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Décisions

Ministre de l’Économie, 5 mars 2007, n° ECOC0750410Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils du groupe Bénéteau SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0750410Y

5 mars 2007

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 29 janvier 2007, vous avez notifié la prise de contrôle exclusif du groupe Idéale Résidence Mobile (ci-après "IRM ") par le groupe Bénéteau SA (ci-après "Bénéteau "). Cette opération a été formalisée par un contrat de cession signé le 15 décembre 2006 par lequel Bénéteau acquiert 100 % des titres d'IRM.

I. - LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

Bénéteau est un groupe coté en bourse dont les activités s'organisent autour de quatre divisions principales

- La plaisance, avec les voiliers Bénéteau et Jeanneau (environ 77 % du chiffre d'affaires du groupe);

- La construction navale et la grande plaisance avec les yachts CNB, les catamarans Lagoon ou les voiliers de prestige Wauquiez (environ 11 % du chiffre d'affaires)

- Les véhicules sans permis Microcar (environ 6,0 % du chiffre d'affaires);

- Les résidences mobiles O'HARA (environ 5,5 % du chiffre d'affaires du groupe)

En 2005, le chiffre d'affaires mondial de Bénéteau s'est élevé à 799 millions d'euro, dont 242 millions en France.

IRM est détenue depuis 2004 par le fonds d'investissement AXA Private Equity Fund Il qui appartient au groupe AXA*. IRM est active dans le secteur de la production et de la commercialisation de résidences mobiles. En 2005, le chiffre d'affaires mondial d'IRM s'est élevé à 101 millions d'euro, dont 98 millions en France.

L'opération notifiée constitue une concentration au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce et, compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, ne revêt pas une dimension communautaire. Elle est de ce fait soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II - MARCHES CONCERNÉS

Les parties sont simultanément présentes dans la construction et la commercialisation de résidences mobiles (couramment dénommées " mobile-homes "), sous les marques O'HARA et IRM.

* Erreur matérielle lire " AXA Private Equity Fund Il, géré par la société de gestion Axa Investment Managers

Private Equity Europe, qui appartient au groupe AXA" au lieu de " AXA Private Equity Fund Il qui appartient au groupe AXA"

Le secteur concerné par l'opération notifiée est donc celui des véhicules de loisirs et, plus précisément, celui des résidences mobiles, qui n'ont pour l'heure pas fait l'objet de définitions de marchés précises et définitives dans la pratique des autorités de concurrence, tant nationale que communautaire.

1 - Les marchés de produits

1.1. Un marché large des véhicules de loisir ne semble pas pertinent au cas d'espèce

En ce qui concerne la pratique, les autorités de concurrence ont déjà eu à connaitre d'opérations dans le secteur des véhicules de loisirs, mais sans qu'aucune définition précise des marchés n'ait été tranchée jusqu'à présent.

Le ministre a notamment évoqué dans une précédente décision', tout en laissant ouverte la question, un possible marché des véhicules de loisirs, qui comprendrait à la fois les caravanes, les camping-cars et les résidences mobiles. Dans cette décision, il avait évoqué la possibilité d'une segmentation du marché en fonction de la catégorie de véhicule de loisirs considérée. Cependant, la question n'avait pas été définitivement tranchée, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la définition retenue.

Toutefois, dans cette précédente affaire, les entreprises concernées n'étaient pas présentes sur le secteur amont de la production et de la commercialisation de mobile-homes, et leur seule activité en lien avec ce produit était la distribution. Or en l'espèce, c'est précisément sur ce secteur amont que l'opération de concentration emporte un chevauchement d'activité entre les parties il s'agit donc d'examiner s'il est pertinent de retenir, pour les besoins de l'analyse concurrentielle, un marché large des véhicules de loisir.

Il convient de remarquer que tous les véhicules de loisirs présentent des similitudes quant à leur usage il apparaît en effet que leur finalité est sensiblement similaire pour les consommateurs, puisqu'ils sont destinés à être utilisés comme résidences de vacances dans certains lieux de villégiature, comme les terrains de camping, les villages de vacances ou les parcs résidentiels de loisirs (" PRL "). En outre, au stade de la distribution aux consommateurs finals, force est de constater que l'ensemble de ces véhicules de loisirs leur est souvent proposé simultanément par les mêmes négociants. Par ailleurs, quelques acteurs industriels du marché fabriquent à la fois camping-cars, caravanes et mobile-homes.

Toutefois, en dépit de ces similitudes, il convient de relever que ces trois grandes catégories de véhicules de loisirs présentent chacune des caractéristiques techniques spécifiques, qui les différencient les unes des autres et remettent en cause leur éventuelle substituabilité pour les consommateurs finals. Il faut relever tout d'abord des différences substantielles en termes de prix (celui d'un camping-car étant par exemple très supérieur à celui d'une caravane) et de dimensions (un mobile-home étant généralement plus spacieux qu'une caravane ou un camping-car), mais également et surtout en termes de conditions d'usage la principale différence entre les trois types de véhicules concerne la mobilité.

D'une part, les camping-cars se distinguent des caravanes et des résidences mobiles, dans la mesure où ils sont motorisés, et bénéficient par conséquent d'une mobilité autonome, alors que les autres types de véhicules doivent être tractés ou transportés jusqu'à leur lieu de villégiature.

D'autre part, pour des raisons tenant à leurs dimensions respectives ou à des contraintes spécifiques de transport, les caravanes et les résidences mobiles se distinguent fortement entre elles.

Seul point commun entre ces deux types de véhicules, sur un terrain de camping aménagé, les moyens de mobilité nécessaires pour déplacer une résidence mobile ou une caravane d'un emplacement à un autre sur le même terrain sont identiques la présence de roues et de barres permet ces déplacements par simple traction.

En effet, la norme AFNOR NF S 56-410 définit la résidence mobile comme un "véhicule habitable de loisirs déplaçable" dont la surface ne doit pas dépasser 40 m2 et dont l'usage est destiné à une occupation temporaire ou saisonnière sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs. La résidence mobile doit, en outre, "pouvoir à tout moment être retirée de son emplacement par l'un de ses quatre côtés, être déplacée par traction, à l'intérieur d'un terrain de camping, à 5 km/h en ligne droite sur une distance de 100 mètres et prendre un virage d'un rayon de 10 mètres à deux km/h ".

Pour autant, en dehors des terrains de camping aménagés, ces moyens de mobilité sont totalement différents. Bien que, depuis la publication d'une circulaire du 29 février 1988, le mobile home soit réglementairement assimilé au statut de la caravane, définie par l'article R. 443-2 du Code de l'urbanisme, il apparaît que les deux types de véhicules ne peuvent pas être confondus:

contrairement aux mobile-homes, les caravanes ne pas sont pas soumises à des dispositifs particuliers (2), mais assujetties au Code de la route et à la réglementation générale sur le stationnement. Dans ce cadre, elles sont autorisées à se déplacer d'un lieu à un autre par traction par un véhicule automobile sur le réseau routier, ce qui en revanche est interdit aux mobile-homes au regard du Code de la route.

Si caravanes et mobile-homes sont "mobiles ", il apparaît donc clairement que cette mobilité n'est pas de même nature, et qu'elle ne permet pas les mêmes déplacements ni les mêmes usages.

Au vu de ces éléments, il ne paraît pas possible d'envisager un marché global des véhicules de loisirs aux fins de la présente analyse, ceux-ci ne pouvant être considérés comme des produits substituables les uns aux autres.

1.2. Un marché des résidences de loisir est trop large pour les besoins de la présente analyse

Dans ces conditions, les parties ont proposé une définition alternative de marché. Elles préconisent que soit retenu aux fins de l'analyse concurrentielle un marché large des résidences de loisirs, qui regrouperait les mobile-homes et les habitations légères de loisirs (" HLL "), c'est-à-dire les chalets et les bungalows.

De même qu'entre les véhicules de tourisme, il existe également une similitude d'usage entre les HLL et les mobile-homes, dans la mesure où leurs conditions d'utilisation sont très proches pour les consommateurs finals: ils sont appelés à servir de logements saisonniers à des vacanciers dans des lieux de villégiature spécifiquement équipés (campings, villages de vacances, PRL).

Par ailleurs, l'étude de la substituabilité du côté de l'offre a montré que certains producteurs de HLL pouvaient aisément adapter leurs produits pour les "transformer" en mobile-homes: plus spécifiquement quelques fabricants de chalets en bois (3) proposent déjà à leurs clients de livrer ces derniers non pas montés sur des longrines (immobiles), mais équipés de roues et d'un dispositif de traction à l'instar d'un mobile-home. Cette option semble pouvoir être utilisée pour la plupart des chalets existants, à l'exception de ceux ayant une largeur supérieure à 5 mètres. Par ailleurs, il n'apparaît pas qu'elle représente un surcoût, ni pour l'industriel, ni pour son client, dans la mesure où le coût du châssis est d'un niveau comparable à celui d'une pose sur longrine, à savoir environ 5 à 10 % du coût de production d'un chalet. Dans ce cas, ces produits offrent au consommateur exactement les mêmes possibilités qu'un mobile-home, et jouissent du même statut réglementaire que les résidences mobiles.

En revanche, il apparaît que les "chalets sur roue" appartiennent à un segment très spécifique du marché des résidences mobiles (comme précisé ci-après) et par ailleurs, l'instruction du dossier n'a pas permis d'établir qu'inversement les producteurs de résidences mobiles étaient à même d'entrer rapidement sur le marché des HLL.

De manière générale, les HLL se définissent traditionnellement comme des constructions habitables et démontables, destinées à une occupation temporaire ou saisonnière. Réglementairement (4), les HLL doivent obligatoirement être implantées sur des terrains aménagés de camping (où leur nombre ne doit pas dépasser trente-cinq lorsque le terrain comprend au moins 175 emplacements ou 20 % du nombre total d'emplacements dans les autres cas), dans des PRL aménagés à cet effet, dans des villages de vacances classés en hébergement léger ou dans les dépendances des maisons familiales de vacances agrées (au sens du Code du tourisme). En dehors de ces emplacements, leur implantation est soumise au droit commun des constructions.

Par ailleurs, la mobilité permise par les HLL et par les mobile-homes n'est absolument pas de même nature. Contrairement aux résidences mobiles, les HLL sont immobiles, sauf à être intégralement démontées, déplacées à l'état de pièces détachées, puis remontées à un autre emplacement. Les conditions de "mobilité" sont donc nettement moins aisées que pour un mobile- home. Les démontages/remontages constituent par ailleurs une opération délicate, qui peut altérer la qualité de l'habitation. Aussi, pour des acheteurs comme les spécialistes du tourisme, qui modifient régulièrement l'organisation de leur espace et souhaitent proposer à leurs clients des logements d'une qualité constante au cours du temps, les deux produits ne sont pas interchangeables. Ils le sont d'autant moins que, contrairement aux résidences mobiles, pour lesquelles il est courant qu'elles soient revendues une fois amorties, il n'existe pas réellement de marché de l'occasion pour les HLL.

Ces éléments juridiques et techniques tendent à montrer que la substituabilité du côté de la demande est limitée entre les résidences mobiles et les HLL: leur nature est différente, elles obéissent tous deux à des réglementations spécifiques.

Le test de marché effectué lors de l'instruction du dossier a confirmé la pertinence d'une telle segmentation, puisque les répondants ont estimé que les résidences mobiles et les HLL appartenaient à des marchés distincts. Ils ont fondé leur argumentation notamment sur le fait que les deux produits étaient régis par dispositions réglementaires distinctes (plus spécifiquement que le régime déclaratif relatif à la construction d'une HLL était plus contraignant que la simple installation d'une résidence mobile), qu'en termes de préférences des consommateurs, les HLL s'adressaient à une clientèle plus aisée recherchant davantage de confort, et qu'en termes de mobilité, il était nettement plus difficile de déplacer une HLL qu'une résidence mobile d'un emplacement à un autre, et qu'il n'existait pas de marché de seconde main pour les HLL.

L'instruction a permis de confirmer l'ensemble de ces points. Il semble dés lors que les résidences mobiles et les HLL n'appartiennent pas un même marché et qu'il soit ainsi pertinent de définir un marché distinct, circonscrit aux seules résidences mobiles.

1.3. Un marché des résidences mobiles (ou mobile-homes) est pertinent pour mener l'analyse concurrentielle au cas d'espèce

Les qualités intrinsèques des résidences mobiles les rendent spécifiques aux besoins d'un large groupe de consommateurs : leur prix attractif, leur mobilité, l'absence de contingentement et la simplicité des démarches administratives pour les installer sur un terrain aménagé, sont autant d'éléments qui font du mobile-home un produit unique tant pour les clients professionnels, qui les louent à des vacanciers, que pour les clients particuliers, qui les réservent à leur usage exclusif.

La question se pose toutefois de savoir si ce marché constitue un marché global ou si des segmentations de marché plus fines doivent être envisagées. Les parties considèrent que le marché des résidences mobiles n'a pas vocation à être segmenté, car elles estiment que les résidences mobiles sont toutes substituables les unes aux autres.

L'instruction du dossier a toutefois fait apparaître des éléments permettant d'envisager au moins deux segments de marché.

1.4. La question d'une segmentation par gamme de produits (bas/moyen et haut de gamme) et par canal de distribution (locatif/résidentiel) doit également être analysée.

Une première segmentation de marché concerne les gammes de résidences mobiles. Le test de marché effectué lors de l'instruction du dossier a en effet permis d'identifier des résidences mobiles de "bas/milieu de gamme" et des résidences mobiles de "haut de gamme ", chacune de ces gammes correspondant à une fourchette de prix particulière.

Une seconde segmentation de marché est relative à l'usage final auquel sont destinées les résidences mobiles, soit un usage "résidentiel", c'est-à-dire qu'elles sont vendues à des particuliers pour leur usage exclusif, soit un usage "locatif", c'est-à-dire qu'elles sont cédées à des professionnels (tour-operators, campings, etc.), qui ont pour activité de les louer de façon saisonnière à des vacanciers.

Il convient de noter que les deux segmentations envisagées ne sont en rien indépendantes, mais plutôt complémentaires le test de marché a notamment permis de comprendre que les modèles de résidences mobiles de bas de gamme ou de moyenne gamme étaient généralement destinés au circuit locatif, tandis que les modèles haut de gamme étaient le plus souvent écoulés au sein du circuit résidentiel.

En effet, en regroupant de façon synthétique l'information commerciale mise à disposition des consommateurs par les différents fabricants du marché, il apparaît que ces derniers envisagent que les mobile-homes puissent avoir une vocation différente (segments résidentiel et locatif) et appartenir à un niveau de gamme particulier. Schématiquement, les fourchettes de prix suivantes ont pu être retenues

<emplacement tableau>

Ces propositions tarifaires qui émanent des producteurs ont certes pour objectif de révéler les préférences des consommateurs, mais, comme l'indiquent les parties, il peut arriver que les modèles soient détournés de leur utilisation présumée. Aussi, peut-il arriver, à la marge, qu'un client professionnel achète un modèle plutôt destiné par son fabriquant au segment résidentiel, ou inversement, qu'un client résidentiel achète un modèle locatif. Cependant, il ressort du test de marché qu'en moyenne, les comportements des consommateurs finals sont fortement différenciés, selon qu'il s'agit de professionnels du tourisme qui souhaitent dégager un profit de leur investissement et viser une clientèle large pour une utilisation saisonnière, et ont donc tendance à acheter des produits de bas/moyenne gamme (en fonction du standing de leur établissement) ou de clients particuliers, qui envisagent l'achat d'un mobile-home pour un usage personnel et durable (et ont également des préoccupations plus importantes en termes de confort que de prix).

Dès lors, il est également apparu que, dans la mesure où le haut de gamme correspondait globalement à des résidences mobiles de type résidentiel, une segmentation distinguant le locatif et le résidentiel pouvait équivaloir en première approximation à une distinction par niveaux de gamme.

En conséquence, aux fins de la présente analyse, il sera retenu un marché global des résidences mobiles, lui-même segmenté en fonction du canal de distribution, en distinguant les mobile-homes résidentiels (plutôt de haut de gamme) des mobile-homes locatifs (plutôt de bas/milieu de gamme).

En tout état de cause, au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question de la définition exacte des marchés de produits, dans la mesure où, quelles que soient les segmentations de produits retenues, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées.

2 - Les marchés géographiques

Les autorités de concurrence n'ont jamais défini la dimension géographique du marché des résidences mobiles.

Les parties considèrent, quant à elles, qu'il s'agit d'un marché de dimension nationale, voire communautaire.

2-1 Le marché n'est pas de dimension communautaire

A l'appui de leur définition d'un marché de dimension communautaire, les parties indiquent qu'elles estiment que 15 à 20 % des ventes de résidences mobiles en France proviendraient d'importations, notamment du Royaume-Uni, d'Espagne, d'Italie et d'Allemagne.

Le test de marché réalisé lors de l'instruction du dossier n'a toutefois pas permis de confirmer cette estimation, certains répondants n'étant pas capables d'évaluer les volumes d'importations et d'exportations et d'autres ayant communiqué des estimations nettement inférieures à celles des parties (5).

L'instruction a certes permis d'identifier plusieurs acteurs étrangers actifs sur le marché français: il s'agit des constructeurs allemands Btirstner, espagnol SunRoller, italien Shelbox ou des britanniques Willerby et Altas. Concernant les britanniques, il convient de noter que leurs usines de production sont situées à Hull en Grande-Bretagne, et que les produits importés en France sont transportés par voie maritime. Concernant les offreurs d'Europe continentale, les plus importants sont Btirstner et Sun Roller, qui ont en commun de disposer d'usines d'assemblage soit en France (comme Btirstner qui fabrique à Wissembourg, en Alsace (6)) ou dans des régions limitrophes (comme SunRoller à Fogars de la Selva et à Barcelone en Espagne (Catalogne), à moins de cinquante kilomètres de la frontière française). A titre de comparaison, l'italien Shelbox, dont l'usine est située à Castel Fiorentino, dans la Vallée d'Aoste, soit à environ 400 km de la frontière française, vend des quantités extrêmement réduites dans l'hexagone.

La raison d'un tel lien entre lieux de vente et de production est sans doute à chercher dans l'importance des coûts de transports. En effet, l'instruction a permis d'établir que le transport représentait une part importante du coût total du produit facturé au client. Celui-ci équivaut en effet à un peu moins de 15 % du coût total lorsque le nombre de kilomètres séparant le site de production du fabricant du site de livraison du client est inférieur à 500 km. En conséquence, la proximité de localisation du fabricant à de ses clients est un élément majeur pesant sur la décision d'achat des consommateurs.

Il semble donc que parmi les acteurs européens du marché, seuls ceux qui disposent d'unités de production situées à une distance compatible avec les coûts de livraison soient en mesure de réaliser des ventes de mobile-homes dans l'hexagone. Par conséquent, l'importance structurelle des coûts de transport dans cette industrie plaide clairement en défaveur de la définition d'un marché de dimension communautaire.

Concernant plus spécifiquement les producteurs britanniques, il apparaît en outre, que l'un des obstacles à l'européanisation du marché réside dans l'existence de " goûts" spécifiques selon les pays. L'instruction du dossier a ainsi permis de constater que les résidences mobiles vendues sur le marché anglais étaient très différentes de celles vendues sur le marché français, que ce soit en matière de construction, de confort ou d'apparence générale. Aussi ces producteurs destinent-ils au marché français des produits spécifiques, qu'ils ne commercialisent pas sur leur marché domestique.

Inversement, l'existence de normes spécifiques au marché britannique est à l'origine d'une segmentation géographique du marché, et explique la faiblesse des échanges à l'intérieur de l'Union européenne. A titre d'exemple, bien que disposant d'un site de production à Lesquin dans le Nord, à proximité immédiate des marchés britannique et nord-européens, IRM n'y exporte qu'entre [...] mobile-homes par an, soit moins de [0-5] % de sa production. Pour expliquer ce chiffre limité au regard de la production de l'entreprise, les parties ont souligné que toute entrée sur le marché britannique, était conditionnée à l'obtention par chaque produit d'une certification par le National Caravan Council (NCC), formalité longue et lourde, qui limite les opportunités d'exportations.

Il apparaît donc qu'en règle générale, les échanges intracommunautaires dans ce secteur sont limités.

Il convient donc à ce stade d'examiner la pertinence de retenir une dimension géographique nationale pour le marché des mobile-homes, voire si les éléments liés aux coûts de transport ne conduiraient pas à segmenter plus avant, à des marchés de dimension infranationale.

2-2 Des marchés de dimension infranationale ne sont pas pertinents au cas d'espèce

En France, la demande est essentiellement répartie sur les zones littorales. En effet, l'étude de la répartition des emplacements de camping sur le territoire national, susceptibles d'accueillir des mobile-homes, est éclairante sur ce point. Le ministère du tourisme note dans une étude récente (7) que plus de la moitié des emplacements de camping sont regroupés en France dans cinq régions littorales Languedoc-Roussillon (12,8%), Aquitaine (11,5%), Provence-Alpes-Côte-d'Azur (10,5%), Bretagne (9,6%), Pays de la Loire (9,2%). En outre, l'étude précise que dans la région Nord-Pas-de-Calais, trois quarts des emplacements sont résidentiels.

Les deux foyers principaux de demande de mobile-homes en France sont donc les deux arcs littoraux formés par la côte atlantique (de la pointe Bretagne jusqu'au Pays Basque) d'une part, et la côte méditerranéenne (des Pyrénées Orientales jusqu'aux Alpes-Maritimes) d'autre part. Certains foyers secondaires peuvent être constitués par les côtes normande et septentrionale.

L'étude de la répartition des offreurs présents en France est également riche d'enseignement. Il apparaît que la plupart des sites de production sont répartis sur les arcs littoraux où la demande est forte, et notamment en Bretagne (Loudéac), dans les Pays-de-Loire (Mayenne, Epieds, Javron-les-Chapelles), en Poitou-Charentes (Givrand, Coëx, Venansault, Luçon, Beaulieu-sur-la-Roche), dans le Languedoc-Roussillon (Lezignan, Beaucaire, Les-Salles-du-Gardon), ou situés très proches dans des régions limitrophes, comme en Midi-Pyrénées (Mazères, Saint-Juéry, La Cavalerie), ou en Rhône-Alpes (Portes-lès-Valence, Romans-sur-Isère). On trouve marginalement quelques sites de production hors de ces deux axes, dans le Nord, en région parisienne et en Alsace, mais ils sont peu nombreux.

On peut donc relever que la densité géographique des sites de production de mobile-homes semble corrélée aux localisations de la demande, décrites par l'étude du ministère du Tourisme.

Il convient donc d'étudier la pertinence d'une segmentation infranationale du marché des mobile-homes. Or, l'instruction a permis de démontrer que s'il devait être établi des zones de chalandise infranationales du fait de l'importance des coûts de transport, force serait de constater que ces zones se chevaucheraient dans des proportions très substantielles. En effet, les coûts de transports sont tels qu'un consommateur résidant en Provence-Alpes-Côte-d'Azur aura certes peu de chance de s'adresser à producteur implanté en Bretagne pour lui acheter un mobile-home. Pour autant, il pourra faire appel à un fabricant implanté en Rhône-Alpes, en Languedoc-Roussillon, voire en Midi-Pyrénées pour satisfaire sa demande. Au vu de la répartition assez uniforme des offreurs et des demandeurs sur le territoire national, il semble que le chevauchement des zones de livraison des différents opérateurs permette d'établir une chaîne de substituabilité entre ces différentes zones, conduisant in fine à délimiter un marché national.

Dès lors, l'analyse concurrentielle du marché des résidences mobiles, et de ses segmentations, sera menée au plan national.

III. - ANALYSE CONCURRENTIELLE

A titre liminaire, il est important de noter l'absence de statistiques officielles (8) sur le marché des résidences mobiles. Dans ces conditions, l'instruction s'est fondée sur les résultats d'une étude économique réalisée en 2004 par un cabinet indépendant (9) et sur les estimations parfois divergentes des parties et des répondants au test de marché pour apprécier la taille globale du marché et de ses segments, les positions relatives des acteurs sur chacun d'entre eux, et les parts de marché sur le marché global.

1 - Estimation de la taille globale du marché

Il ressort de l'instruction qu'on peut raisonnablement estimer le nombre de résidences mobiles vendues annuellement dans une fourchette comprise entre 20 500 et 23 000 unités.

En se fondant sur une étude de marché datant de 2004, les parties proposent d'estimer le nombre de résidences mobiles vendues sur le marché français en 2005 à 23 057. En effet, l'étude de MSI évalue le nombre de résidences mobiles vendues en 2004 à 22 038 unités (contre 17 257 en 2000). En retenant un pourcentage de croissance du marché de l'ordre de 6 % par an en moyenne, les parties ont considéré que les ventes en 2005 devaient avoir atteint un niveau de 23 057 unités.

Il convient de relativiser ce chiffre de 6 %, qui ne constitue qu'une estimation des perspectives telles qu'elles étaient perçues en 2004, et non une estimation sur la base de l'évolution constatée a posteriori des ventes. Certains répondants au test de marché ont en effet signalé qu'ils avaient une perception différente du développement de ce marché ils semblent avoir constaté une progression plus limitée entre 2004 et 2006. Par ailleurs, ils en déduiraient l'anticipation d'un rythme de progression moindre à l'avenir. Pour eux, le marché des mobile-homes serait passé d'une phase de premier équipement (où la demande est structurellement forte), à une phase de renouvellement (qui entraînerait une baisse des ventes).

L'instruction n'a toutefois pas confirmé que le marché des mobile-homes avait vocation à décliner dans un avenir proche. En effet, en termes de stock, le parc français de résidences mobiles installées peut être évalué à environ 200 000 unités en 2005. Le seul renouvellement du stock actuel à un taux raisonnable de 10%, correspondant à une durée de vie moyenne de dix ans, assurerait mécaniquement un niveau des ventes actuel de l'ordre de 20 000 pièces par an.

En outre, d'éventuels nouveaux équipements pourraient tout à fait assurer une croissance du marché, de l'ordre de 5 % par an, si un millier de pièces supplémentaires par an environ était vendu. Plusieurs éléments accréditent une évolution favorable du marché il semble que l'offre développée par les campings se diversifie et qu'ils proposent des installations de plus en plus sophistiquées, ce qui leur permet d'élargir leur offre vers des publics qui ne constituaient pas jusqu'alors leur clientèle habituelle. Cette diversification s'opère essentiellement par le développement du nombre de résidences mobiles et de HLL mis à la disposition des clients. De ce fait, la croissance du marché serait dés lors à la fois constituée par des achats de premier équipement et par des renouvellements.

Ainsi qu'il sera développé plus en détail dans le paragraphe relatif à la pression concurrentielle (10), il convient donc d'ores et déjà de noter que le marché des résidences mobiles devrait apriori continuer à se développer au cours des prochaines années.

2 - Les positions des acteurs du marché des résidences mobiles

2-1 Sur le marché global des résidences mobiles

En se fondant sur les évaluations des volumes vendus et une estimation dans une fourchette raisonnable de la taille du marché, les parts de marché des parties s'établiraient dans les intervalles suivants :

<emplacement tableau>

Les parts de marché de leurs principaux concurrents, en 2005, peuvent être évaluées de la façon suivante:

<emplacement tableau>

2-2 Sur les segments du locatif (" bas/moyenne gamme ") et du résidentiel (" haut de gamme ")

En ce qui concerne la segmentation de marché entre les résidences mobiles destinées à la location et celles destinées à un usage résidentiel, étant donné l'absence de statistiques officielles sur le marché des mobile-homes, et donc a fortiori sur ses segments, l'instruction a procédé en estimant à chaque fois le total des volumes vendus par segment.

Les parties ont initialement estimé que 70 % en moyenne des ventes de résidences mobiles en France étaient destinées à un usage locatif (ce qui représenterait entre 14 285 et 16 355 unités selon les estimations de la taille du marché) tandis que 30 % étaient destinées à un usage résidentiel (ce qui représenterait entre 6 255 et 7 005 unités).

Compte-tenu de cette répartition, il est possible d'évaluer de façon approximative les volumes de vente représentés par ces deux segments de marché.

Sur le segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage locatif (plutôt de "bas/moyenne gamme "), les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents seraient les suivantes :

<emplacement tableau>

Sur le segment des résidences mobiles destinées à un usage résidentiel (plutôt de "haut de gamme "), les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents seraient les suivantes :

<emplacement tableau>

Cependant, cette clef de répartition proposée par les parties semblait, prima facie, surestimer l'importance du segment résidentiel par rapport au segment locatif.

En effet, les chiffres fournis par l'étude MSI considéraient que la proportion des ventes dans le segment locatif (78 %) est plus élevée que dans le segment résidentiel (22 %). Aussi, même avec l'hypothèse de croissance optimiste du marché global de 6 % proposée par les parties, une modification si substantielle de la clef de répartition entre locatif et résidentiel, implicitement admise, aurait impliqué à la fois une baisse des ventes de 5 % sur le segment locatif entre 2004 et 2006, et une hausse des ventes de 45 % sur le segment résidentiel, sur la même période.

Cependant, si ce taux d'augmentation implicite (+ 45 %) des ventes sur le segment résidentiel n'apparaît pas réaliste au vu de l'évolution constatée du secteur, il reste que le test de marché a relevé l'importance croissante qu'a connue ce segment dans les ventes totales de mobile-homes. Les explications sont notamment d'ordre sociologique, et tiennent par exemple à l'impact de la loi de réduction du temps de travail sur les habitudes de loisirs (" effet 35 heures "), la hausse des prix de l'immobilier, l'utilisation croissante de mobile-homes comme solution au logement précaire, ou le goût pour les vacances au camping.

Les parties ont par ailleurs fourni l'évolution de la proportion de leurs propres ventes sur la période, qui laisse apparaître un accroissement de 4 points de la part du segment résidentiel dans le total des ventes. Si l'évolution de 8 points envisagée dans un premier temps semble surestimer le phénomène, il reste que le segment résidentiel a vu s'accroître son importance dans les ventes totales de mobile-homes.

Pour approcher les parts de marché sur les segments envisagés, l'instruction conduit à retenir la clef de répartition suivante: 74 % du marché des mobile-homes destinés au segment locatif, et 26 % au marché résidentiel. Les parties ont précisé que les statistiques compilées par ABO Services indiquaient une proportion des ventes de 24 % pour le segment résidentiel, qui vient au soutien de la clef de répartition retenue. Par ailleurs, certains répondants au test de marché ont confirmé que ces proportions étaient conformes à leur propre perception du marché.

Comme tenu de la clef de répartition des ventes entre les segments locatif (74%) et résidentiel (26%) retenue, les parts de marché des parties seraient les suivantes :

<emplacement tableau>

Dans tous les cas, la part de marché cumulée des parties sur le marché des résidences mobiles serait comprise entre [40 et 50] %. Elle serait comprise entre [40 et 50] % sur le segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage locatif et entre [45 et 55] % sur le segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage résidentiel.

Il ressort des données qui précèdent que la part de marché que la nouvelle entité détiendra sur le marché pris dans son ensemble, ainsi que ses positions sur les deux segments étudiés, seront significatives.

Toutefois, la part de marché ne constitue que l'un des facteurs entrant dans l'analyse d'une éventuelle position dominante, c'est-à-dire le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en permettant d'adopter des comportements indépendamment, dans une mesure appréciable, des réactions des concurrents, des clients et finalement des consommateurs finals.

Au-delà, il convient donc d'examiner si la forte part de marché de la nouvelle entité sur le marché pris dans son ensemble et ses fortes positions sur les segments des mobile-homes résidentiels et locatifs sont susceptibles de se traduire par une atteinte à la concurrence, notamment par renforcement ou création de position dominante.

Aussi, les développements qui suivent s'attachent-ils à examiner la situation concurrentielle actuelle sur les marchés concernés, les barrières à l'entrée sur ces marchés, la concurrence potentielle, et enfin les effets horizontaux de l'opération.

3 - Analyse des contraintes concurrentielles actuelles

3-1 Les autres acteurs présents sur le marché

Sur le marché des résidence mobiles, les parties sont confrontées à la concurrence de plusieurs acteurs importants tels, Louisiane [5-15 %] (11), Sun Roller [5-15 %] (11) ou Rapidhome [0-10 %] (11). Elles sont également confrontées à la concurrence d'un nombre important d'acteurs, qui constituent une "frange concurrentielle ", tels Ridorev [0-10 %] (11), Willerby [0-10 %] (11), qui commercialisent chacun environ un millier d'unités par an. Force est de constater qu'il existe également des entreprises entrées récemment sur ce marché, aujourd'hui en phase de développement, qui ont augmenté rapidement leurs ventes, et donc leurs parts de marché respectives, même si, à l'heure actuelle ces dernières restent encore limitées, comme Trigano, Biirstner/Moreva, ou Nautil'Home.

Sur le segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage locatif, la structure concurrentielle sera assez similaire, puisque les principaux concurrents des parties seront Louisiane [10-20 %] (11) et Sun Roller [0-10 %] (11).

En revanche, sur le segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage résidentiel, les principaux concurrents des parties seront Rapidhome ([15-25 %] (11) des parts de marché), Willerby [10-20 %] (11) et Btirstner/ Moreva [5-15 %] (11).

Ainsi, il convient de remarquer que, si la nouvelle entité constitue le premier acteur du marché des résidences mobiles, elle n'en reste pas moins confrontée à des concurrents importants et diversifiés.

Certains d'entre eux sont des acteurs de premier plan du secteur des véhicules de loisirs, comme Trigano, Sun Roller ou Bùrstner, et disposent de ce fait d'une réelle assise financière et commerciale.

Par ailleurs, en ce qui concerne les principaux concurrents étrangers, notamment britanniques, il apparaît que ceux-ci commercialisent au niveau européen des volumes de résidences mobiles non négligeables. D'après les parties, la production de résidences mobiles de Willerby serait de [12000-13000] unités, celle d'Atlas de [5000-6000] unités, celle de Cosalt de [5000-6000] unités et celle de Sun Roller de [4000-5000] unités.

Les parties soulignent à cet égard que ces acteurs sont, de ce fait, susceptibles de développer leur production sur le marché français. Certains acteurs étrangers ont d'ores et déjà choisi d'implanter un site d'assemblage en France (c'est le cas de Btirstner (12)) tandis que d'autres fournissent le marché français à partir de sites d'assemblage situés dans des zones frontalières (c'est le cas de Sun Roller (13)).

3-2 Le contrepouvoir de la demande

Ainsi qu'il a été vu, le marché des résidences mobiles se décompose en un segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage locatif et un segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage résidentiel. Les circuits de distribution varient en fonction de l'usage final des résidences mobiles.

Sur le segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage locatif, les fabricants peuvent soit vendre directement aux gestionnaires de campings ou de parcs résidentiels de loisirs (ce qui représente environ 60 % du total de la distribution des résidences mobiles), soit vendre à un tour- opérateur (8 % de la distribution de résidences mobiles).

Sur le segment de marché des résidences mobiles destinées à un usage résidentiel, les fabricants peuvent soit vendre à des concessionnaires qui revendront à des particuliers (30 % du total de la distribution), soit vendre directement aux particuliers (2 % de la distribution).

Les parties considèrent que la manière dont est structurée la demande, très majoritairement constituée de professionnels, lui confère un réel pouvoir de négociation face aux fabricants.

Ce pouvoir apparaît de plus accentué par des mouvements récents de regroupement des achats. Les campings ont ainsi créé des centrales d'achats communes, telles Yelloh Village qui rassemble 40 campings et passe commande d'environ 500 résidences mobiles par an. Ces centrales représenteraient aujourd'hui, d'après les parties, 20 % de la demande alors que le phénomène était encore inexistant en 2003. Le principal rôle de ces centrales d'achat est de référencer un certain nombre de fabricants susceptibles de répondre à des commandes chaque adhérent négocie ensuite de gré à gré avec l'un ou plusieurs de ces fournisseurs sur la base d'une première négociation globale effectuée par la centrale.

En dehors de ces groupements, il semble que de manière générale, les gestionnaires de camping n'achètent pas sur catalogue. Ils ont plutôt habitude de négocier, de gré à gré, avec les différents fabricants afin de rechercher les meilleurs tarifs. En outre, la fréquence d'achat de ce type de produits est faible. Il n'existe donc pas, dans ce secteur, de véritable relation durable entre un acheteur et un producteur donné.

De façon analogue, les tour-operators actifs sur le secteur des résidences mobiles (qui représentent environ 10 % de la distribution) procèdent le plus souvent par appels d'offres. Ils demandent de plus en plus souvent aux producteurs des produits spécifiquement adaptés à leurs besoins propres, et dotés des caractéristiques techniques précises.

Par ailleurs, il est important de noter que ces appels d'offres sont en fait des mises en concurrence ouvertes à un grand nombre de fabricants et que, pour un seul appel d'offres, les acheteurs peuvent panacher leurs commandes entre plusieurs fabricants. Les parties ont pu illustrer leurs propos au travers d'exemples de nombreux appels d'offres, passés par des tours operateurs ou des groupements d'achat, où les résidences mobiles achetées ont été reparties entre plusieurs fabricants, qu'il s'agisse de gros ou de petits fabricants. Dès lors, il ressort de l'instruction du dossier que les commandes passées par les plus gros clients ne sont pas destinées à être couvertes par un seul fabricant.

Dans ce contexte, il apparaît que les acheteurs disposent d'un réel pouvoir de négociation, lié à l'organisation actuelle du secteur, et qui est appelé à s'accroître avec la tendance à la concentration de la demande (tour-operators, centrales d'achat).

4 - Analyse des contraintes concurrentielles potentielles: possibilités d'entrée et d'extension rapide des capacités

Plusieurs éléments permettent de considérer le marché des résidences mobiles comme un marché contestable la faiblesse des barrières à l'entrée (qu'elles soient technologiques, financières, temporelles ou liées à la commercialisation), eu égard en particulier à la facilité d'installation et la rapidité de mise en route de sites d'assemblage, comme en atteste l'entrée sur le marché récente de nouveaux fabricants. Les tendances à la croissance du marché encouragent par ailleurs les entrées et les extensions de capacités productives.

4-1 Examen des barrières à l'entrée

Il ne semble pas exister de barrières à l'entrée à proprement parler sur le marché des résidences mobiles du fait qu'aucune technologie ou savoir-faire spécifique ne semble nécessaire à la production, et que les coûts fixes nécessaires à la mise en place d'un site peuvent être rapidement amortis.

L'instruction a permis de mettre en évidence ces différents points, les répondants au test de marché ayant tous noté qu'aucun élément particulier ne constituait en soi un obstacle à l'entrée sur le marché d'un nouvel acteur ou d'un fabricant étranger.

a) Barrières technologiques

Les acteurs du marché proviennent d'origines diverses (il s'agit en particulier des secteurs du BTP, de la construction de bateaux ou de la construction de vérandas), sans compter les intervenants ne s'appuyant pas sur une activité de fabrication connexe, ce qui tend à montrer que les barrières technologiques sont très faibles, sinon inexistantes. L'essentiel du travail de fabrication consiste en l'assemblage de composants divers, pour la plupart utilisés également dans d'autres domaines. L'assemblage des divers matériaux constituant une résidence mobile ne demande pas de connaissances et compétences particulièrement techniques. Par ailleurs, il n'y a pas de restrictions résultant de droits de propriété intellectuelle, les innovations n'étant pas protégées et faisant l'objet d'une rapide reprise par les concurrents (nombre d'innovations-produits introduites au cours des dernières années ont été copiées en l'espace d'une saison, voire dans certains cas d'un semestre, par les autres acteurs du marché).

Corollaire de la faible intensité technologique de l'industrie, le niveau de qualification du personnel est assez peu élevé, ce qui constitue un élément rendant possible à brève échéance le recrutement et la formation des personnels nécessaires à la création ou l'extension des capacités de production (cf. point c). De manière générale, entre 80 et 90 % du personnel travaillant dans un site d'assemblage possède un niveau de qualification inférieur ou égal au CAP, entre 10 et 15 % un baccalauréat professionnel et 5 % un BTS et plus.

b) Barrières financières

Concernant l'implantation d'un nouveau site d'assemblage, d'après les parties, le coût d'installation serait, au maximum, d'un million d'euro. Cet élément a été confirmé par le test de marché, les montants généralement avancés étant compris entre 500 000 et un million d'euro.

S'appuyant sur les données issues de leur propre développement sur le marché des résidences mobiles, les parties ont fourni la simulation d'un compte d'exploitation pour une nouvelle unité de production, à partir duquel elles estiment que l'installation d'un site d'assemblage de résidences mobiles devient rentable à partir d'un seuil de commande d'environ 500 unités/an (14). Dans la simulation fournie, le "point mort ", c'est-à-dire le volume des ventes qui permet de couvrir les frais fixes d'installation est situé à 379 unités, étant entendu que ce point se situe à un niveau inférieur pour les résidences mobiles à usage résidentiel par rapport aux résidences à usage locatif en raison du prix plus élevé des premières.

Les parties indiquent enfin que ce modèle économique ne leur est pas spécifique et que leurs concurrents connaissent des comptes de résultats largement positifs pour une production de l'ordre de 1000 résidences mobiles par an. L'instruction du dossier a permis de vérifier ce point et de confirmer ainsi que l'activité de fabrication de résidences mobiles pouvait être rapidement rentable pour les acteurs. L'investissement initial étant par ailleurs relativement limité (moins d'un million d'euro), il semble que l'accroissement des capacités de production, par le développement d'acteurs déjà présents ou par l'arrivée de nouveaux entrants, soit facile à mettre en œuvre.

c) Barrières temporelles

Il semble par ailleurs que la mise en route d'un nouveau site de production soit assez rapide les parties l'estiment à environ six mois.

Pour preuve de la rapidité de l'accroissement des capacités de production dans l'industrie, les parties ont donné l'exemple de la création des sites de Beaucaire (dans le Gard, en 1998) et à Lesquin (dans le Nord, en 2002).

Cette structure de la main d'œuvre explique pour partie les faibles délais nécessaires pour la mise en activité de nouvelles capacités de production. Les parties ont fournis à cet égard des exemples concrets, concernant deux de leurs sites.

Dans les deux cas, la phase de démarrage consistant à aménager les ateliers, à recruter et à former les personnels, à approvisionner en matières premières, puis à lancer la chaîne de production s'est déroulée sur quatre mois. La montée en puissance de la production (jusqu'à atteindre le régime permanent) a ensuite requis environ deux mois supplémentaires.

Par ailleurs, il semble que pour un acteur déjà en place, l'augmentation de sa production puisse être encore plus rapide des chaînes de montage additionnelles peuvent être mises en place dans les ateliers existants ou dans des locaux annexes, et l'entreprise peut recourir aux heures supplémentaires ou à l'intérim, voire au besoin en modifiant l'organisation du temps de travail par un passage aux "deux-huit", pratique courante dans le secteur qui consiste à faire travailler deux équipes de production à la suite l'une de l'autre.

d) Barrières à la commercialisation

Il semble que l'image de marque ne constitue pas un facteur fondamental dans l'acte d'achat sur le marché des mobile-homes. Les acheteurs apparaissent avant tout sensibles, dans ce secteur, aux critères de prix et aux caractéristiques du produit.

Pour cette raison, les acheteurs recherchent davantage des produits qui soient adaptés à leurs besoins particuliers et n'hésitent pas à se fournir auprès de divers producteurs, qu'il s'agisse d'acteurs connus ou non du secteur. Cela explique que les acheteurs choisissent de sélectionner plusieurs fabricants pour répondre à un même appel d'offres (15). Sur le point spécifique du service après-vente (" SAV "), qui pourrait constituer une barrière à l'entrée pour de petits acteurs qui ne seraient pas en mesure de proposer un tel service à leurs clients sur l'ensemble du territoire, force est de constater qu'il existe de nombreuses possibilités de sous-traitance de ce service, par l'intermédiaire de distributeurs au premier chef, auquel le producteur met à disposition des pièces et propose éventuellement une formation, ou plus largement par l'intermédiaire de prestataires extérieurs, qui proposent des prestations de SAV toutes marques confondues.

Dès lors, les modalités de fonctionnement de ce marché ne paraissent pas de créer d'obstacles particuliers à d'hypothétiques extensions des capacités de production, que cela soit le fait d'acteurs déjà présents ou de nouveaux entrants puisqu'il ne semble pas non plus qu'il existe de barrières à l'entrée.

4-2 Exemples récents d'entrées ou d'extensions de capacités sur le marché

Dans un passé récent, le marché a connu une dynamique importante, avec plusieurs nouveaux entrants dont certains n'avaient aucun lien préalable avec l'industrie des véhicules de loisirs en général. C'est le cas de Ridorev, créé en 1998 par la société Rideau, un fabricant de véranda en aluminium. Cet acteur est passé d'une production de 200 unités annuelles en 1999 à 1500 en 2005 (16).

Trigano, qui était lui présent sur le secteur des véhicules de loisirs, constitue un autre exemple de nouvel entrant. Entré sur le marché en 2001, il produit aujourd'hui environ 900 résidences mobiles par an.

Enfin, deux exemples très récents peuvent être mentionnés. Il s'agit en premier lieu de Bati concept qui a été créée en décembre 2005 et a pu démarrer sa première chaîne de production en mars 2006, soit quatre mois après la création de l'entreprise. L'entreprise compterait actuellement 18 salariés et produirait 300 unités annuelles (17). En second lieu, la société Deniau SA a racheté à la marque Nautil'home les plans de ses modèles de résidences mobiles et aurait procédé à la mise en route d'un site d'assemblage en juin 2006. La société compterait aujourd'hui une vingtaine d'employés et devrait produire 150 unités en 2007 (18).

Par ailleurs, les parties notent que plusieurs de leurs concurrents actuels ont investi dans de nouvelles chaines d'assemblage Ridorev a investi environ un million d'euro en 2005 pour mettre en place une deuxième chaine de montage et Trigano prévoit dans son rapport annuel de 2006 d'augmenter progressivement ses capacités de production afin de pouvoir suivre l'évolution de la demande.

4-3 Perspectives de croissance du marché

Les perspectives de croissance du marché français de résidences mobiles sont de nature à inciter l'entrée de nouveaux producteurs, ou l'accroissement des capacités des acteurs en place.

D'après les parties, entre 2000 et 2004, le marché français des résidences mobiles aurait connu une croissance d'environ 20 % en volume. L'importance de la croissance de ce marché s'expliquerait notamment par l'attrait croissant qu'exerce sur les vacanciers ce type de formules d'hébergement, par le développement du temps consacré aux loisirs, par la montée en gamme des campings, par le développement de l'offre locative ainsi que par la hausse du coût de l'immobilier qui pousse certains vacanciers à préférer l'achat d'une résidence mobiles de type résidentiel à une maison secondaire.

Dans son étude sur les résidences mobiles publiée en 2005, MSI estime que ce marché devrait progresser de 28 % en volume au total entre 2005 et 2009.

Comme indiqué précédemment, sur ce point, le test de marché a révélé des avis divergents, un certain nombre de répondants estimant que le marché aurait atteint une certaine maturité.

Cependant, il apparaît que ces incertitudes sur la croissance à venir du marché des résidences mobiles intervenait dans le contexte d'une certaine décélération du marché en 2004 et 2005, et surtout d'incertitudes créées par l'absence de cadre juridique stabilisé régissant les conditions d'implantation des résidences mobiles. Certaines autorités locales ont ainsi pu, au cours des années passées, devant le silence des textes alors en vigueur, décider d'assimiler résidences mobiles et HLL, imposant ainsi une restriction quant au nombre d'emplacements d'un terrain aménagé pouvant être occupés par des résidences mobiles. Ces décisions locales, si elles avaient été généralisées, auraient pu conduire à limiter le nombre de résidences mobiles par camping sur l'ensemble du territoire national, et donc à limiter sensiblement les facultés de développement du marché.

Or en la matière, le décret très récent n° 2007-18 du 5 janvier 2007, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme, a clarifié la situation et levé cette hypothèque. Il assimile en effet les résidences mobiles à des véhicules en les qualifiant de " véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent des moyens de mobilité leur permettant d'être déplacés par traction mais que le Code de la route interdit de faire circuler ".

En conséquence, les résidences mobiles peuvent être installées sur des terrains de campings ou dans des parcs résidentiels de loisirs et, ce, sur tous leurs emplacements. L'article R. 443-6 dispose ainsi que "le permis d'aménager (...) fixe le nombre d'emplacements réservés indistinctement aux tentes, aux caravanes et aux résidences mobiles ". En pratique, les gérants de campings ou de parcs de loisirs résidentiels pourront, de ce fait, implanter à l'avenir autant de résidences mobiles qu'ils le souhaitent sur leurs terrains.

Cette nouvelle réglementation assure ainsi à la profession la sécurité juridique qui lui manquait pour anticiper les évolutions du marché. A partir du moment où le développement de l'implantation de résidences mobiles n'est plus sujet à d'éventuels quotas d'installation ou d'autres types de restrictions, et du fait de la montée en gamme progressive des campings (notamment constatée par le ministère du tourisme dans une étude récente (19) afin de dégager des recettes supplémentaires par emplacement (20) (qui passe par des équipements en résidences mobiles ou HLL à la place des emplacements réservés aux caravanes, camping-cars ou tentes), il paraît possible d'envisager que la croissance de ce marché puisse se maintenir.

Le nombre de résidences mobiles est à l'heure actuelle estimée à 200 000 unités, alors que le nombre d'emplacements de camping disponibles est d'environ 900 000. Les parties considèrent dès lors que l'équipement des campings pourrait raisonnablement être porté à 50 % de résidences mobiles dans les années à venir, ce qui représenterait environ 250 000 unités potentiels supplémentaires.

Cette estimation chiffrée - vraisemblablement optimiste - n'a pu être ni confirmée ni infirmée par l'instruction. Cependant, le sens des évolutions récentes constatées, tant juridiques qu'au niveau du comportement d'achat des consommateurs, plaide plutôt, pour les raisons développés supra, en faveur d'une croissance du marché. Le ministère du tourisme note d'ailleurs dans une étude récente sur l'hôtellerie de plein air en France que "l'engouement pour les emplacements locatifs équipés d'un hébergement léger du type mobile-home f...] se confirme ".

En somme, les achats de premier équipement paraissent toujours d'actualité et devraient connaître une nouvelle accélération du fait de l'évolution favorable de la réglementation.

A ce propos, il convient de noter qu'il existe de fortes disparités entre les campings des différentes régions, ces dernières se distinguant par des taux d'équipement en résidences mobiles très différents. Ce sont principalement les campings des grandes régions situées sur le littoral qui ont le plus investi dans l'achat de résidences mobiles à usage locatif. A titre d'illustration, la région Languedoc-Roussillon détient 10 000 emplacements dédiées au locatif alors que la région

Champagne-Ardenne ne possède que 44 emplacements (21). De manière générale, si les résidences mobiles ont plus vocation à être implantées dans des zones de forte attraction touristique, notamment littorales, il reste que les autres régions connaissent également une croissance importante des flux touristiques qui permet d'envisager que les campings dans ces régions s'équipent de manière plus importante dans les années à venir.

De même, le développement des résidences mobiles à usage résidentiel est relativement récent, mais ce phénomène tend à s'accentuer sur les dernières années et il est anticipé que le taux de croissance du résidentiel pourrait dépasser celui du locatif sur les prochaines années. L'étude précitée du ministère du tourisme (22) note par exemple " un fort développement des emplacements " résidentiels " (ou loués à l'année) depuis une dizaine d'années ", développement qui repose sur des causes sociologiques structurelles qui n'ont pas nécessairement vocation à être modifiées substantiellement dans un avenir proche.

Enfin, les résidences mobiles ont une durée de vie qui est estimée entre cinq et dix ans (les campings haut de gamme ayant un rythme de renouvellement de l'ordre de quatre/cinq ans), ce qui implique des renouvellements de parcs relativement réguliers et substantiels. Le renouvellement des parcs n'est pas un phénomène négligeable : le potentiel qu'il représente est suffisamment important pour assurer à lui seul une croissance importante du marché. En considérant que l'équipement des campings français est aujourd'hui constitué par un parc de 200 000 résidences mobiles, le renouvellement représenterait au moins, dans les années à venir, quelques 20 000 pièces par an à lui seul.

De manière générale, les perspectives de croissance du marché apparaissent bien établies et reposent sur une demande anticipée substantielle tant pour des premiers équipements que pour le renouvellement des parcs. En outre, la clarification de la réglementation, en posant le principe d'un développement potentiel des résidences mobiles sur les emplacements de camping, permet aujourd'hui de lever l'hypothèque sur cette croissance.

5 - Analyse des risques emportés par l'opération

5-1 Risque d'effets unilatéraux et de création ou de renforcement d'une position dominante

Etant donné l'importance des positions que les parties détiendront à l'issue de l'opération, tant sur le marché des mobile-homes pris dans son ensemble que sur les segments des mobile-homes résidentiels (" haut de gamme ") et locatifs (" bas/moyenne gamme "), il convient de vérifier si cette concentration n'emporte pas un risque de hausse unilatérale des prix, voire un risque de création ou de renforcement d'une position dominante simple.

Les risques à analyser sont en fait de deux natures complémentaires

* D'une part, il s'agit de vérifier si les parties ne seront en mesure de mettre en œuvre, une fois l'opération réalisée, une stratégie de prédation : elles utiliseraient alors leur pouvoir de marché pour abaisser dans un premier temps les prix, de façon à exclure des concurrents du marché, en vue d'exploiter dans un second temps cette situation via une hausse de leurs prix.

* D'autre part, il convient de vérifier si la forte position des parties ne leur permettra, à l'issue- même de l'opération, d'augmenter unilatéralement leurs prix, et ce de façon éventuellement différenciée selon les segments de marché.

Cependant, il ressort de l'instruction que ces deux risques peuvent être écartés.

* En effet, l'existence de concurrents actuels, français et étrangers, ainsi que les possibilités d'entrée ou d'extension des capacités de production (compte tenu notamment de la faiblesse des barrières à l'entrée, ce dont atteste l'apparition rapide de nouveaux entrants au cours des cinq dernières années) sont autant d'éléments qui établissent le caractère contestable de ce marché.

Or une stratégie de prédation repose justement sur le fait que dans une perspective de moyen terme, le caractère dirimant des barrières à l'entrée permettra aux acteurs restant sur le marché à l'issue de la stratégie de baisse des prix - au premier rang desquels la firme dominante - d'augmenter leurs prix sans craindre l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché ou l'extension rapide des capacités des acteurs encore en place. Mais en l'espèce, la construction de mobile-homes se caractérise par la faiblesse des investissements non récupérables, la simplicité des techniques employées (qui permet de recruter et former rapidement le personnel nécessaire), et par des temps d'installation de nouveaux sites d'assemblage très courts. Aussi, une telle stratégie serait vouée à l'échec, car elle aurait pour effet de dégrader la situation financière des parties à court terme, sans qu'elles soient abritées derrière des barrières à l'entrée de l'arrivée de nouveaux entrants, notamment attirés par l'augmentation des prix sur le marché.

* Par ailleurs, sans qu'il soit possible de la chiffrer précisément, la croissance du marché devrait se maintenir au cours des prochaines années à un rythme significatif, et ainsi continuer de stimuler la concurrence entre les acteurs, et offrir de nouvelles opportunités de développement et d'entrée. Aussi, il apparaît peu vraisemblable que la présente opération de concentration puisse engendrer une hausse unilatérale des prix par la nouvelle entité. En effet, une telle hausse des prix conduirait les acheteurs à se reporter sur d'autres fabricants, soit les acteurs déjà en place, soit ceux qui pénétreraient un marché plus attractif qu'autrefois, et cependant toujours aussi facilement accessible compte tenu de l'absence de barrières à l'entrée.

Il convient de mener une analyse spécifique sur le segment des mobile-homes locatifs, sur lesquels certains acteurs (tour-operators, centrales d'achat) peuvent réaliser de grosses commandes (entre 300 et 500 pièces dans l'année), dans la mesure où la nouvelle entité pourrait alors éventuellement être la seule en mesure de répondre à ces appels d'offres les plus importants.

Ce risque peut également être écarté. Il convient d'abord de noter que plusieurs de ces appels d'offres ou d'achats groupés en 2006 ont été remportés pour partie par des concurrents étrangers ou par des nouveaux entrants ce fut notamment le cas pour des achats organisés par Flower (une centrale d'achat regroupant des campings), qui a notamment choisi Sun Roller, et pour ceux de France Location (une chaîne nationale de campings), dont le choix s'est porté sur Ridorev.

Comme indiqué précédemment, pour satisfaire leurs besoins importants en mobile-homes, de tels acheteurs (qui disposent par ailleurs d'un pouvoir de négociation non négligeable) sont en mesure de repartir leurs commandes entre plusieurs fabricants, qu'il s'agisse de gros ou de petits opérateurs les commandes passées par les plus gros clients ne sont donc pas automatiquement destinées à être couvertes par un seul fabricant. A titre illustratif, un des derniers entrants sur le marché, Bati Concept, a par exemple été sélectionné sur un appel d'offres pour fournir seulement une vingtaine de résidences mobiles.

Ce fonctionnement de marché démontre que le poids des parties ne leur confèrera pas un avantage spécifique, puisque les acheteurs ne privilégient pas nécessairement les fabricants susceptibles de pouvoir produire en grande quantité et semblent au contraire vouloir maintenir des sources d'approvisionnement diversifiées. Les parties soulignent à cet égard que, bien qu'ils soient les deux plus gros acteurs du marché, les commandes qui leur sont passé sont rarement supérieures à 100 unités. O'Hara n'a eu en 2004 [...] commandes de ce type, et [...] en 2005, alors qu'IRM en a eu [...] en 2004 et [...] en 2005. Bien qu'on constate actuellement un phénomène de concentration de la demande, il reste que les plus gros fabricants continuent de fournir un vaste éventail d'acheteurs et ne sont nullement spécialisés dans la fourniture de quantités importantes de résidences mobiles à un nombre d'acheteurs limité.

Ainsi, il apparaît que l'opération notifiée n'est pas de nature à affecter les clients des parties puisque ces derniers disposent d'un pouvoir de négociation important et que leurs pratiques d'achat sont diversifiées. Par ailleurs, les acheteurs sont tous en contact avec les divers producteurs et ont de ce fait une bonne connaissance du niveau et de l'évolution des prix dans ce secteur. Toute hausse de prix de la part de la nouvelle entité conduirait les acheteurs à se reporter sur d'autres fabricants surtout dans la mesure où ceux-ci, ainsi qu'il a été vu, ont la possibilité d'accroitre sans difficulté majeure leur niveau de production.

En conséquence, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est de nature à emporter d'effets unilatéraux sur aucun des segments de marché identifiés, ni à créer ou à renforcer une position dominante de la nouvelle entité sur le marché français des résidences mobiles.

5-2 Risque de création ou de renforcement d'une puissance d'achat qui placerait les fournisseurs en situation de dépendance économique

La fabrication de résidences mobiles fait appel à différents types de fournisseurs de matériaux ou de produits plus élaborés bois, meubles, tôle, fenêtres, électroménager, etc.

L'opération notifiée ne parait pas pouvoir emporter de difficultés particulières pour les fournisseurs des parties compte tenu de la faible part que ces dernières représentent dans leurs ventes. En outre, s'agissant de produits avant tout standardisés, et vendus à différents types de clients du bâtiment, les parties ne sont qu'un parmi de nombreux clients sur ces produits, et à ce titre d'ailleurs ne semblent pas disposer de pouvoir de négociation particulier par rapport à ces fournisseurs.

Par ailleurs, les résultats du test de marché n'ont pas permis d'identifier de fournisseur pointant des risques résultant de l'opération qui pourraient le concerner à titre individuel, ni afortiori un risque général de création ou de renforcement d'une puissance d'achat des parties.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, ni par création ou renforcement de position dominante, ni par création ou renforcement d'une puissance d'achat de nature à placer les fournisseurs en situation de dépendance économique. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du "secret des affaires ", en application de l'article 5 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes :

1 Lettre du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en date du 3 septembre 2003, aux conseils de la société Società Europea Autocaravan SpA, relative à une concentration dans le secteur de la distribution de véhicules de loisirs, publié au BOCCRF n° 9 du 8 novembre 2004.

2 Norme AFNOR NF S 56-410.

3 Par exemple, les producteurs Ballario, CRL, GI Production.

4 Voir à ce sujet l'article R. 1 11-31 du Code du tourisme et l'annexe 3 du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007.

5 Le niveau des importations et des exportations est alors estimé en moyenne à moins de 10 %.

6 Ce fabricant produit ses modèles sous marque Moreva en France et ceux sous marque BUrstner à Kehl, en Allemagne.

7 L'hôtellerie de plein air en France métropolitaine : l'offre en 2005, de Marie-Anne Le Garrec, Direction du Tourisme, Bureau des études, des statistiques et des comptes économiques.

8 Les seules statistiques disponibles sont celles collectées pour le compte du syndicat professionnel SICVERL par le cabinet d'études extérieur ABO Services International, qui ont nécessité un retraitement par les parties, car

certains acteurs du marché ont choisi de ne pas participer à l'enquête. Il ne s'agit donc que d'un élément apporté par les parties à l'appui de leur propre estimation de la taille du marché, et non de statistiques exhaustives.

9 En se basant sur l'étude MSI relative aux résidences mobiles et HLL publiée en septembre 2005.

10 Voir le point 4-3 de la présente décision sur les perspectives d'évolution du marché.

11 Données issues du test de marché, confidentielles y compris pour les parties.

12 Producteur allemand.

13 Producteur espagnol.

14 Les parties tirent ces données de l'ouverture d'un nouveau site d'assemblage par IRM à Lesquin en 2002.

15 Voir à ce propos la partie relative au contre-pouvoir de la demande et à l'organisation des appels d'offres.

16 Données issues de l'OT n° 242 de février 2005 et de Dynamique Atlantique d'octobre 2005.

17 Données issues du journal Ouest France, mai 2006.

18 Source informations communiquées par les parties dans leur dosser de notification.

19 L'hôtellerie de plein air en France métropolitaine: la fréquentation en 2005, de Marie-Anne LE GARREC,

Direction du Tourisme, Bureau des études, des statistiques et des comptes économiques.

20 Dans cette étude, le ministère du Tourisme note, concernant les emplacements équipés de mobile-homes ou HLL, qu'ils sont "plus souvent occupés" et "plus remplis: le nombre moyen de personnes sur les emplacements locatifs est supérieur de 25 % à celui observé sur les emplacements nus. Par ailleurs les touristes résidents comme les non résidents y séjournent en moyenne plus longtemps (8,3 jours contre 5 jours sur les emplacements nus). "

21 Données issues de l'OT 2005, Les chiffres clés des HLL et du mobile-home.

22 L'hôtellerie de plein air en France métropolitaine : l'offre en 2005, précitée.