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Décisions

CA Lyon, ch. soc., 9 janvier 2006, n° 05-05841

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Virard

Défendeur :

Orapi Europe (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fouquet

Conseillers :

Mmes Durand, Morin

Avocats :

Mes Lambert-Vernay, Chauplannaz, Chabry, Becquet

Cons. prud'h. Lyon, du 20 févr. 2003

20 février 2003

Exposé du litige

Stéphane Virard a été engagé à compter du 6/11/1995 par la société Orapi Europe en qualité de technico-commercial. Sa rémunération était composée d'une partie fixe s'élevant à 8 000 F par mois et d'une partie variable, à partir d'un chiffre d'affaires mensuel de 80 000 F, égale à 10 % de la marge brute pour un chiffre d'affaires entre 40 000 F et 140 000 F, et à 20 % de la marge brute, au-delà de 140 000 F (avenant du 10/4/1998). Au dernier état de sa collaboration, sa rémunération moyenne sur une année s'est élevée à 4 728,39 euro.

Stéphane Virard a démissionné le 21/3/2001 et a été engagé par un nouvel employeur à compter du 30/4/2001. Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 17/12/2001, qui a refusé de lui reconnaître le statut de VRP, de requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a débouté de toutes ses demandes, dont celle au titre de la clause de non-concurrence, le condamnant même à verser à la société Orapi Europe la somme de 500 euro en application de l'article 700 du NCPC. Il a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions écrites, reprenant ses observations orales, visées par le greffe le 14/11/2005, Stéphane Virard demande à la cour d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes, de dire que sa démission n'était pas libre et non équivoque, de requalifier son contrat de travail en contrat de VRP et de condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes:

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 44 582,63 euro,

- commissions de retour sur échantillonnage : 13 774,79 euro, outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- indemnité de clientèle : 77 728 euro; subsidiairement, indemnité conventionnelle de licenciement 2 127,73 euro,

- remboursement de frais professionnels : 16 235,82 euro,

- au titre de la clause de non-concurrence : 75 654,24 euro, subsidiairement 22 696,28 euro ou 6619,74 euro,

- article 700 du NCPC : 2 000 euro.

Dans ses écritures venant au soutien de ses observations orales, visées par le greffe le 14/11/2005, la société Orapi Europe sollicite la confirmation du jugement et réclame une somme complémentaire de 2 000 euro en application de l'article 700 du NCPC.

Discussion

Sur la revendication du statut de VRP:

Il résulte de la description contractuelle des fonctions et de l'exercice effectif de celles-ci que Stéphane Virard était chargé de façon exclusive et constante, sans faire aucune opération pour son compte personnel, de vendre pour le compte de la société Orapi Europe les gammes de produits dont elle assure la commercialisation, de prendre les commandes auprès de la clientèle industrielle et des revendeurs situés sur le secteur territorial qui lui était attribué, constitué de 4 départements.

La zone initiale de prospection, même si l'employeur s'en était réservé la possibilité, n'a pas été modifiée, mais a été seulement l'objet d'une extension à deux autres départements.

Le fait que les commandes prises devaient l'être, sous réserve d'acceptation de la société Orapi Europe, est sans incidence sur la nature du travail de prospection assuré par le salarié.

Enfin, les obligations qui lui étaient imposées de respecter la politique commerciale de la société, d'utiliser ses argumentaires, de diffuser sa documentation, de suivre les instructions relatives à l'organisation de son travail, de remettre des rapports d'activité et d'établir le planning de ses tournées.., ne sont que la manifestation du rapport de subordination dans le cadre duquel il exerçait ses fonctions.

Le contrat de travail répondant à toutes les exigences des dispositions des articles L. 751-1 à L. 751-3 du Code du travail, l'appel est fondé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

Même en présence d'une lettre de démission rédigée d'une manière claire et non équivoque, le juge doit rechercher si les manquements de l'employeur invoqués devant lui ont pu contraindre le salarié à donner sa démission.

Stéphane Virard ne peut faire grief à la société Orapi Europe d'avoir fait en sorte qu'il ne bénéficie pas du statut de VRP, alors qu'il a accepté de conclure avec son nouvel employeur un contrat de travail identique.

Il invoque des conditions de travail détestables, qu'il qualifie même de harcèlement. Il verse aux débats les attestations de deux personnes ayant aussi quitté la société Orapi Europe, qui se plaignent surtout de la pression constante exercée sur eux au niveau de leurs résultats. Le contrôle exercé par un employeur sur sa force de vente, en exigeant de celle-ci des résultats performants ne peut être considéré comme fautif, sauf s'il donne lieu à des agissements excédant ce qui est normalement admissible, Stéphane Virard ne justifie pas avoir subi personnellement de tels agissements. Les comptes-rendus de son évaluation annuelle versés aux débats sont pondérés et ne contiennent aucun terme qui puisse être critiqué. Ce grief n'est donc pas sérieux.

Il reproche enfin à la société Orapi Europe de ne l'avoir jamais indemnisé correctement de ses frais professionnels. S'agissant des frais d'aménagement dans son domicile personnel d'un bureau, il ne justifie ni avoir engagé de tels frais, ni avoir sollicité vainement le remboursement de ceux-ci. S'agissant des frais de téléphone, Stéphane Virard ne s'est jamais plaint au cours des relations de travail de l'insuffisance du forfait téléphonique qui lui était alloué. La seule production des factures qu'il a réglées ne permet pas à la cour de vérifier que les communications excédant le forfait étaient liées à son activité professionnelle. Ce grief n'est donc pas plus sérieux que les précédents.

La preuve des manquements de l'employeur ne peut enfin résulter du seul fait que le salarié a préféré travailler pour un autre employeur malgré une rémunération moindre.

C'est par conséquent à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes en requalification de la démission, et en paiement des indemnités réclamées au titre de la rupture du contrat de travail.

Pour les motifs ci-dessus énoncés, la demande en remboursement des frais professionnels ne peut non plus prospérer.

En revanche, Stéphane Virard est fondé à réclamer le versement d'une commission de retour sur échantillonnage. L'employeur, qui détient les informations utiles, s'est abstenu d'indiquer le montant du chiffre d'affaires résultant du travail de prospection effectué par le salarié avant son départ de l'entreprise et pour lequel il n'a pas été rémunéré. Dans ces conditions, la cour estime devoir allouer à Stéphane Virard la somme de 4 728,39 euro, outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Sur la clause de non-concurrence:

Le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence, valable deux ans, limitée territorialement au secteur de prospection attribué au salarié. Cette clause était dépourvue de contrepartie financière. Mais postérieurement à la démission de Stéphane Virard, l'employeur a proposé de faire application de cette clause jusqu'au 31/12/2001 moyennant une rémunération correspondant à 1/5eme du salaire moyen calculé sur les 4 derniers mois de travail. Stéphane Virard ayant accepté, l'accord doit s'appliquer.

La société Orapi Europe a suspendu le paiement de cette contrepartie financière au motif que le salarié ne respectait pas son engagement de non-concurrence. S'il est exact que celui-ci est allé travailler pour une entreprise concurrente, il est établi par le nouveau contrat de travail versé aux débats que le secteur de prospection est différent. La société Orapi Europe est donc tenue de lui verser la totalité de la contrepartie financière promise, soit la somme de 6 619,74 euro.

Chacune des parties succombant dans ses prétentions, les demandes en application de l'article 700 du NCPC seront rejetées.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme partiellement le jugement critiqué, Statuant à nouveau, Dit que le statut de VRP est applicable, Condamne la société Orapi Europe à verser à Stéphane Virard la somme de 4 728,39 euro au titre des commissions sur échantillonnage et celle de 6 619,74 euro au titre de la clause de non-concurrence, Rejette les demandes de Stéphane Virard et de la société Orapi Europe en application de l'article 700 du NCPC tant en première instance qu'en appel, Confirme le jugement dans ses autres dispositions, Condamne la société Orapi Europe aux dépens de première instance et d'appel.