CA Aix-en-Provence, 3e ch. civ., 17 octobre 2002, n° 97-12474
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Euridep (SA)
Défendeur :
Roux Peinture Le Javic (SARL), GAN Incendie Accidents (SA), Syndicat des copropriétaires Les Eucalyptus
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pronier
Conseillers :
MM. Farjon, Torquebiaus
Avoués :
SCP Blanc-Amsellem-Mimran, SCP Boissonnet-Rousseau, SCP Bottai-Gereux
Avocats :
Mes Delcourt, Lauga, SCP Quinchon-Lefebvre
La société Roux Peinture a réalisé des travaux de ravalement des façades des bâtiments de la résidence Les Eucalyptus.
Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 30 mai 1987.
La société Roux Peinture, a utilisé un produit de revêtement dénommé Pantiderme satiné vendu par la société Euridep.
Des traces grisâtres, claires ou foncées, étant apparues, le syndic de la copropriété Les Eucalyptus a demandé à la société Roux Peinture de procéder à la réfection complète des façades. La société Roux Peinture a mis en cause la qualité du produit fourni.
La société Euridep ayant refusé de payer les travaux réalisés par la société Roux Peinture, M. Ferrand a été désigné en qualité d'expert, il a déposé son rapport le 22 février 1994.
Le syndicat des copropriétaires est intervenu volontairement à l'instance.
Par un jugement du 17 avril 1997, le Tribunal de commerce de Cannes a condamné la société Euridep à garantir les conséquences de la non-conformité à sa destination du produit Pantiderme satiné, dit que la société Euridep sera garantie par la Compagnie GAN et avant dire droit, sur le montant des travaux à réaliser, désigné M. Ferrand en qualité d'expert.
La société Euridep a interjeté appel le 15 mai 1997.
Vu le jugement du 17 avril 1997;
Vu les conclusions de la société Euridep en date du 15 septembre 1997;
Vu les conclusions de la Compagnie GAN en date du 5 octobre 2001;
Vu les conclusions récapitulatives de la société Roux Peintures et du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Eucalyptus en date du 30 octobre 2001;
SUR CE:
Attendu que la régularité formelle de la procédure en appel n'étant pas contestée, il sera directement statué sur le fond de l'affaire;
Sur la recevabilité de l'action de la société Roux Peinture:
Attendu que la société Euridep soutient qu'en sollicitant sa condamnation solidaire avec la Compagnie GAN à payer la totalité des travaux de réfection des façades, la société Roux Peinture n'agit pas sur le fondement d'un intérêt qui lui est personnel;
Attendu que la société Roux Peinture justifie d'un double intérêt personnel, puisque, d'une part, elle a acheté le produit litigieux pour l'appliquer lors du ravalement, d'autre part, elle a été mise en demeure par le syndicat des copropriétaires de procéder, à ses frais, à la réfection complète des façades; que l'action de la société Roux Peinture est recevable;
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire du syndicat des copropriétaires de la résidence Les
Eucalyptus:
Attendu que la société Euridep soutient, d'une part, que les demandes de la société Roux Peinture étant irrecevables, celles par lesquelles le syndicat des copropriétaires se contentait de soutenir "de plus fort ces affirmations et prétention" étaient tout aussi irrecevables, d'autre part, que l'intervention de ce syndicat est d' autant moins régulière qu'elle a été diligentée par le même mandataire que la société Roux Peinture dont la responsabilité dans la survenance des désordres, dont ledit syndicat poursuit la réparation, est susceptible d'être retenue;
Attendu, en premier lieu, que l'action de la société Roux Peinture est recevable;
Attendu, en second lieu, que le syndicat des copropriétaires ne forme aucune demande à l'encontre de la société Roux Peinture;
Attendu qu'il s'ensuit que l'intervention volontaire du syndicat des copropriétaires est recevable et régulière;
Sur l'obligation de délivrance:
Attendu que le marché, de travaux signé avec la société Roux Peinture prévoyait la fourniture et la pose d'une peinture Pantiderme Satiné ; qu'il résulte des factures émises par la société La Seigneurie, aux droits de laquelle se trouve la société Euridep, que le produit vendu était catalogué sous la référence Pantiderme satiné; que le produit livré était donc conforme aux spécifications contractuelles; que cette constatation est encore corroborée par le fait que le syndicat des copropriétaires a réceptionné les travaux le 30 mai 1987 sans réserve particulière "hormis quelques petites finitions en cours" démontrant ainsi que le produit correspondait bien à l'attente de la copropriété ; qu'il s'ensuit que la preuve d'un manquement de la société Euridep à son obligation de délivrance n'est pas rapportée;
Sur l'erreur sur les qualités substantielles:
Attendu que la société Roux Peinture soutient que la bonne tenue esthétique du produit garantie par la société Euridep ne s'étant pas confirmée, elle a été victime d'une erreur sur les qualités substantielles du produit;
Attendu que la garantie des vices cachés constituant l'unique fondement de l'action exercée pour défaut du bien vendu le rendant impropre à sa destination, l'annulation de la vente ne peut pas être recherchée sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles ; que la demande de la société Roux Peinture sera rejetée de ce chef;
Sur le vice caché:
Attendu que l'expert a constaté que les façades de teinte initiale claire présentaient, d'une part, des spectres gris, d'autre part, des taches plus claires et fait procéder à des analyses d'échantillons par le laboratoire CEBTP ; qu'il précise que les résultats des analyses montrant que l'origine de la tonalité grisâtre provient d'un encrassement par particules de suies non sédimentables, il s'en déduit que les causes d'altération généralisée de la chromie d'origine des panneaux de façade sont un encrassement par suite des propriétés particulières du Pantiderme satiné conduisant à une propension à l'accrochage des polluants atmosphériques et que les différences chromatiques faisant apparaître sur fond d'altération générale grisée des taches plus claires, semble provenir soit de l'action érosive des eaux de pluie à certains emplacements, soit de l'irrégularité de qualité du produit appliqué, la sensibilité du revêtement à l'action érosive n'étant pas régulière sur toute la surface du produit appliqué; que l'expert conclut "les spectres bétérochromatiques qui apparaissent sur les pignons et les façades ont pour origine un encrassement non régulier des surfaces. Dans la mesure où l'encrassement se serait manifesté de manière régulière, il n'y aurait pas eu, à notre avis, d'atteinte à l'esthétique d'ensemble des bâtiments de la Résidence. L'encrassement étant irrégulier, non pas par différenciation des expositions des pans de façades ou de pignon, mais principalement par suite d'une irrégularité des propriétés thermo et hydroplastiques du produit appliqué, l'esthétique des façades et des pignons est affectée" ; qu'il résulte de ces constatations que la peinture appliquée en façade lors du ravalement était affectée d'un défaut caché la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée;
Attendu que le syndicat des copropriétaires a mis en demeure la société Roux Peinture de procéder à la réfection des travaux par lettre recommandée du 23 mai 1991; que la société Roux Peinture a assigné la société Euridep le 19 juin 1991 ; qu'il en résulte que la société Roux Peinture a agi dans le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil et qu'à la suite de cette interruption c'est la prescription de droit commun qui a commencé à courir ce qui rend recevable l'action du syndicat des copropriétaires dans le cadre de son intervention volontaire ultérieure;
Sur les travaux de reprise:
Attendu que l'expert a chiffré le coût des travaux de reprise à la somme de 420 000 F, comprenant les frais d'échafaudages, de protections et de nettoyages ; que cette estimation, contestée par la Compagnie GAN, ne permet pas à la cour de statuer dès lors qu'elle ne tient pas compte des travaux déjà réalisés et ne comporte qu'une appréciation approximative de la vétusté ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une nouvelle expertise de ce chef;
Attendu que la société Roux Peinture se bornant à solliciter l'annulation du contrat de vente et la condamnation in solidum de la société Euridep et de la Compagnie GAN à payer la totalité des sommes nécessaires à la réfection des bâtiments, sans indiquer le bénéficiaire de cette condamnation, il appartient à la cour de le rechercher; que le produit a été vendu par la société Euridep à la société Roux Peinture qui l'a revendu au syndicat des copropriétaires dans le cadre du marché de travaux; que la victime du vice caché étant le sous-acquéreur, il y a lieu de dire que la société Euridep devra payer au syndicat des copropriétaires le coût des travaux de reprise tel qu'il sera fixé à la suite du dépôt du rapport de l'expert;
Attendu que la société Roux Peinture justifiant avoir effectué, en 1991, des travaux de reprise pour un montant de 7 115 F, il y a lieu de condamner la société Euridep à lui payer cette somme;
Sur la garantie de la Compagnie GAN:
Attendu que la Compagnie GAN assure la société Euridep fabricant ; qu'en exécution du contrat, elle doit garantir CETET société des condamnations mises à sa charge sous déduction d'une franchise de 100 000 F s'agissant de garanties non obligatoires;
Sur le préjudice commercial invoqué par la société Roux Peinture:
Attendu que la société Roux Peinture, qui se borne à soutenir qu'elle a subi une atteinte à sa réputation et à son image de sérieux, ne justifie pas de l'existence de ce préjudice; qu'elle sera déboutée de ce chef;
Sur le préjudice esthétique du syndicat de la copropriété:
Attendu que si le défaut du produit est établi, le syndicat des copropriétaires ne justifie pas de l'existence d'un préjudice esthétique indemnisable ; qu'il sera débouté de ce chef;
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Attendu qu'il est équitable de condamner la société Euridep et la Compagnie GAN à payer au syndicat des copropriétaires et à la société Roux Peinture, ensemble, la somme de 1 500 euro;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire; Infirmant partiellement le jugement; Dit que l'action de la société Roux Peinture est recevable; Dit que l'intervention volontaire du syndicat des copropriétaires est recevable; Dit que le produit vendu par la société Euridep est affecté d'un vice caché le rendant impropre à sa destination; Confirme le jugement en ce qu'il a confié une expertise complémentaire à M. Ferrand sur le coût des travaux de reprise; Dit que la société Euridep devra payer au syndicat des copropriétaires le coût des travaux de reprise tel qu'il sera fixé après dépôt du rapport de l'expert et à la société Roux Peinture la somme de 7 115 F (sept mille cent quinze francs) soit 1 084,67 euro (Mille quatre vingt quatre euro et soixante sept centimes) au titre des travaux de reprise déjà réalisés; Dit que la Compagnie GAN devra garantir la société Euridep des condamnations prononcées à son encontre, sous déduction de la franchise de 15 244,90 euro soit 100 000 F ; Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes; Condamne la société Euridep et la Compagnie GAN à payer au syndicat des copropriétaires et à la société Roux Peinture, ensemble, la somme de 1 500 euro (Mille cinq cents euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Met les dépens à la charge de la société Euridep et de la Compagnie GAN, dont distraction au profit des avoués de la cause par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.