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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 3 novembre 2006, n° 05-03783

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Deconinck

Défendeur :

Robaglia, Kohn

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

M. Laurent-Atthalin, Mme Delmas-Goyon

Avoués :

SCP Garnier, SCP Fanet-Serra-Ghidini, SCP Guizard

Avocats :

Mes Trouflaut, Achaoui, Nitot, Benslamia

TGI Paris, 5e ch., 2e sect., du 27 janv.…

27 janvier 2005

M. Deconinck a acquis, le 20 octobre 2001, de M. Robaglia, marchand d'art, un tableau du peintre Jean Metzinger intitulé " nature morte au pain ", au prix de 470 000 F outre la reprise d'un tableau de Carl Van Loo que M. Deconinck avait acquis auparavant de M. Robaglia.

La facture mentionnait que le tableau était daté de 1914-1915 et était accompagnée d'un certificat daté du 18 octobre 2001, de M. Ottavi, expert en tableaux du XXème siècle qui avait certifié que le tableau était authentique et d'un écrit de Mme Metzinger, veuve du peintre.

En outre, M. Robaglia a remis à M. Deconinck un certificat daté du 19 octobre 2001, établi par M. Kohn, commissaire-priseur confirmant l'authenticité du tableau et indiquant que l'année de sa composition était celle de 1914, confirmée par un certificat du propriétaire.

Se fondant sur un avis de Mme Nikiel, experte, selon lui, de l'œuvre de Jean Metzinger, selon lequel le tableau avait été peint entre 1950 et 1956, M. Deconinck a assigné M. Robaglia et M. Kohn en résolution de la vente.

Par jugement du 27 janvier 2085, le Tribunal de grande instance de Paris a:

- débouté M. Deconinck de ses demandes,

- débouté M. Kohn de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné M. Deconinck aux dépens.

M. Deconinck a relevé appel. Il conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de dire que le tableau n'a pas été peint en 1914-1915, prononcer la nullité de la vente, condamner in solidum M. Robaglia et M. Kohn à lui verser 150 162,28 euro, outre les sommes de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts résistance abusive et de 7 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il fait valoir que la date d'exécution de la peinture, indiquée par M. Kohn, à savoir 1914, était un élément déterminant, que Mme Nikiel, qui fait autorité en ce qui concerne les œuvres de Jean Metzinger, a daté le tableau de 1950 et que M. Schoeller, expert, a retenu la date de 1919-1920 et une valeur de 60 000 euro, et que ces deux dates sont différentes de celle mentionnée par M. Kohn et qu'il est ainsi établi que le tableau n'appartient pas au début de la période cubiste.

Subsidiairement, il affirme avoir été victime d'un dol, estimant avoir été victime des manœuvres de M. Robaglia et de M. Kohn pour le persuader que le tableau datait du début de la période cubiste.

Encore plus subsidiairement, il sollicite une expertise.

M. Robaglia requiert la confirmation du jugement et sollicite 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

M. Kohn prie la cour de confirmer le jugement et de condamner lu solidum M. Deconinck et M. Robaglia à lui verser 150 000 euro à titre de dommages et intérêts et 50 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela exposé, LA COUR,

Considérant que c'est à bon droit que M. Deconinck soutient que la date de composition du tableau constituait un élément déterminant et qu'il ne peut être soutenu avec raison que la date de composition d'un tableau serait indifférente selon qu'il aurait été peint par Jean Metzinger vers 1915, à l'âge de 32 ans ou vers 1950, six ans avant la mort du peintre, à l'âge de 68, 69 ans;

Considérant, toutefois, que M. Deconinck pour prétendre que le tableau aurait été peint après 1950 se fonde seulement sur l'avis de Mme Nikiel dont la formation en matière d'art n'est pas connue et dont l'autorité repose sur le seul fait qu'elle préparerait le catalogue des œuvres de Jean Metzinger, à raison de sa qualité d'amie du couple Metzinger et de légataire universelle de Mme veuve Metzinger;

Que, dans ces conditions, M. Deconinck est mal fondé à prétendre que le tableau aurait été peint vers 1950;

Considérant que M. Deconinck, au cours de la procédure d'appel, a présenté le tableau à M. Schoeller, expert, qui a retenu les années 1919-1920;

Que l'avis de M. Schoeller, expert reconnu, est d'autant plus fiable qu'il se rapproche de l'attestation délivrée par Mme Meztinger et de l'avis donné par M. Kohn;

Considérant que, si le tableau n'a pas été peint vers 1914-1915 comme indiqué par M. Kohn mais entre 1919-1920, comme l'a retenu M. Schoeller, il convient de retenir que cet écart de date ne pouvait constituer un élément déterminant pour M. Deconinck puisque ces deux périodes se situent au cours de la période la plus importante du mouvement cubiste, ce mouvement, né en 1907, s'étant développé dans sa période majeure jusque dans les années 1920-1924, étant observé que Mme Nikiel dans une première lettre adressée à l'avocat de M. Deconinck, le 20 novembre 2002, a indiqué "qu'il existait une énorme différence entre les œuvres des années 1910-1920 et celles exécutées après 1940" et dans une seconde lettre du 31 mars 2003, a précisé que les tableaux "Paysage à la fenêtre ouverte" et "Jarre, citron et l'assiette de prunes" et "d'autres documents iconographiques disponibles sur le marché" prouvaient "la différence dans la construction et la matière entre la création exceptionnelle de Jean Metzinger dans les années glorieuses du cubisme (1910-1920) et celle de la fin de sa vie" reconnaissant ainsi qu'il n'y avait pas lieu de distinguer entre les œuvres réalisées autour de 1914 et celles exécutés entre 1919 et 1920 ;

Considérant que l'erreur sur la valeur ne constitue pas une cause de nullité du contrat ; que par suite, l'avis sur la valeur du tableau donné par M. Schoeller est indifférent;

Considérant que l'écart des dates entre celle retenue par M. Kohn et Robaglia et celle admise par M. Schoeller ne peut constituer un dol, M. Kohn et M. Robaglia ayant pu de bonne foi considérer que ce tableau avait été peint vers 1915, alors qu'il disposait d'une attestation délivrée par la veuve du peintre et l'écart de date entre l'avis donné par M. Kohn et celui donné par M. Schoeller étant sans importance au regard de la peinture de Jean Metzinger comme l'a indiqué Mme Nikiel elle-même;

Considérant que le jugement qui a débouté M. Deconinck de ses demandes sera, en conséquence, confirmé;

Considérant que M. Kohn ne démontre pas que M. Deconinck aurait agi dans l'intention de lui nuire ou avec une légèreté blâmable;

Que sa demande de dommages et intérêts sera dès lors rejetée;

Considérant que les circonstances de la cause commandent d'allouer 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à M. Robaglia et à M. Kohn, chacun, en cause d'appel;

Par ces motifs, Confirme le jugement, Condamne M. Deconinck à verser à M. Robaglia et à M. Kohn, chacun, la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Met les dépens d'appel à la charge de M. Deconinck et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.