CA Orléans, ch. com., économique et financière, 30 septembre 2004, n° 03-01886
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nissan France (SA)
Défendeur :
Loire Automobiles (SARL), Breion (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Remery
Conseillers :
Mme Magdeleine, M. Garnier
Avoués :
SCP Duthoit-Desplanques-Devauchelle, SCP Laval-Lueger
Avocats :
SCP Reynaud-Lafont-Gaudriot, SCP Baylac-Ottavy
Par jugement réputé contradictoire du 30 avril 2003, le Tribunal de grande instance de Tours a notamment:
1) condamné la société Nissan France à payer à la société Loire Automobile les sommes de 10 160,73 euro et 4 761,33 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2002;
2) condamné la société Nissan France à verser à la société Loire Automobile une somme de 600 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
3) condamné la société Nissan France aux dépens;
La société Nissan France a interjeté appel de cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 juin 2004 à la requête de la société Nissan France et le 24 mai 2004 à la requête de Me Breion ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Loire Automobile.
La société Loire Automobile, réassignée, n'a pas comparu.
Sur ce, LA COUR,
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision entreprise et aux conclusions déposées;
Attendu qu'il sera seulement rappelé que, par un jugement du 8 août 2002, le Tribunal de grande instance de Tours a retenu la responsabilité à l'égard de Monsieur Sournais de la société Loire Automobile qui lui a vendu le 26 mars 1997 un véhicule neuf Nissan Almeira, détruit dans un incendie survenu le 26 novembre 1997 alors qu'il avait parcouru 14 000 kms;
Que la cour n'est saisie que de l'appel en garantie formé par cette société à l'encontre de son concédant la société Nissan ;
Attendu que pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le Tribunal de grande instance de Tours dans son jugement du 8 août 2002, s'est fondé sur une expertise judiciaire confiée à Monsieur Bachelier, ordonnée le 23 novembre 1998 par le juge des référés de Tours, dont la société Nissan France conteste la validité et le caractère contradictoire;
Que, cependant, par des motifs précis que la cour adopte, le premier juge a fait une analyse pertinente du rapport d'expertise versé au dossier et contradictoirement discuté, à l'encontre de laquelle aucun élément probant n'est produit;
Attendu, en effet, qu'au jour de l'expertise les parties ont découvert la destruction fortuite de la carcasse du véhicule par le garage qui en avait la garde depuis de nombreux mois; que l'expert Bachelier n'a donc pu procéder à aucun examen, mais a obtenu l'accord des parties présentes pour poursuivre ses opérations sur dossier;
Qu'il a, ainsi, étudié un véhicule de même modèle que celui de Monsieur Sournais et s'est référé aux observations contenues dans le rapport d'expertise du cabinet Crespelle établi par l'un de ses membres Monsieur Bouveret à la requête de l'assureur de Monsieur Sournais, le 30 décembre 1997;
Qu'il convient de souligner que Monsieur Deprince, représentant de la société Nissan a déclaré à l'expert Bachelier : "Je confirme ma présence à l'expertise avec Monsieur Bouveret et les observations sur le véhicule dont l'absence de défauts visibles sur le circuit d'alimentation. Je suis d'accord sur les constatations du rapport du cabinet Crespelle" ; que Monsieur Bouveret a également participé aux opérations de Monsieur Bachelier; qu'enfin, ce dernier a étudié l'hypothèse formulée par Monsieur Leprince de la présence de rongeurs dans le moteur et d'une influence possible sur l'incendie pour l'écarter;
Que dès lors les contestations formées par la société Nissan quant à la crédibilité de l'expertise seront écartées comme inopérantes;
Attendu que la société Nissan France soutient que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un vice caché;
Que, cependant, alors que Monsieur Sournais a acheté le véhicule neuf le 26 mars 1997, l'incendie s'est déclaré huit mois plus tard sous le tableau de bord, ce que confirme le point chaud repéré grâce à l'aspect des tôles situées à proximité du moteur d'essuie-glace, lors de la mise en service des essuie-glace et alors que la ventilation était également en fonctionnement;
Que la détermination exacte de la cause du dysfonctionnement n'a pu être réalisée, le véhicule ayant été détruit à 95 % ;
Que, toutefois, l'expert déduit de ses constatations que l'incendie a pour origine un court-circuit d'un accessoire; qu'il retient plus précisément le faisceau d'essuie-glace restant sous tension à l'arrêt du véhicule en raison des "symptômes observés par Monsieur Sournais" sur l'apparition des fumées lors de l'utilisation des essuie-glaces avec la ventilation en marche et la persistance du feu après l'arrêt du véhicule, mais n'écarte pas l'hypothèse émise par le conseil du vendeur dans un dire du 27 août 1999, selon laquelle l'incendie trouverait son origine au niveau du moteur de ventilation; qu'il constate que, dans un tel cas, l'influence de la présence de rongeurs sous le capot alléguée par le vendeur et le constructeur est, alors, impossible;
Que l'expert précise, enfin, que l'apparition d'un désordre électrique huit mois après la mise en service n'exonère pas de l'existence d'un vice caché d'origine, le défaut d'isolement d'un composant électrique pouvant nécessiter un certain temps d'utilisation avant de se manifester;
Attendu qu'il convient d'en déduire que la destruction par le feu d'un véhicule neuf, parfaitement entretenu, et sans qu'ait été démontrée une cause extérieure à la construction du véhicule, ne peut être due qu'à un vice inhérent audit véhicule;
Que, dès lors, le débat sur l'exclusion de la garantie contractuelle, en cours au jour du sinistre, en cas d'incendie est sans intérêt;
Attendu que la décision déférée sera donc confirmée et la société Nissan France déboutée de ses prétentions;
Attendu qu'il sera fait droit à la demande d'anatocisme formulée le 24 mai 2004;
Que l'équité commande d'allouer à Me Breion ès qualité une indemnité de procédure de 1 500 euro;
Par ces motifs, Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Ordonne à compter du 24 mai 2004 l'anatocisme des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Condamne la société Nissan France à payer à Me Breion ès qualité une indemnité de procédure de mille cinq cents euro (1 500 euro) ; La condamne aux dépens. Accorde à la SCP Laval Lueger titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.