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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 29 mai 2007, n° 2007-07220

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Laboratoire Glaxosmithkline France (SAS)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Président du Conseil de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard (faisant fonction)

Avoué :

Me Teytaud

Avocats :

Mes Henin, Freget

CA Paris n° 2007-07220

29 mai 2007

Saisi par la société Favelab le 21 juillet 2000 puis s'étant saisi d'office le 9 décembre 2003 des pratiques mises en œuvre par la société le Laboratoire GlaxoSmithKline (ci-après la société GSK) sur le marché de certaines spécialités pharmaceutiques destinées aux hôpitaux et aux cliniques privées, le Conseil de la concurrence a, par une décision n° 07-D-09 du 14 mars 2007, retenu que cette société avait commis un abus de position dominante sur le marché de l'aciclovir injectable en pratiquant en 1999 et 2000 des prix prédateurs sur le marché des céphalosporines de 2e génération injectable, dont les effets avaient été renforcés par des pratiques de remises de couplage anticoncurrentielles entre les médicaments Zavirax injectable (aciclovir injectable) et Zinnat injectable, lui a infligé en conséquence une sanction pécuniaire de 10 000 000 euro et lui a enjoint de publier à ses frais un texte donné dans le quotidien "Les Echos", dans le journal "Gestions Hospitalières" et dans le journal "Décisions Santé-Le Pharmacien Hôpital".

Après avoir, le 20 avril 2007, formé un recours contre cette décision, la société GSK a, suivant assignations délivrées le 3 mai 2007, saisi la cour d'ume demande de sursis à exécution de cette sanction.

A l'audience du 14 mai 2007, la société GSK a développé son argumentation et a été mise en mesure de répliquer aux observations orales des représentants du Conseil de la concurrence et du ministre de l'Economie ainsi que de l'avocat général, tendant au rejet de la demande. Elle a également demandé, tant oralement que par lettre adressée le jour-même, qu'il soit donné acte de ses réserves quant à l'intervention à l'audience du rapporteur général du Conseil de la concurrence, selon elle de nature à contrarier les règles procédurales imposées par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Sur ce :

Attendu qu'au soutien de sa demande de sursis, la société GSK fait valoir tout d'abord que le Conseil de la concurrence a manifestement violé les règles de la prescription en procédant à un détournement de procédure en ce que, ayant omis de donner acte à la société saisissante de son désistement, intervenu le 14 mai 2003, il s'est saisi d'office des mêmes pratiques le 9 décembre 2003, puis a joint les deux procédures pour contourner le fait que la seconde saisine ne pouvait couvrir les faits antérieurs au 9 décembre 2000, qu'en tout état de cause, si le désistement de la société Flavelab n'était pas régulier comme la décision semble le retenir, l'omission de notification des actes de la procédure postérieurement au 14 mai 2003 constitue une violation du principe de la contradiction viciant la décision rendue ;

Qu'elle invoque ensuite une violation du principe d'impartialité prévu à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales en dénonçant ce qu'elle estime constituer un stratagème mis en œuvre par les services chargés de l'instruction sous l'influence de membres de l'autorité de jugement, ayant consisté à reporter la séance prévue initialement pour statuer sur les griefs notifiés au vu du rapport et de ses observations en défense, au prétexte d'élaborer une réponse aux dites observations, puis à rendre une décision de renvoi à l'instruction le 11 mai 2006, pour lui notifier finalement, le 23 mai 2006, un grief complémentaire ;

Qu'elle dénonce ensuite des violations des droits de la défense prises de ce que le Conseil de la concurrence s'est adjoint le concours de deux économistes, salariés respectivement de l'IRDES et de l'OCDE, sans les nommer conformément à l'article L. 463-8 du Code de commerce, de ce qu'ont été produites lors de la séance des pièces nouvelles ou tronquées, et de ce qu'elle a été sanctionnée sur la base d'une définition de l'abus de position dominante par prédation jamais appliquée précédemment, en violation du principe de la légalité des délits et des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale ;

Qu'elle fait valoir enfin les conséquences manifestement excessives attachées à la publication du communiqué visé dans la décision, qui donne à penser que, du seul fait qu'elle détient la première position sur le marché des spécialités pharmaceutiques vendues à l'hôpital, elle n'est pas autorisée à vendre en dessous de ses prix de transfert "intragroupe", quel que soit le produit, ce qui donnera une indication sur le niveau de concurrence qu'elle peut exercer, jettera le doute parmi les acheteurs hospitaliers sur la légalité des prix pratiqués par elle pour le passé et pour l'avenir et risquera, par la prise en compte de critères retenus par la décision afin d'asseoir la qualification de prix prédateurs - qu'elle entend contester devant la cour -, d'entraîner de profonds changements dans la politique commerciale et fiscale des groupes fiscalement intégrés ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 464-8 du Code de commerce, le recours n'est pas suspensif mais le premier président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu postérieurement à sa notification des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;

Attendu qu'il n'appartient pas au magistrat délégué par le premier président de contrôler la légalité de la décision, objet du recours dont la cour aura à connaître ; que cependant, lorsqu'une violation des règles de la procédure est invoquée, il doit s'assurer qu'en l'état des éléments dont il dispose, la décision n'est pas sérieusement menacée d'annulation de ce chef de sorte que son exécution dans ces conditions serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives prévues par l'article L. 464-8 précité ; qu'à ce stade précoce de la procédure, où le débat contradictoire est nécessairement enfermé dans des délais réduits, une telle appréciation suppose que la violation alléguée apparaisse manifeste, c'est-à-dire qu'elle résulte à l'évidence de la décision contestée et des pièces produites, toute autre contestation relevant de l'examen au fond qui ressortit à la cour d'appel ;

Attendu qu'en l'espèce, la société GSK développe une argumentation nourrie au soutien de ses multiples contestations de la légalité de la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence, taxée notamment de déloyauté et de partialité par suite du recours à des stratagèmes et détournement de procédure, excluant que les vices allégués - qui impliquent un examen au fond du dossier après que le débat contradictoire aura pu s'exercer pleinement - résultent à l'évidence de la décision contestée ou des pièces produites ; qu'il suit de là que ces griefs, qui, à ce stade de l'instruction, ne révèlent pas une violation manifeste des règles de la procédure, ne peuvent être retenus ;

Attendu qu'en ce qui concerne les conséquences manifestement excessives, les moyens articulés par la requérante, qui ne soutient pas que le communiqué qu'il lui est enjoint de faire publier ferait une relation partiale ou inexacte de la décision rendue, reviennent à décliner sous une autre forme les contestations au fond de la motivation retenue, sans que soit démontré, ni même invoqué, concrètement, un risque précis pour cette entreprise, dont les intérêts seront dès lors suffisamment préservés par l'insertion d'une mention selon laquelle la décision en cause a fait l'objet d'un recours ;

Qu'il suit de là que la requête doit être rejetée, sauf à prévoir une autorisation d'insertion de la mention du recours formé ;

Par ces motifs, Autorisons la société Laboratoire GlaxoSmithKline à assortir la publication du texte ordonnée par la décision n° 07-D-09 du Conseil de la concurrence en date du 14 mars 2007 de la mention selon laquelle cette décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris ; Rejetons les autres demandes de la société Laboratoire GlaxoSmithKline ; Condamnons la société Laboratoire GlaxoSmithKline aux dépens.