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Décisions

CA Rouen, 1re ch. 1er cabinet, 4 janvier 2006, n° 04-00192

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Belmir (Epoux)

Défendeur :

Porcher (Epoux), Cabinet Tartuffe (SARL), Bouchery

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouché

Conseillers :

M. Perignon, Mme Holman

Avoués :

SCP Gallière Lejeune Marchand Gray, SCP Greff Peugniez, SCP Collin Voinchet Radiguet Enault

Avocats :

Mes Vallois, Picard, Melo, Poncet, Spagnol, Mertens

TGI Evreux, du 28 nov. 2003

28 novembre 2003

Par acte sous-seing privé du 5 janvier 2001 conclu par l'intermédiaire de la SARL Tartuffe Immobilier, mandataire des époux Porcher, ceux-ci ont vendu aux époux Belmir une propriété située à Garennes sur Eure pour le prix de 970 000 F (147 875,55 euro).

La vente a été réitérée par acte authentique reçu le 24 février 2001 par Maître Merdrignac avec la participation de Maître Bouchery, notaire des vendeurs.

Considérant que les époux Porcher leur avaient dissimulé l'absence de raccordement de la propriété au tout à l'égout et que ce vice caché justifiait une diminution du prix, après échec de pourparlers amiables, par acte du 3 janvier 2002, les époux Belmir les ont assignés en paiement de la somme de 7 552,75 euro outre une somme de 3 048,98 euro à titre de dommages et intérêts et une indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les époux Porcher ont appelé en garantie la société Tartuffe Immobilier ainsi que Maître Bouchery, et ont reconventionnellement demandé la condamnation des acheteurs à leur payer la somme de 369,94 euro au titre de leur quote-part de taxe foncière outre une indemnité pour frais hors dépens.

Par jugement du 28 novembre 2003, le Tribunal de grande instance d'Evreux

- a débouté les époux Belmir de leurs demandes,

- les a condamnés à payer aux époux Porcher la somme de 369,94euro au titre de la taxe foncière et, tant aux époux Porcher qu'à la société Tartuffe Immobilier, une somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

- a condamné les époux Porcher à payer à Maître Bouchery une somme de 1 200 euro pour ses frais irrépétibles,

- a mis les dépens à la charge des époux Belmir.

Le 22 décembre 2003, les époux Belmir ont interjeté appel de ce jugement, intimant toutes les parties au litige.

Par dernières conclusions du 8 septembre 2005, ils demandent à la cour:

- au visa des articles 1641 et 1644 du Code civil, de juger que l'immeuble est atteint d'un vice caché et, par conséquent, de faire droit à leur demande de réduction de prix,

- subsidiairement, si, comme le tribunal, la cour estime devoir examiner le litige sous l'angle du manquement à l'obligation de délivrance:

- au visa des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile, annuler le jugement en raison de la violation du principe du contradictoire,

- vu les articles 562 du nouveau Code de procédure civile, 1134 et 1604 et suivants du Code civil, juger que les époux Porcher ont manqué à leur obligation de délivrance d'une chose conforme,

- en tout état de cause, les condamner solidairement à leur payer:

- la somme de 7 752,75 euro pour réduction du prix,

- la somme de 3 048,98 euro à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel,

- de débouter la société Tartuffe Immobilier et Maître Bouchery de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de condamner solidairement les époux Porcher aux dépens.

Selon conclusions du 16 mars 2005, les époux Porcher demandent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, le rejet des prétentions des appelants, leur condamnation au paiement d'une somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel et aux dépens.

Par dernières conclusions du 9 mars 2005, Maître Bouchery demande à la cour de constater qu'aucune demande n'est formée contre lui, de lui donner acte de sa mise hors de cause et de statuer ce que droit sur les dépens.

Suivant conclusions du 5 février 2004, la société Tartuffe Immobilier demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable et, en tout cas, mal fondé, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions; enfin, elle demande le paiement d'une somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la condamnation aux dépens, sans préciser contre qui ces demandes sont faites.

Sur ce

Vu les conclusions et les pièces.

Le tribunal a estimé que l'absence de raccordement au tout à l'égout ne constituait pas un vice caché et, après avoir d'office examiné les prétentions des époux Belmir au regard d'un défaut de conformité, a considéré que le raccordement de la propriété au réseau d'assainissement collectif ne faisait pas partie des caractéristiques convenues entre les parties.

Les époux Belmir affirment n'avoir jamais été informés par leurs vendeurs de l'absence de raccordement de la propriété au réseau de tout à l'égout et avoir découvert après la vente l'existence de la fosse septique enterrée dans le jardin, en trouvant dans un placard de la buanderie un sachet de produit destiné à son entretien.

Les époux Porcher, répliquent qu'ils les avaient avertis de cette situation et que le prix de vente en tenait compte.

L'acte de vente sous seing privé du 5 janvier 2001 ne contient aucune indication sur le système d'assainissement de la propriété vendue et son raccordement ou non au réseau public.

Il en est de même de l'acte authentique, étant cependant précisé qu'à cet acte était annexée une fiche de renseignements remplie par la commune de Garennes sur Eure sur laquelle était mentionnée l'existence d'un réseau public d'évacuation avec apposition d'un point d'interrogation face à la rubrique "immeuble raccordé".

Il résulte des extraits de délibération du conseil municipal de la commune et des bulletins d'informations municipales que dès 1993 la commune a décidé la mise en place d'un réseau d'assainissement collectif et qu'aux termes d'une délibération du 29 novembre 1996 le conseil municipal a prévu le paiement par les propriétaires d'immeubles non raccordés à ce réseau d'une somme équivalente à la redevance due si leur immeuble était raccordé, cette taxe étant majorée à l'issue d'un délai de deux ans, que par délibération du 30 octobre 1998 le conseil municipal a décidé de majorer de 100 % cette redevance en cas de dépassement de ce délai.

Dans une attestation du 21 juin 2001, le maire de la commune rappelle que tous les habitants concernés ont été informés, par voie d'affichage et par le biais du bulletin, de l'obligation de se raccorder au réseau de tout à l'égout et ont reçu une note explicative.

Si les parties sont contraires en fait quant à l'information donnée aux époux Belmir sur le raccordement ou l'absence de raccordement de la propriété au tout à l'égout, aucun élément ne pouvant être retiré à cet égard de la correspondance de la société Tartuffe Immobilier, partie au litige, il n'en demeure pas moins que les époux Porcher, nécessairement avertis par la commune de l'obligation de raccorder leur propriété au réseau collectif et des conséquences découlant du non respect de ces prescriptions administratives, n'ont pas avisé leurs acheteurs de ce qu'ils ne s'y étaient pas conformés ni des sanctions en résultant.

C'est donc à tort que le tribunal a rejeté l'action des époux Belmir sur le fondement du vice caché, alors qu'en raison de sa non-conformité aux règlements d'urbanisme, la propriété était impropre à l'usage d'habitation auquel elle était destinée, que la mention figurant sur la fiche annexée à l'acte de vente était insuffisante pour leur permettre de détecter celle non-conformité, ce d'autant que devant l'entrée de la propriété se trouve une plaque d'égout pouvant leur laisser penser que la propriété était effectivement raccordée au réseau collectif d'assainissement.

Les époux Porcher ne démontrent pas que le prix de vente aurait tenu compte de l'absence de branchement de la propriété au tout à l'égout et il est indéniable que les époux Belmir, dûment avertis de la situation et des sanctions encourues, leur auraient offert un prix moindre.

Il convient donc, en application de l'article 1644 du Code civil, de condamner solidairement les époux Porcher à payer à leurs acheteurs la somme de 7 752,75 euro, correspondant au coût non contesté des travaux de raccordement au réseau d'assainissement collectif.

En revanche, en l'absence de toute justification des dommages et intérêts réclamés par les époux Belmir, celle demande sera rejetée.

Leur action sur le fondement de la garantie des vices cachés étant accueillie, l'examen de leurs demandes subsidiaires est sans objet.

Les époux Belmir ne critiquant pas la condamnation prononcée contre eux au titre de la taxe foncière, il convient de la confirmer.

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement sera infirmé du chef de la condamnation des époux Belmir à indemniser les époux Porcher et la société Tartuffe Immobilier de leurs frais hors dépens et les époux Porcher seront condamnés à payer aux époux Belmir une somme de 3 000 euro pour ceux qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en appel; les époux Porcher ne critiquant pas la disposition du jugement les condamnant à payer à Maître Bouchery une somme de 1 200 euro pour ses frais irrépétibles de première instance, elle sera confirmée; enfin, la société Tartuffe Immobilier ne précisant pas contre qui est dirigée en appel sa demande d'indemnisation de ses frais hors dépens, cette demande sera rejetée.

Les époux Porcher seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel, Confirme le jugement - sur la condamnation des époux Belmir à payer aux époux Porcher la somme de 369,94 euro au titre de la taxe foncière, - sur la condamnation des époux Porcher à payer à Maître Bouchery la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, L'infirmant pour le surplus, Condamne solidairement les époux Porcher à payer aux époux Belmir : - la somme de 7 752,45 euro, - la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Rejette toutes autres demandes, Condamne les époux Porcher aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement au profit de la SCP Gallière-Lejeune-Marchand-Gray et de la SCP Colin-Voinchet-Radiguet-Enault.