Livv
Décisions

Cass. com., 20 février 2007, n° 04-14.446

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Daniel Grenin (Sté)

Défendeur :

Imphy Ugine précision (Sté), Sprint Metal (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

T. com. Nevers, du 13 sept. 2000

13 septembre 2000

LA COUR : - Attendu selon l'arrêt attaqué (Bourges, 23 février 2004), que la société Daniel Grenin, exerçant notamment une activité de transporteur et de stockiste, a, depuis sa création en 1960, assuré des prestations de transport au profit des Aciéries d'Imphy Creusot Loire, Imphy SA et Usinor auxquelles ont succédé, en décembre 1998, après une réorganisation d'Imphy SA Ugine Savoie Imphy, Sprint Metal (SM) aux droits de laquelle vient la société Ugitech, Tecphy et Imphy Ugine précision (IUP), aux droits de laquelle vient la société Imphy Alloys ; qu'à compter de 1995, la société Daniel Grenin a également effectué des prestations de stockage au profit d'IUP et de SM ; qu'à la suite d'une réorganisation importante du Groupe Usinor, il a été procédé par Usinor achats, agissant pour le compte d'IUP et de SM, à divers appels d'offres auprès des sous-traitants ; qu'une consultation a eu lieu en janvier et février 1999 pour un marché annuel de transport portant sur plusieurs milliers de tonnes ; que la société Daniel Grenin a répondu à cet appel d'offres ; que n'ayant pu satisfaire aux conditions de l'appel d'offres de 1999, il ne lui a plus été confié de prestations de transport direct à compter du mois de janvier 2000 ; que la fin des relations commerciales concernant le transport direct entre la société Daniel Grenin et les sociétés IUP et SM est intervenue dans un contexte de baisse régulière du pourcentage de chiffre d'affaires de la première avec les deux autres ; qu'enfin, Usinor achats a informé par simple télécopie en date du 2 décembre 1999 qu'elle mettait fin aux opérations de stockage effectuées par la société Daniel Grenin pour le compte d'IUP à compter du 2 janvier 2000 ; que la société Daniel Grenin a assigné IUP devant le tribunal de commerce considérant la rupture des relations commerciales brutale et imprévisible ; que par jugement du 13 septembre 2000, le tribunal de commerce a rejeté ses demandes concernant le transport, les investissements réalisés et le préjudice commercial et matériel et a condamné solidairement IUP et SM à lui payer une indemnité au titre de la rupture des relations commerciales visant les prestations de stockage ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Daniel Grenin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de réparation du préjudice causé par la rupture de ses relations avec IUP et SM concernant ses activités de transport, alors, selon le moyen : 1°) que le commerçant engage sa responsabilité lorsqu'il rompt brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'avait plus été confié de prestations de transport direct à la société Daniel Grenin à compter du mois de janvier 2000, sans préavis écrit - ainsi qu'il est prétendu - n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; 2°) qu'est fautif le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la société IUP n'avait pas cessé toute relation contractuelle avec la société Grenin en lui confiant encore une partie de ses activités, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu qu'Usinor achats avait, en janvier et février 1999, lancé des appels d'offre pour les prestations de transport auxquels la société Daniel Grenin avait immédiatement répondu avant de baisser en juin 1999 les propositions tarifaires qu'elle avait initialement présentées, ce dont il se déduisait qu'Usinor achats avait manifesté, dès le début de 1999, à la société Daniel Grenin son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et avait fait ainsi courir le délai de préavis et que, faute de satisfaire aux conditions techniques et financières de l'appel d'offres de 1999, il n'a plus été confié de transport direct à la société Daniel Grenin à compter du mois de janvier 2000, la cour d'appel, a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, pu décider que la rupture des relations commerciales avec IUP et SM concernant le transport n'était pas brutale ;

Et attendu, d'autre part, que la seconde branche critique un moyen surabondant ; d'ou il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa seconde branche, doit être rejeté pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Daniel Grenin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'indemnités relative aux investissements de stockage, alors selon le moyen : 1°) que la rupture fautive de toute relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur, de sorte qu'en se fondant sur le fait que la société Daniel Grenin n'était liée par aucun contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du Code de commerce ; 2°) que la rupture fautive oblige son auteur à indemniser tous les préjudices en découlant, de sorte qu'en refusant d'ordonner la réparation du coût des installations de stockage, après avoir constaté que la rupture des relations concernant le stockage était fautive, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que la première branche critique un moyen surabondant ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la société Daniel Grenin n'établit pas que les installations de stockage qu'elle a construit en 1998 sont spécifiques à Imphy, et qu'elle a investi dans ces installations, à une époque ou son chiffre d'affaires diminuait, à ses risques et périls et sans s'être assurée qu'elle pourrait en amortir le coût, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve produits, décider que cette société n'apportait pas la preuve d'un préjudice causé par la faute d'Usinor achats qui avait rompu brutalement ses relations commerciales concernant le stockage ; d'ou il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, doit être rejeté pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Daniel Grenin fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande fondée sur sa dépendance économique à l'égard des sociétés IUP et Ugitech, alors, selon le moyen : 1°) que l'état de dépendance économique se caractérise par l'importance de la part du fournisseur dans le chiffre d'affaires total de son partenaire ; qu'en s'étant fondée sur "le tonnage total expédié" pour la société USI quand le chiffre d'affaires réalisé en 2000 avec cette société invoqué par les sociétés IUP et SM dans leurs conclusions ne dépassait pas 185 400 francs pour un chiffre d'affaires total de 17 255 392 francs certifié par le commissaire au comptes, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ; 2°) qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si la société Daniel Grenin n'avait pas subitement été privée de 59,64 % de son chiffre d'affaires du fait de la rupture abusive des relations commerciales avec les sociétés IUP et SM fait attesté par expert-comptable, ce qui l'avait empêchée d'amortir ses charges fixes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient que malgré la baisse régulière du pourcentage de son chiffre d'affaires avec IUP et SM, le chiffre d'affaires de la société Daniel Grenin, qui travaille également pour Ugine Savoie Imphy à laquelle elle expédie un plus fort tonnage total que celui qu'elle expédie à IUP et SM, est resté pratiquement stable ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société Daniel Grenin avait pu compenser par d'autres activités la réduction de tonnage enregistrée avec IUP et SM, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.