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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 21 février 2007, n° 05-20146

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pourquoi pas la lune (SARL), Elkrief, Cazaumayou, Canal + (Sté)

Défendeur :

Saranga Drai, Malaurie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mme Magueur, Rosenthal-Rolland

Avoués :

SCP Baskal-Chalut-Natal, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Bolling-Durand-Lallement

Avocats :

Mes Levy, Bauer, Dauzier

TGI Paris, du 7 sept. 2005

7 septembre 2005

Vu les appels interjetés, les 11 octobre 2005 par la société Canal + et la société Pourquoi pas la lune, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou et 17 octobre 2005 par la société Saranga Production, d'un jugement rendu le 7 septembre 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a:

* dit la société Saranga irrecevable en ses demandes, faute d'intérêt à agir,

* dit qu'en s'appropriant en connaissance de cause le concept de l'émission de télévision Crise en Direct et en l'exploitant dans l'émission intitulée C'est déjà demain, les sociétés Canal + et Pourquoi pas la lune, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou ont commis une faute engageant leur responsabilité civile,

* condamné in solidum les sociétés Canal + et Pourquoi pas la lune, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou à payer à Karen Saranga-Drai et à Guillaume Malaurie la somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice,

* débouté Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie de leurs demandes d'indemnisation au titre d'un préjudice moral,

* autorisé la publication de la présente décision dans trois journaux au choix des demandeurs et aux frais avancés des défendeurs tenus in solidum dans la limite d'un coût de 3 500 euro HT par insertion, et ce à titre de complément d'indemnisation,

* fait interdiction aux sociétés Canal + et Pourquoi pas la lune, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou de produire, de diffuser et d'exploiter de quelque manière que ce soit toute nouvelle émission de la série C'est déjà demain sous astreinte provisoire de 30 000 euro par infraction constatée à compter de la signification du jugement et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus,

* débouté Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou de leurs demandes reconventionnelles,

* dit n'y avoir lieu à donner acte,

* condamner in solidum les sociétés Canal + et Pourquoi pas la lune, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou à payer à Karen Saranga-Drai et à Guillaume Malaurie la somme de 3 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;

Vu les ordonnances de jonction de ces appels en date du 14 février 2006;

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 décembre 2006, aux termes desquelles la société Pourquoi pas la lune, ci-après la société 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou, demandent, après avoir sollicité qu'il leur soit donné acte qu'ils font leurs les conclusions de la société Canal +, à la cour de:

* à titre préliminaire, juger qu'en allouant la somme de 150 000 euro aux demandeurs, le tribunal a statué ultra petita en violation des dispositions de l'article 5 du nouveau Code de procédure civile et qu'en décidant d'écarter l'émission 2020 C'est déjà demain, telle que diffusée le 15 février 2005 de la comparaison avec Crise en Direct le tribunal a violé les dispositions de l'article 5 du nouveau Code de procédure civile et a privé les parties du double degré de juridiction,

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé irrecevable à agir la société Saranga Production, faute d'intérêt à agir, rejeté les demandes de Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie au titre du prétendu préjudice moral,

* l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

¤ juger Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie irrecevables en leur demande d'interdiction de diffusion, faute de mise en cause de l'ensemble des auteurs de l'œuvre incriminée, à savoir: outre Ruth Elkrief et Jérôme Caza, Serge Gisquiere, Stéphane Meunier, Serge Kalfon, Bertrand Cohen et Sabrina Faetanini,

¤ au visa de l'article 1382 du Code civil, aux termes d'un dispositif comportant une énumération de dire et juger qui ne saurait constituer des prétentions au sens de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, débouter Karen Saranga-Drai, Guillaume Malaurie et la société Saranga Production de l'ensemble de leurs demandes, les condamner solidairement à payer à Ruth Elkrief la somme de 30 000 euro au titre du préjudice subi, à Jérôme Cazaumayou la somme de 30 000 euro au titre du préjudice subi, à Monsieur 2P2L une provision de 30 000 euro sur préjudice subi, et, en tout état de cause, leur donner acte qu'ils se réservent la faculté de diligenter toutes voies de droit mises à leur disposition à l'encontre des intimés au titre de leur préjudice économique causé par l'interdiction d'exploiter l'émission 2020 C'est déjà demain, condamner in solidum Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie à payer à Ruth Elkrief , Jérôme Cazaumayou et à la société 2P2L, chacun, une somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;

Vu les ultimes conclusions, en date du 21 décembre 2006, par lesquelles Karen Saranga-Drai, Guillaume Malaurie et la société Saranga Production, demandent à la cour de:

¤ sur l'exception d'irrecevabilité des demandes de la société Saranga Production, infirmer le jugement déféré et la dire recevable à agir,

¤ sur le fond, aux termes d'un dispositif comportant une énumération de dire et juger qui ne saurait constituer des prétentions au sens de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile,

À titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce que:

- il a retenu la valeur économique du concept d'émission Crise en Direct et en ce qu'il a considéré que l'émission C'est déjà demain constitue une reprise fautive du concept d'émission Crise en Direct, dont la responsabilité incombe à Ruth Elkrief, Jérôme Cazaumayou et à la société 2P2L et qu'ils se sont rendus coupables d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale à leur préjudice,

- il a condamné conjointement et solidairement les sociétés Canal + et 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou au paiement de la somme globale de 150 000 euro à leur bénéfice au titre du préjudice matériel subi,

- il a fait interdiction aux sociétés Canal + et 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou de produire, de diffuser et d'exploiter de quelque manière que ce soit toute nouvelle émission de la série C'est déjà demain et ce, sous astreinte de 30 000 euro par infraction constatée,

- il a autorisé la publication dans trois journaux de leur choix et aux frais avancés des sociétés Canal + et 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou en y ajoutant dans un encart de 10 x 15, du communiqué suivant : "la Cour d'appel de Paris a, par arrêt en date du (...) fait interdiction aux sociétés Canal + et 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou de produire, de diffuser, et d'exploiter sous quelque forme que ce soit l'émission télévisée intitulée C'est déjà demain pour avoir commis des actes de parasitisme et de concurrence déloyale à l'encontre de Karen Saranga, Guillaume Malaurie et de la société Saranga Production"

- il a jugé la société 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou irrecevables et mal fondés en leurs demandes reconventionnelles,

• l'infirmer pour le surplus et de condamner conjointement et solidairement les sociétés Canal + et 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou au paiement de la somme de 500 000 euro à la société Saranga Production en réparation de son préjudice,

• en toutes hypothèses, condamner conjointement et solidairement les sociétés Canal + et 2P2L, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou à leur payer à chacun la somme de 10 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;

Vu les ultimes conclusions signifiées le 22 décembre 2006, aux termes desquelles la société Canal +, poursuivant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé irrecevable la société Saranga Production, faute d'intérêt à agir et rejeté les demandes de Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie au titre du prétendu préjudice moral, demande, aux termes d'un dispositif comportant une énumération de dire et juger qui ne saurait constituer des prétentions au sens de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, à la cour d'infirmer pour le surplus ce jugement et de:

* dire Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie irrecevables en leur demande d'interdiction de diffusion, faute de mise en cause de l'ensemble des auteurs de l'œuvre incriminée, à savoir: outre Ruth Elkrief et Jérôme Caza, Serge Gisquiere, Stéphane Meunier, Serge Kalfon, Bertrand Cohen et Sabrina Faetanini,

* débouter Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie de l'ensemble de leurs demandes,

* lui donner acte de ce qu'elle fait siennes les conclusions de la société 2P2L,

* condamner in solidum Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie au paiement d'une somme de 15 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;

Sur ce, LA COUR

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie exposent avoir créé un nouveau concept d'émission de télévision, Crise en Direct, déposé à la SCAD le 16 février 2000, enregistré sous le n° 117383, et avoir renouvelé ce dépôt le 13 janvier 2005,

* ayant présenté ce projet d'émission à des confrères et, à l'automne 2003, à des sociétés de production ainsi qu'à des sociétés de diffusion, puis, en mai 2004 à la société Canal + par l'intermédiaire de la société de production La société du spectacle, susceptible de réaliser une coproduction avec la société Saranga Production créée quelques mois plus tôt par Karen Saranga-Drai qui en est la gérante,

* au cours d'un rendez-vous qui aurait eu lieu le 1er juillet 2004 dans les locaux de la société Canal +, un document de présentation portant mention du dépôt SCAD aurait été remis, ainsi que des conducteurs et un devis prévisionnel,

* le 15 février 2005, la société Canal + a, en première partie de soirée, diffusé une nouvelle émission politique présentée par Ruth Elkrief qui en était mentionnée comme le co-auteur avec Jérôme Caza, émission intitulée C'est déjà demain et produite par la société 2P2L,

* estimant que cette émission constituait une reprise quasi-servile du projet d'émission Crise en Direct, Karen Saranga-Drai, Guillaume Malaurie et la société Saranga Production ont, sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, engagé la présente procédure à l'encontre de Ruth Elkrief, Jérôme Cazaumayou ainsi que des sociétés Canal + et 2P2L;

Sur la procédure :

Considérant que la société Saranga Production critique, à bon droit, le jugement déféré en ce que le tribunal l'a déclaré, faute d'intérêt à agir, irrecevable en ses demandes;

Qu'en effet, il résulte des pièces versées aux débats que la société Saranga Production a été créée dans le but de produire ou de co-produire le projet d'émission Crise en Direct; que, en outre, il convient de relever que sur les projets remis et les devis adressés, notamment aux différents diffuseurs, au nombre desquels la société Canal +, figure expressément la société Saranga Production ; que, au surplus, la même mention de la société est portée sur les mails produits aux débats; qu'enfin le document présentant le concept de l'émission Crise en Direct et le conducteur relatif à La panne d'électricité font référence, en page de couverture, à la société Saranga Production;

Qu'il s'ensuit que cette société présente manifestement un intérêt à agir, au sens du texte précité, dès lors qu'elle prétend avoir subi un préjudice imputable, selon elle, aux sociétés 2P2L, Canal + ainsi qu'à Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou;

Que dès lors le moyen invoqué par les sociétés 2P2L, Canal + ainsi que par Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou, au soutien de leur fin de non-recevoir, selon lequel la société Saranga Production ne justifierait d'aucun investissement est donc, même à supposer qu'il soit démontré, inopérant au regard de l'intérêt à agir de cette société, tel qu'il a été précédemment retenu;

Que le jugement déféré sera donc infirmé et la société Saranga Production déclarée recevable en son action à l'encontre des sociétés 2P2L, Canal +, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou;

Sur la concurrence déloyale et les agissements parasitaires :

Considérant que, à titre liminaire, il convient de relever que, n'invoquant au soutien de leurs prétentions aucun droit de propriété intellectuelle, Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie agissent, ainsi que la société Saranga Production, sur le seul fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil;

¤ Sur la concurrence déloyale:

Considérant que, en droit, le principe de la liberté du commerce implique qu'une prestation qui ne fait pas ou ne fait plus l'objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduite, sous certaines conditions notamment de respecter les usages loyaux du commerce;

Considérant que, outre la circonstance de l'existence d'une situation de concurrence qui, s'agissant en l'espèce d'émissions télévisuelles est manifeste, pour accueillir une action en concurrence déloyale, la notion d'absence de valeur économique substantielle, à laquelle font référence les appelants, est indifférente, à la différence de l'action en parasitisme, dès lors qu'une telle action suppose seulement que soit établie l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice;

Considérant qu'il appartient donc à la cour de rechercher si les appelants en produisant et en diffusant l'émission 2020 C'est déjà demain, le 15 février 2005, ont eu un comportement déloyal, caractérisant une faute, à l'encontre de Karen Saranga-Drai, Guillaume Malaurie et de la société Saranga Production, leur ayant causé un préjudice;

Considérant que, telle que diffusée, l'émission 2020 C'est déjà demain, après visionnage, se présente, selon les appelants, sous la forme d'une structure composée des quatre principales parties:

* dans la première partie, l'invité politique découvre en plateau, assis seul face à un écran de cinéma, le début de la fiction consacrée au thème de l'émission,

* dans la deuxième partie, l'invité politique est rejoint par un adversaire politique pour débattre des solutions à apporter afin d'éviter la situation montrée dans la fiction,

* dans la troisième partie, des représentants de la société civile confrontent les solutions proposées par l'invité politique à leurs expériences personnelles,

* dans la quatrième partie, diffusion de l'épilogue de la fiction;

Que l'émission avait donc, de par son format, pour finalité de permettre à l'invité politique de formuler des propositions qui pouvaient être critiquées par un opposant politique ou contestées par des experts et des membres de la société civile, de nature à éviter ou en tout cas à anticiper des situations de crise;

Considérant que, en revanche, le projet de l'émission Crise en Direct met en avant un concept différent, aussi bien dans sa première mouture déposée à la SCAD le 16 février 2000, que dans sa seconde, revendiquée comme étant du mois de juillet 2004, à savoir juger les comportements de responsables politiques confrontés à une situation de crise présentée comme se déroulant en direct à l'instant même de la diffusion de l'émission d'où la forme proposée, celle d'un journal télévisé très rythmé simulant le traitement de l'information tel que réalisé en période de crise aigüe avec l'intervention, selon un mode séquencé, de correspondants extérieurs alternant avec la participation de personnes en plateau;

Que, d'ailleurs, Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie reconnaissent dans leurs dernières écritures (p. 44)

Objectif poursuivi :

- Crise en Direct tend à placer les hommes politiques face à leurs responsabilités.

- C'est déjà demain tend à confronter les responsables politiques aux grands enjeux des dix à quinze ans à venir;

Et considérant que si tant le projet Crise en Direct que l'émission 2020 C'est déjà demain ont en commun de se présenter comme des émissions politiques, traitant avec, ainsi que précédemment retenu, des finalités différentes, de crises ou catastrophes présentes ou à venir, force est de constater que ce projet ou cette émission s'inscrivent dans un courant plus général d'émissions télévisées qui entendent répondre aux interrogations, voire aux angoisses contemporaines ; qu'il en est ainsi, outre les émissions diffusées, notamment en Grande-Bretagne, sur la chaîne BBC, en mai 2003, The Day Britain Stopped (Le jour où la Grande-Bretagne s'est arrêtée), en mars/avril 2004, de la série hebdomadaire de docu-fiction "If" et du jeu "Crisis Command", ces deux programmes étant présentés respectivement comme des docu-fiction et jeu-série-réalité qui mettent en scène des catastrophes, d'hier, des événements politiques graves à la manière des rédactions d'information, étant observé que, d'un point de vue conceptuel, le projet Crise en Direct est proche de ces dernières émissions ; que, de même, l'émission 23 décembre, Le jour où la France s'est arrêtée, diffusée le 27 avril 2005 par M6, ou encore celle dénommée 2025, Le Futur en France, diffusée par France 2 le 7 juin 2005, participent du même genre;

Qu'il suit de là que, d'une part, le concept invoqué par les intimés s'inscrivant dans l'air du temps et que, d'autre part, en tout état de cause, l'émission diffusée par la société Canal + se distinguant du projet Crise en Direct, aucun comportement déloyal ne peut être imputé aux appelants de nature à caractériser une faute constitutive de concurrence déloyale;

* Sur les agissements parasitaires :

Considérant que le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements;

Considérant que, en premier lieu, il convient de relever que la société Saranga Production ne produit aux débats aucune pièce probante susceptible de corroborer ses prétentions quant à la nature et à l'importance des investissements qu'elle allègue de sorte que son action en concurrence parasitaire n'est pas fondée;

Considérant, en second lieu, que la valeur économique dont se prévalent Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie ne peut s'entendre que de leur travail intellectuel en relation non pas au projet d'émission déposé au SCAD, le 16 février 2000, mais à leur projet du 1er juillet 2004 qui, ainsi que la cour a pu l'apprécier en les comparant, en diffère très largement ; que, au surplus, Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie ne sauraient se prévaloir de l'acquisition d'une certaine renommée attachée à leur concept d'émission, dès l'année 2000, auprès de diffuseurs dans la mesure où ils font référence à leur premier projet;

Que, en tout état de cause, il résulte, notamment, de l'attestation de Sabrina Faetanini que, dès le mois d'avril 2004, les appelants ont, suivant le souhait formulé par la société Canal +, participé à l'élaboration du concept de l'émission qui sera diffusée sous le titre 2020 C'est déjà demain et qu'un premier document de travail a été présenté à cette société le 22 juin 2004, puis complété le 30 juin 2004, date de la réunion interne de 2P2L préparant le rendez-vous du 1er juillet 2004 de Ruth Elkrief avec un représentant de la société Canal +, de sorte que les appelants n'étaient pas à même de s'inspirer du concept d'émission que Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie ont adressé, le 1er juillet 2004, à la société Canal +;

Que les attestations versées aux débats par Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie sont, peu important leur crédibilité notamment au regard des conflits ayant pu exister entre tel ou tel auteur d'attestation et la société Canal +, inopérantes dès lors que rédigées en termes généraux, elles ne font aucune référence précise au contenu du ou des projets auxquels elles font référence;

Et considérant qu'il se déduit également de la chronologie précitée que la société Canal + n'a pu violer une quelconque clause de confidentialité dont il n'est, au demeurant, pas rapporté la preuve de l'existence;

Qu'il s'ensuit que, contrairement, à l'appréciation du tribunal, aucune faute, au sens de l'article 1382 du Code civil, ne saurait être imputée aux sociétés Canal +, Pourquoi pas la lune, à Ruth Elkrief et à Jérôme Cazaumayou, tant au titre de la concurrence déloyale que des agissements parasitaires, de sorte que le jugement déféré sera infirmé et Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Pourquoi pas la lune, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou et de la société Canal +:

Considérant que Ruth Elkrief fait griefs à Karen Saranga-Drai et à Guillaume Malaurie, d'une part, d'avoir pris l'initiative d'exposer le présent litige à des personnalités du monde de l'audiovisuel afin d'obtenir des attestations accréditant leurs prétentions et, d'autre part, d'avoir découvert, le lendemain de l'audience de première instance, que la presse faisait état de l'affaire de manière, selon elle, spécieuse;

Considérant que pour justifier des griefs ainsi articulés, Ruth Elkrief produit aux débats une capture d'écran de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur, organe de presse auquel appartient Guillaume Malaurie, et au sein duquel il occupe actuellement des fonctions de direction, de laquelle il résulte que ce dernier accuse dans un article, illustré d'une photographie de Ruth Elkrief, la société Canal + de plagiat, de sorte que dans l'esprit d'un lecteur non averti, Ruth Elkrief, du fait de cet amalgame, apparaît comme étant, à l'instar de cette société, à l'initiative d'un plagiat;

Qu'un tel comportement, imputable au seul Guillaume Malaurie, revêt un caractère fautif, dès lors que, au jour de la publication de cet article, aucune décision de justice n'était encore intervenue, et a causé un préjudice personnel et professionnel à Ruth Elkrief;

Considérant, en revanche, que le grief allégué de pratiques déloyales en vue d'obtenir des attestations dans le cadre de la présente procédure a été, outre le fait qu'il n'est corroboré par aucun document, justement écarté, par une motivation pertinente que la cour adopte, par les premiers juges;

Qu'il s'ensuit que si le jugement mérite confirmation en ce qu'il a débouté Ruth Elkrief de ses demandes à l'encontre de Karen Saranga-Drai, il convient de condamner Guillaume Malaurie, pour le seul grief retenu, à verser à Ruth Elkrief une somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice subi par Ruth Elkrief;

Considérant que la société 2P2L et Jérôme Cazaumayou formulent, à l'égard de Karen Saranga-Drai et de Guillaume Malaurie, de semblables griefs;

Mais considérant que, à la différence de Ruth Elkrief, ceux-ci ne produisent aucun document de nature à corroborer leurs assertions ou à justifier d'un quelconque effet d'amalgame, à leur égard, avec les imputations formulées à l'encontre de la société Canal +;

Que, pour le surplus et ainsi qu'il l'a été précédemment retenu, les premiers juges ont, par une exacte motivation que la cour adopte, justement rejeté leurs prétentions;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de donner acte à la société Pourquoi pas la lune, Ruth Elkrief et Jérôme Cazaumayou de ce qu'ils entendent se réserver la faculté de diligenter toute action utile à l'encontre des demandeurs de première instance au titre, selon eux, de leur indiscutable préjudice économique subi du fait de l'interdiction de l'exploitation de l'émission 2020 C'est déjà demain, dès lors qu'ils disposent d'un libre droit d'intenter, sous leur seul responsabilité, toute action judiciaire qu'ils estimeraient opportune;

Sur les autres demandes:

Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie ne sauraient bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que, en revanche, l'équité commande de les condamner in solidum, sur le même fondement, à verser aux société 2P2L et Canal +, à Ruth Elkrief et à Jérôme Cazaumayou, chacun, une indemnité de 2 500 euro;

Par ces motifs, Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie de leurs demandes d'indemnisation au titre d'un préjudice moral, débouté la société Pourquoi pas la lune et Jérôme Cazaumayou de leurs demandes reconventionnelles à l'encontre de Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie et Ruth Elkrief à l'encontre de Karen Saranga-Drai, Et, statuant à nouveau, Déclare la société Saranga Production recevable à agir, Rejette l'ensemble des demandes de Karen Saranga-Drai et de Guillaume Malaurie, Condamne Guillaume Malaurie à payer à Ruth Elkrief une indemnité de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice, Rejette toutes autres demandes, Condamne in solidum Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie à verser aux sociétés la société Canal +, la société Pourquoi pas la lune, à Ruth Elkrief et à Jérôme Cazaumayou, chacun, une indemnité de 2 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne in solidum Karen Saranga-Drai et Guillaume Malaurie aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.