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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ., 27 mai 2004, n° 02-06273

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Allègre Puériculture (SNC), Jilly Mac International (SA)

Défendeur :

Etablissement Bourgeois (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martin

Conseillers :

MM. Simon, Sanntelli

Avoués :

Me de Fourcroy, Dutrievoz

Avocats :

Mes Descotes, Marville

T. com. Saint-Etienne, du 10 oct. 2002

10 octobre 2002

Faits, procédure et prétentions des parties

La SA des Etablissements E. Bourgeois a fourni à la SA Allègre Puériculture Hygiène et à la SA Jilly Mac International des sangles de portage P 15 tissées en polypropylène nécessaires à la confection par ces deux sociétés de porte-bébé de type "kangourou Duo". Les sangles apparentes de couleur blanche ont été atteintes à partir de novembre/décembre 1995 d'un phénomène de jaunissement. Une expertise judiciaire a été diligentée et l'expert judiciaire, Monsieur Robert Abou, a conclu, le 4 février 2000, que le jaunissement des sangles a pour origine le BHT, agent additif, provenant de la mousse en polyuréthanne garnissant les porte-bébés et se trouvant au contact des sangles.

Par jugement rendu le 10 octobre 2002, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne a mis la SA des Etablissements E. Bourgeois hors de la cause et a débouté la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Silly Mac International de l'ensemble de leurs demandes tendant à la réparation de leur préjudice et les ont condamnées à payer à la SA des Etablissements E. Bourgeois la somme de 7 600 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 4 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International ont régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998;

Vu les prétentions et les moyens développés par la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International dans leurs conclusions récapitulatives n° 3 en date du 4 mars 2004 tendant à faire juger :

- que le fournisseur des sangles, la SA des Etablissements E. Bourgeois, a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1641 du Code civil en vendant des sangles impropres à l'usage auquel elles étaient destinées, le jaunissement constaté constituant un vice caché sans besoin de tenir compte de la cause qui a révélé le jaunissement,

- qu'il suffit de retenir que les sangles vendues étaient atteintes d'un vice caché ne permettant pas la commercialisation des porte-bébés confectionnés,

- que le préjudice en résultant s'élève à 97 304,40 euro

Vu les prétentions et les moyens développés par la SA des Etablissements E. Bourgeois dans ses conclusions responsives récapitulatives en date 5 mars 2004 du tendant à faire juger:

- que l'action en garantie des vices cachés intentée par la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International est mal fondée dès lors que les sangles livrées n'étaient pas atteintes d'un vice caché et que la cause du jaunissement des sangles est parfaitement identifiée,

- qu'elle n'a commis aucune faute consistant prétendument à cacher la possibilité d'une décoloration ou à s'abstenir d'informer ses clients du risque qu'elle connaissait compte tenu de l'usage qui serait fait des sangles,

- qu'en l'absence de cahier des charges et eu égard au changement de la composition de la mousse garnissant le porte-bébé (changement non porté à la connaissance du fournisseur de sangles), la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International sont à l'origine du dommage qu'elles subissent,

- que la conduite de toute la procédure révèle un abus que les premiers juges ont justement sanctionné.

Motifs et décision

Attendu que les conclusions de l'expertise judiciaire technique ne sont pas critiquées par les parties ; qu'elles révèlent que le mélange polymère utilisé pour l'élaboration des sangles de portage n'est pas adapté à l'usage qui en a été fait en association avec de la mousse en polyuréthanne d'un autre composant du porte-bébé contre lequel les sangles étaient "en contact pressé" ; qu'un additif moléculaire BHT qui migre par oxydation d'un élément vers l'autre, est à l'origine du jaunissement; que le phénomène de jaunissement des sangles qui n'atteint qu'un seul des quatre coloris livrés n'est apparu sur la couleur blanche qu'en décembre 1995 (alors que des sangles tissées étaient livrées depuis deux années), et seulement ensuite de la modification qui est intervenue dans la composition d'un élément du porte-bébé au contact desdites sangles ; que la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International ont en effet remplacé la mousse en polyéthylène utilisée pour l'assise du siège par de la mousse en polyuréthanne;

Attendu que le vice caché visé à l'article 1641 du Code civil est nécessairement inhérent à la chose elle-même et ne peut résulter de la seule association ou combinaison de deux matériaux incompatibles entre eux, sauf affirmation contraire du fabricant ou du fournisseur; que l'incompatibilité entre deux matériaux provoquant ou révélant des désordres ne constitue pas en soi un vice caché ouvrant droit à la garantie du vendeur de l'un des deux matériaux; qu'en l'espèce il est avéré que l'apparition du jaunissement provient de l'absence de compatibilité entre deux matériaux associés dans la confection du porte-bébé incriminé : que la SA des Etablissements E. Bourgois n'a pas garanti la compatibilité du produit (qu'elle a livré sans encombres pendant deux années) avec tous les matériaux susceptibles d'être mis en œuvre par la SA Allègre Puériculture Hygiène et par la SA Jilly Mac International; qu'aucun cahier des charges ne spécifiait la composition des matériaux qui étaient associés aux sangles ou qui étaient susceptibles de l'être ; que la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International n'ont pas informé leur fournisseur qu'elles avaient changé le type ou la composition de la mousse utilisée dans la confection des porte-bébé ; que le jaunissement est apparu lorsque les acheteurs des sangles incriminées ont changé leurs conditions d'utilisation sans en prévenir leur fournisseur; qu'il appartenait à la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International d'informer leur fournisseur des conditions d'utilisation changées des sangles de portage pour bénéficier de la garantie des vices cachés de la chose vendue qui ne porte que sur une propriété de la chose en considération de laquelle les deux parties ont contracté;

Attendu que le jugement mérite entière confirmation;

Attendu que l'exercice de la voie judiciaire par la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International tant devant les premiers juges qu'en cause d'appel n'a pas dégénéré en abus dès lors qu'il n'a pas procédé d'une erreur grossière équivalente au dol ou qu'il n'a pas révélé une intention de nuire ; que la question de savoir si les sangles étaient atteintes d'un vice caché laissait place à un débat judiciaire qui pouvait être soumis à deux degrés de juridictions; que la SA des Etablissements E. Bourgeois sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre et admise à tort par les premiers juges;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 2 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Reçoit rappel de la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International comme régulier en la forme, Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné les appelantes à payer à la SA des Etablissements E. Bourgeois la somme de 7 600 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Y ajoutant, condamne in solidum la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International à porter et payer à la SA des Etablissements E. Bourgeois la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en cause d'appel. Condamne la SA Allègre Puériculture Hygiène et la SA Jilly Mac International aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'avoués Bye et Jean-Pierre Dutrievoz sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.