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Décisions

CA Rennes, 7e ch., 18 mai 2005, n° 04-01691

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laurent

Conseillers :

M. Garrec, Mme Lafay

Avoués :

SCP Bazille-Genicon, SCP Gauvain & Demidoff

Avocats :

SCP Couetoux du Tertre & Rault, Me Tallendier

TGI Saint-Brieuc, du 12 mars 2004

12 mars 2004

Le 2 janvier 1998, Mme X a contracté auprès du Crédit Mutuel de Bretagne un prêt immobilier qui était assuré dans le cadre d'une assurance groupe auprès de la SA Y.

Le 8 octobre 1998 elle a été victime d'un grave accident cérébral avec syndrome méningé. Elle a été hospitalisée et mise en arrêt de travail.

A l'expiration du délai de franchise de 3 mois, les mensualités du prêt ont été prise en charge par la société Y.

Le 28 décembre 1999, Mme X a passé une visite médicale de contrôle sur demande de Y, effectuée par le Docteur Veron.

Elle a subi un second examen le 3 avril 2001.

Par lettre du 20 avril 2001, la compagnie d'assurance informait l'organisme prêteur de ce qu'elle cessait de rembourser les mensualités.

Le Crédit Mutuel de Bretagne avisait Mme X, qui s'étonnait de cette absence de prise en charge sur ses relevés bancaires, de la décision de la compagnie d'assurance.

Par lettre du 23 avril 2001, Mme X demandait que le rapport du Docteur Veron soit transmis à son médecin traitant.

Le 28 mai 2005, elle renouvelait cette demande auprès du Crédit Mutuel tout en sollicitant l'organisation d'une contre-expertise.

Elle joignait à ce courrier les conclusions d'un examen médical du Docteur Faidherbe, psychiatre, daté du 14 mars 2000.

Le 14 juin 2001, la société Y maintenait son refus de prise en charge.

Le 18 juin 2001, Mme X contestait que le Docteur Lengendre n'avait pas reçu le certificat du Docteur Veron et qu'elle souhaitait passer devant un médecin psychiatre pour expertise, dans les meilleurs délais.

Le 3 août 2001, Mme X a contesté les conclusions du Docteur Veron et le refus de prise en charge et sollicitait la transmission à son médecin traitant du premier rapport établi le 28 décembre 1999.

Par acte du 8 octobre 2001, Mme X a assigné la compagnie Y pour demander le remboursement des mensualités qu'elle a payées à partir du 3 avril 2001 et la reprise du paiement à compter de la décision à intervenir.

Par jugement du 12 mars 2004 le Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a condamné la SA Y à payer à Mme X la somme de 10 320,63 euro représentant les mensualités du 3 avril 2001 au 16 juillet 2002 avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2001 outre celle de 1 220 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Y a relevé appel de cette décision.

Elle fait valoir:

- que la clause prévoyant un examen médical à. la demande de la Compagnie d'assurance n'est pas abusive, le rapport du médecin ayant été transmis à sa demande à Mme X et l'absence de motif du refus de prise en charge étant justifié par le respect du secret médical.

- que la clause n'a pas pour objet la mise en place d'une expertise médicale mais prévoit simplement la possibilité d'un contrôle médical assimilable à une demande de renseignement ou de documents complémentaires.

- que Mme X avait une parfaite connaissance de ses droits.

- qu'elle a fait preuve d'une bonne foi dans l'exécution du contrat.

- que le refus de prise en charge est justifié compte tenu de la clause d'exclusion pour éthylisme prévue au contrat.

- qu'à titre subsidiaire, il y a lieu d'ordonner une expertise médicale.

Madame X conclut à la confirmation de la décision sur la prise en charge des mensualités et formant appel-incident, sollicite le versement de la somme de 7 622,45 euro pour résistance abusive.

Elle demande en outre paiement de la somme de 10 000 euro pour appel abusif.

Elle soutient

- que doit être réputé non écrit l'article 15 des conditions générales du contrat d'assurance qui crée un déséquilibre entre les droits des parties et qui est abusif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

- que la Cie d'assurance n'a pas exécuté de bonne foi le contrat en profitant de son état de faiblesse pour lui opposer un refus de prise en charge sans expliciter le sens de sa décision.

La cour se réfère aux conclusions déposées le 24 février 2005 par la Cie Y et le 28 février 2005 par Mme X pour plus ample exposé des prétentions , moyens et arguments des parties.

Motifs de la décision

Considérant qu'aux termes de l'article 15 des conditions générales du contrat : "L'assureur se réservera le droit de demander tous renseignements et tous documents complémentaires et de faire vérifier à toute époque l'état d'incapacité de travail ou d'invalidité et de chômage";

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a réputé non écrite cette clause comme constitutive d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code des assurances et a en conséquence déclaré sans portée les conclusions du rapport du Docteur Veron en relevant que la Compagnie n'avait pas avisé l'assurée de sa faculté de se faire assister d'un médecin de son choix;

Qu'il sera précisé que la société Y n'a pas plus informé son assuré de la possibilité de se faire communiquer le rapport du médecin;

Que sans trahir le secret médical la compagnie d'assurance pouvait instruire Mme X du fait que son refus d'assurer était motivé par les conclusions du Docteur Veron qui permettaient de constater l'existence d'une clause d'exclusion;

Que malgré les demandes formulées par deux fois par Mme X, la Compagnie Y n'a pas organisé une mesure d'expertise contradictoire amiable;

Considérant que la clause litigieuse est abusive en ce qu'elle permet à la Compagnie d'assurance de suspendre unilatéralement sa garantie au seul vu des conclusions d'un médecin mandaté par elle sans que l'assuré ait été à même de présenter ses observations;

Considérant que les intérêts seront dus à compter du 8 octobre 2001 pour les termes échus jusqu'à cette date puis à compter de chaque échéance;

Considérant que l'assureur, qui ne pouvait interrompre le versement des prestations sans rapporter la preuve de l'événement justifiant cette interruption, et qui savait que Mme X contestait les conclusions du Docteur Veron puisqu'elle lui avait demandé l'organisation d'une expertise, a commis une faute qui a causé un préjudice à l'intimée et qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euro;

Considérant que la SA Y, qui ne pouvait ignorer qu'elle devait faire face à ses obligations contractuelles, a formé une voie de recours à seule fin de ne pas reprendre les paiements dus ;

Que cet appel abusif a causé un préjudice à Mme X justifiant l'allocation d'une somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que l'équité commande d'accorder à l'intimée la somme de 1 000 euro pour ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, confirme la décision déférée sauf sur les dommages et intérêts et sur les intérêts. - L'infirmant partiellement et statuant sur ces chefs : - Dit que les sommes dues portant intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2001 pour celles échues à cette date puis à compter de chaque échéance. - Condamne la SA Y à payer à Mme X la somme de deux mille euro (2 000 euro) pour résidence abusive. Y ajoutant, - Condamne la SA Y à payer à Mme X la somme de trois mille euro (3 000 euro) pour appel abusif. - Condamne la SA Y à payer à Mme X la somme de mille euro (1 000 euro) pour ses frais irrépétibles d'appel. - Condamne la SA Y aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civiles.