CA Paris, 3e ch. B, 13 octobre 2006, n° 05-21210
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ecole supérieure de gestion et finance (SARL)
Défendeur :
Mizon-Thoux (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weil
Conseillers :
Mmes Catry, Jourdier
Avoués :
SCP Bernabe-Chardin-Chevillier, SCP Varin-Petit
Avocats :
Mes Delvoie, Baret
Exposé du litige
Par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2003, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 juin 2004, l'association ICS Begue, exploitant un établissement d'enseignement supérieur à Paris 3e, 5 place de la République, a fait l'objet d'une mise en liquidation judiciaire par extension de la liquidation judiciaire de la société Institut de Formation de Paris-Ouest.
La SCP Mizon-Thoux a été nommée liquidateur judiciaire de la société Institut de Formation de Paris-Ouest et de l'association ICS Begue.
Dans le cadre de la liquidation judiciaire de l'association ICS Begue, et après une procédure de soumission des offres par pli cacheté, le juge-commissaire, par ordonnance en date du 23 juillet 2004, a autorisé la cession du droit au bail dont bénéficiait l'association au profit de la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance moyennant le prix de 3 000 euro et la reconstitution du dépôt de garantie de 28 584,19 euro entre les mains du bailleur. Cette ordonnance est devenue définitive.
La société Ecole Supérieure de Gestion et Finance n'ayant pas régularisé les actes de cession, la SCP Mizon-Thoux ès qualités de liquidateur de l'association ICS Begue et de la société Institut de Formation de Paris-Ouest, l'a assignée endommages et intérêts devant le Tribunal de commerce de Paris, qui par jugement du 27 septembre 2005, a condamné la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance à payer à la SCP Mizon-Thoux ès qualités la somme de 144 428 euro avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2004 et a débouté la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance de ses demandes reconventionnelles tendant notamment à obtenir la nullité de la cession.
Appelante de ce jugement, la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance, aux termes de ses dernières conclusions du 26 mai 2006, fait valoir qu'elle a été trompée sur la capacité des locaux, élément substantiel de son offre de reprise, qu'elle n'a pas commis de faute en retirant son offre le 28 juillet 2004 et en n'exécutant pas l'ordonnance du juge commissaire, et, subsidiairement, que la liquidation n'a pas subi de préjudice.
La société Ecole Supérieure de Gestion et Finance demande à la cour d'infirmer le jugement du 27 septembre 2005, de constater la nullité de la cession de droit au bail, d'ordonner la restitution de la somme de 31 415,81 euro à la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance par la SCP Mizon-Thoux ès qualités, de débouter cette dernière de toutes ses demandes contre elle et de la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 20 avril 2006, la SCP Mizon-Thoux ès qualités de liquidateur de l'association ICS Begue et de la société Institut de Formation de Paris-Ouest, intimée, sollicite la confirmation du jugement, le débouté de toutes les demandes de la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance et la condamnation de cette dernière aux dépens et à lui payer 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision
L'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la cession du droit au bail au visa de l'article L. 622-18 du Code de commerce étant devenue définitive faute d'avoir été frappée de recours, cette cession était parfaite et le cessionnaire ne pouvait plus se soustraire à ses engagements en invoquant un vice caché. En effet fut-elle de gré à gré, la vente d'un élément d'actif intervenue dans ces conditions est une vente par autorité de justice qui se trouve exclue de toute garantie pour vice caché selon l'article 1649 du Code civil.
Par contre une telle vente n'exclut pas la possibilité d'une action en nullité pour vice du consentement, ou d'une action en résolution pour inexécution de l'obligation de délivrance.
En l'espèce la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance soutient qu'elle a été trompée sur un élément déterminant, la capacité d'accueil des locaux de l'école, annoncée comme étant de 200 personnes, alors qu'en réalité elle était inférieure à 100 en raison d'un déclassement de la Commission Technique de la Préfecture de Police.
Cependant les informations fournies par le liquidateur dans le cadre de la procédure d'offres étaient assorties de réserves (voir le PV de constat du 6 juillet 2004), les candidats à la reprise avaient la possibilité de se renseigner auprès de l'administration sur le statut des locaux, enfin la société l'Ecole Supérieure de Gestion et Finance n'avait assorti son offre d'aucune réserve sur ce plan.
La demande d'annulation de la vente est donc mal fondée et l'appelante ne peut pas être exonérée de sa responsabilité dans l'inexécution de la cession,
Il est constant que du fait de la non réalisation de la cession au profit de la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance, le droit au bail de l'association ICS Begue n'a pas pu être vendu, la SCP Mizon-Thoux, dans l'impossibilité de régler les loyers, ayant dû restituer les clés au bailleur le 6 août 2004.
Comme l'a bien énoncé le tribunal de commerce, le droit au bail n'était pas dénué de valeur, et l'inexécution a incontestablement privé la liquidation judiciaire de l'association ICS Begue de la contrepartie financière de la cession du droit au bail à savoir le prix de 3 000 euro et la reconstitution du dépôt de garantie de 28 584,19 euro.
Le liquidateur soutient que le préjudice subi comprend en outre le montant des loyers auxquels le bailleur avait accepté de renoncer dans le cadre de la cession à la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance, à savoir ceux échus après le jugement de liquidation judiciaire.
Effectivement aux tenues d'un accord du 2 juillet 2004, le propriétaire des locaux loués à l'association ICS Begue acceptait de consentir un bail au candidat cessionnaire la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance, moyennant un dépôt de garantie de trois mois de loyer et paiement d'un droit d'entrée de 50 000 euro, s'engageant à ne pas se prévaloir du commandement de payer visant la clause résolutoire et à ne pas réclamer les loyers courus depuis l'ouverture de la liquidation judiciaire et qu'il évaluait à 87 225,87 euro.
Ultérieurement les loyers dus par l'association ICS Begue entre l'ouverture de la liquidation judiciaire et la restitution des clés, ont été judiciairement fixés à la somme de 112 844,47 euro.
Si effectivement l'inexécution de l'ordonnance a privé la liquidation judiciaire de cet abandon de créances, dont le juge-commissaire avait connaissance quand il a autorisé la cession, en revanche cet abandon n'était pas une condition mise à la charge du cessionnaire.
Compte tenu des termes de l'accord précité et de son influence sur le prix de cession, l'entier préjudice résultant directement de l'inexécution par la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance de ses engagements s'établit à la somme de 82 000 euro.
Considérant qu'il n'y a pas lieu de déroger à la règle de l'article 1153-1 inclue du Code civil sur les intérêts; que la solution du litige commande un partage des dépens de l'instance d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement frappé d'appel, rendu le 27 septembre 2005 par le Tribunal de commerce de Paris, en toutes ses dispositions à l'exception de celle sur le montant des dommages et intérêts; Statuant à nouveau de ce chef condamne la société Ecole Supérieure de Gestion et Finance à payer à la SCP Mizon-Thoux ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Institut de Formation de Paris-Ouest et de l'association ICS Begue la somme de 82 000 euro de dommages et intérêts, qui portera intérêt au taux légal à compter de ce jour; Rejette les demandes d'indemnités de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de l'instance d'appel; Dit que les dépens seront supportes pour moitié par chacune des parties; Accorde aux avoués qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.