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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. corr., 23 février 2006, n° 04-01289

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Redon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Conseillers :

Mme Robin, M. Douysset

Avocats :

Mes Nallet, Sandoli

TGI Grenoble, ch. corr., du 30 juin 2004

30 juin 2004

Rappel des faits et de la procédure:

Les époux Royer ont vendu, pour la somme de 800 euro, le 5 août 2002 au Garage de la Plaine, un véhicule Renault 19 mis en circulation le 27 juin 1991, dont ils étaient propriétaires depuis 1994 et concerné par un accident survenu le 1er décembre 2000, ayant nécessité une réparation à l'arrière droit. Lors de la vente il a été précisé l'existence de problèmes de freinage.

Le garage de la Plaine a revendu ce véhicule à la SARL Y dont M. X est le gérant le 21 août 2002, en signalant également ces défectuosités du système de freinage, pour la somme de 1 448 euro.

M. X, après avoir selon ses dires, procédé à la révision complète des freins, sans toutefois le remplacement de pièces a fait passer une annonce dans la presse locale ainsi libellée "R 19 16S an.92,phl, 5 portes, 86 000 kms, pack sport, TBE coll., 3 820 euro Y... (tél...)".

Le véhicule a été cédé à M. Redon le 23 septembre 2002, avec mention d'un kilométrage de 86 800 Km, pour le prix de 3 820 euro.

L'acquéreur, après démarche infructueuse auprès du vendeur, s'est plaint le 19 décembre 2002, auprès de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) en émettant des doutes sur le kilométrage réel du véhicule (86 800 au jour de la cession) alors qu'un document trouvé à l'intérieur laissait présumer un kilométrage supérieur. Il faisait part également d'autres désordres à savoir une infiltration d'eau à l'arrière du véhicule, des traces de réparation, des pannes intermittentes de clignotant et du verrouillage centralisé des portières et une fuite au radiateur de chauffage.

L'enquête minutieuse des agents de la DGCCRF concluait à l'absence d'anomalie relative au kilométrage affiché. Ils estimaient en revanche que la mention "coll" pour "véhicule de collection" ne pouvait bénéficier au véhicule vendu, une telle mention ne s'appliquant qu'aux véhicules ayant plus de 25 ans d'âge.

Ils estimaient également que la mention "TBE" pour "très bon état" ne correspondait pas à la réalité, au regard des défauts constatés peu après l'achat et corroborés par une expertise unilatérale effectuée le 23 mai 2003.

Ils en déduisaient la commission par M. X du délit de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur.

Sur les poursuites exercées à raison de ces faits, pour tromperie sur les qualités substantielles et pour publicité de nature à induire en erreur, le Tribunal de Grenoble par jugement du 30 juin 2004 a estimé qu'il y avait doute sur la tromperie relative à la mention "TBE" pour les réparations, délit non établi pour le freinage et les entrées d'eau et publicité mensongère pour la mention "coll", cette mention toutefois n'ayant causé aucun préjudice à M. Redon qui n'avait pas invoqué de grief de ce chef.

M. Redon est appelant du jugement qui l'a débouté de ses demandes.

Devant la cour, selon ses conclusions auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits et des prétentions, il reprend ses réclamations tendant au paiement de diverses sommes, estimant que le tribunal n'aurait pas dÜ relaxer le prévenu du chef de tromperie sur les qualités substantielles du véhicule, infraction qui était ici constituée.

M. X conclut à la confirmation du jugement déféré, à la condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1 500 euro pour frais de procès en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sur quoi, LA COUR

Par l'effet des articles 509 et 515 du Code de procédure pénale, si les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé, ils n'en sont pas moins tenus, au regard de l'action civile, de rechercher si les faits qui leur sont déférés constituent une infraction pénale et de se prononcer en conséquence sur la demande de réparation de la partie civile.

En l'espèce, la citation initiale a comporté une erreur sur le délit de tromperie puisqu'il est visé un autre véhicule concernant un autre litige avec un autre acquéreur, mais le prévenu a accepté de comparaître volontairement sur le délit de tromperie sur les qualités substantielles du véhicule vendu à M. Redon.

Il lui est reproché également le délit de publicité mensongère, régulièrement poursuivi, pour les mentions de "très bon état et véhicule de collection" alors que ce véhicule n'était pas de collection et se trouvait en mauvais état suite à une mauvaise réparation et connaissait des problèmes de freinage.

Par des motifs pertinents que la cour approuve, le tribunal a écarté les défauts invoqués relatifs au freinage comme constitutifs tant du délit de tromperie que de publicité mensongère. En effet, M. Redon ne s'en était pas plaint lors de sa lettre initiale à M. X le 9 décembre 2002, pas plus que dans sa plainte adressée à la DGCCRF le 19 décembre 2002. De plus l'expert mandaté par lui n'en fait pas mention lors de son examen le 22 mai 2003. Enfin, si des problèmes ont existé, avant l'achat du véhicule par M. X, celui-ci dûment informé allègue avoir fait une révision complète, sans changement de pièces, mais le contrôle technique effectué le 6 septembre 2002, s'il révèle des défauts sur le freinage, sans obligation toutefois de réparation immédiate, il apparaît que cette situation a été portée à la connaissance de l'acquéreur qui a disposé des résultats de ce contrôle technique.

De même le tribunal a écarté avec raison comme non substantiels les défauts relatifs aux pannes de clignotants, fuite sur le radiateur de chauffage et verrouillage centralisé des portières qui ne peuvent constituer le délit de tromperie.

En revanche, ces défauts, joints à ceux relevés sur la carrosserie avec les infiltrations d'eau qui s'en suivaient conduisent à retenir que la mention "très bon état" est mensongère ou de nature à induire en erreur. Il y a en outre tromperie sur l'état de la carrosserie dès lors que celle-ci n'est plus étanche à l'eau.

Contrairement à l'opinion du tribunal, il apparaît que ces défectuosités ont été rapidement signalées à M. X et notamment par une lettre du 9 décembre 2002, à laquelle il a été répondu par le prévenu qui n'a pas contesté les défauts signalés, les imputant à la mauvaise utilisation du véhicule par l'acheteur. Cependant la mauvaise utilisation prétendue concerne les pneumatiques pour lesquels l'acheteur a ramené le véhicule au vendeur dans les premiers jours. Il s'ensuit que la cour trouve dans cet écrit du prévenu l'élément qui corrobore l'opinion de l'expert selon laquelle la réparation défectueuse affectant la carrosserie était bien antérieure à la vente.

Par suite, le véhicule ne méritait pas le qualificatif " très bon état " figurant dans la publicité et était affecté d'un vice substantiel avant la vente ce dont le vendeur professionnel ne pouvait ignorer l'existence, selon ce qui ressort du rapport d'expertise, au vu des traces de réparation qui n'échappent pas à l'œil d'un carrossier, qualification que possède le prévenu.

Le jugement sera réformé et le préjudice de M. Redon, au vu des justifications produites quant à la différence entre le prix d'achat et le prix de revente du véhicule, les divers frais engendrés (carte grise, assurance) évalué à la somme de 5 191 euro.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Redon la charge des frais assumés par lui pour assurer sa défense, incluant les frais d'expertise engagés et le temps passé par lui, outre les frais de conseil, le tout évalué à la somme de 1 500 euro, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Sur le seul appel de la partie civile, Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau : Condamne M. X à payer à M. Redon la somme de 5 191 euro (cinq mille cent quatre-vingt onze euro) à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 euro (mille cinq cent euro) pour frais de procès sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure civile.