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Décisions

Ministre de l’Économie, 28 novembre 2006, n° ECOC0700081Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Cauval Industries

Ministre de l’Économie n° ECOC0700081Y

28 novembre 2006

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 25 octobre 2006, vous avez notifié l'acquisition de la société Oniris et de ses filiales par la société Cauval Industries (ci-après " Cauval ") auprès de la société Sumitomo. Cette acquisition a été formalisée par un contrat de cession d'actions signé le 15 septembre 2006.

I. - LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPERATION

Les entreprises concernées par la présente opération sont les suivantes :

* Cauval est une société par actions simplifiée, principalement active dans les secteurs de la fabrication et de la vente de sièges rembourrés (en France, en Allemagne, en Pologne, en Turquie, en Roumanie, en Tunisie et en Inde), de matelas et de sommiers de marque Simmons (en France et au Royaume-Uni) et de mobiliers de salles de bain et de cuisine (en France et en Chine). Cauval est détenue par trois personnes physiques dont l'une d'entre elles, Monsieur Gilbert Wahnich, dispose indirectement de la majorité du capital et des droits de vote.

En 2005, le chiffre d'affaires mondial consolidé de Cauval s'est élevé à 437,7 millions d'euro, dont 288,7 millions d'euro ont été réalisés en France.

* Oniris est une société par actions simplifiée principalement active dans les secteurs de la fabrication et de la vente de matelas de marque Dunlopillo et Treca (notamment en France, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, en Italie, et en Espagne) et de mousse et de latex.

En 2005, le chiffre d'affaires mondial consolidé d'Oniris s'est élevé à 200,7 millions d'euro, dont 121,1 millions d'euro ont été réalisés en France.

L'opération notifiée consiste en l'acquisition de 100% des actions de la société Oniris par la société Cauval auprès de la société de droit japonais Sumitomo. A l'issue de l'opération, il est envisagé que Oniris soit détenue majoritairement par Cauval et de façon minoritaire par sa filiale Simmons Bedding Group.

L'opération a ainsi pour effet de transférer à Cauval le contrôle exclusif d'Oniris. A ce titre, elle constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique. L'opération a également été notifiée en Allemagne et a fait l'objet d'une procédure d'information mutuelle sur les notifications multiples de l'Association des Autorités de Concurrence Européenne (ECA).

II. - LES MARCHES CONCERNÉS PAR L'OPÉRATION

A. - Les marchés de produits

1. Les marchés en aval

Oniris et Cauval sont simultanément présentes sur les secteurs de la fabrication et de la vente de sommiers, de matelas et d'articles de literie.

a) La fabrication et la vente de sommiers et de matelas

Dans un avis n° 94-A-04 du 25 janvier 1994 relatif au projet de prise de contrôle des sociétés Epéda et Mérinos par les groupes Merkur et Rothschild, le Conseil de la concurrence a distingué un marché de la fabrication et de la vente de sommiers d'un marché de la fabrication et de la vente de matelas, sans distinction par catégorie de produits, par type de clientèle ni par positionnement en gamme.

Dans sa lettre au conseil des sociétés Recticel et Pikolin du 13 septembre 2001 relative à l'acquisition par ces deux entreprises de la société Slumberland, le ministre chargé de l'économie a globalement suivi cette analyse. Il a toutefois souligné, dans cette même décision, que l'on ne pouvait pas exclure l'existence d'un marché du haut de gamme.

Le ministre a toutefois laissé les définitions de marché ouvertes, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées au cas d'espèce.

Dans le cadre de la présente opération, il convient d'examiner si les conditions du marché ont évolué au point de revenir sur les définitions de marché retenues jusqu'à ce jour par les autorités françaises de concurrence en analysant les différentes catégories de produits existant dans les secteurs du matelas et du sommier, le positionnement en gamme des produits de la literie et enfin les réseaux de distribution.

Les différentes catégories de produits

o Les matelas

Il existe deux grandes catégories de matelas, qui se distinguent selon leur type de rembourrage : les matelas à mousse (de latex ou polyuréthane) et les matelas à ressorts. L'analyse de l'évolution de matelas depuis 1989 montre qu'à l'heure actuelle les ventes de matelas en France se répartissent de manière relativement équilibrée entre les matelas en mousse de latex, les matelas en mousse polyuréthane et les matelas à ressorts.

<emplacement tableau>

Il convient également de souligner qu'il existe trois autres catégories de matelas : les matelas en laine, les matelas à eau et les surmatelas. S'agissant des deux premières catégories, les parties ont indiqué qu'il s'agissait, pour les matelas en laine, d'une activité en déclin et, pour les matelas à eau, d'un produit peu développé qu'elles ne fabriquent pas. S'agissant des surmatelas, les parties estiment qu'il s'agit d'un secteur émergent, peu développé en France en comparaison avec d'autres pays de l'Union européenne, sur lequel un nombre très restreint d'acteurs interviennent1. Dès lors, il n'apparaît pas nécessaire, aux fins de l'analyse concurrentielle de la présente opération de concentration, de s'interroger sur la pertinence de la délimitation de trois autres marchés pour chacune de ces trois catégories de matelas.

Même si certains fabricants sont spécialisés dans une technologie particulière, la plupart d'entre eux produisent tous les types de matelas.

En outre, comme le Conseil de la concurrence et le Ministre l'ont souligné dans les décisions précitées relatives à des opérations dans le secteur de la literie, il apparaît que, quelles que soient leurs caractéristiques techniques, les matelas sont aptes à répondre aux mêmes besoins, un consommateur pouvant ainsi changer d'avis sur la composition des produits de literie dont il souhaite faire l'acquisition, après notamment avoir écouté les conseils du personnel de vente.

Compte tenu de l'ensemble ces éléments, et aux fins de la présente analyse, la définition retenue par les autorités nationales de concurrence peut être reprise dans le cadre de la présente opération de concentration.

o Les sommiers

Il existe deux grandes catégories de sommiers, qui se distinguent par leurs matériaux : les sommiers à lattes à embout fixe et à embout variable, ces derniers comprenant les sommiers " tête et pied relevables " (" TPR ") manuels ou électriques, et les sommiers métalliques, élaborés à partir d'un treillis métallique tendu dans un cadre métallique :

<emplacement tableau>

Il ressort des données de ce tableau que, comme le souligne l'étude Xerfi relative à la fabrication de matelas et de sommiers d'août 2005, " les sommiers à lattes tendent à supplanter les autres types de sommiers ".

De la même façon que pour les matelas, il apparaît que quelles que soient les caractéristiques techniques, les sommiers sont aptes à répondre aux mêmes besoins et qu'un consommateur peut changer d'avis sur la composition des produits de literie dont il souhaite faire l'acquisition, après discussions avec le personnel de vente.

Toutefois, comme le ministre l'a souligné dans sa décision Recticel précitée " contrairement aux autres types de sommiers, l'achat d'un sommier TPR procède d'un choix effectué en général bien en amont de l'entrée dans la surface de vente. Ils sont en général plus chers même si la grande distribution peut vendre ces produits bon marché afin d'écouler des volumes conséquents. Compte tenu de l'évolution de ce secteur, il est donc possible de s'interroger sur l'existence d'un marché pertinent des sommiers TPR ". L'évolution de la vente des sommiers montre que la commercialisation des sommiers TPR s'est encore développée depuis 1999.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la question de l'existence d'un marché distinct de la production et de la vente des sommiers TPR peut être posée. Toutefois, il n'apparaît pas nécessaire de trancher cette question, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées.

Le positionnement en gamme

Il apparaît important de souligner qu'à l'intérieur des marchés de la fabrication et de la vente de sommiers et de matelas, les produits ne constituent pas un ensemble tout à fait homogène. Les matelas, tout comme les sommiers, comprennent en effet des produits plus ou moins différenciés, la différenciation se faisant essentiellement sur les matières premières utilisées.

Que ce soient pour les matelas ou les sommiers, les prix moyens peuvent différer selon les différents matériaux utilisés. Selon des relevés de prix communiqués par les parties, le prix moyen d'un matelas varie entre [400-500] euro pour un matelas à ressort et [400-500] euro pour un matelas en mousse. De la même manière, la différence de prix moyen entre un sommier à ressort ([300-400] euro) et un sommier à lattes ([300-400] euro) est estimée à une dizaine d'euro. Les sommiers TPR restent toutefois nettement plus chers en moyenne que les autres types de sommiers (environ [900-1000] euro), mais l'écart entre leurs prix constatés est très important. Ainsi, l'écart entre deux sommiers TPR électriques de marque de fabricant va de [300-400] euro à plus de [2000-3000] euro. Toutefois, compte tenu du prix moyen d'un sommier TPR par rapport aux autres types de sommier, il convient d'étudier, aux fins de la présente concentration, les effets de l'opération sur ce segment particulier.

Les exemples de prix fournis par les parties tendent à montrer l'existence d'un continuum régulier de prix entre les différents matériaux utilisés pour la fabrication des matelas ou des sommiers hors TPR. Ce continuum régulier de prix, constaté pour les différentes catégories de produits, s'observe également à l'intérieur d'une segmentation selon le positionnement commercial des produits (marque de fabricant, produits sans marques ou de marques de distributeurs).

En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de trancher de manière précise la délimitation exacte des marchés selon le positionnement en gamme, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées. ??Les réseaux de distribution

L'étude Xerfi d'août 2005 relative à la fabrication de matelas et de sommiers souligne qu'il existe trois catégories principales d'utilisateurs dans ce secteur :

- les particuliers, qui représentent le principal débouché du secteur de la literie (environ 78 % des ventes). Les achats de matelas et de sommiers s'effectuent à plus de 80 % dans les circuits spécialisés, le solde étant constitué par les achats réalisés en grandes et moyennes surfaces, en hypermarchés, en grandes surfaces de bricolage et par vente par correspondance ;

- les professionnels de l'hôtellerie qui représenteraient un débouché de taille pour les fabricants français de literie ;

- les collectivités, comme les hôpitaux, l'armée et les organismes sociaux, pour lesquels il pourrait exister une offre en matelas et en sommier spécifique. A titre d'exemple, certains matelas médicalisés sont conçus de manière à diminuer les pressions, grâce à une meilleure répartition et répondent donc à une demande particulière. Ces matelas doivent prévenir des escarres et des lombalgies par exemple.

En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de trancher de manière précise la délimitation exacte des marchés selon leur réseau de distribution, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

* * *

Aux fins de l'analyse de la présente opération de concentration, les marchés retenus sont donc :

- les marchés de la fabrication et de la vente en gros de matelas aux différents circuits de commercialisation (GSS, VPC, GMS, etc) ;

- les marchés de la fabrication et de la vente en gros de sommiers aux différents circuits de commercialisation (GSS, VPC, GMS, etc) ;

- les marchés de la fabrication et de la vente de sommiers TPR en gros aux différents circuits de commercialisation (GSS, VPC, GMS, etc) ;

- les marchés de la fabrication et de la vente de matelas et de sommiers à l'hôtellerie ;

- les marchés de la fabrication et de la vente de matelas et de sommiers aux collectivités.

b) La fabrication et la vente d'articles de literie

Il ressort des informations communiquées par les parties que les fabricants de sommiers et de matelas commercialisent des produits désignés sous le nom générique d' " accessoires de literie " et constitués par deux catégories de produits distincts :

- les produits accessoires des sommiers et des matelas, à l'instar des têtes et des pieds de lit ;

- les produits textiles, à savoir le linge de lit (couettes, oreillers, housse, etc.).

En l'espèce toutefois la question de la segmentation précise de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelles que soient les définitions de marché retenues, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

2. Les marchés en amont

Seule Oniris, par l'intermédiaire de sa filiale Dunlopillo, exerce une activité de vente de mousses polyuréthanes et de latex, qui constituent des matières premières nécessaires à la fabrication de matelas.

Les mousses polyuréthanes

Dans sa décision IV/M.835 du 19 mars 1997, Recticel/Greiner, la Commission européenne a considéré qu'il était possible d'isoler un marché de la vente de mousses polyuréthanes pour l'industrie de la literie d'un marché de la vente de mousses polyuréthanes pour les autres secteurs de l'industrie.

Le latex

Le latex est un composant intermédiaire nécessaire à la fabrication de produits tels que le papier, les tapis et la peinture. Il existe plusieurs types de latex, chacun pouvant être utilisé pour le papier, les tapis ou les textiles non tissés. Dans sa décision COMP/M.1993 du 20 juillet 2007, Rhodia/Raisio/JV, la Commission européenne a considéré que ces produits n'étaient pas substituables, ni du point de vue de l'offre, ni du point de vue de la demande. Elle a donc distingué les quatre types de latex au regard du type d'émulsion concernée (SA, SB, Pur Acrylique et PVAc (2)) et de l'application finale recherchée (papier, tapis et textiles non tissés).

En l'espèce, les secteurs de la vente de mousses polyuréthanes et de latex ne seront cependant pas examinés de manière plus approfondie dans la présente décision, Cauval n'étant pas présente sur ces activités et les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelles que soient les définitions de marché retenues.

B. - Les marchés géographiques

1. Les marchés en aval

Dans sa décision Recticel précitée, le ministre de l'économie a estimé que les marchés de la literie sont de dimension nationale.

Il a, en effet, considéré que " ces produits peuvent être différents d'un pays à l'autre suivant les habitudes culturelles des consommateurs. [...] Un fabricant est donc obligé d'adapter ses produits aux dimensions standards du marché national qu'il veut pénétrer.

Chacun de ces marchés connaît, par ailleurs, des conditions de concurrence particulières notamment au niveau de la politique de marque mise en œuvre par les offreurs. Si, en France, l'importance des marques est très forte (celles-ci sont d'ailleurs soutenues par de forts investissements publicitaires) ce n'est pas le cas en Allemagne où les consommateurs sont moins sensibles à cet aspect. [...] Enfin, les coûts de transport sont élevés. Les parties ont sur ce point estimé que le prix d'un matelas pouvait être augmenté de 10 % pour un transport d'une distance de 1 000 km, de 6 % pour un transport d'une distance de 600 km et de 4 % pour un transport d'une distance de 300 km. En conséquence, le niveau d'importations est particulièrement bas puisqu'il représente 7 % de la production nationale de matelas et de sommiers ".

Les parties estiment que, quatre ans après cette décision, certaines différences subsistent entre les marchés nationaux en Europe. Celles-ci reposent sur :

- la taille des matelas et des sommiers, les pays du Nord de l'Europe ayant, par exemple, tendance à privilégier les modèles de dimension 160 x 200 ;

- la préférence pour une technologie particulière, le ressort étant, par exemple, très majoritaire en Allemagne alors que la mousse, le ressort et le latex sont utilisés dans les mêmes proportions en France ;

- la notoriété des marques ;

- les niveaux de prix, les prix de vente étant, par exemple, globalement supérieurs en Allemagne et en Angleterre par rapport à la France ;

- les habitudes de confort, les ensembles sommiers / matelas étant, par exemple, beaucoup plus épais en Grande-Bretagne qu'en France.

Les parties soulignent toutefois que, depuis 2000, la situation du commerce extérieur lié à la vente de sommiers et de matelas a évolué. Elles indiquent, à cet égard, que les importations ont sensiblement augmenté, passant de 7 % en 2001 à 18 % en 2004 et 19 % en 2005. Ces importations proviennent pour un tiers d'entre elles de Belgique et à hauteur de 92 % de l'Europe occidentale. Les importations en provenance de Pologne ont également augmenté de 90 % entre 2002 et 2004.

Les parties considèrent que cet accroissement est lié aux facilités de livraison des fabricants étrangers sur le territoire français. Les parties estiment par exemple que le coût de transport d'un matelas d'une valeur de 200 à 300 euro en provenance de Roumanie reviendrait à 6-7 euro.

En outre, les parties notent une tendance actuelle à l'extension de l'implantation géographique et de la notoriété des marques de fabricants comme Hilding Anders (fournisseur d'Ikea), ou Recticel.

Ces éléments ne suffisent toutefois pas à justifier une remise en cause de la définition du marché géographique retenu par le ministre en 2001.

Par conséquent, il apparaît que les marchés de la fabrication et de la vente de matelas et de sommiers aux consommateurs conservent une dimension nationale. La même définition peut être retenue pour les éventuels marchés des articles de literie (produits accessoires et produits textiles) ainsi que pour les marchés de la fabrication et de la vente de matelas et de sommiers aux collectivités locales.

En ce qui concerne d'éventuels marchés de la vente de matelas et de sommier au secteur hôtelier, leur dimension géographique pourrait être plus large que nationale. Ces acheteurs s'approvisionnent, directement ou par l'intermédiaire d'une centrale d'achat, auprès des fabricants dans le cadre d'appels d'offre internationaux. Les chaînes hôtelières négocient également des contrats pour l'ensemble de leurs filiales et référencent les fabricants de matelas et de sommier à un niveau mondial.

2. Les marchés en amont

Dans ses décisions Rhodia/Raisio et Recticel/Greiner précitées, la Commission européenne a considéré que les marchés de la mousse de polyuréthane et du latex sont de dimension supranationale, voire européenne.

En l'espèce, la question de la délimitation exacte de ces marchés peut être laissée ouverte dans la mesure où, quels que soient les marchés géographiques retenus, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

III. - ANALYSE CONCURRENTIELLE

A. - Analyse des effets horizontaux liés à l'opération

L'opération de concentration engendre des chevauchements d'activités sur les marchés de la fabrication et de la vente de sommiers et de matelas. Ces deux marchés présentant de fortes similitudes, l'analyse concurrentielle qui suit présentera, dans un premier temps, les effets de l'opération sur les parts de marchés de ces deux catégories de produits de literie (1) avant d'examiner, dans un second temps, les effets de l'opération sur le fonctionnement de la concurrence des marchés en cause (2).

1. Les effets de l'opération de concentration sur les parts de marché

a) La fabrication et la commercialisation de matelas et de sommiers aux consommateurs par l'intermédiaire des différents circuits de la distribution

Le secteur de la literie se caractérise par une structure économique et industrielle stable : 42 entreprises étaient actives sur ce secteur en 1997 et ont réalisé un chiffre d'affaires de 764,3 millions d'euro. En 2004, 40 entreprises ont réalisé un chiffre d'affaires de 731 millions d'euro. Le secteur de la literie est également très concentré puisque les dix premières entreprises réalisent les trois quarts du chiffre d'affaires du secteur. Les marchés du matelas et du sommier apparaissent donc comme deux marchés matures, qui ne connaissent pas d'innovations majeures.

Les parties ont indiqué que les calculs des parts de marché les plus fiables des acteurs du secteur de la literie ont été réalisés à partir des chiffres d'affaires des fabricants de matelas et de sommiers, dans la mesure où la plupart des études portant sur ce secteur ne distingue pas selon ces deux catégories de produits :

<emplacement tableau>

- A l'issue de l'opération, la nouvelle entité, avec une part de marché en France, estimée de [20-30] % sur le secteur de la literie (matelas et sommier), reste confrontée à la concurrence du groupe Recticel ([20-30] %), premier acteur du secteur de la literie sur le marché national. Les groupes Hilding Anders et Sapsa Bedding, bien que disposant de parts de marché très inférieures (respectivement [0-10] % et [0-10] %), constituent des concurrents crédibles.

- Les parties ont toutefois procédé à une estimation de leur seule part de marché en valeur et en volume, sur le marché de la fabrication et de la commercialisation de matelas, d'une part, et sur le marché de la fabrication et de la commercialisation de sommiers, d'autre part, à l'appui de données collectées sur l'année 2005 en France :

<emplacement tableau>

- Il convient de souligner que sur un éventuel marché de la fabrication et de la commercialisation de sommiers TPR, la part de marché de la nouvelle entité s'élèverait, selon les données des parties, à [10-20] % en valeur et à [10-20] % en volume en 2005. Il ressort de l'enquête de marché réalisée auprès des différents acteurs du secteur de la literie que l'entreprise André Renault est le leader du marché des TPR, suivi des marques spécialisées comme Lattoflex, Swissflex ou Robusta.

- De l'ensemble des données qui précèdent, il apparaît que les parties ont une position moins forte sur le marché de la fabrication et de la commercialisation des sommiers que sur le marché de la fabrication et de la commercialisation des matelas à destination des consommateurs.

- Elles détiennent également des parts de marché en volume moins importantes qu'en valeur, ce qui s'explique par leur positionnement uniquement sur des produits de marque de fabricant, vendus tendanciellement plus chers que des produits sans marque.

En outre, même si les parties n'ont pas été en mesure d'estimer les parts de marché de leurs concurrents sur chacun des deux marchés, il apparaît que l'ensemble des opérateurs de la literie mentionnés dans le tableau présentant le secteur de manière globale fabriquent à la fois des matelas et des sommiers. Ainsi, la nouvelle entité sera confrontée à la vive concurrence des acteurs tels Recticel, Hilding Anders et Sapsa Bedding sur les deux marchés concernés.

De plus, il existe sur le secteur de la literie un contre-pouvoir de la demande, constituée principalement par les enseignes d'équipement du foyer comme But et Conforama. Ces multi-spécialistes de l'ameublement constituent des clients de première importance pour l'ensemble des fabricants de matelas et de sommiers.

Selon l'étude Xerfi précitée, l'augmentation des prix de vente au détail des articles de literie constatée en 2005 est principalement due à la progression des marges des distributeurs. Or, sur la même période, les coûts des matières premières ont également augmenté. D'une manière générale, les fabricants de matelas ont perdu deux à trois points de marge par an depuis 2004.

Enfin, l'enquête de marché n'a pas révélé de craintes particulières de la part des principaux acheteurs sur l'opération.

- Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'opération de concentration n'est pas de nature à conférer à la nouvelle entité une position dominante sur les marchés de la fabrication et de la commercialisation de matelas et de sommiers, compte tenu de la pression concurrentielle du premier acteur du secteur, Recticel, ainsi que de la présence d'acteurs importants, de dimension supra européenne tels que Hilding Anders et Sapsa Bedding.

b) La fabrication et la commercialisation de matelas et de sommiers à l'hôtellerie

Sur la base d'une étude réalisée par EBIA (European Bedding Market Database), les parties indiquent que la fabrication et de la vente de matelas et de sommiers au secteur de l'hôtellerie a représenté, en France, en 2004, un chiffre d'affaires de 32 millions d'euro et un volume de 526 000 unités (3).

Elles estiment donc les parts de marché d'Oniris à [10-20] % en valeur et à [0-10] % en volume sur le segment global de la commercialisation de matelas et de sommiers au secteur hôtelier en 2004 et celles de Cauval à [0-10] % en valeur et à [0-10] % en volume. A l'issue de l'opération de concentration, la nouvelle entité représentera ainsi [20-30] % du secteur en valeur et [0-10] % en volume. Au niveau européen voire supra européen, ces parts de marché sont diluées du fait de la présence de grands groupes européens et internationaux intervenant sur le secteur.

Les risques d'atteinte à la concurrence peuvent donc être écartés sur les marchés de la fabrication et de la commercialisation de matelas et de sommiers au secteur de l'hôtellerie.

c) La fabrication et la commercialisation de matelas et de sommiers aux collectivités

Sur la base de l'étude EBIA précitée, les parties indiquent que la fabrication et de la vente de matelas et de sommiers aux collectivités a représenté, en France, en 2004, un chiffre d'affaires de 6 millions d'euro et un volume de 101 000 unités (4).

Elles estiment donc les parts de marché d'Oniris à [20-30] % en valeur et à [10-20] % en volume, la majorité de ses ventes étant réalisées à destination des collectivités médicales, et celles de Cauval à moins de 1% en valeur et en volume, ses ventes étant effectuées à des collectivités autres que les hôpitaux.

Compte tenu de la faiblesse du chevauchement d'activité entre les parties et de la différenciation de leurs offres respectives aux différentes collectivités locales, les risques d'atteinte à la concurrence peuvent être écartés sur les marchés de la fabrication et de la commercialisation de matelas et de sommiers aux collectivités locales en France.

d) La fabrication et la commercialisation des produits accessoires à la literie et des produits textiles

S'agissant des produits accessoires à la literie (dosserets, cadres de lits, jeux de pieds et de sommiers, etc), les parties estiment que la part de la marché de Cauval se situe entre 0 et 5% et celle d'Oniris entre 5 et 10% en France. Elles ajoutent que si le distributeur peut proposer au consommateur achetant un sommier les dosserets et les pieds vendus par le même fabricant, l'achat de ces accessoires par le consommateur n'est pas systématique. En outre, les produits accessoires sont le plus souvent interchangeables d'un sommier à un autre, le consommateur pouvant ainsi acheter un sommier d'un fabricant spécifique et les accessoires d'un autre fabricant du secteur.

S'agissant des produits textiles (oreillers, couettes, protège-matelas, etc), les parties estiment que les parts de marché de Cauval et d'Oniris sont inférieures à 5 %. Elles ajoutent qu'il existe, sur ce marché, une pression concurrentielle d'un grand nombre d'opérateurs dont la plupart ne sont pas des fabricants de matelas et de sommiers.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les risques d'atteintes à la concurrence peuvent être écartés sur les marchés français de la fabrication et de la commercialisation des produits accessoires à la literie et des produits textiles.

B. - Analyse des effets verticaux liés à l'opération

En 2005, l'activité d'Oniris de vente de mousses polyuréthanes, exercée par la filiale Dunlopillo France, a représenté un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro et celle de vente de latex, exercée par la filiale Dunlopillo Gmbh, un chiffre d'affaires de [...] million d'euro.

S'agissant de l'activité de vente de mousses polyuréthanes pour le secteur de la literie, les parties estiment que la part de marché d'Oniris est inférieure à 1% au niveau européen. En outre, Oniris, qui commercialise sa mousse quasi-exclusivement auprès de fabricants de matelas, est, selon les informations transmises par les parties, confrontée à la concurrence de groupes de taille internationale, à l'instar de British Vita ou de Carpenter.

S'agissant de l'activité de vente de latex, les parties estiment que la part de marché d'Oniris est inférieure à 1% au niveau européen5. De surcroît, Oniris est confrontée à la concurrence de grands fabricants de latex, comme le groupe Pirelli ou le groupe Latexco, qui, avec une production annuelle d'environ un million de plaques de mousse de latex, apparaissent comme les leaders du secteur (6).

D'un point de vue vertical, l'opération de concentration n'est ainsi pas susceptible d'avoir pour effet la fermeture des marchés de la vente de mousses polyuréthanes et de latex. En effet, non seulement la position d'Oniris est très faible sur ces secteurs mais en plus si Oniris décidait de ne plus vendre ces produits aux fabricants de sommiers et de matelas, il existerait, pour ces derniers, de nombreuses alternatives d'approvisionnement pour chaque catégorie de matière première.

C. - Analyse des effets congloméraux liés à l'opération de concentration

1. Examen des risques d'effets de gamme liés à l'opération de concentration

La présente opération permet à la nouvelle entité de détenir des parts de marché non négligeables sur les marchés de la fabrication et de la vente de sommiers et de matelas à destination des consommateurs. Il convient donc, dans l'analyse des effets de conglomérat de cette opération, d'évaluer les risques d'éviction des concurrents, d'augmentation des prix ou de dégradation de la qualité et de l'innovation par la constitution d'un effet de gamme.

La nouvelle entité détiendra, à l'issue de l'opération, une part de marché estimée, en valeur, à [20-30] % sur le marché des matelas et de [20-30] % sur le marché des sommiers en France en 2005.

Les principaux concurrents de la nouvelle entité offrent une qualité dans leur offre de produits équivalente à celle des parties sur les produits de la literie (sommiers et matelas). Ainsi, les groupes Recticel ([20-30] % du secteur global de la literie en France), le groupe Sapsa Bedding et le groupe Hilding Anders fabriquent tous trois des matelas et des sommiers par l'intermédiaire des différents circuits de distribution.

S'agissant de Hilding Anders, les parties soulignent d'ailleurs que ce groupe bénéficie de coûts de production inférieurs de 20% à ceux de ses concurrents, du fait d'un approvisionnement privilégié sur la mousse, le latex et les ressorts, de nature à lui conférer un avantage concurrentiel par rapport aux autres acteurs du secteur.

S'agissant de la commercialisation de matelas et de sommiers, il ressort des informations communiquées par les parties et de l'enquête de marché que les négociations commerciales avec les distributeurs du secteur de la literie portent à la fois sur les deux types de produits.

Toutefois, compte tenu de la présence d'opérateurs à même de proposer aux distributeurs à la fois des matelas et des sommiers et disposant d'une puissance de marché non négligeables, les risques d'atteinte à la concurrence résultant d'un effet de gamme lié à la présence de la nouvelle entité sur les deux secteurs d'activité peuvent être écartés.

2. Examen des risques d'effets de portefeuille liés à l'opération de concentration

La présente opération de concentration permet à la nouvelle entité de détenir trois marques de sommiers et de matelas, Simmons, Dunlopillo et Treca. Il convient donc d'évaluer les risques d'éviction des concurrents et d'augmentation des prix résultant de l'utilisation de ce portefeuille de marques.

Les parties ont communiqué les résultats d'une enquête de notoriété des marques de matelas qui classent les marques selon leur notoriété spontanée qui sont, dans l'ordre décroissant, Dunlopillo, Epeda, Simmons, Treca, Bultex, Merinos. A l'issue de l'opération, les parties détiendront ainsi trois de ces marques les plus citées.

En prenant le contrôle d'Oniris, Cauval renforce ainsi son portefeuille de marque, notamment avec l'acquisition de la marque la plus connue du consommateur français, Dunlopillo.

Toutefois, son principal concurrent, le groupe Recticel possède les trois autres marques les plus connues, dont chacune est positionnée sur un créneau spécifique. Merinos est active sur le segment des ressorts ensachés, Epeda est spécialisée dans le multispire et Bultex dans la mousse polyuréthane. En outre, le groupe dispose des marques Lattoflox et Swissflex spécialisées dans le matelas très haut de gamme.

Le groupe Sapsa Bedding détient également deux marques connues, Sealy et Pirelli. Le groupe Hilding Anders exploite deux marques Wiffor et A. Renault. Il est en outre le fournisseur exclusif du groupe Ikéa, dont les parts de marché ont, selon les informations des parties, augmenté de manière non négligeable ces dernières années sur les marchés de la commercialisation de matelas et de sommiers.

Il existe également d'autres marques, dont la notoriété est moindre mais reconnue par un certain nombre de magasins spécialisés dans la literie tels Robusta, Tempur, et Swissconfort. Enfin, un regroupement de fabricants de matelas et de sommiers utilise une marque collective, " Belle literie " qui est également connu des consommateurs.

Si la détention d'une marque d'une notoriété importante constitue un avantage, elle ne représente pas toutefois un avantage concurrentiel décisif. Plusieurs distributeurs interrogés dans le cadre de l'enquête de marché ont ainsi indiqué que les notoriétés respectives des marques des fabricants sont non seulement différentes, car souvent liées à une technologie particulière, mais qu'en plus, la notoriété des marques ne constitue pas le principal critère de choix des consommateurs.

En outre, il ressort des informations des parties et de l'enquête de marché que de nouvelles marques sont apparues récemment en France et connaissent des taux de notoriété non négligeables, à l'instar de la marque Sealy. De plus, il convient de souligner qu'un distributeur comme IKEA a connu un développement significatif de ses ventes ces dernières années dans le secteur de la literie sans pour autant proposer aux consommateurs de matelas ni de sommier de " grande marque ".

Enfin, les opérateurs interrogés dans le cadre de l'enquête de marché ont mentionné qu'il existe des marques substituables à l'ensemble des marques de la nouvelle entité.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les risques d'atteinte à la concurrence par constitution d'un portefeuille de marques reconnues par les consommateurs peuvent être écartés.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes

2 Styrène Acrylique (SA), Styrène Butadiène (SB), Polyvinyle Acétate (PVAc).

3 Ces chiffres comprennent les exportations et excluent les importations. Les parties ne disposent pas de données plus précises en segmentant les matelas et les sommiers.

4 Les parties ne disposent pas de données plus précises en segmentant les matelas et les sommiers.

5 Les parties ne disposent pas de données plus précises s'agissant des différents marchés du latex définis page 5 de la présente décision.

6 A titre comparatif, Dunlopillo Gmbh produit environ [<100 000] plaques de mousse de latex par an.