Livv
Décisions

Cass. com., 15 mai 2007, n° 05-19.370

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Giedam (SA)

Défendeur :

Auchan (SA), Auchan France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Michel-Amsellem

Avocat général :

M. Casorla

Avocats :

Mes Spinosi, de Nervo

T. com. Nice, du 2 août 2002

2 août 2002

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Auchan France a commandé à la société Orient Power, située à Hong-Kong, des lecteurs de disques vidéo de la marque Oritron, qu'elle a commercialisés dans le cadre d'une opération promotionnelle ; que soutenant qu'elle était le distributeur exclusif de la société Orient Power, la société Giedam, fournisseur de la société Auchan France en appareils de radio, a poursuivi les sociétés Auchan et Auchan France pour concurrence déloyale devant le tribunal de commerce ; que parallèlement, la société Auchan France a poursuivi la société Giedam devant le tribunal de grande instance aux fins de faire constater qu'elle aurait été autorisée par la société Orient Power à commercialiser les lecteurs de la marque Oritron et qu'elle n'avait pas porté atteinte aux droits de la société Giedam ; que, par un jugement du 2 août 2002, le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour connaître du litige, a décidé de surseoir à statuer sur les demandes liées à l'exclusivité dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance et a condamné les sociétés Auchan France et Auchan, solidairement, à payer à la société Giedam plusieurs sommes, dont une au titre de la concurrence déloyale, une autre au titre de l'annulation de commandes et une troisième au titre de l'utilisation d'un code distinctif de cette société, désigné sous les initiales CNUF (le code CNUF) ; que, par un jugement du 22 mars 2004, le tribunal de grande instance s'est déclarée incompétent au profit du tribunal de commerce ; que la cour d'appel, saisie du jugement du 2 août 2002 l'a infirmé et a rejeté toutes les demandes de la société Giedam ;

Sur les premier, deuxième moyens et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, réunis : - Attendu que ces moyens, pris d'une violation des articles 12 et 31 du nouveau Code de procédure civile, des articles 380 et 568 du même Code et 1382 du Code civil, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche : - Attendu que la société Giedam fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en réparation pour concurrence déloyale, alors selon le moyen, qu'un trouble commercial s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil en retenant pour rejeter l'action en responsabilité de la société Giedam que cette dernière ne rapportait pas la preuve du préjudice qu'elle avait subi du fait des actes de concurrence déloyale imputables à la société Auchan France ;

Mais attendu que l'arrêt relève, tout d'abord, s'agissant des pratiques de revente à perte, que la société Giedam ne rapporte pas la preuve de ce que des commandes fermes auraient été annulées par les sociétés dont elle invoque la perte de la clientèle ; qu'il précise, s'agissant de l'utilisation du code "CNUF", que la société Giedam n'a invoqué l'existence d'aucun préjudice établi du fait de la présence de ce code et qu'il ajoute qu'une mention "importé par la société Auchan" suivie de ses références était apposée sur les emballages ce dont il se déduit que tout risque de confusion était écarté ; que l'arrêt précise encore que la société Giedam n'établit pas que les fautes de la société Auchan seraient à l'origine d'une perte du secteur d'activité et de valeur de son fonds de commerce, tandis qu'il ressort des pièces versées aux débats que les ruptures de ses relations commerciales avec les sociétés Leclerc et Carrefour sont justifiées par d'autres motifs que les pratiques de la société Auchan ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort qu'aucun lien de causalité entre les fautes et les préjudices invoqués n'était établi, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le grief n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen : - Vu l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ; - Attendu qu'il résulte de ce texte que sauf dans le cas où l'autre partie n'exécute pas ses engagements ou celui de force majeure, le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à le réparer ;

Attendu que pour rejeter la demande de réparation pour rupture brutale de leurs relations commerciales, formée par la société Giedam, l'arrêt, après avoir relevé qu'il est incontestable que les parties ont entretenu des relations commerciales suivies et que la rupture a été brutale, retient que, toutefois, l'état des relations des parties et la nature des courriers échangés permettent d'expliquer la rupture et de considérer qu'en raison de l'existence de ces relations devenues conflictuelles, la société Giedam pouvait facilement la prévoir tandis qu'au surplus elle avait fait assigner la société Auchan France aux fins de faire interdire la vente des lecteurs Oritron ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande en réparation pour rupture brutale des relations commerciales établies formée par la société Giedam à l'encontre de la société Auchan France, l'arrêt rendu le 21 juin 2005, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.