création ou de renforcement d'une position dominante collective dans la mesure où la troisième condition de l'arrêt Airtours n'était pas remplie, le Conseil d'Etat a confirmé que les trois critères fixés par la jurisprudence étaient cumulatifs et que, dès que l'un d'eux n'était pas rempli, les risques d'effets coordonnés pouvaient être écartés.
Il convient enfin de souligner que le Conseil d'Etat a circonscrit son analyse au troisième critère de l'arrêt Airtours et n'a pas analysé le critère de transparence du marché ni celui de la faculté de rétorsion. Sur le premier point, le ministre avait considéré, dans sa décision KPMG/SRA, que le degré de transparence était faible, compte tenu du système d'appels d'offres sur le marché mais n'avait pas davantage examiné ce point, les éléments relatifs à la troisième condition de l'arrêt Airtours suffisant à écarter les risques d'effets coordonnés. Dans le cadre de la présente opération, le ministre considère qu'il doit se livrer à un examen détaillé de l'ensemble des critères de l'arrêt Airtours.
iii) Evolution de la structure du segment de l'audit légal depuis la décision KPMG/SRA
La comparaison des données factuelles de la décision KPMG/SRA du 19 novembre 2004 et de celles de la présente opération montre que l'analyse retenue par le ministre de l'Economie, et validée par le Conseil d'Etat le 30 juin 2006 reste toujours pertinente. Le nombre et la qualité des opérateurs en mesure de constituer une offre alternative aux "Big Four" en 2006 n'a pas évolué au point de remettre en cause l'analyse de la pression concurrentielle que les cabinets de " second rang " (à savoir Mazars, BDO, Grant Thornton et Constantin) exerçaient en 2004.
En ce qui concerne le nombre de mandats détenus par ces cabinets alternatifs, en comparant les données de la décision KPMG/SRA et celles de la présente concentration (15), on constate que :
- Mazars dispose de deux mandats supplémentaires pour des sociétés du CAC 40 et de six mandats supplémentaires pour des sociétés du SBF 120 ;
- BDO dispose de trois mandats supplémentaires pour des sociétés du SBF 120 ;
- Constantin a perdu un mandat pour des sociétés du CAC 40 mais a remporté un mandat supplémentaire pour des sociétés du SBF 120 ;
- Grant Thornton dispose d'un mandat supplémentaire pour des sociétés du SBF 120.
Par conséquent, les quatre cabinets de second rang demeuraient avant l'opération en mesure d'animer la concurrence et d'exercer une pression concurrentielle suffisante sur les grands cabinets d'audit sur le segment de l'audit légal.
***
Il ressort de l'ensemble de ces informations que le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées ne se caractérisait pas avant l'opération de concentration par l'existence d'une position dominante collective des grands cabinets d'audit ("Big Four"). Dès lors, l'opération de concentration ne peut avoir pour conséquence de renforcer une situation de dominance oligopolistique.
3.5.2.2 Création d'une position dominante collective
i) Sur les caractéristiques structurelles du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées
a) Analyse des caractéristiques structurelles du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées du côté de l'offre
Le degré de concentration du segment de l'audit légal 15 Ces données ne prennent pas en compte le rapport gain/perte de mandats. Toutefois, l'examen de l'évolution des parts de marché constitue un bon indicateur du poids de ces cabinets.
A titre liminaire, il convient de rappeler que, comme il a été mentionné précédemment, les méthodes de calcul des parts de marché par nombre de mandats et par montant d'honoraires versés par les entreprises du SBF 120 constituent une bonne approximation de la structure concurrentielle du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
A l'issue de l'opération de concentration, les "Big Four" détiennent 81% des mandats des sociétés du CAC 40 et 73% des mandats du SBF 120. L'indice de Herfindahl-Hirschmann (IHH) s'établit à 2001 sur le segment des sociétés du CAC 40 et à 1503 sur le segment des sociétés du SBF 120 (16).
Les grands cabinets d'audit représentent 91,6% du montant total des honoraires pour les sociétés du CAC 40 et 91,0% pour les sociétés du SBF 120. L'IHH s'établit à 2342 sur le segment des sociétés du CAC 40 et à 2296 sur le segment des sociétés du SBF 120 (17).
Il ressort de l'ensemble de ces données que le segment de l'audit légal présente un degré de concentration élevé : quelle que soit la méthode de calcul des parts de marché envisagée, l'IHH est quasiment toujours supérieur à 2000 pour les sociétés du CAC 40 et du SBF 120.
La symétrie des parts de marché
Dans sa décision IV/M.1383, Exxon/Mobil, du 29 septembre 1999, la Commission européenne a souligné qu'une symétrie des parts de marché peut constituer un facteur de collusion tacite. En effet, les entreprises qui détiennent des parts de marché équivalentes ont tendance à considérer que le statu quo est bénéfique à chacune d'entre elles et considèrent alors que toute " guerre concurrentielle " se traduirait par davantage de pertes que de gains. Dès lors, l'adoption de comportement collusif sera plus propice à une maximisation des profits.
Au cas d'espèce, il ressort des tableaux présentant les parts de marché de Ernst & Young, de PWC, de KPMG et de la nouvelle entité que les "Big Four" ont des parts de marché relativement équilibrées quelle que soit la méthode de calcul retenue pour les sociétés du SBF 120 :
<emplacement tableau>
Ainsi, même si Ernst & Young reste toujours en première place quelle que soit la méthode de calcul des parts de marché retenue, il convient de noter que les positions respectives des principaux cabinets sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées sont relativement proches.
La stabilité des parts de marché
Une stabilité des parts de marché sur une période suffisamment longue peut traduire un accord tacite visant à partager le marché.
Les données disponibles permettent d'effectuer un examen pertinent sur deux ans, c'est-à-dire entre la décision KPMG/SRA (2004) et la présente opération. S'il est vrai que ces deux concentrations interviennent dans un laps de temps relativement court, la comparaison des positions des grands cabinets d'audit sur une plus longue période serait nécessairement biaisée par les différentes acquisitions qui ont eu lieu sur le marché ces dernières années.
Les parties ont indiqué que 111 mandats de commissaires aux comptes sont arrivés à échéance au cours des années 2004 et 2005, soit environ 45% des mandats des sociétés du SBF 120. Il convient ainsi de considérer que le nombre élevé de mandats remis en jeu ces deux dernières années justifie une analyse de l'évolution des parts de marché entre la décision KPMG/SRA et la présente opération de concentration est pertinente.
Le tableau suivant présente ainsi les parts de marché des principaux cabinets d'audit retenues dans la décision KPMG/SRA pour les sociétés du SBF 120 sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées :
<emplacement tableau>
Comparées à celles du tableau précédent, ces données montrent que les parts de marché des principaux cabinets d'audit n'ont pas sensiblement évolué depuis la décision KPMG/SRA en dépit des 111 mandats de commissaires aux comptes arrivés à échéance en 2004 et en 2005, qui ont donné lieu à des procédures d'appels d'offres, de consultations restreintes ou de procédures informelles.
Il convient donc de dresser le constat d'une certaine stabilité des parts de marché, les remises en jeu de près de la moitié des mandats de commissaires aux comptes pour les sociétés du SBF 120 sur deux ans n'ayant pas eu d'impact significatif sur la répartition du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées sur la position des principaux cabinets d'audit.
L'innovation technologique
Un marché où l'innovation technologique joue un faible rôle constitue un terrain propice au développement d'une collusion tacite. En effet, dans de telles conditions, les entreprises sont assurées que les produits proposés par leurs concurrents les plus proches ne changeront pas dans un avenir proche. Le marché n'est donc pas perturbé par le lancement de nouveaux produits ou services et cette situation de stagnation constitue un environnement idéal pour adopter de manière sereine des lignes d'action stratégiques sans risquer que cela soit remis en cause.
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a considéré que " les méthodes qu'utilisent les services d'audit et de comptabilité changent peu au fil du temps et se caractérisent par un faible taux d'innovation ".
Au cas d'espèce, il apparaît que l'argument avancé par la Commission européenne doit être nuancé au regard de l'évolution des réglementations relatives à l'indépendance de l'auditeur légal et de la récente mise en œuvre des normes IFRS (18) pour les sociétés cotées ou déposant des comptes consolidés, qui complexifié les missions d'audit. Ces dernières sont devenues plus techniques, comme l'a d'ailleurs reconnu l'ensemble des sociétés du SBF 120 et des cabinets d'audit interrogés dans le cadre de l'enquête de marché.
Toutefois, il convient de souligner que l'enquête de marché a, dans le même temps, permis de constater que les principaux cabinets d'audit maîtrisent ces innovations technologiques, la plupart des clients les ayant reconnus comme incontournables sur les missions de mise en œuvre des normes IFRS au sein de leurs structures et de formation à ces nouvelles normes comptables. L'étude Xerfi de mars 2005 relative à l'audit et à l'expertise comptable a également souligné que le " bouleversement réglementaire " généré par les normes IFRS " a naturellement plutôt concerné les acteurs d'une certaine envergure (pour tout dire essentiellement les "Big Four", qui ont très largement profité de leurs réseaux mondiaux) ".
Il ressort ainsi de l'instruction du dossier que le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées s'est caractérisé ces dernières années par un degré d'innovation technique non négligeable. Cependant, cette innovation est partagée par l'ensemble des "Big Four", aucun d'entre eux ne s'étant démarqué des autres sur ce secteur, au regard des éléments communiqués par les parties et les réponses à l'enquête de marché. En d'autres termes, il apparaît que l'innovation technologique générée par les nouvelles réglementations n'a pas eu d'impact sur les services proposés par les "Big Four", notamment en termes d'application des normes IFRS, les clients considérant les services proposés par les principaux cabinets d'audit comme très largement substituables.
L'évolution des prix
L'évolution des prix constitue un indicateur important pour présumer l'existence d'une collusion tacite.
Il ressort de l'instruction du dossier, des réponses de l'enquête de marché et de l'analyse de diverses études sur le secteur, que le marché de l'audit et de l'expertise comptable se caractérise par une évolution sensible des honoraires ces dernières années, tant sur le secteur* de l'audit légal ([10-20]% entre 2003 et 2005).
Ainsi, le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées se caractérise, ces dernières années, par une augmentation des prix des grands cabinets, qui serait en grande partie liée à la complexification des missions d'audit. Toutefois, il n'est pas à exclure que cet accroissement des honoraires puisse être lié à d'autres facteurs que l'instruction du dossier n'a pas permis d'identifier. Dès lors, dans le cadre de l'analyse de la présente opération de concentration, aucune conclusion ne peut être tirée avec certitude quant à l'évolution des prix pratiqués par les grands cabinets d'audit.
b) Analyse des caractéristiques structurelles du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées du côté de la demande
Evolution de la demande
Un marché en pleine croissance attire de nouveaux acteurs et incite les entreprises à une concurrence intense. A l'inverse, un marché à maturité est plus propice à des comportements collusifs dans la mesure où les entreprises auront intérêt à maximiser leurs profits dans un contexte où tout gain de parts de marché par un acteur se traduit par une perte directe pour un autre.
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a indiqué que " le marché des services d'audit et de comptabilité fournis par les six grands aux grandes sociétés ne va manifestement pas se développer sensiblement dans un avenir prévisible et, en tout état de cause, étant donné la taille très importante de chacune des entreprises qui constituent la clientèle, la croissance ne pourra provenir d'une augmentation du nombre de clients. On peut donc en conclure que la demande sur le marché en cause connaîtra sans doute, au mieux, une progression lente ". (point 98)
Les parties contestent les arguments de la Commission européenne. Elles considèrent, en effet, que la demande connaît une certaine évolution due à des facteurs tant endogènes (opérations de fusion-acquisition pouvant avoir un impact sur les cabinets d'audit se retrouvant en " doublon ") qu'exogènes (évolution des réglementations et des normes comptables).
L'instruction du dossier et l'enquête de marché montrent que les facteurs endogènes traduisent certes une évolution de la demande mais sur un marché davantage mature qu'en pleine croissance. Quant aux facteurs exogènes, leur impact est davantage visible sur le segment de l'audit contractuel que sur le segment de l'audit légal, où les conséquences de l'évolution des réglementations et des normes comptables ne traduisent pas, en tant que telle, un accroissement du nombre de clients mais une complexification de leur demande.
Les parties reconnaissent d'ailleurs que l'essentiel du chiffre d'affaires des commissaires aux comptes est réalisé sur un nombre restreint de clients. Ainsi, à titre d'exemple, elles ont estimé le coefficient de dispersion de Gini (19) à [0,5-1] pour les honoraires versés aux commissaires aux comptes, sur la base de 197 entreprises du SBF 250, pour lesquelles les honoraires ont été rendus publics à fin octobre 2006. Ces données témoignent de la concentration du chiffre d'affaires réalisé par les commissaires aux comptes sur un nombre restreint de clients.
Dans la mesure où les "Big Four" détiennent ensemble 73% des mandats du SBF 120 et 44,2% des mandats du SBF 250 (hors SBF 120) et qu'ils représentent 91% du montant total des honoraires versés par les sociétés du SBF 120 et 68% du montant total des honoraires versés par les sociétés du SBF 250 (hors SBF 120), il s'ensuit que les "Big Four" proposent leurs services à une clientèle très réduite.
L'instruction du dossier n'a ainsi pas pu permettre d'établir que le marché de l'audit et de l'expertise comptable se caractérise par une demande croissante sur le segment des prestations d'audit légal aux sociétés du SBF 120.
Enfin, ainsi qu'il l'a été mentionné précédemment, certains acteurs ayant répondu à l'enquête de marché ont souligné que l'évolution des réglementations liées notamment aux situations d'incompatibilité pour les missions de l'auditeur légal et l'instauration du délai de viduité pourrait entraîner un recentrage des grands cabinets d'audit sur les prestations d'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées notamment au SBF 120, où la demande est, par définition, stagnante en ce sens que le nombre d'entreprises clientes n'augmente pas sur ce segment.
L'élasticité de la demande par rapport aux prix
Une faible élasticité de la demande par rapport aux prix se traduit par l'absence de variation conséquente de la demande face à une variation des prix. Ainsi, l'intérêt de dévier par rapport au comportement collusif est faible quand une réduction des prix ne se traduit pas par un gain en termes de parts de marché. Une faible élasticité de la demande aux prix constitue donc un élément favorable à une collusion tacite.
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a considéré que, sur le marché des grandes entreprises et des sociétés cotées " l'élasticité de la demande par rapport aux prix est faible. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : les clients sont légalement tenus d'acheter ce service, le fait de changer de fournisseur a un coût et les honoraires versés par les entreprises clientes des six grands ne représentent, en raison de leur taille, qu'une proportion infime du total de leurs coûts ; enfin, les clients déclarent eux-mêmes que le prix est le critère qui intervient le moins dans le choix de leurs fournisseurs ". (point 99)
Les parties n'ont apporté aucun élément quantitatif lié à l'élasticité de la demande par rapport aux prix. Toutefois, elles ont fourni une description qualitative des principaux critères de choix des grandes entreprises et des sociétés cotées qui fait apparaître que le prix ne constitue pas le critère déterminant de choix d'un cabinet d'audit, la notoriété et la compétence prévalant davantage dans la sélection de l'auditeur. En outre, les parties ont indiqué que, sur ces quatre dernières années, le pourcentage réel de changement de commissaires aux comptes pour les entreprises du SBF 120 ne s'élève qu'à 24%, ce qui traduit une fidélité certaine du client au cabinet titulaire du précédent mandat. Ces éléments laissent supposer une faible élasticité de la demande par rapport aux prix.
Les réponses des clients au test de marché ont confirmé que les principaux critères de choix d'un auditeur légal sont la réputation sur les marchés financiers, la couverture géographique et le niveau d'expertise, le prix intervenant rarement comme le premier critère de choix. Il apparaît également qu'une augmentation des honoraires des principaux cabinets d'audit n'entraînerait pas forcément une remise en cause des mandats des commissaires aux comptes, la grande majorité les sociétés du CAC 40 et du SBF 120 considérant les "Big Four" comme incontournables pour répondre à leurs besoins.
Les éléments qualitatifs décrits ci-dessus semblent donc plaider pour une faible élasticité de la demande par rapport aux prix sur le segment de l'audit légal.
En conclusion, il apparaît que les caractéristiques du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, tant du côté de l'offre que du côté de la demande, laissent supposer que ce marché est structurellement propice à l'apparition d'un oligopole collusif. Par conséquent, il convient de vérifier à présent si, compte tenu de ces caractéristiques, les trois critères de l'arrêt Airtours sont réunis en l'espèce.
ii) Sur la transparence permettant la compréhension mutuelle
La transparence permet aux entreprises non seulement de détecter rapidement les stratégies de leurs concurrents et, par conséquent, d'aligner leurs lignes de conduite sur le marché assez facilement et sans concertation mais également de détecter tout comportement de déviation de la ligne d'action collusive et ainsi de la sanctionner. Dès lors, plus la structure du marché est simple et stable, plus il est aisé pour les entreprises de s'observer et d'adopter une ligne d'action commune en dehors de toute concertation. Il existe au cas d'espèce plusieurs éléments de nature à faciliter la transparence du segment de l'audit légal. Le premier critère de l'arrêt Airtours est donc ici analysé par un examen de l'homogénéité des produits (a), de la transparence du marché (b) et de l'existence de liens structurels entre les parties (c).
a) L'homogénéité des produits
Des produits ou des services homogènes vendus par différentes entreprises facilitent la transparence tarifaire et les possibilités de coordination des politiques de prix entre elles, aussi bien au niveau de la demande que des conditions de production ou de prestation de services. Dès lors, il devient plus facile de détecter des stratégies concurrentes.
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a souligné que " les services d'audit sont relativement homogènes en ce que tout audit comportera des contrôles, des analyses et des rapports normalisés, ainsi que d'autres éléments prévus par les réglementations nationales et les règles internes à la profession ". (point 100)
Position des parties
Les parties ne souscrivent pas intégralement à l'argumentaire de la Commission. Elles considèrent que la nature des prestations offertes pour les services d'audit légal dépend de la demande qui peut être :
- distincte d'une entreprise à l'autre : les parties soulignent le fait que la demande varie selon les caractéristiques de l'entreprise concernée, à savoir son secteur d'activité, sa dimension nationale ou internationale, les référentiels comptables auxquels elle est soumise ainsi que son évolution dans le temps due à des facteurs tant internes (opérations de fusion-acquisition) qu'externes (nouvelles réglementations) ;
- distincte d'un appel d'offres à un autre : les parties affirment que chaque offre est unique notamment en termes de travaux demandés, d'estimation du temps nécessaire, des effectifs requis et de la localisation géographique, et que, par conséquent, chaque cabinet d'audit répond aux différents appels d'offres en fonction de ses propres critères.
Les parties reconnaissent qu'il existe des contraintes similaires de contrôle, d'analyse et de rapport mais concluent, à l'appui des arguments mentionnés ci-dessus, que les services d'audit légal sont en grande partie hétérogènes et que les honoraires correspondant aux prestations accomplies ne peuvent être parfaitement comparables d'une entreprise à une autre.
Réponses à l'enquête de marché
Les réponses à l'enquête de marché réalisée auprès des clients et des concurrents ne valident pas, pour la grande majorité d'entre elles, la position des parties.
Ainsi la plupart des sociétés du CAC 40 et du SBF 120 ayant répondu à l'enquête de marché souligne le fait que les services et le niveau d'expertise des "Big Four" sont relativement homogènes. En outre, toutes ces entreprises, intervenant dans des secteurs différents de l'activité économique ont systématiquement répondu que les grands cabinets d'audit étaient tous en mesure de répondre à leurs besoins spécifiques au niveau de l'audit légal.
Du côté des concurrents, la plupart des opérateurs a considéré que l'offre de services d'audit est relativement homogène, surtout pour ce qui concerne les sociétés du CAC 40 et du SBF 120, tout en soulignant, pour certains d'entre eux, l'existence d'expertises marginales davantage développées dans certains cabinets que dans d'autres.
Confrontation des différents arguments
Il n'est pas contesté que les clients puissent formuler des demandes différentes mais leurs critères de choix restent similaires, à savoir l'appartenance du cabinet à un réseau international, la réputation sur les différents marchés financiers, le niveau d'expertise, etc. L'instruction du dossier a pu montrer que les "Big Four" sont en mesure de proposer une prestation similaire en termes d'audit légal à l'ensemble des grandes entreprises et des sociétés cotées.
L'instruction du dossier et l'enquête de marché n'ont pas établi que le type de prestations proposées d'un "Big Four" à un autre n'était pas homogène. En effet, les grands cabinets d'audit interviennent tous dans différents secteurs d'activité économique et ils bénéficient d'une réputation équivalente, notamment en termes d'expertise, sur l'audit légal.
Enfin, il ressort de l'analyse de cahiers des charges envoyés par des grandes entreprises lors de la remise en jeu de mandats de commissariat aux comptes que ces documents sont extrêmement détaillés, ce qui semble conduire les principaux cabinets d'audit à formuler des réponses présentant une forte similarité.
Il s'ensuit qu'il existe une certaine homogénéité des services rendus par les "Big Four" sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
b) La transparence du marché
La transparence sur le fonctionnement du marché
Il ressort des informations communiquées par les parties qu'il existe une forte transparence sur le fonctionnement du secteur de l'audit légal. Ainsi, les grands cabinets d'audit connaissent le nombre exact de mandats remis en jeu chaque année par les sociétés du SBF 120, leurs " habitudes " relatives aux modalités de sélection (procédures d'appels d'offres ou consultations restreintes) ainsi que leur " tendance " à accorder la " prime au sortant " ou à changer de cabinet d'audit.
Les parties indiquent que [...] des [...] sociétés du SBF 120 ayant au moins un mandat venu à échéance sur les quatre dernières années ont lancé un appel d'offres. Ainsi, durant cette période, le recours aux appels d'offres représente [>40]% des procédures de remise en jeu des mandats de commissaires aux comptes.
La transparence sur le fonctionnement du marché doit cependant être nuancée par les différentes modalités de sélection des commissaires aux comptes qui peuvent constituer un élément d'opacité et, par conséquent, d'instabilité dans la répartition du segment des prestations d'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
- Les procédures d'appels d'offres
Malgré leur connaissance précise du nombre de mandats remis en jeu chaque année par appels d'offres, les grands cabinets restent toujours dans l'incertitude du résultat de la procédure d'appel d'offres, que le client détermine en fonction de critères qui lui sont propres. Ainsi, il ressort des données communiquées par les parties que [...] des [...] appels d'offres recensés pour la remise en jeu de mandats de commissaires aux comptes pour les sociétés du SBF 120 lors de ces quatre dernières années ont abouti à un changement de cabinet d'audit.
Les procédures d'appels d'offres n'améliorent donc pas vraiment le degré de transparence du fonctionnement du marché dans la mesure où elles peuvent générer une certaine instabilité dans la répartition des prestations d'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées entre les principaux cabinets d'audit.
- Les procédures hors appel d'offres
Les procédures d'appels d'offres regroupent des consultations informelles qui prennent la forme de consultations restreintes à un ou plusieurs cabinets. Le choix de cette modalité de sélection des commissaires aux comptes peut notamment résulter de liens historiques ou de la fidélité du client à son auditeur légal, en raison de sa connaissance très fine des besoins de la société et de son expérience. Il semble ressortir des informations communiquées par les parties et de l'enquête de marché, que certaines sociétés du SBF 120 préfèrent accorder une " prime au sortant " pour poursuivre une relation de confiance établie dans le temps. En outre, le changement d'auditeur légal peut représenter un coût significatif pour les clients qui doivent alors reconstruire une relation de confiance et de collaboration avec un cabinet qui ne dispose pas immédiatement de la connaissance précise de leurs besoins.
Il ressort des données communiquées par les parties que, [...] des [...] procédures hors appel d'offres recensées ces quatre dernières années pour les sociétés du SBF 120 ont abouti à un changement de commissaire aux comptes. Si cette proportion semble à première vue relativement faible, elle témoigne toutefois du fait que les grandes entreprises ne sont pas réticentes au changement de cabinet d'audit.
Ainsi, le recours à des procédures de gré à gré peut générer une certaine opacité sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées dès lors qu'une consultation restreinte ne constitue pas une procédure suffisamment formalisée pour considérer que les réponses des cabinets consultés sont tout à fait homogènes. ***
Le recours à des procédures d'appel d'offres ou de consultations restreintes peut affaiblir le degré de transparence du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées dans la mesure où ces procédures peuvent générer une instabilité de la répartition du marché entre les principaux cabinets d'audit et une opacité sur la nature des missions accomplies par ces opérateurs. Il n'en reste pas moins que les informations relatives à l'arrivée à échéance des mandats de commissaires aux comptes pour une année donnée semblent partagées par les "Big Four".
La transparence tarifaire
La transparence des prix et des coûts peut provenir de différents facteurs, notamment de l'existence d'une publication périodique de données chiffrées ou de la présence d'une organisation professionnelle à même de diffuser des informations sur le marché.
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a souligné que " le niveau de transparence des prix est élevé, en ce que les tarifs horaires pratiqués pour les services d'audit sont normalement assez transparents entre membres des six grands. Les coûts supportés par les six grands sont, eux aussi, transparents, puisque la publicité faite dans le cadre des recrutements et les transferts de personnel d'un cabinet à l'autre permettent de connaître le montant des salaires et des charges salariales, qui représentent largement plus de la moitié des coûts globaux. En outre, dans certains pays, d'autres facteurs contribuent à accroître la transparence, comme [...] l'obligation légale, en vigueur dans d'autres pays de recourir à deux auditeurs. ". (Point 100)
Dans sa décision Ernst & Young/Andersen France précitée, la Commission européenne a considéré que " le système du double commissariat aux comptes, et le lien étroit qui en résulte entre les auditeurs au travers d'un échantillon de clients, peut accroître la transparence et faciliter la coordination entre les acteurs du marché ". (Point 74)
Position des parties
Dans le cadre de la présente opération de concentration, les parties ne souscrivent pas à l'analyse de la Commission européenne. Elles estiment que la publication des honoraires versés par les sociétés à leurs commissaires aux comptes renvoie une image biaisée de la réalité du marché pour les raisons suivantes :
- les honoraires publics ne correspondent généralement pas aux honoraires proposés par les cabinets d'audit mais résultent des négociations intervenues en fin de processus de sélection ;
- la réglementation relative à la publication des honoraires est imprécise, ce qui peut générer des différences d'appréciation d'une société à une autre ;
- la période de réalisation d'un audit ne coïncide pas avec l'exercice comptable des sociétés auditées, la mission d'audit n'étant pas achevée au moment de la clôture des comptes et que, dès lors, les rapports annuels mentionnent des montants d'honoraires ne correspondant pas au coût total de l'audit sur l'exercice comptable de la société ;
- les honoraires publiés ne permettent pas d'avoir une bonne visibilité du périmètre des sociétés auditées ni de la localisation géographique des prestations concernées dans la mesure où ils correspondent à des honoraires mondiaux (20) et qu'ils ne concernent pas les honoraires des auditeurs qui ne font pas partie du collège des commissaires aux comptes de la société mère ;
- les honoraires publiés ne font pas état des éventuelles modifications de périmètre de la société auditée (par exemple, des opérations de fusion-acquisition) ni de l'évolution corrélative de la demande.
Les parties estiment enfin que le système du double commissariat aux comptes n'est pas de nature à permettre aux cabinets d'audit de connaître les offres proposées par leurs concurrents. Elles en déduisent une absence de transparence sur le niveau des offres proposées lors de la remise en concurrence des mandats de commissaire aux comptes.
Réponses à l'enquête de marché
L'enquête de marché réalisée auprès des clients montre que la quasi totalité des sociétés du CAC 40 et du SBF 120 estime que la comparaison des tarifs entre les "Big Four" est relativement facile sur le segment de l'audit légal. Une entreprise a, par exemple, affirmé réaliser pour ses besoins des benchmarks globaux à partir des rapports annuels des entreprises où apparaissent le montant et la nature des honoraires versés aux commissaires aux comptes.
Parmi les concurrents de la nouvelle entité, seul un cabinet d'audit affirme qu'il n'y a pas de visibilité sur le niveau des prix proposés par les différents acteurs du marché. Tous les autres considèrent que le niveau de transparence tarifaire est très élevé notamment pour les prestations d'audit légal. L'un des principaux cabinets d'audit indique même que le dispositif de publicité des honoraires, la pratique des appels d'offres, l'existence du double commissariat aux comptes assurent une totale transparence des prix. Cette affirmation est toutefois nuancée par un cabinet concurrent qui relativise le degré de transparence en soulignant que le montant des honoraires payés au plan mondial par une entreprise à ses commissaires aux comptes ne peut être connu qu'a posteriori et ne permet pas de connaître le tarif d'une prestation individuelle.
Les réponses des cabinets d'audit sont beaucoup plus mitigées sur les possibilités d'évaluation des coûts supportés par leurs concurrents, même si certains déduisent de l'homogénéité de l'offre des grands cabinets d'audit une structure de coût relativement similaire.
Confrontation des différents arguments
Il ressort de l'instruction du dossier et de l'enquête de marché mentionnées ci-dessus que le degré de transparence sur le segment de l'audit légal, s'il n'est pas total, semble toutefois suffisant pour connaître la politique tarifaire pratiquée par les grands cabinets d'audit.
Ainsi, l'analyse un* échantillon de seize appels d'offres auxquels a participé Deloitte depuis 2002 montre que [0-10] des propositions du cabinet ont été revues à la hausse, [0-10] ont été acceptées en l'état et [0-10] ont été revues à la baisse mais dans des proportions peu significatives. S'agissant de BDO, sur un échantillon de trois appels d'offres auxquels a participé le cabinet, on constate que ces offres ont systématiquement été acceptées en l'état, sans modulation des tarifs après sélection du cabinet comme commissaire aux comptes. Dès lors le second argument des parties selon lequel les honoraires publiés ne correspondent pas aux honoraires proposés lors du processus d'appel d'offres apparaît peu probant.
En outre, si les données publiées dans les rapports annuels des entreprises ne semblent pas toujours correspondre aux honoraires réels versés annuellement à leurs commissaires aux comptes, il semble toutefois qu'une lecture des rapports annuels de l'ensemble des clients d'un même cabinet d'audit permette une bonne approximation des tarifs pratiqués.
Enfin, s'agissant du dernier argument des parties, il apparaît que le système du double commissariat aux comptes constitue un facteur supplémentaire de transparence du marché. Il est vrai que le système du cocommissariat impose normalement que les deux commissaires aux comptes soient rémunérés de façon équivalente et exercent des missions identiques mais qu'il existe des différences non négligeables d'honoraires et de taux horaires facturés entre les deux auditeurs pour la plupart des grandes entreprises et des sociétés cotées. Ceci est particulièrement vérifié lorsqu'une entreprise recourt à un "Big Four" et à un cabinet alternatif, dans la mesure où ce dernier ne dispose pas de la même couverture géographique et n'est donc pas en mesure de répondre à l'intégralité de la demande du client. Toutefois, il ne peut être exclu que, dans la mesure où les sociétés du SBF 120 font, dans leur grande majorité, appel aux "Big Four" pour les deux mandats de commissariat aux comptes, ceux-ci puissent facilement connaître les tarifs pratiqués par leurs concurrents les plus directs en comparant pour chaque société qu'ils auditent les honoraires versés à l'autre commissaire aux comptes, ces informations étant portées à sa connaissance dans le cadre de sa mission de certification des comptes.
En revanche, le ministre n'a pu établir avec certitude que le degré de transparence relatif aux coûts supportés par les grands cabinets d'audit était élevé, même si les arguments avancés par la Commission européenne relatifs à la publicité faite dans le cadre des recrutements et aux transferts de personnel d'un cabinet à l'autre semblent conserver leur pertinence dans le contexte actuel du marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
***
Par conséquent, le degré de transparence ne peut être établi de manière certaine même si plusieurs éléments semblent indiquer que les grands cabinets d'audit disposent d'une bonne prévisibilité du comportement des acteurs sur le segment de l'audit légal.
c) L'existence de liens structurels entre les parties
Des liens structurels entre les membres de l'oligopole peuvent faciliter leur coordination, dans la mesure où ils renforcent considérablement la transparence du marché et peuvent faciliter des contacts entre les entreprises.
Dans sa décision Price Waterhouse/Coopers & Lybrand précitée, la Commission européenne a souligné que " de tels liens existent dans le secteur de l'audit et de comptabilité, puisque la profession adopte ses propres règles par le biais d'organismes auxquels sont affiliés les cabinets d'audit. Les cabinets d'audit siègent dans les organismes chargés de questions de déontologie et leurs représentants se réunissent régulièrement pour en discuter et prendre des décisions d'une importance vitale pour toutes les parties concernées. Etant donné le rôle particulièrement déterminant qu'ils jouent dans la définition des normes en question, les plus grosses sociétés sont en position d'user de cette influence pour mettre au point un système de normes qui pourrait, en pratique, contribuer à la création, entre elles d'une domination oligopolistique ou collective " (21). (point 101)
Position des parties
Les parties estiment que l'appartenance des cabinets d'audit à des organismes professionnels n'est pas de nature à créer des liens structurels ayant une incidence sur leur indépendance, tant au niveau national qu'international.
Elles soulignent que la seule institution qui réunisse les grands cabinets en France est le département de l'Appel Publique à l'Epargne (APE) de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC). Ce département, dont le comité exécutif est composé de onze membres (22), a été créé à l'occasion de la loi sur la sécurité financière pour traiter les questions professionnelles relatives à l'exercice du commissariat aux comptes au sein des sociétés cotées. Toutefois, les parties mentionnent que l'organe exécutif de la CNCC auquel a recours l'APE n'est composé que de dix membres dont quatre sièges sont réservés à des professionnels appartenant à l'exécutif du département de l'APE de la CNCC, dont deux seulement sont issus des "Big Four". Elles mentionnent que les "Big Four" sont absents du Haut Commissariat aux comptes, qui supervise la profession de commissariat aux comptes, et qu'en outre, ces cabinets ont une représentation marginale au sein du Comité National de Comptabilité (CNC), habilité à élaborer la réglementation comptable en France.
Les parties estiment que le degré d'influence des "Big Four" au niveau des instances internationales doit être fortement relativisé. Selon elles, l'IAASB (International Assurance and Auditing Standard Board) élabore les normes d'audit internationales (ISA), adoptées ensuite par l'Union européenne, sous la supervision du PIOB (Public Interest Oversight Board) qui ne comprend aucun membre de la profession. En outre, l'IASB (International Accountancy Board) élabore les normes comptables internationales (IFRS) adoptées ensuite par l'Union européenne (23) ; les quatorze membres de l'IASB sont choisis par l'IASCF (International Accounting Standards Committee Foundation), sorte de conseil de surveillance du dispositif qui comprend vingt-deux membres dont trois sont issus des "Big Four".
Les parties en concluent que la présence des "Big Four" est très minoritaire à la fois pour élaborer les normes comptables et leurs interprétations au niveau international et pour émettre des avis consultatifs à la Commission européenne, qui décide ou non de l'adoption de ces normes en Europe.
Réponses à l'enquête de marché
Sans apporter d'éléments exhaustifs à l'appui de leurs argumentions, certains opérateurs considèrent que les "Big Four" exercent, dans une certaine mesure, un contrôle sur l'IASB et subséquemment sur l'élaboration des normes internationales IFRS, notamment par un système de nominations croisées entre l'IASB et l'IASCF et par le financement significatif de ces différentes fondations par les grands cabinets d'audit. Sur ce point particulier, plusieurs acteurs du marché ont mentionné le fait que, compte tenu de leur poids financier, les "Big Four" contribuent à une part importante du budget de fonctionnement des organismes professionnels nationaux et des fondations internationales.
Confrontation des arguments
Dans une étude relative aux processus de normalisation comptable, Brigitte Raybaud-Turillo (24) souligne une certaine forme de complexité de production des normes comptables et de leurs modalités d'articulation, liées notamment aux liens existants entre les différentes instances : " les comités d'interprétation sont reliés entre eux ; la Commission européenne intervient comme observateur au sein du Board de l'IASC ; [...] ; les instances professionnelles sont représentées au sein des organismes de normalisation nationaux et internationaux ; [...] ; les régulateurs boursiers [...] participent activement aux nouvelles structures de l'IASC ; les membres des Big Five (l'étude est antérieure à la disparition d'Andersen) contrôlent en aval, dans le cadre de l'audit, la mise en œuvre de ces normes, mais ils participent également en amont à leur élaboration au sein des organismes de normalisation... ". (Page 24 - Soulignement ajouté)
Dans un texte publié par Patrick Csikos de l'Université de Lausanne en 2004 (25) relatif notamment au rôle des firmes d'audit, il est notamment indiqué que " l'affirmation d'acteurs hégémoniques limite les possibilités de remise en question des processus de travail, dans la mesure où les firmes prédominantes répandent des méthodes qui se voient souvent adoptées par un ensemble d'acteurs de moindre importance ; les standards de l'industrie étant souvent dictés par les acteurs les plus puissants. Cette diffusion idéologique est d'ailleurs en partie matérialisée par la palette de formations, publications, ou " workshops " proposés par les grandes firmes d'audit, activités qui leur permettent de promouvoir une certaine perception de la comptabilité, et viennent en appui au travail de diffusion des normes internationales au sein desquelles ces géants de l'audit se retrouvent fortement représentés " (Page 59 - Soulignement ajouté)
L'enquête de marché et l'analyse de certaines études spécifiques au secteur de l'audit et de l'expertise comptable laissent penser que les grands cabinets d'audit jouent un rôle dans l'élaboration des normes comptables internationales. Toutefois, cette influence ne suffit pas à caractériser l'existence d'éventuels liens structurels entre les "Big Four" de nature à influencer le comportement de leurs concurrents sur le marché. Au demeurant, il n'apparaît pas nécessaire d'examiner de manière plus détaillée ce critère, dans la mesure où des liens structurels ne sont pas suffisants en soi pour caractériser une position dominante oligopolistique.
***
Pour conclure sur le premier critère de l'arrêt Airtours, il apparaît que le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées se caractérise par un certain nombre d'éléments de transparence qui pourraient favoriser une collusion tacite entre les grands cabinets d'audit. Cependant, il reste que les modalités de sélection de la demande, notamment par le biais d'appels d'offres, est de nature à installer une certaine instabilité sur le marché.
En tout état de cause, il ressort de l'analyse de la présente opération que le deuxième critère de l'arrêt Airtours n'est vraisemblablement pas rempli et que le troisième critère ne trouve pas à s'appliquer au cas d'espèce. Dans la mesure où ces trois critères sont cumulatifs, il n'est pas nécessaire de se prononcer de manière définitive sur le critère de la transparence.
iii) Sur les possibilités de représailles
Un comportement collusif n'est viable que si les entreprises qui s'accordent sur le marché sont à même de sanctionner rapidement tout comportement déviant d'une d'entre elles. Dans le cas contraire, la collusion serait immédiatement remise en cause, puisque le concurrent déviant récupérerait une part de marché conséquente. L'entreprise déviante doit donc être en mesure de bénéficier d'une marge d'action forte afin de pouvoir mener une stratégie concurrentielle violente. Au regard de l'annulation de la décision de la Commission européenne dans l'affaire Airtours par le TPICE, ce critère revêt un caractère indispensable à la caractérisation d'une position dominante collective.
Ainsi, la question principale repose sur l'existence ou non d'un mécanisme de punition dissuadant toute éventuelle déviation par rapport à un équilibre collusif sur le marché concerné ou sur d'autres marchés sur lesquels les acteurs sont présents.
Or, il apparaît au cas d'espèce que l'existence d'un mécanisme rapide de sanction à l'égard de l'entreprise déviante n'est pas prouvée compte tenu du fonctionnement du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées (a) et que les éventuels contacts multimarchés entre les "Big Four" ne sont pas de nature à accentuer les possibilités de représailles (b).
a) Sur l'existence d'un mécanisme de sanction à l'égard de l'entreprise déviante
Il convient d'examiner, à ce stade de l'analyse, dans quelle mesure la structure et le fonctionnement du segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées permettraient de mettre en œuvre des mesures de représailles à l'encontre d'un comportement de déviation qui serait adopté par un des membres de l'oligopole.
Le deuxième critère de l'arrêt Airtours est ici analysé, à savoir " l' incitation à ne pas dévier de la ligne de conduite commune". Il ne sera toutefois pas possible de conclure avec certitude sur ce critère dans la mesure où les éléments quantitatifs disponibles ne sont pas suffisamment nombreux.
Il semble raisonnable a priori de penser qu'une ligne de conduite commune ne pourrait prendre place que sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. En effet, ces dernières identifient les "Big Four" comme étant les seuls cabinets d'audit suffisamment grands pour être en mesure de répondre de manière équivalente à une demande d'audit légal à un niveau international. Ce point est confirmé par ailleurs par la position dominante des "Big Four" sur le segment des entreprises du CAC 40 en particulier puisqu'ils détiennent 63 des 79 mandats qui arriveront à échéance entre 2007 et 2012. Par conséquent, les "Big Four" semblent être les seuls en mesure d'offrir des services relativement homogènes sur ce marché particulier. Cette homogénéité de l'offre laisse alors la place à une concurrence en termes de prix. L'analyse d'une ligne de conduite commune va donc être menée en prenant le prix comme variable de décision.
L'analyse sera menée de façon à définir quelle pourrait être la ligne de conduite commune spécifique au segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Par ailleurs, la prise en compte des données factuelles disponibles permettra de montrer qu'il n'est pas possible de conclure sur les possibilités de mettre en œuvre des représailles rapides et efficaces.
Définition d'une éventuelle ligne de conduite commune
Il semble raisonnable de penser qu'une ligne de conduite commune aux "Big Four" devrait se définir par les deux variables de décision essentielles que seraient la répartition des mandats et la fixation des prix. La mise en œuvre de cette ligne de conduite commune rencontrerait deux difficultés majeures car, pour chaque client, la date d''arrivée à échéance de son(ses) mandat(s) et la procédure de sélection et de choix final du(des) cabinets d'audit sont des décisions endogènes au client et exogènes au cabinet d'audit.
Par souci de simplification et afin de ne pas alourdir l'analyse, celle-ci sera menée de façon détaillée dans le cadre des procédures d'appels d'offres. Il sera montré par la suite que l'examen dans le cadre des procédures hors appels d'offre, par leur caractère moins formel, ne remettrait pas en cause l'analyse d'une éventuelle ligne de conduite commune.
La date d'arrivée à échéance des mandats de commissaires aux comptes constitue la première difficulté de mise en œuvre d'une ligne de conduite commune
La date d'arrivée à échéance des mandats est a priori totalement indépendante des décisions des "Big Four" et ne semble pas pouvoir être manipulée par les cabinets d'audit. Deux éléments permettent toutefois de nuancer ce caractère exogène :
- le premier élément est la possibilité pour les cabinets d'audit de faire des offres spontanées à un client, qui, pour au moins certaines d'entre elles, ont été acceptées ;
- le second élément est la possibilité pour les cabinets d'audit de démissionner d'un mandat en cours au motif d'incompatibilité avec un nouveau mandat.
Ces deux éléments semblent remettre en cause le caractère totalement exogène des dates d'échéance des mandats mais ne sont pas suffisamment fréquents pour donner un caractère endogène à la durée des mandats. Il est donc raisonnable de conclure que les cabinets n'ont globalement pas de pouvoir d'influence sur ces dates d'arrivée à échéance et que ces dernières sont essentiellement exogènes.
La procédure de sélection et de choix final des commissaires aux comptes constituent la deuxième difficulté de mise en œuvre d'une ligne de conduite commune
Les procédures par appel d'offres sont utilisées de manière significative par l'ensemble des grandes entreprises et des sociétés cotées. Les parties ont indiqué que, sur les quatre dernières années, sur les [...] sociétés du CAC 40 ayant au moins un mandat venu à échéance, [...] ont lancé un appel d'offres ( soit [>50]%) et sur les [...] sociétés du SBF 120 ayant au moins un mandat venu à échéance, [...] ont lancé un appel d'offres (soit [>40]%). Ces procédures entraînent une certaine fluidité des mandats de commissaire aux comptes dans la mesure où elles conduisent à des changements de mandat. Les parties ont indiqué que [>35]% des sociétés du CAC 40 ont, ces quatre dernières années, changé de commissaire aux comptes à la suite d'une procédure d'appel d'offres et [>40]% des sociétés du SBF 120 ont changé de commissaire aux comptes, à la suite d'une procédure d'appels d'offres.
Une procédure d'appel d'offres oblige les clients à définir un cahier des charges extrêmement détaillé non seulement en ce qui concerne la description des missions mais également en ce qui concerne la qualification et/ou les engagements des cabinets d'audit appelés à y répondre. En effet, certaines entreprises, par souci de sécurité ou de confidentialité, décrivent, et parfois de manière très précise, l'ensemble des obligations et/ou des incompatibilités que l'auditeur doit s'engager à respecter. Pour un même client, la définition du cahier des charges peut être modifiée de manière substantielle d'un mandat à un autre en raison de changements substantiels du périmètre de l'entreprise en cas de fusion/acquisition ou de cession mais aussi en cas d'évolution des réglementations. Dans tous les cas, l'ensemble de ces modifications doit être pris en compte et conduit donc à redéfinir un nouveau cahier des charges à chaque échéance de mandat.
L'ensemble de ces éléments propres à une procédure d'appel d'offres permet de conclure que l'utilisation d'une telle procédure, lourde, longue et coûteuse, traduit la réelle intention de mettre en concurrence les cabinets d'audit capables de remplir les obligations requises. De plus, le taux non négligeable de changement tant au niveau du CAC 40 que du SBF 120 permet de conclure que cette mise en concurrence est effective.
Par ailleurs, la décision de mise en concurrence par appel d'offres appartient au client. Elle est donc totalement exogène à tout comportement des cabinets d'audit et elle ne dépend que des dates d'arrivée à échéance des mandats de l'entreprise en question. Les parties ont indiqué que le nombre de mandats à échéance ainsi que le montant des honoraires générés par l'ensemble de ces mandats sont très variables d'une année à l'autre. Elles ont mentionné pour les sociétés du SBF 250, 60 mandats à échéance pour un montant d'honoraires d'environ 43 millions d'euro en 2007, 50 mandats pour un montant de 38 millions d'euro en 2008, 53 mandats et des honoraires de 40 millions d'euro en 2009, 91 mandats et des honoraires de 80 millions d'euro en 2010, 78 mandats et des honoraires de 47 millions d'euro en 2011 et 63 mandats et des honoraires de 74 millions d'euro en 2012.
Le nombre de mandats à échéance est donc inégalement réparti d'une année sur l'autre et l'importance de ces mandats est aussi très différente en termes d'honoraires. Cette information semble néanmoins connue des cabinets d'audit aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
D'une façon générale, une procédure d'appel d'offres, eu égard à son caractère opaque semble peu appropriée à la mise en place d'une ligne de conduite commune, à la détection d'une déviation et à la mise en œuvre de mesure de représailles rapides et efficaces.
Une ligne de conduite commune consisterait à définir, pour un nombre donné d'appels d'offres et pour un nombre donné de candidats, un prix pour chacun des candidats de façon à se partager le nombre des mandats à l'issue du processus de sélection.
Analyse des possibilités de déviation de la ligne d'action commune et des possibilités de détection de la déviation
Il convient, à ce stade de l'analyse, de rappeler que la durée relativement longue des mandats de commissaires aux comptes (6 ans) apparaît à première vue comme peu propice à l'exercice de représailles rapides. Toutefois, cet obstacle apparent à la mise en œuvre d'un mécanisme de punition rapide et efficace doit toutefois être nuancé du fait de l'irrégularité des dates d'arrivée à échéance des mandats, qui permet la remise en jeu de nombreux mandats chaque année.
Il ressort des informations communiquées par les parties ainsi que des tests de marché, que les cabinets connaissent l'ensemble des mandats à échéance pour chaque année. Comme il a été vu précédemment, ils connaissent également les préférences de leurs clients pour une procédure par appel d'offres. Cette procédure est alors annoncée quelques mois avant la fin du mandat de façon à désigner un nouveau commissaire avant le début de l'exercice comptable suivant, généralement calée sur l'année civile.
Ces annonces, selon les informations transmises par les parties, se font vers les mois de février ou mars. Les clients annoncent leur choix à l'issue de ce processus de sélection c'est-à-dire vers la fin de la même année.
Ainsi, une déviation ne pourrait pas être détectée avant la fin du processus de sélection de l'ensemble des mandats remis en jeu. Par conséquent, ce ne serait que lorsque tous les clients annonceraient leur choix que les cabinets participant à la ligne de conduite constateraient que celle-ci aurait été respectée. Si elle ne l'était pas, il conviendrait de savoir pour quelles raisons l'attribution des mandats ne serait pas celle attendue.
Deux raisons essentielles sont à prendre en compte, à ce stade de l'analyse :
- il arrive très souvent que les "Big Four" soient mis en concurrence avec des cabinets de second rang. Dans ce cas de figure, ces derniers, par définition, ne suivraient pas la ligne de conduite et instilleraient un élément d'instabilité majeure ;
- dans l'hypothèse d'une déviation d'un des " Big Four " de la ligne de conduite commune, la question se poserait alors de savoir quel cabinet serait à l'origine de la déviation. Cette détection serait d'autant plus facile si un des " Big Four " récupérait un nombre de mandats très important par rapport à celui prescrit par la ligne de conduite. Il faudrait donc qu'un cabinet dévie sur un grand nombre de mandats pour que la déviation puisse être détectée et le cabinet à l'origine de la déviation puisse être identifié.
Au-delà de ce cas le plus simple, dans lequel un seul des " Big Four " aurait dévié, la détection et l'identification deviendraient plus complexes si au moins deux des " Big Four " déviaient.
Par exemple, si deux cabinets déviaient de la ligne de conduite au cours d'un appel d'offres qui mettrait en concurrence les "Big Four" et un cabinet de second rang et que le mandat ne serait attribué ni au cabinet de second rang, ni au cabinet prescrit par la ligne de conduite, il serait difficile de conclure à une déviation. En effet, comme il a été dit précédemment, les clients ne considèrent pas les cabinets de second rang comme des substituts parfaits des "Big Four" et lorsqu'ils sont mis en concurrence, la variable de décision n'est plus le prix mais la couverture géographique ou la réputation. La ligne de conduite est donc plus difficile à mettre en œuvre dans cette configuration.
Analyse des possibilités de mise en œuvre de représailles rapides et efficaces
Au-delà des possibilités de déviation, il n'en reste pas moins qu'une punition ne pourrait pas avoir lieu avant l'année suivante, c'est-à-dire à l'issue du processus de sélection des prochains mandats à échéance.
Deux difficultés majeures sont à prendre en compte : la variabilité du nombre de mandats arrivant à échéance d'une année à l'autre et le montant des honoraires en jeu. Par conséquent, la stratégie de représailles à l'année N+1 pourrait se trouver limitée par le faible nombre de mandats en jeu et le faible montant d'honoraires associés, qui conduiraient les membres de l'oligopole à s'interroger sur l'opportunité d'attendre l'année N+2 pour mettre en œuvre des représailles efficaces. Ces deux irrégularités ne remettraient pas en cause la possibilité de représailles rapides mais rendraient la menace de représailles efficaces peu crédible et insuffisante à discipliner les participants à la ligne de conduite commune.
***
Ainsi, il ressort de l'analyse que les conditions nécessaires à la mise en place d'une ligne de conduite commune ne semblent pas réunies.
En premier lieu, les cabinets d'audit ne connaissent pas toujours le nom des cabinets d'audit appelés à répondre et donc ne connaissent pas leur concurrents, en particulier pour les cabinets de second rang. Ce point est d'ailleurs parfois stipulé explicitement dans le cahier des charges, l'absence de contact entre cabinets est parfois même recommandée. Il convient également de rappeler qu'une entreprise sollicitée à répondre à un appel d'offres n'est pas obligée de le faire. C'est généralement le cas lorsqu'elle estime la mission proposée incompatible avec d'autres missions détenues par ailleurs, par exemple pour le compte d'entreprise(s) concurrente(s). Ainsi, les "Big Four", même s'ils sont très souvent sollicités pour l'audit légal, ne répondent pas systématiquement tous les quatre à un même appel d'offres, par exemple en cas d'incompatibilité liée à la réglementation. Par ailleurs, ils peuvent être mis en concurrence avec un cabinet de second rang. Par conséquent, l'une des conditions de la ligne de conduite commune, à savoir le nombre donné de candidats ainsi que leur nom, ne serait pas systématiquement remplie.
En second lieu, il semblerait très difficile de détecter une déviation de la part d'un candidat, qui consisterait dans le cas d'une ligne de conduite commune, à remporter l'appel d'offres à la place d'un autre. Le caractère exogène des candidats appelés à répondre à un appel d'offres serait un élément très perturbateur de cette ligne de conduite. En effet, quelques entreprises* comme Grant Thornton ou Mazars sont appelés à répondre aux appels d'offres car même si leur offre n'est pas parfaitement substituable à celle des "Big Four", notamment en termes de couverture géographique, elles donnent** aux clients, un pouvoir de négociation en termes de prix et de conditions commerciales. Cette concurrence des cabinets de " second rang " introduirait un élément perturbateur supplémentaire car elle ne permettrait pas de distinguer s'il y a eu déviation.
Si le candidat de second rang (et donc extérieur à la ligne de conduite commune) l'emportait, rien ne permettrait de dire qu'un des "Big Four" aurait dévié de la ligne de conduite pour deux raisons :
- la déviation pourrait avoir échoué ;
- si le concurrent de second rang ne remportait pas l'appel d'offres et que celui qui l'emporterait ne serait pas celui prescrit par la ligne de conduite, alors il serait difficile de savoir s'il y a eu déviation de la part du vainqueur ou si ce dernier a été mis en concurrence avec le candidat de second rang. En effet, il convient de garder à l'esprit que, comme indiqué par les parties et comme il ressort des enquêtes de marchés, le prix n'est pas le seul critère de choix lorsque les offres ne sont pas homogènes.
De manière plus générale, il semble très difficile d'identifier si un cabinet d'audit, qui aurait dévié précédemment d'une ligne de conduite commune, ferait partie des concurrents à l'appel d'offres suivant, et d'exercer des représailles par une réponse agressive en termes de prix.
En effet, cette stratégie pourrait ne pas être une stratégie strictement dominante. Le candidat qui ferait une offre agressive en termes de prix doit envisager deux cas de figure selon qu'il remporterait ou non l'appel d'offres :
- si le candidat remportait l'appel d'offres, cela signifierait donc que les concurrents auraient des offres supérieures en termes de prix. Le candidat aurait alors pu offrir un prix supérieur sans remettre en cause son succès à l'appel d'offres mais avec un gain supérieur ;
- si le candidat ne remportait pas l'appel d'offres, fixer un prix supérieur n'affecterait pas l'issue de l'appel d'offres. Quoi qu'il en soit, offrir un prix agressif serait donc une stratégie faiblement dominée puisqu'en cas d'échec, elle ne changerait pas l'issue de la mise en concurrence alors qu'en cas de succès elle donnerait un gain qui n'est pas maximal.
***
Pour compléter l'analyse, il est montré maintenant que la mise en œuvre d'une ligne de conduite commune dans le cadre des procédures de mise en concurrence hors appel d'offres s'en trouverait encore plus difficile.
Comme il a été indiqué par les parties et comme il a été mentionné ci-dessus, au cours des quatre dernières années, les renouvellements/changements de mandats ont eu lieu en dehors d'une procédure d'appel d'offres pour plus de la moitié des mandats arrivés à échéance. Cela ne signifie pas pour autant une absence totale de mise en concurrence. Les parties ont indiqué plusieurs types d'offres :
- Offres restreintes à un seul cabinet d'audit
Plusieurs raisons peuvent amener une entreprise à choisir ce type d'offre. Une première raison est que le cabinet contacté, en raison de son expérience et de sa connaissance de l'entreprise, est le mieux à même d'assurer la mission. Les offres de ce type sont par conséquent souvent répétées auprès d'un même cabinet. Une deuxième raison est relative aux délais de viduité et aux incompatibilités imposées par la loi qui peuvent conduire à ce qu'un cabinet soit en mesure d'assumer totalement la mission.
En conclusion, ces offres restreintes à un seul cabinet sont, soit répétées à un même cabinet, soit imposées par des obligations et incompatibilités. Pour chacune de ces raisons, utiliser une procédure d'appel d'offres ne ferait qu'augmenter les coûts et les délais sans aucun gain à l'issue de la mise en concurrence. Quant à la mise en œuvre d'éventuelles représailles, elles ne sembleraient pas en mesure, là non plus, de s'exercer dans la mesure où l'offre restreinte est à l'initiative du client, initiative conditionnée à des obligations légales et à des qualifications qui sont exogènes au comportement des cabinets d'audit.
- Offres restreintes à plusieurs cabinets d'audit
Les entreprises utilisent également la possibilité de faire des offres restreintes à plusieurs cabinets d'audit. Cette procédure est alors très proche de celle d'une procédure d'appel d'offres dans la mesure où elle permet de tirer les bénéfices d'une mise en concurrence sans en subir tous les coûts, notamment ceux de rédiger un cahier des charges très précis ou de prévoir une procédure de sélection plus longue.
Pour les mêmes raisons que celles présentées pour une procédure d'appel d'offres, cette procédure, bien que nettement moins formelle, ne semblerait pas propice à l'exercice de représailles, d'autant plus que son caractère plus souple semble favoriser des offres plus hétérogènes que celles suscitées par un appel d'offres formel et laisser par conséquent plus de pouvoir de négociation aux clients, en particulier sur le prix.
L'analyse des offres de mandats montre clairement que les conditions sont fixées par les clients. Le caractère exogène de ces décisions ne permettrait pas l'exercice de représailles nécessaires à la mise en place d'une ligne de conduite commune. Il conviendrait alors de s'interroger, d'une part, sur les possibilités pour un cabinet d'audit de faire des offres spontanées et, d'autre part, sur la probabilité que cette offre soit acceptée. Il semble néanmoins, selon les parties, que ce type d'offre soit utilisé de manière très marginale.
En conclusion, les différents scenarii qui viennent d'être examinés ci-dessus, comme autant d'hypothèses de mise en œuvre de mécanismes crédibles de rétorsion, tendent à souligner les obstacles que les membres de l'oligopole auraient à surmonter. En effet, l'ensemble de ces éléments propres aux différentes procédures de sélection ne semble pas offrir un cadre favorable à l'exercice de représailles rapides et efficaces à la déviation d'un concurrent par rapport à une éventuelle ligne de conduite commune.
b) Sur les contacts multimarchés
Dans certains cas, les acteurs du marché concerné par l'opération de concentration sont également présents sur d'autres marchés. Les comportements collusifs peuvent découler de ce genre de situations, dans la mesure où la déviation par rapport à la ligne d'action collusive peut être sanctionnée sur ces autres marchés. Cette situation est souvent associée à la détention de positions dominantes individuelles sur les différents marchés.
Au cas d'espèce, les "Big Four" sont quasiment tous présents sur les secteurs du conseil en gestion, du conseil et de l'assistance financière aux entreprises, du conseil en fiscalité, du conseil aux entreprises en difficulté, de l'audit et de l'expertise comptable aux petites et moyennes entreprises.
Dans l'hypothèse où il existe une ligne d'action commune entre les "Big Four" sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées mais qu'en cas de déviation d'un des acteurs, aucune sanction ne peut être mise en œuvre par les autres acteurs sur ce marché, il convient d'examiner si un mécanisme de représailles pourrait s'appliquer sur les marchés mentionnés ci-dessus.
Or, compte tenu de l'atomicité de l'ensemble des marchés considérés, qui font intervenir pour certains d'entre eux des acteurs très divers mais disposant d'une assise financière significative, comme les cabinetsconseils, les banques d'affaires, les cabinets d'avocats, les SSII, etc et de l'absence de positions dominantes individuelles des "Big Four" sur ces marchés, il apparaît peu concevable que les membres de l'oligopole puissent punir sur l'un des cinq autres marchés envisagés celui d'entre* qui aurait dévié sur le marché.
***
En conclusion de tout ce qui précède, même s'il apparaît possible de définir, en théorie, une ligne d'action commune spécifique entre les "Big Four" sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, la mise en œuvre pratique de cette ligne d'action commune serait confrontée à un ensemble d'éléments exogènes qui perturberaient cette stratégie quant à la détection d'une déviation à l'équilibre collusif mais également quant à l'exercice de représailles rapides et efficaces sur le marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées comme sur les autres marchés où les grands cabinets d'audit sont présents. Le ministre n'a ainsi pas trouvé d'éléments solides et suffisants pour statuer sur la deuxième condition de l'arrêt Airtours.
En outre, dans le cadre de la présente opération, le dernier critère de l'arrêt Airtours n'est assurément pas rempli et que ces critères sont cumulatifs, il n'est pas nécessaire de se prononcer de manière définitive sur le critère de la transparence.
iv) Sur l'absence de remise en cause efficace de la coordination
Dans l'analyse concurrentielle d'une position dominante collective, il convient d'étudier la pression concurrentielle qui s'exerce sur les oligopoleurs une fois l'opération réalisée. Sur un marché oligopolistique, les acteurs les plus faibles ont tout intérêt à suivre la collusion tacite mise en œuvre par les membres de l'oligopole. En effet, les membres de l'oligopole étant suffisamment solides pour mener à bien une politique concurrentielle, les acteurs en marge de l'oligopole n'ont rien à gagner dans un affrontement et ils préféreront adopter la ligne d'action collusive dont ils tireront un avantage. En revanche, l'oligopole devient instable si l'opération laisse subsister des acteurs de la frange concurrentielle capables de remettre en cause les positions de ses membres de manière suffisamment significative.
Dans sa décision Ernst & Young/Andersen France précitée, la Commission européenne a indiqué que " le test de marché a souligné combien les particularités du marché français permettaient à des entreprises de second rang et même à des cabinets d'audit plus petits d'avoir accès aux grandes entreprises et aux sociétés cotées. Plus précisément, des cabinets français comme Mazars & Guérard et Salustro Reydel, et d'autres cabinets de second rang comme Constantin, BDO ou Grant Thornton International sont en mesure de fournir des prestations d'audit légal à un certain nombre de grandes entreprises et de sociétés cotées en France." (Point 37 - Traduction libre)
Dans la mesure où le risque de position dominante collective a été écarté par le ministre de l'Economie dans la décision KPMG/SRA par la présence de* quatre acteurs indépendants (Mazars, BDO, Constantin et Grant Thornton) en mesure de constituer une alternative aux "Big Four", analyse confirmée en 2006 par le Conseil d'Etat, la question principale qui se pose, au cas d'espèce, réside dans l'impact de la disparition d'un cabinet reconnu comme alternatif. En d'autres termes, il s'agit d'examiner si le passage de quatre à trois cabinets de " second rang " est de nature ou non à réduire l'offre alternative au point que celle-ci ne soit plus en mesure de remettre en cause efficacement l'éventuelle coordination entre les "Big Four" sur le segment de l'audit légal.
Le troisième critère de l'arrêt Airtours est ici analysé au travers de l'examen du nombre de mandats détenus par les cabinets autres que les " Big Four " (a), de la pression concurrentielle de Grant Thornton et de Constantin (b) et du statut de " maverick " du cabinet Mazars (c).
a) Analyse statique des mandats détenus par les cabinets autres que les "Big Four"
La composition des collèges de commissaires aux comptes montre que le co-commissariat aux comptes entre un cabinet des "Big Four" et Mazars concerne 33% des sociétés du CAC 40 et 18% des sociétés du SBF 120 (hors CAC 40). Le co-commissariat entre un cabinet des "Big Four" et un cabinet autre que Mazars (et que les trois autres grands cabinets d'audit), concerne, quant à lui, 4% des sociétés du CAC 40 et 41% des sociétés du SBF 120 (hors CAC 40). Ces données montrent ainsi une association significative entre un cabinet issu des "Big Four" et un cabinet de second rang ou de moindre taille.
<emplacement tableau>
Le tableau précédent présente le nombre de mandats détenus par les cabinets autres que les "Big Four" pour les sociétés du CAC 40 et du SBF 120 (hors CAC 40) après l'opération. Il ressort de ces informations que plusieurs cabinets sont en mesure de répondre à la demande des sociétés du SBF 120. Ainsi, les cabinets reconnus comme alternatifs dans la précédente décision détiennent 33 mandats de commissaires aux comptes pour les sociétés du SBF 120 (CAC 40 compris), soit 20%, et 31 cabinets de moindre taille possèdent également de tels mandats - dont deux d'ailleurs pour les sociétés du CAC 40 - soit 19,5%.
Ce tableau ne contredit pas l'enquête de marché réalisée auprès des clients selon laquelle la plupart des sociétés du SBF 120 considèrent que les "Big Four" sont les cabinets les mieux à même de répondre à leurs besoins, en raison notamment de leur couverture géographique et de leur réputation sur les marchés financiers.
Il n'en reste pas moins que l'offre des cabinets de second rang peut parfois constituer un substitut acceptable à celle des "Big Four" et en tout état de cause un complément voire*.
b) Constantin et Grant Thornton restent en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur un mandat de commissariat aux comptes
Pour des missions localisées, les sociétés du SBF 120 considèrent que les cabinets Grant Thornton et Constantin, cités à plusieurs reprises dans les réponses à l'enquête de marché, peuvent, dans le cadre du cocommissariat aux comptes, compléter efficacement les missions dévolues à l'autre auditeur légal issu d'un "Big Four".
Ainsi, Grant Thornton et Constantin disposent respectivement de 4 et 2 mandats de commissaires aux comptes pour les sociétés du SBF 120. En outre, si on élargit l'échantillon aux sociétés du SBF 250 dont certaines ont des demandes similaires à celles des sociétés du SBF 120, ils disposent respectivement de 9 et de 16 mandats de commissaires aux comptes.
En outre, ces deux cabinets sont adossés à un réseau international. Le réseau Grant Thornton dispose ainsi de 484 bureaux répartis dans près de 100 pays et dans lesquels sont employés 22 066 collaborateurs. Il annonce un chiffre d'affaires de 2,4 milliards de dollars US en 2004-2005 (26). Le réseau Constantin, pour sa part, est implanté en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, au Moyen Orient, en Asie et en Afrique (27).
De surcroît, il convient de noter que ces deux cabinets disposent d'un niveau d'expertise proche de celui des "Big Four". Dans le cadre de l'enquête de marché, Constantin a confirmé que les cabinets de second rang, auxquels il s'identifie, sont capables de répondre à la demande des grandes entreprises et des sociétés cotées dès lors qu'ils disposent des capacités techniques, des structures et des ressources humaines nécessaires. A cet égard, il estime que ces cabinets constituent une complémentarité et/ou une alternative aux "Big Four".
En outre, les réglementations récentes relatives aux incompatibilités des missions d'audit légal avec d'autres prestations d'audit peuvent avoir pour conséquence de transférer certaines missions d'audit contractuel à ces deux cabinets de second rang, leur permettant ainsi d'accéder plus facilement aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, de se faire connaître et ainsi de construire une réputation nécessaire à l'acquisition, par la suite, d'un mandat de commissaire aux comptes.
Cette évolution probable doit toutefois être nuancée par l'instauration du délai de viduité : s'il est vrai que les incompatibilités croissantes et l'offre très restreinte sur l'audit légal, liée au caractère incontournable des "Big Four" sur ce segment, obligent de plus en plus les grandes entreprises sont* à confier des missions d'audit contractuel et d'expertise comptable à des cabinets de second rang, ces derniers pourront toutefois se trouver dans l'impossibilité, compte tenu du délai de viduité, de candidater à des appels d'offres relatifs à la remise en jeu de mandats de commissariat aux comptes.
Il n'en demeure pas moins que les missions d'audit contractuel et d'expertise comptable permettent aux cabinets de second rang de mieux se faire connaître des grandes entreprises et d'affiner leur expertise en termes d'exigences requises par ces sociétés pour les prestations d'audit légal.
Il s'ensuit que Grant Thornton et Constantin restent, à l'issue de l'opération de concentration, en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur les "Big Four" au moins sur l'un des mandats de commissariat aux comptes pour les sociétés du SBF 120.
c) Mazars apparaît comme disposant de tous les moyens lui permettant d'adopter une stratégie de " maverick " (28)
L'évolution sur les deux dernières années permet de confirmer que Mazars est en mesure de remettre en cause une éventuelle coordination des principaux cabinets d'audit et donc de jouer un rôle de " maverick " (" franc-tireur ").
Mazars bénéficie d'une position importante sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
En 2006, Mazars détient un nombre important de mandats, selon les informations transmises par les parties :
- 13 auprès des entreprises du CAC 40 ;
- 14 auprès des entreprises du SBF 120 (hors CAC 40).
En outre, par rapport à la décision KPMG/SRA précitée, Mazars dispose de deux mandats supplémentaires pour des sociétés du CAC 40 et de six mandats supplémentaires pour des sociétés du SBF 120.
Toutefois, en dépit de l'augmentation de 39,6% des honoraires qui lui ont été versés par les sociétés du CAC 40 entre 2003 et 2005, sa part de marché en termes de montants d'honoraires est de 8% pour ces sociétés alors qu'il détient autant de mandats que KPMG et PWC, qui détiennent respectivement une part de marché de 16% et de 20% en montant d'honoraires.
La position de Mazars comme " franc-tireur " est ainsi maintenue puisque pour un même nombre de mandats, il perçoit des honoraires bien inférieurs à ceux des "Big Four", sans que cette situation résulte nécessairement de ce que les missions qui lui sont confiées auraient une couverture géographique moindre que celles confiées à un des quatre grands cabinets. Mazars semble être en mesure d'exercer une certaine concurrence en termes de prix sur les "Big Four".
Mazars représente une alternative crédible aux yeux des grandes entreprises et des sociétés cotées
L'examen des honoraires versés par les sociétés du CAC 40 à leurs commissaires aux comptes atteste que Mazars est parfois rémunéré autant ou plus que le co-commissaire issu d'un "Big Four" avec lequel il audite les comptes des sociétés concernés.
On peut en déduire que les prestations fournies dans ces cas de figure démontrent la capacité de Mazars à fournir des prestations au moins équivalentes à celles des principaux cabinets d'audit.
Il convient également de souligner que Mazars a obtenu, ces dernières années, des mandats qui étaient auparavant détenus par les "Big Four". Il a ainsi obtenu un mandat détenu par PWC auprès d'une société du CAC 40 et trois mandats détenus par Ernst & Young et PWC auprès d'entreprises du SBF 120.
L'ensemble de ces données est largement confirmé par les réponses des sociétés du SBF 120, qui considèrent que l'offre de Mazars comme crédible aux niveaux national et européen, voire international. Ainsi, dans le cadre du test de marché, une société du CAC 40 a répondu que " Mazars me semble être le seul cabinet à proposer une alternative sérieuse pour un groupe international coté ". Une autre société du SBF 120 (hors CAC 40) a déclaré que Mazars constitue une alternative fiable aux "Big Four" " reconnue sur la place et avec un réseau développé en Europe ".
La croissance du cabinet Mazars devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
Mazars n'est pas " adossé " à un réseau international mais il constitue néanmoins de plus en plus une organisation européenne intégrée à capacité internationale.
Ainsi, Mazars est présent dans l'ensemble des pays européens. En outre, depuis quelques années, il a étendu son implantation, soit directement soit par le biais d'accords de coopération, en Amérique Latine, en Asie, en Afrique, au Moyen Orient et en Australie. Il est également présent aux Etats-Unis par l'intermédiaire d'entreprises communes créées avec d'importants cabinets d'audit américains. Mazars serait ainsi présent dans une cinquantaine de pays.
En outre, la révision de la huitième directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés pourrait inciter, selon l'avis de certains opérateurs, la consolidation d'acteurs en vue de l'émergence de cabinets d'audit européens.
A cet égard, la presse spécialisée annonce au sujet de Mazars que " son caractère intégré doit s'accentuer, la dernière assemblée générale ayant entériné le projet de société européenne dans le cadre de la 8ème directive " (29).
Cette capacité à concurrencer les "Big Four" semble donc devoir se renforcer dans les prochaines années du fait de l'extension de son implantation internationale. Or, comme il l'a été mentionné à diverses reprises dans le cadre de l'analyse de cette opération, le critère lié à la couverture géographique est souvent déterminant pour le choix d'un cabinet d'audit par une grande entreprise ou une société cotée.
Il résulte des constatations précédentes que la présente opération n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'analyse sur le troisième critère de l'arrêt Airtours, développées dans la décision KPMG/ SRA et confirmées par le Conseil d'Etat. En effet, la disparition de BDO ne conduit pas à une modification significative de la structure du marché de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées, compte tenu de sa taille modeste, du maintien de plusieurs cabinets de second rang animateurs de la concurrence, et plus particulièrement du cabinet Mazars dont le rôle de " franc-tireur " continue d'être fermement établi à l'issue de cette nouvelle instruction. L'acquisition de nouveaux mandats, ces deux dernières années, le caractère apparemment compétitif de ses honoraires, le développement de son réseau international, permettent de considérer que le cabinet Mazars, à qui de nouvelles opportunités vont se présenter grâce à la mise en œuvre des réglementations sectorielles récentes, sera toujours en mesure d'exercer une pression concurrentielle notable sur les "Big Four" après l'opération sur le segment de l'audit légal. Ainsi, tout éventuel équilibre collusif que tenteraient de mettre en place les grands cabinets d'audit serait voué à l'échec, comme l'ont déjà constaté le ministre puis le Conseil d'Etat dans l'affaire KPMG/SRA.
***
Pour conclure sur l'application des trois critères de l'arrêt Airtours à la présente opération sur le segment de l'audit légal, il peut être affirmé :
- que le degré de transparence du marché demeure incertain ;
- que la possibilité de mettre en œuvre un mécanisme de représailles ne peut être démontrée de façon indiscutable ;
- que le segment de l'audit légal restera soumis à la pression concurrentielle des cabinets de second rang et en particulier du cabinet Mazars.
Par conséquent, eu égard au seul fait que le troisième critère de l'arrêt Airtours n'est assurément pas rempli et que, subsidiairement, le second critère ne peut être démontré avec certitude, les conditions de la création d'une position dominante collective sur le segment de l'audit légal aux grandes entreprises et aux sociétés cotées ne sont pas réunies à suffisance de droit à l'issue de la présente opération.
***
Dans la mesure où le risque de création de position dominante collective a pu être écarté sur le segment de l'audit légal, ce même risque peut être de facto écarté sur le segment de l'audit contractuel et de l'expertise comptable ainsi que sur le marché français de l'audit et de l'expertise comptable aux grandes entreprises et aux sociétés cotées.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.
NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence. 29 Les Echos, " Mazars : forte croissance attendue ", 12 décembre 2006.
Notes :
* Erreur matérielle : dans toute la décision : lire " Deloitte " au lieu de " Deloitte France "
** Dans toute la décision : lire " Janny Marque Futur " au lieu de " Janny Marque Future "
*** Le terme " détenu " est impropre : comprendre " Deloitte est un cabinet membre du réseau international Deloitte Touche Tohmatsu, qui est organisé dans le cadre d'une association de droit Suisse (Verein DTT)
**** La somme de ces deux chiffres est supérieure à 150 millions d'euro
1 Ce groupe est né, en avril 2004, du rapprochement des cabinets Janny Marque et BDO Gendrot.
***** Le terme " appartiennent " est impropre : comprendre : " JMF et ses filiales sont membres actuellement du réseau [...]
* Erreur matérielle : lire : " conseil en gestion " au lieu de " conseil "
2 Pour la FEACO (European Federation of Management Associations), le " conseil en management consiste à fournir, en toute indépendance, conseil et assistance sur des questions de management. Ceci inclut notamment l'identification et l'étude de problèmes et/ou d'opportunités, la recommandation d'actions appropriées et l'aide à leur mise en œuvre. " Pour le Syntec Conseil en Management (organisme patronal de la profession, le conseil en management se définit en fonction des domaines d'intervention des cabinets qui comprennent " l'accompagnement du changement, l'e-business, la finance, la gestion de l'emploi (compétences et mobilité), le management environnemental, le marketing et les ventes, l'organisation, la qualité, les ressources humaines, les spécificités conjoncturelles (an 2000, 35 heures, etc), la stratégie, les systèmes d'information et les technologies ".
3 Etude Xerfi relative au secteur de l'audit et de l'expertise comptable.
4 L'habilitation des experts comptables à intervenir dans le domaine juridique a été introduite par la loi Porcher du 7 avril 1997.
5 Article L.225-228 dont la rédaction est issue de la loi n°2003-706 du 1er août 2003.
6 Les parties ont en effet indiqué qu'un groupe disposant déjà de deux commissaires aux comptes pouvait confier, par voie contractuelle, des prestations d'audit à un troisième cabinet similaires à celles exercées par ses auditeurs légaux pour une durée toutefois plus limitée et portant par exemple sur des filiales du groupe.
* Erreur matérielle : lire " [...]liées à " au lieu de " [...]telles que "
** Erreur matérielle : lire " [...]de segmenter un marché de l'audit et de l'expertise comptable " au lieu de " [...]de segmenter un marché de l'audit légal "
7 A noter également que la Commission européenne, dans le cadre de cette décision, a envisagé de distinguer au sein des grandes entreprises et des sociétés cotées, les banques et les compagnies d'assurance. Elle a toutefois considéré, notamment sur la base d'une analyse en termes de substituabilité du côté de l'offre, que cette segmentation n'était pas nécessaire aux fins de l'analyse compte tenu d'un certain nombre de facteurs : la plupart des cabinets d'audit sont déjà présent dans ces secteurs ; ils possèdent tous un certain niveau de compétence sectorielle, en raison de leur présence sur un segment particulier ; il est possible d'acquérir une compétence sectorielle simplement à la suite de l'acquisition d'une société par un client ; il est également possible d'acquérir une compétence sectorielle dans les secteurs des banques et des assurances par le biais de mandats n'ayant pas trait à des opérations d'audit, notamment le conseil en gestion, que l'ensemble des grands cabinets pratiquent et les grands cabinets peuvent, dans certaines limites, redéployer du personnel entre pays ou débaucher du personnel chez leurs concurrents.
* Erreur matérielle : lire " les " au lieu " des "
* Dans toute la décision lire " Sarbanes-Oxley "au lieu de " Sarbannes-Oxley "
8 Les commissaires aux comptes ne peuvent notamment prendre, recevoir ou conserver directement ou indirectement un intérêt auprès des personnes dont ils certifient les comptes. Il leur est, de plus, interdit de fournir à la société dont ils certifient les comptes tout conseil ou toute prestation de services n'entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes.
** Erreur matérielle : dans toute la décision-lire " Haut Conseil du Commissariat aux Comptes " au lieu de " Haut Commissariat aux comptes "
*** Erreur matérielle : lire " 1er août 2003 " au lieu de " 1er août 2006 "
9 Certains cabinets ont souligné que les grandes entreprises et les sociétés cotées recourent, pour l'audit légal, à un cabinet de dimension internationale au moins pour un des mandats de commissaire aux comptes, l'autre mandat pouvant toutefois être confié à un cabinet de dimension moindre alors que s'agissant de l'audit contractuel et de l'expertise comptable, les clients peuvent se tourner vers des professionnels ayant développé des spécialisations de niche ou vers des acteurs n'appartenant pas stricto sensu au secteur d'activité des cabinets d'audit et d'expertise comptable.
10 Sur un recours formé par les Big Four et Grant Thornton, le Conseil d'Etat a annulé, par un arrêt du 24 mars 2006, le décret du 16 novembre 2005 au motif qu'il ne prévoyait pas de mesures transitoires applicables aux contrats en cours au moment de sa publication. Un nouveau décret a été publié le 24 avril 2006, accordant aux commissaires aux comptes un délai jusqu'au 1er juillet 2006 pour se mettre en conformité avec les dispositions du nouveau code de déontologie. Le code est, par conséquent, applicable aujourd'hui à l'ensemble des mandats.
11 [...].
12 Source INSEE 2004. Les parties n'ont pas été en mesure de trouver des données plus récentes.
13 Le site Internet de KPMG précise que le cabinet est présent dans plus de 180 villes françaises.
14 Le site Internet de Fiducial présente son réseau de proximité comme offrant une agence tous les 30 kilomètres en moyenne.
* Erreur matérielle : lire " (3.5.1) et (3.5.2) au lieu de (3.4.1) et (3.4.2)
* Erreur matérielle : lire " l'audit contractuel et de l'expertise comptable " au lieu de " l'audit contractuel "
16 La variation de l'IHH, à la suite de l'opération, s'établit à +51.
17 La variation de l'IHH, à la suite de l'opération, s'établit à +6.
18 Les normes comptables internationales dites IFRS (International Financial Reporting Standards) s'imposent, depuis le 1er janvier 2005, à l'ensemble des sociétés cotées ou déposant des comptes consolidés au sein de l'Union européenne (règlement européen n°1725/2003 du 13 octobre 2003). Les normes IFRS ont été élaborés par l'IASB (International Accounting Standard Board). Le principe global des normes IFRS est d'instituer une plus grande transparence des comptes. Ainsi, les entreprises déposant des comptes consolidés et les sociétés cotées doivent désormais présenter leurs comptes en utilisant le référentiel utilisé par l'IASB. Ce référentiel introduit des divergences notables par rapport aux précédentes normes comptables notamment sur la valorisation des différents actifs et passifs, sur la détermination des charges et des produits à affecter à l'exercice et leur classement dans le compte de résultat, sur la présentation d'un nouveau tableau de variation des fonds propres et de nouvelles informations à fournir en annexe. Il a également des incidences au niveau des choix des investissements et des financements, des modes de couverture des risques et du contrôle en gestion.
* Erreur matérielle : lire " sur le secteur de l'audit légal" au lieu de " tant sur le secteur de l'audit légal "
19 Au cas d'espèce, le coefficient de Gini est défini comme la moitié du rapport entre la différence moyenne versée par deux entreprises (la moyenne étant calculée sur toutes les paires possibles d'entreprises du SBF 250) et la moyenne des honoraires versés. Le coefficient de Gini varie entre 0 et 1. Ces deux valeurs correspondraient respectivement au cas extrême d'une homogénéité parfaite et d'une concentration parfaite des honoraires sur une seule entreprise cliente.
20 Sur ce point, les parties indiquent que la certification des comptes consolidés d'un groupe international implique la réalisation de prestations d'audit dans des entités constituant ce groupe et implantés à l'étranger. Elles soulignent ainsi que c'est l'ensemble de ces prestations qui permet à un cabinet, comme Deloitte, d'exercer la mission légale de certification des comptes, en s'appuyant sur les travaux des autres membres du réseau DTT concernés qui, tout en restant des entreprises autonomes, respectent les normes de travail et de qualité définies par le réseau.
* Erreur matérielle : lire " d'un " au lieu de " un "
21 L'assertion de la Commission européenne résulte d'une analyse menée aux points 78 et 79 de sa décision " les exigences minimales en matière de qualifications professionnelles, d'honorabilité et d'indépendance des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables sont définies par la huitième directive en matière de droit des sociétés. Cette directive ne donne toutefois pas d'instructions précises sur bien d'autres questions relatives à la fonction d'audit. Certaines de ces questions sont réglementées au niveau national ou sont soumises à des normes recommandées par les professionnels de la comptabilité. [...] Toutefois, on observe une tendance croissante à l'adoption, au niveau national, de règles élaborées au niveau international, notamment par la Fédération Internationale des experts-comptables (IFAC). A l'échelle européenne, la Fédération des experts-comptables européens (FEE) s'occupe aussi de promouvoir l'adoption de normes internationales dans les Etats membres. Le fait d'être membre d'un organisme professionnel national de contrôle résulte habituellement d'une décision individuelle. Mais même là, les cabinets d'audit jouent souvent un grand rôle dans la définition des règles applicables à la profession, car ils peuvent se permettre de consacrer le temps et les efforts nécessaires pour participer aux groupes de travail qui élaborent ces règles, cela se vérifie encore plus au niveau international. A l'évidence, les plus grands opérateurs sur le marché peuvent donc exercer une plus forte influence au sein de l'IFAC et, par là, sur l'élaboration des normes au niveau international. Comme les normes nationales s'alignent généralement sur celles de l'IFAC et que les mêmes cabinets participent souvent à l'élaboration des premières, on ne saurait sous-estimer l'influence des grands cabinets d'audit sur ce processus.
22 ACE, Constantin, Ernst & Young, Dedouit, Deloitte, Fiducial, Grant Thornton, Kling & Associés, KPMG, Mazars et PWC.
23 La décision d'adoption des normes IFRS par l'Union européenne est intervenue, selon les parties, après avoir obtenu l'avis technique du Comité technique de l'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) et l'avis politique de l'ARC (Accounting Regulatory Committee). Le Comité technique de l'EFRAG est composé de 12 membres dont 5 sont issus de la profession comptable (4 originaires des Big Four plus Mazars). Le Supervisory Board de l'EFRAG est composé de 16 membres, dont 5 issus de la profession comptable. L'ARC est composé uniquement de représentants des Etats membres.
24 Brigitte Raybaud-Turrillo (2001), " Les processus de normalisation comptable : un exemple de droit postmoderne ", Revue Internationale de Droit Economique, t.XV, 1-2001/1, p. 9-40.
25 Patrick Csikos (2004), " Emergence d'une nouvelle gouvernance internationale privée/publique : les cas des agences de notation financière et des normes comptables ", Université de Lausanne, Travaux de Sciences Politiques, n°19.
* Le terme " entreprise " est impropre : comprendre " cabinets ".
** Erreur matérielle : lire " elle donne " au lieu de " elles donnent ".
* Erreur matérielle : lire " celui d'entre eux " au lieu de " celui d'entre ".
* Erreur matérielle : lire " par la présence d'au moins quatre acteurs indépendants " au lie de " par la présence de quatre acteurs indépendants ".
* Le terme " voire " doit être supprimé.
26 Source : Site Internet de Grant Thornton.
27 Source : Site Internet de Constantin.
* Erreur matérielle : lire " [...] les grandes entreprises à confier " au lieu de " [...] les entreprises sont à confier ".
28 Lignes Directrices relatives au contrôle des concentrations du 20 octobre 2005 : " opérateurs de la frange concurrentielle capables de remettre en cause les positions des membres de l'oligopole d'une manière suffisamment significative ", point 322, page 69.