Cass. soc., 15 mai 2007, n° 05-44.995
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Laisis-Thireau
Défendeur :
Georges Franck (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Rapporteur :
M. Rovinski
Avocat général :
M. Duplat
Avocats :
SCP Waquet, Fage, Hazan, SCP Masse-Dessen, Thouvenin
LA COUR : - Attendu que Mme Laisis-Thireau a été engagée le 22 février 1990 en qualité de VRP à temps partiel pour développer une activité de vente directe à domicile de vêtements ; qu'elle s'obligeait aux termes de l'article 4 de son contrat de travail à exercer cette activité de représentation de façon exclusive et constante pour le compte de la société Georges Franck ; que l'employeur a le 5 août 1997 engagé une seconde présentatrice demeurant à Quevert, commune attenante de celle de Dinan ; que par courrier du 28 août 2000, l'employeur a annulé les dispositions de l'article 4 précité pour y substituer une obligation dite de "non-concurrence" par laquelle la salariée se voyait imposer de "ne pas concurrencer directement ou indirectement la société Georges Franck et en particulier à ne pas vendre de produits textiles sans l'autorisation de la société" ; que Mme Laisis-Thireau qui a refusé de signer l'avenant modificatif a par la suite saisi la juridiction prud'homale pour demander la condamnation de l'employeur à respecter l'exclusivité dont elle bénéficiait et réclamer outre divers dommages-intérêts le paiement de rappels de salaire sur la période de 1997 à 2002 au titre de la rémunération minimale forfaitaire prévue à l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur : - Attendu que la société Georges Franck fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à Mme Laisis-Thireau la somme de 4 500 euro au titre des frais de livraison alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 12 du contrat de travail, "au cas où la salariée aurait convenu, avec l'accord de la société, de livrer elle-même tout ou partie de ses commandes, une indemnisation au titre des frais de livraison lui serait versée comme suit, étant entendu que tous les seuils ci-dessous sont calculés au mois (...)" ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'elle avait donné son accord pour que la salariée livre elle-même tout ou partie de ses commandes, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a retenu l'existence d'un usage constant selon lequel lors des ventes au domicile de clients qui prêtent leurs concours pour la présentation des produits, c'est l'animatrice de la réunion qui livre ensuite les achats, a pu décider que la salariée était en droit d'obtenir l'indemnisation des frais de livraison qu'elle avait ainsi exposés dans l'intérêt de son employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée : - Vu les articles 1134 du Code civil et 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP ; - Attendu que la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à temps complet à son activité professionnelle ; qu'un VRP s'il est engagé à titre exclusif ne peut se voir imposer de travailler à temps partiel et a droit à la rémunération minimale forfaitaire prévue par l'accord national interprofessionnel des VRP ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de rappels de salaire, l'arrêt énonce "qu'il résulte de la combinaison du statut des VRP appliqué au salarié et du contrat de travail du 22 février 1990 que, jusqu'au 28 août 2000, Mme Laisis-Thireau a travaillé à temps partiel en exclusivité pour la société Georges Franck, mais qu'à compter de cette date, compte tenu de la position de la Chambre sociale de la Cour de cassation, l'employeur a proposé à sa salariée l'annulation de l'article 4 de son contrat de travail qui instaurait une clause d'exclusivité et son remplacement par une clause de non-concurrence, mais elle a refusé d'accuser réception de ce courrier qu'elle a pourtant reçu puisqu'elle le produit aux débats ; que si l'employeur a délié Mme Laisis-Thireau de son obligation d'exclusivité, il n'a pas modifié son temps de travail qui est resté à temps partiel" ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée avait été engagée en qualité de VRP à titre exclusif en application de l'article 4 de son contrat de travail et que l'employeur ne pouvait y substituer sans l'accord de la salariée une clause dite de "non-concurrence", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour débouter Mme Laisis-Thireau de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de la violation par la société Georges Franck de son obligation de loyauté, l'arrêt attaqué énonce que la salariée "ne bénéficiait pas d'une exclusivité de présentation sur la ville de Dinan et les villes proches, son contrat de travail ne prévoyant pas de secteur de prospection, en sorte qu'il était loisible à l'employeur de confier sur la même ville la représentation des produits à une autre personne sans que cela ne constitue une violation de la clause d'exclusivité et alors que les fichiers clients sont personnels et constitués par les VRP en fonction de leurs relations personnelles, la seule recommandation de l'employeur étant que l'animatrice ne détourne pas les clients d'autres animatrices" ;
Qu'en statuant ainsi, alors que constituait un engagement unilatéral de l'employeur, l'engagement pris par la société Georges Franck dans son règlement interne de n'installer qu'une seule présentatrice dans un secteur de 25 000 habitants et de veiller à ce qu'aucune présentatrice ne démarche la clientèle d'une autre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule sauf en ce qu'il a condamné la société Georges Franck à verser à Mme Laisis-Thireau au titre des frais de livraison la somme de 4 500 euro, l'arrêt rendu le 15 mars 2005, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Caen.