Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 1 février 2006, n° 05-3698

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saint-Arroman

Conseiller :

M. Ors

Avoués :

SCP Casteja-Clermontel & Jaubert, SCP Gautier & Fonrouge

Avocats :

Mes Weschler, Lief

Vice-président :

Mlle Coudy

T. com. Marennes, du 18 avr. 2003

18 avril 2003

Monsieur L, commerçant, a loué à Madame G gérante de camping exerçant sous l'enseigne "Camping (actuellement représentée par Maître A), 57 mobil homes selon divers contrats.

Par jugement du Tribunal de commerce de Marennes (17) du 10 avril 2003, Madame G avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire avec autorisation de poursuite d'activité jusqu'au 2 mai 2003, échéance repoussée jusqu'au 19 septembre 2003 Maître R avait été nommé mandataire liquidateur.

Par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Rochefort sur Mer, Maître A a été désigné administrateur provisoire de l'étude de Maître R précédée le 2 septembre 2004.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 août 2003, Maître Seguin, huissier de justice, agissant pour le compte du bailleur, a mis en demeure Maître R de payer les loyers à échéances du 15 août 2003 ; cette mise en demeure est restée sans effet.

Par ordonnance de référé du 11 mars 2004, le juge des référés du Tribunal de commerce de Bordeaux a constaté la résiliation des contrats de location et a condamné Maître R, ès qualités de mandataire liquidateur, à payer à Monsieur L, à titre provisionnel, la somme de 140 598,85 euro majorée des intérêts légaux à compter du 18 décembre 2003 outre la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par acte en date du 26 mars 2004, Monsieur L a fait assigner Maître R pris en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame G aux fins de le voir condamner à lui verser une somme de 140 598,85 euro au titre des loyers échus impayés ainsi que la somme de 243 565,22 euro au titre d'une indemnité contractuelle de résiliation.

Monsieur L sollicitait que les factures des loyers échus impayés soient augmentées des intérêts au taux léga1 de l'article L. 411-6 alinéa 3 du Code de commerce à compter de leur échéance, les dits intérêts produisant les mêmes intérêts à compter de la présente assignation tous les trois mois, sur le fondement de l'article 1155 du Code civil, mais également que la somme réclamée à titre d'indemnité contractuelle de résiliation puisse produire intérêts à compter de la présente assignation, les dits intérêts produisant eux mêmes au terme d'une année entière conformément à l'article 1154 du Code civil.

Il demande en outre la condamnation de Maître R ès qualités, au paiement de la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par acte du 17 novembre 2004, Monsieur L a fait assigner devant le Tribunal de commerce de Bordeaux, Maître A ès qualités, pour les mêmes demandes.

Par jugement du 23 mai 2005, le Tribunal de commerce de Bordeaux a

Condamné Maître A ès qualités, à payer à Monsieur L la somme de 140 598,85 euro au titre des loyers échus et impayés,

- débouté Monsieur L de sa demande relative aux intérêts dûs sur les loyers,

- condamné Maître ès qualités, à payer à Monsieur L la somme de 243 556,22 euro au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,

- débouté Monsieur L de sa demande relative aux intérêts dûs sur l'indemnité contractuelle de résiliation,

- condamné Maître A ès qualités, à payer à Monsieur L la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné Maître A ès qualités, aux dépens.

Le 23 juin 2005, Maître A agissant en qualité d'administrateur provisoire de l'étude de Maître R, elle-même mandataire liquidateur de Madame G, a interjeté appel de cette décision. Cette déclaration a été enrôlée sous le numéro 2744 (dossier n° 05-3698).

Par assignation à jour fixe du 9 août 2005 (dossier n° 05-4817) Monsieur L a fait assigner Maître A ès qualités, pour l'audience du 13 septembre 2005. L'affaire a été renvoyée à celle du 30 novembre 2005 à laquelle était également appelée le premier dossier.

Par conclusions déposées le 4 octobre 2005, Monsieur demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce que celui-ci a condamné Maître A, ès qualités, à lui payer :

- la somme de 140 598,85 euro au titre des loyers échus impayés,

- la somme de 243 565,22 euro au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,

- la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur L de sa demande relative aux intérêts de retard sur les loyers impayés et l'indemnité contractuelle de résiliation,

Statuant à nouveau,

- condamner Maître A, es qualités, à payer à Monsieur L les intérêts au taux de l'article 441-6 alinéa 3 du Code de commerce sur les sommes et aux dates suivantes:

- sur la somme de 17 868,28 euro à compter du 15 août 2003,

- sur la somme de 17 911,30 euro à compter du 15 août 2003,

- sur la somme de 11 940,85 euro à compter du 15 septembre 2003,

- sur la somme de 46 439,21 euro à compter du 15 août 2003,

- sur la somme de 46 439,21 euro à compter du 15 septembre 2003,

- sur la somme de 140 958,85 euro à compter du 13 septembre 2003 (date d'acquisition de la clai4se résolutoire),

- dire que les intérêts courus sur les loyers impayés produisent eux-mêmes intérêts tous les trois mois en application des articles 1154 à 1155 du Code civil,

- condamner Maître A, ès qualités, à payer les intérêts au taux légal sur la somme de 243 565,22 euro due au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, depuis le 18 décembre 2003, date de l'assignation en référé,

- dire que les intérêts courus sur l'indemnité contractuelle de résiliation produiront eux-mêmes intérêts tous les ans en application de l'article 1154 du Code civil,

- condamner Maître Muriel A ès qualités, à lui payer une indemnité de 3 000 euro suit le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Maître A ès qualités, aux entiers dépens de l'instance et frais éventuels d'exécution.

Il fait valoir que la demande de loyers échus impayés n'est pas contestée, que l'indemnité contractuelle de résiliation est due car la clause litigieuse prévoit cette indemnité quels que soient les motifs d'inexécution du contrat par le locataire.

Il observe que cette indemnité ne doit pas être réduite car c'est la perception du prix de revente des mobil homes qui constitue le bénéfice réalisé par lui, que, du fait des agissements de son locataire, il ne peut plus ni louer les mobil homes, ni les revendre aux termes du contrat de crédit-bail, que Madame G n'a pas hésité à vendre la plus grande partie des mobil homes, qu'elle a été condamnée par le Tribunal correctionnel de Rochefort le 30 août 2005 et que, sur la constitution de partie civile de Maître A, Madame G a été condamnée à lui verser la somme de 1 409 309,29 euro à titre de dommages et intérêts.

Il ajoute que sa dette à l'égard des organismes de crédit bail est de 222 688,39 euro hors intérêts depuis mars 2004 et frais de procédure et non compris le préjudice constitué par la perte de valeur de revente des mobil homes à l'issue des contrats de crédit-bail qui peut être évaluée à 5 500 euro HT par mobil home, que son préjudice est donc de 431 688,39 euro.

Il invoque la directive 2000-35-CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales pour soutenir que les pénalités de retard prévues à l'article L. 441-6 alinéa 3 du Code de commerce sont dues même si elles ne sont pas contractuellement fixées.

Le 25 août 2005, Maître A ès qualités, demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel,

- en conséquence, réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux.

vu les dispositions des articles 1114 et 1152 du Code civil,

- débouter Monsieur L de sa demande d'indemnité contractuelle de résiliation,

- la dire non fondée,

- condamner Monsieur D au paiement de la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient que Maître R avait accepté l'ordonnance de référé du 11 mars 2004 qui est définitive et le règlement des loyers de retard, que l'indemnité contractuelle de résiliation peut s'assimiler à une clause pénale stipulée dans le contrat de location, que la clause prévoyant la majoration des obligations du débiteur, lorsque le dernier fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, peut porter atteinte à la règle d'ordre public de l'égalité des créanciers.

Motifs de la décision

Il convient d'ordonner la jonction des deux dossiers pour une bonne administration de la justice.

La somme de 104 598,85 euro au titre des loyers échus et impayés n'est pas contestée en son montant.

Monsieur L demande le paiement des intérêts sur diverses sommes en application de l'article 441-6 alinéa 3 du Code de commerce. Aucune pénalité de retard n'est prévue aux engagements contractuels. Le débouté de Monsieur L sur ce point sera confirmé.

L'article 8 des contrats "résiliation des conventions" prévoit :

"en cas de non paiement d'une seule échéance à son terme ou d'inexécution d'une seule des conditions du présent contrat et un mois après sommation d'avoir à payer ou à exécuter, demeurée infructueuse, contenant la présente clause, les présentes seront résiliées de plein droit si bon semble au loueur et une indemnité égale au montant des loyers dus pour toute la durée restant à courir du contrat sera due au loueur par le locataire défaillant, plus tout frais pour en obtenir le recouvrement ou l'enlèvement des mobil-homes".

Cette clause est contractuelle. N'est pas abusive la clause imposant au locataire de verser le montant les échéances jusqu'à la fin, celle-ci étant nécessaire au maintien de l'équilibre entre les parties au contrat. La durée des contrats de location de mobil-home aux exploitants de camping est calculée sur la durée des contrats de crédit-bail. Les loyers versés au titre de la location des mobil-homes sont fixés pour couvrir exactement les redevances de crédit-bail. Aucun bénéfice n'étant réalisé par Monsieur L pendant la durée des contrats de crédit-bail l'indemnité contractuelle de résiliation ne fait que réparer le préjudice subi par Monsieur L.

La somme de 243.565,22 euro au 13 septembre 2003 est due. Cette indemnité compense la perte de jouissance pour Monsieur L due à la non restitution des mobil-homes et l'impossibilité pour lui d'en percevoir le prix de vente.

Les intérêts sur les sommes dues seront appliqués au vu des articles 1154 et 1155 du Code civil. Ils seront calculés aux taux légal à compter du jour de la demande du 18 décembre 2003, jour de l'assignation valant mise en demeure de payer conformément à l'article 1153 du Code civil.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée à l'exception de la disposition relative au débouté de Monsieur L de sa demande relative aux intérêts dus sur l'indemnité contractuelle de résiliation.

Chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Ordonne la jonction du dossier 05-4817 au dossier 05-3698 - Confirme la décision déférée sauf la disposition tendant au débouté de Monsieur L de sa demande, de condamnation relative aux intérêts dûs sur l'indemnité contractuelle de résiliation. Statuant à nouveau, - condamne Maître A, ès qualités, à payer les intérêts au taux légal sur la somme de 243 565,22 euro due au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, depuis le 18 décembre 2003, date de l'assignation en référé. - Dit que les intérêts courus sur l'indemnité contractuelle de résiliation produiront eux-mêmes intérêts tous les ans en application de l'article 1154 du Code civil. Y ajoutant, - Déboute chaque partie du surplus de sa demande. Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.