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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 28 mars 2006, n° 04-3804

CAEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jakana (Epoux), George (Consorts)

Défendeur :

Guilbert (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salmon

Conseillers :

Mmes Cherbonnel, Ody

Avoués :

SCP Dupas-Trautvetter Ygouf Balavoine Levasseur, SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte

Avocats :

Mes Leblanc, Blanchard

TGI Caen, du 20 oct. 2004

20 octobre 2004

Faits et procédure

Suivant acte dressé par Maître Coquelin, notaire à Ouistreham, Danièle Deroo épouse Jakana, Yann George, Sarah George, Déborah et Rodolphe Jakana, mineurs sous l'administration légale de leurs père et mère, Danièle Deroo épouse Jakana et Pa Jakana, ont vendu à Gilles Guilbert et Marguerite Nakam épouse Guilbert, une maison à usage d'habitation sise 1, rue de l'Argone à Ouistreham moyennant le prix de 660 000 F.

Ceux-ci ont donné cet immeuble à bail aux époux Dauphin suivant contrat du 1er avril 1997.

A l'occasion d'un litige survenu entre les bailleurs et les preneurs au sujet du paiement des loyers et des charges locatives, les époux Dauphin se sont plaints de dommages dus à l'humidité des lieux loués.

Par ordonnance de référé du 20 septembre 2001, le Président du tribunal d'instance a ordonné une expertise confiée à M. Perotte lequel a déposé son rapport le 31 janvier 2002.

Par actes d'huissier des 2 et 22 mai 2002, les époux Guilbert ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Caen Mme Deroo épouse Jakana, en son nom personnel et en tant qu'administratrice légale de ses enfants mineurs Déborah et Rodolphe, M. Pa Jakana en tant qu'administrateur légal des deux enfants mineurs, Yann George et Sarah George aux fins, sur le fondement de la garantie des vices cachés, de condamnation à leur restituer la somme de 17 000 euro et à les garantir de toutes les condamnations pouvant être prononcées à leur encontre au profit des époux Dauphin en raison de l'humidité du bien vendu.

Par ordonnance du 22 janvier 2003, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise et désigné M. Sueur pour y procéder.

Par jugement du 20 octobre 2004, frappé d'appel, le tribunal a:

- condamné in solidum les époux Pa Jakana, Yann George et Sarah George à payer à M. et Mme Guilbert la somme de 11 800 euro et à les garantir de toutes condamnations à intervenir contre eux au profit des locataires du fait de l'humidité du logement et de ses suites directes,

- condamné in solidum les mêmes à payer aux époux Guilbert la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts.

- condamné les mêmes à payer aux époux Guilbert la somme de 1 300 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il est satisfait aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile par le visa des conclusions déposées pour le compte de:

* Danièle Deroo épouse Jakana, prise en son nom personnel et en tant qu'administratrice légale de ses enfants mineurs Déborah et Rodolphe, Pa Jakana en tant qu'administrateur légal de Déborah et Rodolphe, Sarah George et Yann George, le 7 avril 2005,

* Gilles Guilbert et Marguerite Nakam épouse Guilbert, le 19 juillet 2005.

Motifs

Sur la recevabilité de l'action

Si les époux Dauphin ont déclaré devant l'expert Perotte que les phénomènes d'humidité sont apparus dans la maison qu'ils avaient pris à bail deux mois après leur entrée dans les lieux, il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats qu'ils en aient avisé les époux Guilbert antérieurement à la demande reconventionnelle qu'ils ont formée en réplique à l'action en résiliation de bail intentée par acte du 23 mai 2001.

Les époux Guilbert qui avaient conclu au débouté de la demande d'expertise qu'ils considéraient comme fantaisiste, n'ont eu connaissance de la réalité des désordres et de leur origine que lors du dépôt du rapport d'expertise de M. Perotte, soit le 31 janvier 2002.

Ils ont exercé l'action estimatoire par actes d'huissier des 2 et 22 mai 2002. C'est par conséquent à tort que les appelants soutiennent que l'action n'a pas été intentée à bref délai.

Si le rapport d'expertise de M. Perotte est inopposable aux consorts Jakana-George, la motivation du premier juge repose non sur ce rapport mais sur les constatations et conclusions pertinentes de M. Sueur.

La circonstance que le tribunal ait rappelé que M. Sueur confirmait les conclusions du rapport rédigé par M. Perotte sur les causes de la présence d'humidité dans l'immeuble, démontre qu'il a forgé sa conviction à partir des opérations contradictoirement menées par M. Sueur.

Le premier juge a, par une exacte analyse des pièces qui lui étaient soumises et par des motifs pertinents qui répondent aux moyens repris en cause d'appel, exactement considéré que la maison était affectée d'une humidité anormale dont la cause principale était des remontées par capillarité par la base des murs, aggravées par l'absence de dispositif de ventilation permanente, ce qui constitue un défaut inhérent à l'immeuble. Ce vice, qui ne pouvait être connu des acquéreurs par la simple visite des lieux, est inhérent au mode de construction choisi et par conséquent antérieur à la vente.

S'il n'est pas établi que les vendeurs aient retapissé certaines pièces de la maison, peu de temps avant la vente, pour cacher la présence d'humidité dans les lieux, il est certain que Mme Jakana qui occupait les lieux depuis treize ans connaissait parfaitement l'humidité anormale dont ils étaient affectés et y remédiait quotidiennement, en toute saison, par l'ouverture des baies ce qui excède notablement les contraintes liées à la nécessité de renouveler l'air ambiant.

L'expert conclut avec pertinence que l'humidité anormale est difficilement compatible avec un mode d'habiter courant.

D'une part, les consorts Jakana-George qui avaient connaissance de l'existence du désordre auraient dû loyalement en aviser leur cocontractant, d'autre part, ceux-ci n'auraient donné de l'immeuble qu'un moindre prix s'il l'avait connu.

La décision frappée d'appel qui a fait droit à l'action estimatoire doit par conséquent être confirmée en son principe.

Sur le préjudice

a) Le coût des travaux de remise en état

C'est à bon droit que le premier juge a limité la restitution du prix à la somme de 11 800 euro correspondant exactement au coût des travaux destinés à remédier aux remontées capillaires, à la réfection des enduits intérieurs contaminés et à l'installation d'une ventilation mécanique contrôlée.

Si les époux Guilbert sollicitent en outre l'indemnisation de la mise en place de parois de doublage sur les murs extérieurs et des travaux de remise en état subséquents (électricité, revêtements de sol), il s'agit d'une amélioration certes utile permettant notamment, ainsi que le souligne M. Sueur, des économies de chauffage, mais non strictement nécessaires pour remédier aux dommages.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a limité à 11 800 euro l'obligation de restitution des vendeurs.

b) Le préjudice moral

Le premier juge a fait une exacte appréciation de ce préjudice.

Le jugement doit être confirmé également sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Les appelants qui succombent supporteront les dépens d'appel.

Par suite, ils seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts.

En équité, ils seront condamnés à payer aux époux Guilbert la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, - Confirme le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions Y ajoutant, - Condamne in solidum Danièle Deroo épouse Jakana prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs Déborah et Rodolphe, Pa Jakana en qualité d'administrateur légal de ses enfants mineurs, Déborah et Rodolphe, Sarah George et Yann George à payer à Gilles Guilbert et Marguerite Nakam épouse Guilbert la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; - Condamne les mêmes aux entiers dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.