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Décisions

CA Rouen, 2e ch., 18 janvier 2007, n° 05-04381

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lecerf Rouen Offset (SA)

Défendeur :

Cité Communication (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

M. Lottin, Mme Vinot

Avoués :

Me Couppey, SCP Colin Voinchet Radiguet Enault

Avocats :

Mes Dugard, Boisard

T. com. Rouen, du 14 nov. 2005

14 novembre 2005

Exposé du litige

Aux termes d'un acte d'engagement en date du 10 juillet 2002, la SARL Cité Communication, exerçant à l'enseigne Le Perroquet Bleu et répondant à un appel d'offres du Conseil général de Seine-Maritime, s'est engagée à exécuter le marché ayant l'objet suivant : édition du magazine Conseil général de la Seine-Maritime (conception graphique, composition, mise en page, photogravure et impression), ce conformément aux stipulations d'un cahier des clauses particulières.

Ce marché était conclu pour une durée d'un an renouvelable deux fois par reconduction expresse, sans que la durée globale excède trois années.

En 2003 et 2004, le conseil général a eu recours à cette faculté de renouvellement.

Pour l'exécution de ce marché, la société Cité Communication a sous-traité à la société Lecerf Rouen Offset les prestations d'impression, fourniture de papier, façonnage et mise sous film plastique, cette société étant agréée par le Conseil général.

En novembre 2004, la société Lecerf Rouen Offset a, sur demande de la société Cité Communication, communiqué à cette dernière diverses offres de prix.

Le 22 décembre 2004, elle lui a fait sommation de lui indiquer si elle entendait lui transmettre une commande d'impression, de façonnage et de routage s'agissant de la parution du mois de janvier 2005 ou des parutions à venir, dans la négative de lui préciser les raisons de l'absence de commande et s'il y avait lieu de considérer qu'elle en avait confié la charge à une société tierce.

La société Cité Communication a répondu que le Conseil général, ordonnateur, avait demandé l'étude d'une nouvelle formule à laquelle la société Lecerf avait participé mais que cette proposition n'avait pas été retenue, ce dont elle avait d'ailleurs été prévenue.

Le même jour, elle a écrit à la société Lecerf pour lui indiquer :

"Comme nous en avions déjà fait part à Monsieur Saillard lors de notre dernier entretien, nous vous confirmons par la présente que votre offre pour la fabrication de la nouvelle formule du journal Mieux vivre en Seine-Maritime du Conseil général n'a pas été retenue car elle n'était pas la moins-disante".

Le 4 janvier 2005, la société Lecerf a répondu "nous vous informons que compte tenu des délais de livraison de papier, nous étions dans l'obligation de prévoir à l'avance l'approvisionnement du numéro suivant concernant l'impression du magazine mensuel Mieux vivre en Seine-Maritime. Aussi vous trouverez la facture correspondant au papier acheté pour la parution de janvier 2005 dont la commande ne nous a pas été adressée".

La société Cité Communication ayant refusé de payer cette facture en indiquant qu'elle n'était pas responsable des commandes effectuées alors que la société Lecerf était parfaitement au fait d'une nouvelle mise en concurrence, cette dernière l'a fait assigner devant le Tribunal de commerce de Rouen en paiement des sommes de 37 221,12 euro au titre du préavis non respecté, 46 859,28 euro correspondant aux achats de papier et 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 14 novembre 2005, le Tribunal de commerce de Rouen a:

- reçu la société Lecerf Rouen Offset en ses demandes, fins et conclusions, les disant mal fondées et l'en déboutant

- reçu la société Cité Communication en ses demandes, fins et conclusions et les disant partiellement fondées

- condamné la société Lecerf Rouen Offset à payer à la SARL Cité Communication la somme de 1 000 euro en vertu des dispositions de l'article 700 du NCPC

- condamné la société Lecerf Rouen Offset aux entiers dépens.

La société Lecerf Rouen Offset a interjeté appel de ce jugement.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 10 août 2006 pour l'appelante et le 9 novembre 2006 pour l'intimée.

La société Lecerf Rouen Offset sollicite la réformation du jugement et en conséquence la condamnation de la société Cité Communication à lui payer les sommes de 37 221,12 euro au titre du préavis non respecté, 46 859,28 euro correspondant aux achats de papier effectués en pure perte et 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Cité Communication conclut à la confirmation du jugement entrepris, au débouté de l'intégralité des demandes et à la condamnation de la société Lecerf Rouen Offset à lui payer une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce

Il est constant que la société Cité Communication sous-traitait depuis septembre 2002 à la société Lecerf Rouen Offset l'exécution des travaux d'impression, façonnage et routage du magazine du Conseil général de la Seine-Maritime.

Si la société Lecerf Rouen Offset n'ignorait pas qu'elle intervenait en qualité de sous-traitante d'un marché public (elle a été agréée en cette qualité par le conseil général, a signé un acte de présentation de sous-traitant et c'est à ce titre qu'elle été payée directement par le Conseil général), il ne ressort pour autant d'aucun élément que ses relations avec la société Cité Communication avaient elles-mêmes été soumises à un appel d'offre ou aux conditions du marché principal auxquelles elle n'était pas partie et qu'elle n'a d'ailleurs pas négociées, pas plus qu'elles n'a été appelée à négocier celles de l'avenant voulu par le Conseil général.

La conclusion d'un contrat de sous-traitance ne faisait pas de la société Lecerf Rouen Offset l'attributaire direct du marché et ne lui rendait pas automatiquement applicables les "termes contractuels" liant la société Cité Communication au Conseil général.

Dès lors, la société Cité Communication ne justifie pas d'une " situation particulière " qui la dispensait de respecter un préavis de rupture à l'égard du sous-traitant avec lequel elle avait noué des relations commerciales établies, conformément aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Aux termes de l'article 204 des usages professionnels de l'imprimerie, le délai de préavis est calculé suivant le chiffre d'affaires annuel.

A cet égard, la société Cité Communication soutient à juste titre que ne doit être pris en compte que le chiffre d'affaires relatif au marché litigieux seul rompu mais elle ne peut en revanche soutenir que les prestations de Lecerf Rouen Offset ayant été directement facturées au Conseil général aucun chiffre d'affaires n'aurait été réalisé alors que cette facturation directe n'était qu'une modalité de paiement résultant de l'existence d'un agrément du sous-traitant.

Il ressort des tableaux produits que le préavis s'établit à 23 semaines pour un chiffre annuel moyen de 905 709,63 euro soit une indemnité de 32 048,18 euro.

En ce qu'il a débouté la société Lecerf Rouen Offset de sa demande d'indemnité de préavis, le jugement sera donc infirmé.

Pour solliciter paiement d'une somme de 46 859,28 euro correspondant à des achats de papier effectués en pure perte, la société Lecerf Rouen Offset soutient que, n'ayant pas été prévenue de son éviction avant le 22 décembre 2004, elle pouvait légitimement s'attendre à recevoir un ordre de fabrication pour la parution de janvier 2005.

Elle produit à cet effet une facture datée du 30 décembre 2004 portant sur du papier népal brillant 100 g Laize 96, les factures précédentes relatives au journal "Mieux vivre en Seine-Maritime" portant sur des brochures piquées 24 pages au format fini 230 x 300.

Or, il sera rappelé que dès le 17 novembre 2004 la société Lecerf Rouen Offset avait communiqué à la société Cité Communication, à sa demande, une offre concernant du papier couché brillant 80 g et des brochures 48 pages format fini 180 x 240mm, de telle sorte que dès ce moment elle avait connaissance des nouvelles conditions que poserait le Conseil général et de ce que la formule serait modifiée.

La commande pour le mois de janvier 2005 de papier correspondant en toute hypothèse à l'ancienne formule que le Conseil général voulait abandonner, procède en conséquence d'une erreur d'appréciation de la société Lecerf Rouen Offset dont la responsabilité lui incombe.

En ce qu'il a débouté cette dernière de ce chef de demande, le jugement sera confirmé.

Il n'y a pas lieu d'allouer de somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris sauf en celle de ses dispositions ayant débouté la société Lecerf Rouen Offset de sa demande en paiement de la somme de 46 859,28 euro pour achats de papier et de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés : Condamne la société Cité Communication à payer à la société Lecerf Rouen Offset la somme de 32 048,18 euro à titre d'indemnité de préavis. Condamne la société Cité Communication à payer les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.