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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 2, 29 novembre 1996, n° 7603-95

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Soules

Défendeur :

Gauvain, Peugeot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chaix

Conseillers :

M. Maron, Mme Metadieu

Avoués :

Me Binoche, SCP Jullien Lecharny Rol

Avocats :

Mes Gonzales de Gaspard, Raoult

TI Saint-Germain en Laye, du 18 juill. 1…

18 juillet 1995

Faits et procédure,

A la suite dune annonce parue dans le journal "la centrale des particuliers", Monsieur Soules a vendu, le 14 janvier 1994, à Monsieur Gauvain, un véhicule Peugeot 405 GR, immatriculé 4471 WZ 78, moyennant un prix de 44 000 F ; l'offre mentionnait un prix de 44 500 F, et le véhicule présentait un kilométrage de 52 058 km.

Cette vente était assortie d'une garantie souscrite par Monsieur Soules, dite "Auto-garantie des Particuliers".

Le 27 janvier 1994, Monsieur Gauvain faisait remplacer le câble du compteur le kilométrage étant de 52 300 kilomètres, la facture de cette réparation de 341,52 F sera remboursée par le vendeur.

Le 16 février 1994 une nouvelle réparation concernant les étriers de freins avant, était effectuée pour 1 175,68 F, supportée en partie par "Auto Garantie", 475,31 F restant à la charge de Monsieur Gauvain.

Monsieur Gauvain ayant constaté une baisse importante du niveau d'huile, faisait le 26 février 1994, procéder à une mesure des pressions de compression et à un essai de l'embrayage, le compteur affichait 53 325 kilomètres.

Le 9 mars 1994, Monsieur Soules recevait un courrier du "club des particuliers lui indiquant que son acquéreur sollicitait une expertise du véhicule car la segmentation du moteur et l'embrayage seraient défectueux.

Monsieur Gauvain se plaignait, en outre, d'une importante baisse du niveau d'huile moteur après avoir parcouru un peu plus de 1 000 kilomètres.

Un premier rendez-vous d'expertise a eu lieu le 10 mai 1994.

Etaient présents à cette première réunion

- Monsieur Soules assisté de Monsieur Le Boulch,

- Monsieur Gauvain assisté de Monsieur Terpereau, représentant le Cabinet Camexa,

- La société "Auto Garantie" a, quant à elle, indiqué qu'elle ne se sentait pas concernée par le litige.

Une seconde réunion d'expertise s'est déroulée en présence de Monsieur Barotin, expert mandaté pour "Auto Garantie", Monsieur Soules ayant fait savoir qu'il ne pouvait être présent à cette réunion.

Monsieur Terpereau a déposé son rapport le 27 juillet 1994.

Suivant acre d'huissier en date du 29 novembre 1994, Monsieur Gauvain a fait assigner Monsieur Soules devant le Tribunal d'instance de Saint Germain en Laye en paiement des sommes suivantes:

* 13 504 F représentant le coût des réparations pour la remise en état du véhicule,

* 10 000 F à titre de dommages et intérêts,

* 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A l'appui de sa demande il a fait savoir :

- qu'il résultait des opérations d'expertise et constatations effectuées, que les anomalies et avaries étaient pré-existantes à la vente et ne pouvaient être ignorées du vendeur qui utilisait quotidiennement ce véhicule depuis quatre ans et qui ne saurait donc utilement indiquer qu'il n'avait pu remarquer la consommation très importante d'huile alors qu'il effectuait la vidange que tous les 10 000 kilomètres',

- que les défectuosités du véhicule acquis constituaient donc, selon lui, des vices cachés au sens des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil.

A l'audience du 8 juin 1995, Monsieur Soules dans des conclusions versées à l'audience a exposé

- que l'action de Monsieur Gauvain doit être déclarée irrecevable car tardive en raison des dispositions de l'article 1648 du Code civil, comme ayant été introduite près d'un an après la découverte des prétendus vices,

- subsidiairement, il a invoqué sa bonne foi, et fait valoir que, de plus, s'agissant de l'usure prématurée des segments du véhicule, l'expert Monsieur Le Boulch émettait de sérieuses réserves quant à la qualification de vices cachés, car il s'agissait, selon lui, en réalité, d'un défaut de construction et non caché et reconnu par tous,

- que le même expert a précisé, en outre, (page 13 de son rapport), que l'aggravation de l'état du véhicule était du fait de Monsieur Gauvain qui avait continue a s en servir en l'état, pour une utilisation "sportive", et qui, comme souligné par l'expert Monsieur Le Boulch, contribuait indiscutablement à une aggravation des dommages.

Monsieur Soules a donc demandé une mesure d'expertise contradictoire entre toutes les parties, et la condamnation de Monsieur Gauvain à lui payer 3 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, Monsieur Gauvain a invoqué, en outre, les dispositions de l'article 1604 du Code civil, et à titre plus subsidiaire encore, les dispositions de l'article 1116 du Code civil concernant le dol et a sollicité alors la réduction du prix fixée à 13 054,41 F et une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1382 du Code civil,

Le tribunal d'instance statuant par jugement du 18 juillet 1995 a rendu la décision suivante :

- condamne Monsieur Soules à payer à Monsieur Gauvain les sommes suivantes :

* 13 054,41 F avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1994,

* 3 000 F à titre de dommages et intérêts,

* et 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- déboute Monsieur Gauvain du surplus de ses demandes,

- déboute Monsieur Soules de toutes ses demandes fins et conclusions,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamne Monsieur Soules aux dépens de la présente instance,

Le 7 septembre 1995, Monsieur Soules a interjeté appel.

Il demande en dernier à la cour de :

- d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal d'instance de Saint Germain en Laye en date du 18 juillet 1995, au motif:

- d'accorder au concluant le bénéfice de son acte introductif d'instance, de son appel en garantie et de ses présentes écritures,

- par conséquent, dire que la simple dénonciation des vices du véhicule au vendeur n'interrompt pas le bref délai, et que dès lors, l'action introduite par Monsieur Gauvain, près d'un an après la vente de ce véhicule, devait être déclarée irrecevable, en raison de sa tardiveté, selon les articles 1648 du Code civil,

- que de plus, le jugement s'est fondé sur un rapport établi par Monsieur Terpereau, de manière non contradictoire, donc inopposable à Monsieur Soules,

- qu'à ce titre, il y aurait lieu de nommer tel expert qu'il plaira à la cour, afin d'établir un rapport au vu des pièces produites par les parties, à défaut que le seul rapport d'expertise à prendre en compte, car contradictoire soit celui rendu par Monsieur Le Boulch,

- qu'en dernier lieu, les vices évoqués par Monsieur Gauvain résultent plus d'un défaut de construction, établi en particulier, par l'article paru dans Auto Plus est confirmé par l'information Hasch émanant du constructeur,

- que ce nouvel élément est parfaitement établi par le dit article, et justifie la mise en cause du constructeur, ainsi que la mise en œuvre de sa responsabilité.

La SA Peugeot qui a été appelée en garantie devant la cour par l'appelant, demande à la cour de :

- déclarer irrecevable, l'appel en garantie diligenté par Monsieur Hubert Soules à l'encontre de la société Automobiles Peugeot en application des dispositions de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile,

A titre subsidiaire, l'en déclarer mal fondé et l'en débouter,

- condamner Monsieur Hubert Soules à porter et payer à la concluante la somme de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Monsieur Hubert Soules, en tous les dépens.

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP Lissarrague et Dupuis, titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Gauvain demande à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions Le jugement rendu le 18 juillet 1995 par le Tribunal d'instance de Saint Germain en Laye,

Y ajoutant,

- recevoir Monsieur Gauvain en son appel incident,

- l'y déclarer bien fondé,

- condamner monsieur Soules au paiement de la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts,

- le condamner au paiement d'une somme de 10 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- le condamner en tous les dépens dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par la SCP Jullien Lecharny Rol, société titulaire d'un office d'avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 24 octobre 1996 et l'affaire plaidée à cette même date.

Sur ce LA COUR,

I) Considérant quant à la SA Peugeot, que celle-ci n'a été assignée en intervention forcée devant la cour que le 17 juin 1996 et ce, au vu d'un article paru dans le journal "Auto-Plus" (n° du 15 au 21 août 1995) ; qu'il est patent que cet article, dont la teneur peut être discutée et n'engage que la responsabilité de son auteur ne démontre pas, à lui seul, que ce constructeur automobile pourrait avoir une quelconque responsabilité à l'occasion des vices cachés invoqués par Monsieur Gauvain ; qu'il n'y a donc pas là un fait nouveau ou une quelconque évolution du litige pouvant légitimer cette intervention forcée tardive, en application de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile que dès l'origine de ce litige, une possible responsabilité du constructeur pouvait être envisagée puisque l'expert Monsieur Terpereau indiquait déjà dans son rapport du 27 juillet 1994 que "l'avarie" était "connue voire même chronique" sur ce type de moteur que Monsieur Soules aurait donc dû, dès l'origine, et au plus tard dès ce rapport d'expertise appeler en garantie la société Peugeot, ce qui aurait permis à celle-ci de bénéficier du premier degré de juridiction et de participer contradictoirement aux opérations d'expertises ; que l'application des dispositions de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile et le respect du principe du contradictoire (articles 14, 15 et 16 dudit Code) conduisent donc à déclarer irrecevable cette mise en cause devant la cour de la SA Peugeot ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, Monsieur Soules est condamné à payer à la SA Peugeot la somme de 3 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et qu'il est, lui-même, débouté de ses propres demandes en paiement de 5 000 F en vertu de cet article 700 du nouveau Code de procédure civile et de 15 000 F de dommages et intérêts que de plus, et en tout état de cause, cette mise en cause devant la cour de la société Peugeot est sans objet, puisqu'il sera ci-dessous motivé que Monsieur Gauvain est débouté de toutes ses demandes formées contre Monsieur Soules ;

II) Considérant, quant aux demandes de Monsieur Gauvain contre Monsieur Soules, qu'elles sont expressément et principalement fondées sur les articles 1641 et suivants du Code civil ; qu'en vertu de l'article 1644 dudit Code, Monsieur Gauvain a donc le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts ;

Mais considérant que Monsieur Gauvain n'a pas usé de cette option de l'article 1644 et que -tout en gardant ce véhicule qu'il considère donc implicitement mais nécessairement comme étant encore propre à son usage- il demande seulement des frais de réparations d'un montant de 13 054,41 F ; qu'il est patent qu'il ne s'agit plus ici de la garantie des vices cachés de la chose vendue et que ce premier fondement n'est donc pas retenu au profit de l'acheteur ; que de plus, en vertu de l'article 1645 du Code civil, des dommages et intérêts ne pourraient être accordés à Monsieur Gauvain que s'il faisait la preuve lui incombant que le vendeur Monsieur Soules aurait connu ces prétendus vices de la chose que Monsieur Gauvain est donc débouté de sa demande en paiement de 10 000 F de dommages et intérêts sur ce fondement et que le jugement est infirmé de ce chef;

Considérant quant au fondement subsidiaire tiré de l'application de l'article 1604 du Code civil, qu'il est certes de droit constant que la délivrance de la chose vendue, prévue par cet article du Code civil, consiste non seulement à livrer la chose convenue mais aussi à fournir à l'acquéreur une chose qui corresponde en tous points au but par lui recherché ;

Mais considérant que la sanction de l'inobservation de cette obligation par le vendeur est la nullité ou la résolution de la vente (article 1658 du Code civil) et qu'aucune demande en ce sens n'est formée par l'acquéreur ;

Considérant que, de même, le dol également invoqué par Monsieur Gauvain comme autre fondement subsidiaire à son action, ne pourrait donner lieu qu'à une nullité (article 1304 du Code civil), et qu'il est constant que, malgré ces deux fondements expressément allégués, l'acheteur ne réclame toujours pas la nullité ou la résolution de cette vente, ni même une réduction du prix, et qu'il a conservé le véhicule;

Considérant que Monsieur Gauvain n'est donc pas en droit de conserver le véhicule litigieux et de se limiter à réclamer des frais de réparations et des dommages et intérêts, sur les deux fondements ci-dessus analysés ; qu'il est, par conséquent, débouté de toutes ses demandes et que le jugement est donc infirmé;

Considérant que Monsieur Gauvain succombe en ses demandes et que, compte tenu de l'équité, il est donc débouté de sa demande contre Monsieur Soules en paiement de la somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Déboute Monsieur Gauvain des fins de toutes ses demandes contre Monsieur Soules; Par conséquent; infirme en son entier le jugement déféré; Vu l'article 555 du nouveau Code de procédure civile : • Déclare donc sans objet (et en tout état de cause irrecevable), la mise en cause devant la cour de la SA Peugeot par Monsieur Soules; • Déboute Monsieur Soules de toutes ses demandes contre la SA Peugeot et le condamne à payer à celle-ci la somme de 3 000 F (trois mille francs) en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile • Condamne Monsieur Soules aux dépens exposés par la SA Peugeot et qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoués, Lissarrague Et Dupuis, conformément aux dispositions de 1 article 699 du nouveau Code de procédure civile; • Condamne Monsieur Gauvain à tous les dépens de Monsieur Soules qui seront recouvrés directement contre lui par Maître Binoche, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.