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Décisions

CA Chambéry, ch. com., 28 novembre 2006, n° 05-01380

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Achard (SAS)

Défendeur :

Essuyages Rhône-Alpes (SAS), Achard (Consorts), Sztarkman (Consorts), Camart

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Robert

Conseillers :

Mme Carrier, M. Betous

Avoués :

SCP Fillard-Cochet-Barbuat, SCP Dantagnan-Dormeval, SCP Bollonjean-Arnaud-Bollonjeon, SCP Forquin-Rémondin

Avocats :

SCP Bonarelli-Bergon, SCP Bureau du Colomier/Vernier, Selas Claude-Sarkozy, SCP Bessault-Madjeri

CA Chambéry n° 05-01380

28 novembre 2006

Suivant acte du 22 juin 2000, la société Monnoyeur a acquis de Messieurs André Achard et Edward Achard la totalité des actions de la SAS Etablissements Achard (ci-après société Achard) dont l'activité est notamment la vente de chiffons et papiers d'essuyage. Suivant convention de garantie du même jour, les cédants se sont interdits d'entreprendre personnellement ou par personne interposée à quelque titre que ce soit, toute activité susceptible de concurrencer la société comme de diriger ou administrer toute entreprise ou société concurrente et ceci sur un territoire de 100 kilomètres à vol d'oiseau du siège social pendant un délai expirant le 31 décembre 2003, ce à peine de dommages et intérêts.

Edward Achard était salarié de la société Achard en qualité de commercial. Il a été licencié pour faute grave au mois de décembre 2000.

Julien Achard, fils d'Edward et également salarié de la société Achard en qualité de magasiner responsable de l'entrepôt, a démissionné sans préavis à compter du 10 octobre 2000, après avoir été en arrêt maladie à compter du 1er juin 2000.

Arnaud Achard, autre fils d'Edward, avait été commercial de la société Achard jusqu'en août 1999.

Le 8 novembre 2000, une SAS Essuyages Rhône-Alpes (ci-après société ERA) a été constituée entre Messieurs Serge Sztarkman, Michel Camart, Hervé Sztarkman, Arnaud Achard et Julien Achard, Arnaud Achard étant nommé directeur général et Julien Achard président de la société. Cette société a également pour objet la vente de chiffons d'essuyage, de ouate d'essuyage, non tissés et microfibres.

Par ordonnance de référé en date du 18 juillet 2001, la société Achard a obtenu que la société ERA ne fasse figurer sur ses documents le nom d'Achard que dans des caractères identiques à ceux de la correspondance ou du libellé.

Considérant que la société ERA s'était livrée à des actes de concurrence déloyale, la société Achard a, par acte du 5 juillet 2002, fait assigner Messieurs Serge Sztarkman, Hervé Sztarkman, Michel Camart, Edward Achard, Julien Achard et Arnaud Achard devant le Tribunal de commerce de Chambéry à l'effet de les voir condamner à la dédommager de son préjudice.

Par jugement du 11 février 2005, le Tribunal de commerce de Chambéry a débouté la société Achard de toutes ses demandes et l'a condamnée au paiement de diverses sommes en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Achard a interjeté appel de cette décision.

Elle conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à voir dire que la société ERA s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale, à la voir condamner au paiement de la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et à voir ordonner une expertise judiciaire à l'effet de déterminer son préjudice et l'origine des fonds ayant permis à Arnaud et Julien Achard de s'associer dans la Création de la société ERA.

Elle demande en outre à voir condamner solidairement Julien et Arnaud Achard au paiement de la somme de 152 450 euro chacun à titre provisionnel pour violation de la clause de non-concurrence.

Elle demande à voir condamner Messieurs Sztarkman, Camart et Achard à lui payer la somme de 76 225 euro chacun à titre de dommages et intérêts pour avoir créé la société ERA dans le seul but de lui nuire.

Elle demande à voir ordonner la publication de la présente décision dans le journal du Syndicat National des Textiles et le journal du Federec.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 7 622,45 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société ERA et Messieurs Julien Achard et Arnaud Achard concluent à la confirmation du jugement déféré. La société ERA sollicite l'allocation de la somme de 10 000 euro et Messieurs Julien Achard et Arnaud Achard de la somme de 4 000 euro chacun à titre de dommages et intérêts.

Ils sollicitent en outre l'allocation de la somme de 4 000 euro chacun en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Messieurs Sztarkman et Camart concluent à la confirmation du jugement déféré et sollicitent l'allocation de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Edward Achard, quoique comparant, n'a pas conclu.

Motifs de la décision

Concernant Messieurs Sztarkman et Camart, la société Achard recherche leur responsabilité en leur qualité d'actionnaires majoritaires de la société ERA en faisant valoir qu'ils étalent candidats au rachat de la société Achard, qu'ils avaient en conséquence pris connaissance de l'entier dossier de l'entreprise, qu'ils ont créé la société ERA à seule fin de s'approprier à bon compte sa clientèle après avoir "récupéré" les héritiers Achard, les utilisant pour leur nom, leur connaissance des clients, du terrain, des produits et du fonctionnement de la société Achard; que les statuts de la société ERA attestent de l'utilisation des enfants Achard par les actionnaires majoritaires.

La société ERA a un objet social licite, ses statuts ne sont pas en contradiction avec la loi et le simple fait de sa création, dans un régime de libre concurrence, ne saurait être imputé à faute à ses créateurs. L'existence d'actes personnels de l'un ou l'autre des actionnaires en cause, constitutifs d'une complicité des actes de concurrence déloyale reprochés à la société ERA, n'est ni alléguée ni caractérisée. La décision déférée sera confirmée en ce que la société Achard a été déboutée de ses demandes dirigées contre Messieurs Sztarkman et Camart.

La société Achard reproche à la société ERA et aux héritiers Achard d'avoir débauché son personnel, d'avoir diffusé de fausses informations sur son compte, d'avoir utilisé les signes distinctifs de la société Achard, d'avoir abusivement utilisé le nom d'Achard, d'avoir utilisé ses prix et références spécifiques et de s'être, par ce biais, approprié sa clientèle. Elle soutient que ces agissements sont la cause de la baisse de son chiffre d'affaires depuis la création de la société ERA ainsi que d'un déficit important depuis trois ans.

Concernant le débauchage de salariés, il convient de relever que Julien Achard a quitté la société Achard avant la constitution de la société ERA et celle-ci ne saurait dès lors être déclarée responsable de son débauchage. Il en va de même pour Arnaud Achard dont la société Achard reconnaît qu'il ne faisait plus partie de ses effectifs depuis 1999. Quant aux autres membres du personnel, s'il résulte des attestations produites par les intéressés qu'ils ont reçu des propositions d'embauche des dirigeants d'ERA, il n'en demeure pas moins que celles-ci sont demeurées sans suite. D'autre part, la société Achard ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait subi une quelconque désorganisation, notamment du fait du départ de Julien Achard, lequel était en arrêt maladie dès avant la cession de leurs titres par les Consorts Achard.

Concernant l'utilisation par la société ERA des signes et des références spécifiques de la société Achard, celle-ci se contente de verser aux débats une série de propositions de prix de la société ERA à des clients potentiels en date des mois de février, mars et avril 2001 qui, sans élément de comparaison, ne permettent pas de caractériser les faits allégués.

Concernant la diffusion de fausses informations sur son compte et l'utilisation abusive du nom d'Achard, la société Achard verse aux débats des compte-rendus de commerciaux, une sommation interpellative d'huissier recueillant les propos de Madame Verdun, employée au service approvisionnement de la société Sitel France à Pringy, ainsi qu'un courrier de cette personne, divers documents commerciaux de la société ERA et divers documents relatifs à une lettre de change tirée sur une société Eurovia.

Si le courrier de Madame Verdun doit être écarté en l'absence d'élément permettant d'identifier sa signature, la preuve de faits de concurrence déloyale étant libre, les autres éléments de preuve versés aux débats sont recevables. Il est indifférent que Madame Verdun ait refusé de signer la sommation interpellative du 6 décembre 2001, la transcription de ses déclarations par l'huissier suffisant à faire foi. Il résulte de cette sommation que Madame Verdun a reçu la visite de "Messieurs Achard père et fils" au début du mois de septembre 2001, qu'elle était persuadée de rencontrer des représentants de la société Achard et de poursuivre les relations commerciales avec la même société, que Messieurs Achard lui ont remis une carte de visite de la société ERA en lui indiquant que la société Achard avait fait faillite et qu'une nouvelle entreprise avait été créée, vendant les mêmes produits aux mêmes prix. Les compte-rendus des commerciaux de la société Achard versés aux débats confirment qu'au cours de l'année 2001, Edward Achard a démarché des clients Achard pour le compte de la société ERA, que les enfants Achard indiquaient à la clientèle Achard qu'ils démarchaient qu'en tant qu'héritiers Achard, ils continuaient l'activité dans le cadre de la société ERA, précisant même à certains clients que la société Achard avait disparu. Il résulte d'autre part des échanges de courrier intervenus entre la société Achard et la société Eurovia-Rhône Alpes Auvergne que celle-ci a passé une commande à la société ERA au mois de septembre 2001 avec cette mention "ex Ets Achard" et qu'elle a adressé le paiement de cette commande sous forme de lettre de change acceptée à la société Achard. Il résulte enfin des documents commerciaux d'ERA et de la carte de visite remise à Madame Verdun, que le nom d'Achard, dont Julien et Arnaud faisaient usage, était systématiquement mis en évidence par l'emploi de caractères plus gros que ceux de la police utilisée dans le reste du document. Il est ainsi suffisamment établi des manquements d'Edward Achard à la clause de non-concurrence, l'utilisation abusive du nom Achard par la société ERA et la diffusion de fausses informations par Messieurs Achard agissant pour le compte de la société ERA, de nature à semer la confusion dans l'esprit de la clientèle de la société Achard, ce aux fins de se l'approprier.

Concernant le préjudice prétendument subi par la société Achard, il convient de relever que la situation ambigüe créée par ces agissements pouvait être rapidement clarifiée par un simple courrier circulaire de la société Achard à l'ensemble de sa clientèle. D'autre part, la société Achard se contente d'invoquer une baisse de son chiffre d'affaires depuis la création de la société ERA mais ne fournit aucun élément faisant apparaître que cette baisse de chiffre d'affaires serait en lien avec une perte quelconque de clientèle au profit de la société ERA. Une expertise ne saurait être ordonnée à l'effet de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. La société Achard sera en conséquence également déboutée de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la société ERA et les Consorts Achard.

L'abus de droit imputé par la société ERA, Arnaud Achard et Julien Achard à la société Achard n'est pas caractérisé et la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté leur demande de dommages et intérêts.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement, confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SAS Etablissements Achard de toutes ses demandes, débouté la société ERA et Messieurs Arnaud et Julien Achard de leurs demandes de dommages et intérêts et condamné la société Achard aux dépens. Le reforme en ses dispositions relatives à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Statuant à nouveau, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SAS Etablissements Achard aux dépens d'appel avec distraction au profit des SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon et Dantagnan Dormeval.