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Décisions

CA Paris, 8e ch. A, 23 mars 2006, n° 04-14565

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Blanchin à l'enseigne By Love (SARL)

Défendeur :

Lepelé

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baland

Conseillers :

Mmes Graeve, Bonnan-Garçon

Avoués :

SCP Verdun-Seveno, SCP Mira-Bettan

Avocats :

Mes Cohen, Hugues

TI Paris, du 1er juin 2004

1 juin 2004

Les 7 juillet 1999 et 30 janvier 2001, Monsieur Marc Lepelé a acheté, pour son épouse, A la SARL Blanchin, à l'enseigne By Love, deux bagues, une alliance "Ange" en or jaune 18 carats et diamants et un anneau "Chiara" en or jaune 18 carats avec un solitaire de 0,35 carat pour les prix respectifs de 11 500 F et 14 500 F.

Faisant valoir que la première de ces bagues s'était révélée d'une fragilité anormale tandis que l'anneau de la seconde avait changé de couleur, par acte du 20 janvier 2003, Monsieur Lepelé a fait assigner la SARL Blanchin devant le Tribunal d'instance du 14e arrondissement pour obtenir, sur le fondement des articles 1116 et 1110 du Code civil, la nullité des ventes en question et la condamnation de la défenderesse à lui payer les sommes de:

- 1 753,16 euro et 2 210,51 euro en remboursement des deux bagues,

- 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La cour statue sur l'appel de la société Blanchin du jugement contradictoire du 1~ juin 2004 du Tribunal d'instance du 14e arrondissement de Paris qui, après expertise, retenant le vice du consentement de Monsieur Lepelé qui, selon le premier juge, a fait une erreur sur les qualités substantielles des bijoux achetés, a condamné la SARL Blanchin à lui payer les sommes de 1 753,16 euro et 2 210,51 euro avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre la somme de 600 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2004 par la SARL Blanchin et tendant à l'infirmation du jugement déféré;

Vu les dernières conclusions confirmatives signifiées le 15 février 2005 par Monsieur Lepelé;

Cela étant exposé, LA COUR,

Qui se réfère pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties à la décision déférée et à leurs écritures;

Sur l'alliance achetée le 7 juillet 1999

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire Dominique de Blanchard, déposé le 6 février 2004:

- que les caractéristiques de ce bijou, indiquées sur la facture du 7 juillet 1999, sont exactes: qu'en particulier, l'indication du poids de l'or, à savoir 3 g, est conforme à l'une des deux méthodes d'évaluation acceptées par les instances de la profession de joaillier; que le poids de l'or indiqué sur la facture n'est d'ailleurs pas contesté par Monsieur Lepelé,

- que cette alliance ne présente aucune malfaçon ni dans sa fabrication ni dans le serti des brillants,

- qu'il s'agit d'un bijou délicat et fragile qui n'est pas fait pour être porté dans toutes les circonstances de la vie quotidienne;

Considérant, cependant, que le joaillier n'était débiteur d'aucune information particulière de son client quant à ce bijou et aux modalités de son port par la personne a laquelle il était destiné;

Qu'en effet, son prix, modeste pour une alliance en diamants, était en rapport avec le faible poids de l'or de la monture et la finesse du bijou, circonstances apparentes pour un acheteur normalement avisé;

Que le type de serti utilisé, s'il permettait de cacher le minimum de surface des pierres et donc de laisser passer le maximum de lumière pour la brillance du bijou, et s'il était de bonne facture, comme le dit l'expert, conférait à l'alliance une fragilité certaine;

Considérant que, lors des négociations menées en 2002 entre les parties avec l'aide du cabinet Brifaud pour trouver une solution amiable, il avait été envisagé l'achat par Monsieur Lepelé d'une alliance d'un prix supérieur avec une monture plus lourde et donc plus résistante;

Considérant qu'il convient de remarquer que Monsieur Lepelé a assigné son vendeur 3 ans et demi après l'achat de cette alliance, après la lui avoir confiée deux fois en réparation et avoir effectué, auprès de lui un second achat;

Considérant que le jugement déféré sera donc réformé en ce qu'il a fait droit, s'agissant de cette alliance, aux demandes de Monsieur Lepelé qui doivent être rejetées;

Sur le bijou acheté le 30 juillet 2001

Considérant que l'appelante ne formule aucune critique précise à l'encontre du jugement déféré s'agissant de ce bijou;

Considérant qu'il est établi et non contesté que Monsieur Lepelé a acheté un bijou dont la monture en or était d'une couleur marron, obtenue à la Suite d'un "brunissage" qui a disparu un mois après;

Considérant que l'expert indique, sans être contredit, que ce type de "mise en couleur" nécessite d'être refait régulièrement, ce dont le client doit être informé;

Considérant que la couleur d'un bijou est un élément déterminant de son achat tandis qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que Monsieur Lepelé avait été informé par le joaillier du caractère non pérenne de la couleur de ce bijou;

Considérant que c'est donc à juste titre que le premier juge a annulé cette vente;

Sur les autres demandes

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la société Blanchin et l'a condamnée à payer une indemnité de procédure de 600 euro;

Considérant que, compte tenu de la teneur du présent arrêt, les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties, aucune application n'étant faite de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Réformant le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue le 7 juillet 1999 et, statuant à nouveau de ce chef; Déboute Monsieur Lepelé de toutes ses demandes concernant cette vente; Rejette toute autre demande; Partage les dépens d'appel par moitié entre les parties et admet les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.