CA Colmar, 1re ch. civ. A, 26 septembre 2006, n° 05-06013
COLMAR
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. HOffbeck
Conseillers :
MM. Cuenot, Allard
Avocats :
Mes Frick, Rosenblien, Vilar, Florentin
Selon contrat en date du 23 février 2001, la société X a donné en location à la société Z une fontaine à eau et une machine à café " expresso " fournies par la société Y, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 1 200 F HT. Selon contrat en date du 26 avril 2001, la société X a donné en location à la société Z une seconde machine " expresso " se substituant à la première, également fournie par la société Y, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 600 F HT.
Selon assignation délivrée le 24 avril 2003, la société X a attrait la locataire devant le Tribunal de grande instance de Saverne pour obtenir le paiement de divers loyers échus et de l'indemnité de résiliation ainsi que la restitution du matériel.
La société Z s'est opposée à cette demande en faisant valoir que la société X, qui venait aux droits de la société Y, était débitrice d'une obligation d'entretien et que, la demanderesse ne l'ayant pas exécutée, la suspension du paiement des loyers était justifiée.
Par jugement du 2 novembre 2004, la juridiction saisie a:
- constaté la résiliation des contrats de location signés les 23 février 2001 et 5 mai 2001 aux torts de la société Z.
- condamné la société Z à payer à la société X une somme de 7 919,43 euro augmentée des intérêts légaux à compter du 24 avril 2003,
- condamné la société Z à restituer à la société X le matériel, objet de la location (machine à café et fontaine à eau, sous astreinte de 75 euro par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société Z au paiement d'une indemnité de 600 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société Z aux dépens.
Les premiers juges ont principalement retenu:
- que la locataire ne rapportait pas la preuve de l'interdépendance entre les contrats de location et le contrat de prestation de service ; que l'indépendance des contrats avait d'ailleurs été reconnue par les conditions générales de la location;
- que la défaillance de la société Y ne dispensait pas la société Z de régler les loyers dus jusqu'à l'échéance des contrats litigieux;
- que la société Z était seule responsable de la résiliation des contrats,
Par déclaration reçue le 2 mai 2005, la société Z a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions déposées le 23 février 2006, la société Z demande à la cour de:
- déclarer la société Z recevable en son appel;
- réformer le jugement entrepris;
- prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société X
- débouter la société X de ses prétentions;
- condamner la société X aux dépens des procédures de première instance et d'appel:
- condamner la société X au paiement d'une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamner la société X à lui payer une somme de 3 000 à titre de dommages et intérêts.
Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance:
- que le contrat de location ayant été cédé par la société Y à la société X, cette dernière vient aux droits et obligations du fournisseur et se trouve dès lors débitrice de l'obligation d'entretien;
- que la société X ne peut se délier d'une obligation essentielle du contrat de location;
- que la suspension des loyers n'a pas été motivée par un litige avec le fournisseur, qui a rempli son obligation de délivrance, mais par un litige avec le loueur qui a manqué à son obligation d'entretien ; que la société X n'est pas fondée à se retrancher derrière l'article 5 des conditions générales et l'article 6 n'est pas davantage opérant;
- qu'il existe une indivisibilité entre les contrats de location et de prestations, l'entretien et les fournitures étant des obligations annexes à la location du matériel que ces deux contrats forment en réalité un contrat unique;
- que les articles 6 et 7 des contrats de location, qui consacrent l'indépendance des contrats de location et de prestations, doivent être déclarés nuls en vertu du Code de la consommation comme étant abusives et contraires à l'économie contractuelle.
Selon conclusions remises le 24 janvier 2006, la société X rétorque:
- que la société Z a signé deux contrats de location avec la société Y qui ont été cédés à la concluante;
- que la société Z a signé deux contrats avec la société Y relatifs à la fourniture de prestations et à l'entretien du matériel, qui n'ont pas été cédés à la concluante;
- que les contrats de location et de prestations sont indépendants les uns des autres;
- que la société X n'est pas tenue à une obligation d'entretien;
- qu'en application des stipulations contractuelles, que la locataire tente vainement de remettre en cause en invoquant le Code de la consommation, la société Z n'est pas fondée à se retrancher derrière la défaillance du prestataire de services pour suspendre le paiement des loyers.
En conséquence, elle prie la cour de:
- débouter la société Z de son appel;
- condamner la société Z. à lui payer :
la somme totale de 7 919,43 euro, outre intérêts de droit à compter de l'assignations
la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamner la société Z à lui restituer les matériels loués, sous une astreinte de 155 euro par jour de retard qui commencera à courir 3 jours après la signification de la décision à intervenir;
- condamner la société Z aux dépens.
L'ordonnance de cl6ture est intervenue le 12 avril 2006.
Sur ce, LA COUR,
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formes légales, sera déclaré recevable;
Attendu que la société Z, qui motive la suspension du paiement des loyers par la défaillance de la société Y dans l'approvisionnement et l'entretien du matériel et qui affirme dans ses écritures avoir " apporté la preuve de l'indivisibilité des contrats de prestations de services et de location de matériel ", admet au moins implicitement avoir conclu avec la société Y des contrats d'entretien et de fournitures de consommables ;
Attendu qu'il résulte de la distinction opérée par tes plans de remboursement adressés par la société X à la locataire entre le loyer proprement dit et le prix des prestations de services que la société X a, conformément à l'article 8 des conditions générales des locations, encaissé pour le compte du fournisseur la rémunération de ses prestations de maintenance ; que cette distinction confirme la conclusion de tels contrats entre les sociétés Z et Y même si ceux-ci ne sont pas communiqués;
Attendu que l'article 5 des conditions générales auxquelles sont soumises les deux locations disposes notamment : "L'attention du locataire a par ailleurs été attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction du loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur."
Que l'article 7 des mêmes conditions générales prévoit que "par dérogation de l'article 1721 du Code civil, le locataire prend l'engagement de maintenir le matériel en parfait état de fonctionnement, d'entretien et de conformité aux règlements";
Attendu qu'aucune de ces clauses n'a pour effet de créer, au détriment de la société Z un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et n'est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans la mesure où le prestataire de services n'est pas imposé par l'organisme financier mais est choisi par la locataire, où les dispositions légales relatives à l'entretien de la chose louée ont un caractère supplétif et où, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, le bailleur a transmis au locataire la totalité des recours qu'il tient du contrat de vente (article 6);
Attendu que l'obligation d'entretenir les appareils loués pesant sur la société Z celle-ci n'est pas fondée à se plaindre d'un manquement de la bailleresse à cette obligation;
Attendu que des dispositions contractuelles dénuées de toute ambiguïté affirment l'indépendance des contrats de location et de prestations; qu'au demeurant, il n'est pas démontré que les prestations fournies par la société Y auraient été d'une complexité telle que celle-ci aurait été la seule à être en mesure de les assumer; qu'au contraire, la cour observe que la société X a, selon courrier recommandé daté du 11 juillet 2002 (annexe n° 13), suggéré à sa cliente de prendre attache avec la société 2AD pour la reprise des services assurés par le fournisseur défaillant; qu'aucune interdépendance des divers contrats n'est caractérisée;
Attendu qu'il résulte de ces considérations que la société Z n'était pas autorisée à suspendre le paiement des loyers à compter du mois de juin 2002 au motif que l'entretien et l'approvisionnement n'étaient plus assurés;
Attendu que l'article 9 des conditions générales prévoit une résiliation de plein droit, notamment en cas de défaut de paiement du loyer par le locataire, huit jours après une mise en demeure restée sans effet; que la société X a mis en demeure sa cliente de régler les arriérés, en lui rappelant le risque encouru (courriers recommandés en date du 6 février 2003, retirés le 10 février 2003); que les premiers juges ont constaté à bon droit la résiliation des deux contrats de location aux torts de la locataire;
Attendu qu'aux termes de l'article 9 des conditions générales, la société X peut prétendre au versement d'une "somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majoré d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat tel que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 %";
Attendu que la société X n'a mis en compte que les fractions correspondant aux seules locations (450 F HT et 825 F HT), à l'exclusion du coût des prestations de service; que son décompte, au demeurant non discuté, sera entériné;
Attendu qu'il n'est pas nécessaire de réévaluer l'astreinte prononcée par les premiers juges;
Attendu que la société Z succombant en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel ; que les circonstances de la cause ne conduisent pas à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'intimée;
Par ces motifs, LA COUR, Déclare la société Z recevable en son appel; Le rejetant quant au fond, confirme le jugement entrepris; Déboute la société X de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Z aux dépens.