Cass. 3e civ., 1 février 2006, n° 05-10.845
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Lepine
Défendeur :
Ernst (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
Mme Gabet
Avocat général :
M. Cédras
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton
LA COUR - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2004), que le 5 février 1998, Mme Lepine a vendu un immeuble aux époux Ernst pour le prix de 835 000 francs ; que, par arrêt irrévocable du 30 juillet 2002, la Cour d'appel de Bordeaux a retenu l'existence de vices cachés et ordonné une expertise en vue de déterminer la diminution du prix de la vente ; que l'expert a estimé la valeur de l'immeuble non atteint de vice à 1 245 000 francs et à 937 000 francs si les vices cachés étaient retenus et indiqué que malgré les vices, l'immeuble ne pouvait être payé moins cher que ce qu'il l'a été ;
Attendu que Mme Lepine fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux époux Ernst la somme de 307 200 francs soit 46 153,14 euro à titre de réduction du prix, alors, selon le moyen : 1°) que l'action estimatoire offerte à l'acquéreur d'un bien affecté d'un vice caché ne peut avoir pour effet que de ramener le prix du bien à la valeur à laquelle il l'aurait effectivement acquis s'il n'avait pas été vicié ; qu'elle ne peut autoriser l'acquéreur à réaliser un bénéfice illégitime au détriment du vendeur ; qu'il résultait des constatations de l'expert que la propriété acquise par les époux Ernst valait, au moment de l'achat, une somme supérieure au prix qu'ils avaient versé, malgré les vices l'affectant ; qu'en effet, la propriété valait à l'époque au moins 937 800 francs et avait été acquise 835 000 francs seulement ; qu'en considérant néanmoins que les acquéreurs étaient fondés à réclamer une réduction de prix de 46 832,34 euro, soit 307 200 francs, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ; 2°) qu'en tout état de cause, lorsque la chose vendue est affectée d'un vice caché, l'acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ; que la réduction du prix prévue par l'article 1644 du Code civil doit être arbitrée par expert ; que l'expert judiciaire avait conclu que "malgré les vices dont il était affecté, l'immeuble ne pouvait être payé moins cher que ce qu'il l'a été" ; que l'expert considérait ainsi qu'aucune réduction de prix ne devait être accordée à M. et Mme Ernst ; qu'en condamnant néanmoins Mme Lepine à payer la somme de 46 153,14 euro au titre de la restitution du prix d'une partie de l'immeuble vendu, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ; 3°) que l'expert avait retenu, pour évaluer le coût de la propriété de Mme Lepine, compte tenu des vices qui l'affectaient, une valeur du terrain de 300 000 francs correspondant à son prix nu, soit 500 000 francs, auquel il a appliqué une décote de 30 % ; qu'en considérant pour juger que "l'expert Clos ne saurait être suivi dans son raisonnement aux termes duquel malgré les vices dont il était affecté l'immeuble ne pouvait être payé moins cher que ce qu'il l'a été" au motif que "ce raisonnement part en effet du postulat selon lequel le seul terrain ne pouvait avoir une valeur inférieure à 500 000 francs, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et violé l'article 1134 du Code civil ; 4°) qu'en tout état de cause, lorsque la chose vendue est affectée d'un vice caché, l'acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ; que la réduction du prix prévue par l'article 1644 du Code civil doit être arbitrée par experts ; qu'en fixant la réduction de prix accordée à M. et Mme Ernst, correspondant au coût des travaux de reprise des vices affectant l'immeuble, sans avoir au préalable obtenu l'avis de l'expert sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ;
Mais attendu que l'action estimatoire de l'article 1644 du Code civil permet de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de vices cachés ; qu'ayant exactement retenu que les époux Ernst étaient fondés à demander la restitution du prix correspondant au coût des travaux nécessaires pour remédier aux vices leur permettant d'être en possession d'un immeuble conforme à celui qu'ils avaient souhaité acquérir et que l'expert ne pouvait être suivi dans son raisonnement aux termes duquel malgré les vices dont il était affecté, l'immeuble ne pouvait être payé moins cher que ce qu'il l'avait été, la cour d'appel, qui a constaté que si Mme Lepine contestait les devis produits par les époux Ernst, l'expert qui les avait vérifiés n'avait formulé aucune critique ni réserve à leur encontre, a pu en déduire, sans dénaturation et abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif à la valeur du terrain, que Mme Lepine était redevable envers les époux Ernst de la somme qu'elle a fixée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.