CA Colmar, 3e ch. civ. A, 30 août 2004, n° 03-01299
COLMAR
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Goertz
Défendeur :
Huber
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Waltz
Conseillers :
Mmes Schirer, Mazarin
Avocats :
Mes Boudet, Billamboz, Hincker, Weber
Le 4 décembre 1999 Monsieur Marc Huber a acheté à Monsieur Jean-Pierre Goertz un véhicule d'occasion R25 aux prix de 24 000 F.
Le procès-verbal du contrôle technique du 25 novembre 1999 mentionnait des défauts à corriger sans obligation de contre-visite, à savoir une usure prononcée des plaquettes de freins, un défaut d'étanchéité de la crémaillère de la boîte de direction, une usure irrégulière arrière gauche et arrière droite des pneumatiques.
Les parties avaient convenu que ces défauts feraient l'objet d'une réparation à la charge du vendeur.
Par jugement en date du 7 mai 2002 le Tribunal d'instance de Strasbourg a:
- dit que l'action est recevable,
- condamné Monsieur Jean-Pierre Goertz à payer à Monsieur Marc Huber les sommes de:
499,89 euro (quatre cent quatre-vingt dix neuf euro et quatre-vingt quatorze cents) au titre des réparations selon expertise, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,
295,14 euro (deux cent quatre-vingt quinze euro et quatorze cents) au titre de la carte grise, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,
460,05 euro (quatre cent soixante euro et cinq cents) au titre du remplacement des pneus selon facture du 24 mai 2000, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,
200 euro (deux cents euro) à titre de dommages-intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,
150 euro (cent cinquante euro) à titre de dommages-intérêts, pour résistance abusive, avec les intérêts légaux à compter du jugement,
- débouter Monsieur Marc Huber du surplus,
- condamné Monsieur Jean-Pierre Goertz aux dépens et à payer à Monsieur Marc Huber un montant de 300 euro (trois cents euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 26 novembre 2002, le tribunal a complété le dispositif de ce jugement en ordonnant son exécution provisoire;
Monsieur Goertz a interjeté appel de ces deux jugements; il fait valoir au soutien de son appel:
- Sur la recevabilité de l'action (article 1648 du Code civil)
* que le point de départ du délai est celui où l'acheteur a eu connaissance du vice; que Monsieur Huber a eu connaissance tant de l'existence que de la gravité du vice dès mai 2000 lorsqu'il a fait effectuer un contrôle de géométrie; que l'action a donc été intentée tardivement;
* que si des pourparlers permettent d'interrompre le délai, encore faut-il qu'ils aient débuté pendant ce délai ; que tel n'est pas le cas en l'espèce;
- Sur le fond
* que l'état du véhicule n'a jamais été caché à Monsieur Huber; que celui-ci connaissait le vice affectant le parallélisme, l'usure irrégulière des pneus étant mentionnée dans le procès-verbal de contrôle technique;
* qu'il a fait effectuer un contrôle du parallélisme le 8 décembre 2000 et remis à l'acheteur la facture y afférente ; qu'il n'a pris contact avec lui que 6 mois plus tard;
* que si néanmoins l'action devait être déclarée recevable et bien fondée, Monsieur Huber ne saurait exiger à la fois la résolution de la vente et le remboursement des frais de réparation dix véhicule;
* que Monsieur Huber étant dans l'impossibilité de rendre le véhicule, la résolution de la vente ne saurait être prononcée;
* qu'il ne saurait être tenu pour responsable de l'accident survenu, Monsieur Huber ayant, malgré les avertissements du garage du 24 mai 2000, repris la conduite du véhicule après signature d'une décharge;
- Sur la demande de dommages-intérêts
* qu'il a loyalement entrepris toutes les démarches nécessaires pour résoudre les défauts relevés par le contrôle technique;
* qu'il croyait en toute bonne foi avoir respecté les obligations du vendeur; que ne saurait lui être reproché aucune résistance abusive;
Il conclut:
" Vu les articles 1641, 1642 et 1648 du Code civil
Recevoir l'appel de Monsieur Jean-Pierre Goertz,
Y faisant droit,
Infirmer le jugement du 7 mai 2002 rectifié par celui du 26 novembre 2002,
Statuant à nouveau
Déclarer irrecevable et en tous cas mal fondée l'action de Monsieur Huber engagée sur le fondement de l'article 1641 du Code civil,
Le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Condamner Monsieur Huber à payer à Monsieur Goertz une somme de 150 euro au titre de l'article 700 du NCPC,
Le Condamner aux entiers dépens."
Monsieur Huber, intimé, répond:
- Sur la recevabilité (article 1648 du Code civil)
* qu'il s'agit d'une question d'espèce;
* qu'il n'a eu connaissance d'un défaut de parallélisme que le 13 mai 2000; que le délai court à compter du jour du dépôt du rapport d'expertise privée ayant révélé l'importance du vice;
* que site à cette expertise des pourparlers ont été engagés qui ont suspendu le bref délai;
* que l'instance a été introduite dès l'échec des pourparlers; que l'action est recevable;
- Sur la connaissance du vice
* que la facture afférente au contrôle réalisé au parallélisme ne mentionnait rien de particulier.
* que le contrôle technique n'exonère pas le vendeur de son obligation de garantie; que Monsieur Goertz a volontairement omis de lui communiquer le résultat du contrôle (bilan du 8 décembre 1999) ; qu'il n'en a obtenu la copie que le 15 mai 2000;
* qu'il ne pouvait savoir entant que profane que l'usure irrégulière des pneumatiques provenait d'un défaut de parallélisme;
* que le vice était donc caché et que les dommages-intérêts qui lui ont été alloués par le premier juge sont justifiés;
Il conclut:
"Vu les articles 1641, 1644 et 1645 du Code Civil
Rejeter l'appel de Monsieur Goertz,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal d'instance de Strasbourg en date du 7 mai 2002, rectifié par celui du 25 novembre 2002,
Condamner Monsieur Goertz à payer à Monsieur Huber une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du NCPC,
Le condamner aux entiers frais et dépens."
Sur quoi LA COUR,
Vu la procédure et les pièces
Attendu que les appels interjetés dans les formes et délais légaux apparaissent recevables au vu des éléments fournis à la cour;
Au fond
Quant au respect du bref délai
Attendu que selon l'article 1648 du Code civil l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires et l'usage du lieu où la vente a été faite ; que le point de départ du délai ne court que de la découverte du. vice par l'acheteur et de sa connaissance certaine par celui-ci;
Attendu qu'en l'espèce, lors de la vente du 4 décembre 1999, le vendeur Monsieur Goertz a remis à Monsieur Huber un procès-verbal de contrôle technique mentionnant des défauts à corriger sans obligation d'une contre-visite à savoir une usure prononcée des plaquettes de freins, un défaut d'étanchéité du boîtier de direction et une usure irrégulière des pneus ; que Monsieur Goertz s'est engagé à faire effectuer à sa charge la réparation de ses défauts ; qu'il justifie avoir fait procéder au remplacement des plaquettes de freins et du soufflet de direction et au contrôle de géométrie avant et arrière les 7 et 12 décembre 1999, les factures dont Monsieur Huber a été destinataire étant versées aux débats ; que le bilan du contrôle de parallélisme effectué par Vulcastra n'a toutefois pas été communiqué à Monsieur Huber à cette date, alors qu'il faisait mention d'une valeur hors tolérance du parallélisme arrière;
Attendu que selon courrier du 18 mai 2000 Monsieur Huber indiquait à Monsieur Goertz l'usure anormale de deux pneus en précisant : "l'usure anormale des deux pneus... me laisse à penser qu'il y a un vice... que l'on m'a caché lors de la transaction";
Qu'il verse par ailleurs aux débats une facture du Garage Schaeffer en date du 24 mai 2000, concernant le véhicule du litige, qui est relative à l'achat de pneus, à leur équilibrage et au contrôle du parallélisme avant et arrière ; qu'il est mentionné sur cette facture "réglage géométrique impassible en raison de réparation insuffisante ce qui rend le véhicule dangereux";
Attendu qu'une expertise contradictoire a été effectuée le 23 novembre 2000 par Monsieur Kieffer sous l'égide de l'Automobile Club ; qu'il est mentionné dans le rapport déposé le 8 janvier 2001 que le parallélisme arrière est hors tolérance, que ce défaut est un vice caché et que pour y remédier il faut procéder au minimum au remplacement d'un bras de suspension arrière puis au contrôle du réglage du parallélisme et au remplacement de deux pneus pour un total de 3 279,05 F TTC soit 499,89 euro ;
Attendu que suite à cette expertise aucun accord n'a pu intervenir entre les parties;
Attendu que le 20 mars 2001 l'Union Fédérale des Consommateurs, auprès de laquelle Monsieur Huber s'était renseigné, écrivait à Monsieur Goertz:
"Nous intervenons à nouveau en qualité de mandataires de notre adhérent Monsieur Huber Marc demeurant 4 rue du Rieth 67200 Strasbourg, Notre courrier du 9 mars dernier étant resté sans réponse, une relance s'impose.
A défaut du règlement de ce litige dans un délai de 08 jours à compter de la réception de la présente, notre mandant procédera par voie judiciaire pour faire valoir ses droits; "
Attendu que Monsieur Huber a saisi le Tribunal d'instance de Strasbourg par déclaration au greffe le 24 avril 2001;
Attendu qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Huber n'a eu pleine, effective et certaine connaissance du vice que le jour du rapport d'expertise ; que par la suite des pourparlers ont eu lieu entre les parties, Monsieur Huber cherchant dans un premier temps à régler le litige sans passer par la voie judiciaire ; que le premier juge a ainsi justement retenu que l'action avait été introduite dans le bref délai exigé par l'article 1648 du Code civil;
Quant à l'existence d'un vice caché
Attendu que le procès-verbal de contrôle technique remis à Monsieur Huber lors de la vente mentionnait effectivement une usure irrégulière des pneumatiques arrières ; que la facture du contrôle de géométrie effectué par Vulcastra le 18 décembre 1999, après la vente, aux frais de Monsieur Huber qui s'y était engagé, ne fait par contre mention d'aucune difficulté particulière et que le bilan de parallélisme effectué par Vulcastra, faisant état d'une valeur hors tolérance, n'a pas été remis à Monsieur Huber; qu'il pouvait ainsi légitimement penser que rien de particulier n'avait été décelé ; que les pièces remises à Monsieur Huber, y compris le procès-verbal de contrôle technique faisant état d'une usure irrégulière des pneus arrières ne lui permettait pas de connaître l'origine de cette usure et l'existence d'un parallélisme arrière hors tolérance ; que le procès-verbal de contrôle technique remis à l'acheteur n'exonère pas le vendeur de son obligation de garantie;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'un vice important, à savoir un parallélisme arrière hors tolérance, affectait le véhicule acheté par Monsieur Huber comme étant de très bon état, qu'il était antérieur à l'achat et qu'il ne pouvait être décelé par l'acheteur en sa qualité de non professionnel, alors que le vendeur le connaissait;
Attendu que dès lors sont remplies les conditions de l'article 1641 du Code civil qui prévoit que le vendeur est tenu des vices cachés de la chose vendue non seulement qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine mais également ceux qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acheté ou en aurait donné un moindre prix s'il les avait connus;
Quant aux montants
Attendu qu'en application de l'article 1644 du Code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre le une partie du prix ; que ai le vendeur connaissait le vise de la chose, il est tenu outre la restitution du prix reçu de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur;
Attendu qu'il est constant que Monsieur Huber a continué à utiliser le véhicule jusqu'à l'accident qui l'a rendu inutilisable ; qu'il n'est pas démontré toutefois que le défaut de parallélisme affectant le véhicule serait à l'origine de l'accident survenu;
Attendu que le véhicule ayant été accidenté ne peut plus être restitué;
Attendu que l'impossibilité de restituer la chose fait obstacle à l'action en résolution et que seule l'action estimatoire est possible; que l'article 1647 alinéa 2 du Code civil n'exclut pas pour l'acheteur la possibilité d'obtenir, par la voie de l'action estimatoire, la réduction du prix que justifie la gravité du vice dont la chose vendue était atteinte;
Or attendu que pour permettre la réparation du vice l'expert prévoyait une réparation indispensable s'élevant à 499,89 euro (3 279,05 F), diminuant d'autant la valeur du véhicule telle que fixée à l'achat ; que le prix du remplacement des pneus consécutif au vice caché, soit 460,05 euro a été également mis à juste titre à la charge du vendeur par le premier juge; qu'il en est de même du montant de 200 euro alloué par le premier juge au titre des désagréments subis et démarches diverses;
Attendu qu'au vu ce qui précède et notamment de l'absence de résolution de la vente, Monsieur Goertz ne saurait par contre être condamné au remboursement de la carte grise;
Attendu que sa résistance ne saurait ainsi être qualifiée de manifestement abusive ;
Attendu que dans la mesure où il succombe pour l'essentiel, et sa carence étant à l'origine du litige, il sera condamné aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une somme de 600 par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'équité le commandant.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré, Déclare recevable en la forme les deux appels interjetés, Infirme le jugement du 7 mai 2002 rectifié par le jugement du 26 novembre 2002 en ce qu'il a condamné Monsieur Jean-Pierre Goertz à payer à Monsieur Marc Huber la somme de 295,14 euro (deux cent quatre-vingt quinze euro et quatorze cents) au titre de la carte grise et la somme de 150 euro (cent cinquante euro) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, Et statuant à nouveau, Déboute Monsieur Marc Huber de ces deux chefs de demande, Confirme les jugements entrepris en toutes leurs autres dispositions, Condamne Monsieur Jean-Pierre Goertz aux entiers dépens d'appel, Le condamne à payer à Monsieur Marc Huber la somme de 600 euro (six cents euro) par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.