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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 2 février 1996, n° 2738-94

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Guinez

Défendeur :

Mancini

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pinot (faisant fonction)

Conseillers :

M. Weill, Mme Canivet

Avoués :

SCP Fanet, SCP Goirand

Avocats :

Mes Chabauty, Galli

TGI Bobigny, 7e ch., Sect. 3, du 30 sept…

30 septembre 1993

LA COUR statue sur l'appel relevé par Mme Guinez du jugement contradictoire, assorti de l'exécution provisoire, rendu le 30 septembre 1993, par le Tribunal de grande instance de Bobigny qui a prononcé la résolution de la vente d'un véhicule Renault R 19 GTX intervenue le 20 mars 1992, l'a condamnée à payer à M. Mancini la somme de 59 000 F correspondant au prix de vente de ce véhicule, celle de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et encore celle de 7 000 F par application de l'article 700 NCPC.

Référence faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, des prétentions et moyens initialement soutenus par les parties, il suffit de rappeler les éléments caractéristiques du litige.

M. Mancini, qui a acheté le 20 mars 1992 à Mme Guinez le véhicule en cause, a été victime d'un vol le 9 avril suivant.

M. Mancini a appris par son assureur que ce véhicule, ayant été gravement accidenté, était enregistré comme épave, ce qui excluait la garantie.

C'est dans ces circonstances que M. Mancini a saisi le tribunal pour obtenir de son vendeur la garantie du vice caché dont se trouvait atteint le véhicule en raison du grave accident subi qui lui avait été caché.

Par le jugement déféré, le tribunal, pour l'essentiel, a retenu l'existence d'un vice caché affectant l'automobile, nonobstant la qualité de la remise en état et a écarté l'application des dispositions de l'article 1647 alinéa 2 CC, l'indemnisation par l'assureur se substituant à la chose perdue, enfin a relevé la mauvaise foi de Mme Guinez qui a prétendu faussement lors de la vente que le véhicule était neuf.

Appelante, Mme Guinez soutient à nouveau:

- que sa bonne foi ne peut être mise en cause puisqu'elle s'est bornée à transmettre à son acquéreur les indications qu'elle avait reçues,

- que le véhicule en cause, qui n'a pas été considéré comme une épave, n'était pas affecté de vice caché puisqu'à la suite des réparations effectuées par les Etablissements Dem's il n'était pas impropre à l'usage auquel il était destiné,

- que le fait de considérer un véhicule comme irréparable économiquement ne saurait signifier que ce véhicule correspond à une épave,

- que la fausse indication du kilométrage est sans incidence sur l'existence d'un vice caché,

- que la chose ayant péri par cas fortuit, la perte est pour l'acheteur, peu important les rapports existant entre l'acheteur et son assureur.

Poursuivant la réformation de la décision entreprise, Mme Guinez demande à la cour de débouter M. Mancini de sa demande en résolution de la vente et restitution du prix, de dire qu'elle a la qualité de vendeur de bonne foi, subsidiairement de faire application des dispositions de l'article 1647 alinéa 2 CC, enfin de lui allouer la somme de 8 000 F en application des dispositions de l'article 700 NCPC.

Intimé, M. Mancini conclut à la confirmation de la décision et sollicite également l'allocation à son profit de la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC.

Il fait valoir que Mme Guinez a délibérément porté des indications fausses sur l'annonce passée par ses soins, que les réparations ont porté sur les organes sensibles du véhicule de telle sorte que quelles que fussent la qualité des réparations, ce véhicule était affecté d'un vice caché, que la dissimulation du kilométrage réel constitue également un vice caché, que l'article 1647 alinéa 2 a été justement écarté.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que Mme Guinez, propriétaire du véhicule litigieux, pour l'avoir acquis dans le courant du mois de février 1992, a fait passer dans le périodique "La Centrale des Particuliers" l'annonce ainsi libellée : "R19 GTX. .pr.m.(première main) 9500 km";

Que Mme Guinez qui a faussement trompé son acheteur sur le fait que le véhicule n'était pas de première main, à supposer qu'elle ait ignoré la tromperie sur le kilométrage réel du véhicule ne peut prétendre avoir agi de bonne foi;

Considérant qu'il résulte des documents produits, contradictoirement débattus, que le véhicule, à la suite du grave accident produit le 6 octobre 1991, n'a pas fait l'objet de la procédure VGA et a été déclaré techniquement réparable mais non économiquement;

Considérant que les réparations effectuées par le garagiste qui a racheté ce véhicule à sa valeur d'épave ont porté notamment sur la caisse, le train arrière, le demi-train avant droit et le demi-train avant gauche, le berceau;

Considérant que la qualité des réparations effectuées n'est pas en cause;

Considérant que constitue un vice caché justifiant l'action en garantie intentée par l'acquéreur, le fait pour un véhicule de ne pas présenter les qualités requises pour un usage courant de la chose conformément à l'utilité qui doit en être économiquement et objectivement attendue;

Que l'utilité d'une automobile d'un genre courant, récente et ayant peu roulé, est d'être apte à circuler pendant plusieurs années dans des conditions de sécurité normales et le cas échéant d'être revendue à un prix correspondant à l'usage qui en a été fait par l'utilisateur;

Qu'en l'occurrence, ledit véhicule ne répond pas à son utilité économique et objective dès lors que l'accident précédent qui a nécessité le changement des organes essentiels ne lui assure plus les qualités attendues au plan technique et économique d'un véhicule de même type;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu l'existence d'un vice caché justifiant l'action résolutoire introduite par M. Mancini;

Considérant que c'est encore à bon droit que les premiers juges ont écarté l'application de l'article 1647 alinéa 2 CC dans la mesure où, en l'espèce, la perte pour l'acheteur résulte du fait d'être privé du capital représentatif de la valeur du véhicule en raison du vice caché dont celui-ci était atteint;

Considérant que l'équité comme la situation économique de la partie condamnée justifie l'allocation, au profit de M. Mancini, de la somme de 4 000 F par application de l'article 700 NCPC.

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne Mme Guinez à payer à M. Mancini la somme de 4 000 F par application de l'article 700 NCPC. Condamne Mme Guinez aux dépens d'appel et Admet la SCP Goirand, avoué, au bénéfice de l'article 699 NCPC.