Cass. com., 15 mai 2007, n° 04-13.644
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ros (Consorts)
Défendeur :
Fiat auto France (Sté), Commères
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
M. Casorla
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Defrenois, Levis
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal des consorts Ros que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Fiat auto ; - Donne acte aux consorts Ros de leur désistement du pourvoi en tant qu'il était dirigé contre M. Commères ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, du 3 février 2004), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 25 janvier 2000, pourvoi n° 97-17.447), que M. Roger Ros (M. Ros), qui était garagiste à Tarbes, a distribué des véhicules de marque Lancia en qualité de concessionnaire dans le cadre du réseau exploité par une société Distribution Chardonnet ; que le contrat de concession portait, notamment, sur la zone de Tarbes et mentionnait l'existence d'un concurrent en la personne de M. Commères, exerçant à l'enseigne Garage moderne dont l'établissement était situé à Tournay à l'extérieur de Tarbes ; qu'après le décès de son épouse en 1979, M. Ros a poursuivi son activité sous l'enseigne Garage Ros et fils pour le compte de l'indivision née de la dissolution de la communauté ; que le 1er janvier 1989, il a signé un nouveau contrat de concession pour la commercialisation des véhicules de la marque Lancia, directement avec la société Fiat auto France (la société Fiat) ; que ce contrat, à durée indéterminée, spécifiait qu'il se substituait à toutes autres conventions conclues antérieurement, ne faisait plus mention du garage de M. Commères et contenait un article 1-3 prévoyant l'accord préalable du concessionnaire en cas de modification de la zone ou de nomination de nouveaux concessionnaires dans cette zone ; que, courant 1989, M. Commères a été autorisé par la société Fiat à transférer son garage à Séméac, à proximité de l'échangeur Tarbes-Est de l'autoroute de Bayonne à Toulouse et à l'exploiter dans le cadre d'une société Europ auto ; que, le 28 décembre 1990, la société Fiat a notifié à M. Ros la résiliation du contrat de concession avec effet à compter du 29 décembre 1991, conformément aux dispositions du contrat qui prévoyait un préavis d'un an ; qu'à compter du 1er janvier 1992, le Garage Ros a été exploité par deux fils de M. Ros, MM. Marcel-Jean et Joël Ros, auxquels il a fait donation de ses droits sur le fonds de commerce ; que, postérieurement au transfert de la propriété du fonds au profit de ses fils, M. Ros, invoquant la rupture abusive du contrat et des actes de concurrence déloyale, a poursuivi la société Fiat et M. Commères ; que la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 16 janvier 1997, par lequel l'action de M. Ros avait été déclaré irrecevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident provoqué qui est préalable : - Attendu que la société Fiat fait grief à l'arrêt d'avoir dit recevables l'action exercée par M. Ros et l'intervention en cause d'appel de MM. Marcel, Roger-Jean et Joël Ros, alors, selon le moyen : 1°) que les créances en responsabilité nées de la résiliation d'un contrat de distribution, attachées à un fonds de commerce, élément constitutif de la valeur de ce fonds et venant directement compenser la perte de la clientèle, sont comprises dans la transmission du fonds et n'ont pas à être expressément mentionnées dans l'acte de cession ; qu'en décidant que la créance litigieuse n'avait pu être transmise car il n'en avait pas été fait état dans l'acte de donation-partage, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 141-5 et L. 142-2 du Code de commerce, l'article 1692 du Code civil et l'article 32 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que la liquidité et la certitude de la créance ne constituent pas une condition pour qu'une créance soit cessible ; qu'une créance litigieuse et éventuelle est cessible et, par conséquent partageable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1220 et suivants et 1689 et suivants du Code civil ; 3°) que les créances se divisent de plein droit entre les héritiers ; qu'il en est ainsi des créances de dommages-intérêts dues à la suite de la résiliation d'un contrat de concession alors qu'il n'a pas encore été statué sur leur certitude et leur liquidité ; qu'en jugeant que l'acte de donation partage ne pouvait porter sur l'attribution d'une créance de dommages-intérêts que M. Ros invoque dans l'actuelle procédure, dans la mesure où cette créance dont il a poursuivi le paiement postérieurement n'était à l'époque du partage ni liquide, ni certaine, la cour d'appel a violé les articles 1220 et suivants du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté qu'il n'était pas fait état de la créance de dommages-intérêts détenue par M. Ros sur la société Fiat à raison des conditions de la rupture du contrat de distribution, dans la donation-partage par laquelle il avait cédé son fonds de commerce à ses enfants, la cour d'appel, appréciant souverainement la volonté des parties et abstraction faite des motifs critiqués par les deuxième et troisième branches, a pu en déduire que cette créance n'était pas comprise dans la donation-partage ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu que les griefs de ce moyen qui sont pris de la violation des articles 1147 et 1134 du Code civil ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen de ce pourvoi qui n'est pas nouveau : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande d'indemnisation formée à l'encontre de la société Fiat, l'arrêt relève qu'il résulte des pièces du dossier que M. Commères a toujours bénéficié, sous la forme de contrats d'une durée d'un an qui ont été régulièrement renouvelés entre le 1er janvier 1978 jusqu'à la fin de l'année 1997, d'une concession de la marque Lancia, cette concession comprenant expressément le périmètre de Séméac et Tarbes ; qu'il ajoute que M. Ros n'est devenu concessionnaire qu'après M. Commères et savait parfaitement que l'exclusivité stipulée dans son contrat s'exerçait concurremment avec celle dont bénéficiait M. Commères ; qu'il en déduit que M. Commères ayant une antériorité sur M. Ros la société Fiat n'avait pas à demander l'accord de ce dernier lorsqu'elle a autorisé M. Commères à exploiter son fonds de commerce dans le cadre d'une société commerciale dont il devait être le gérant et à transférer le siège de son entreprise de Tournay à Sémeac ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que chaque contrat à durée déterminée est, lors de son renouvellement, un nouveau contrat et qu'en conséquence M. Commères ne bénéficiait plus d'aucune antériorité, lors du renouvellement de son contrat, postérieurement à la signature du contrat de distribution exclusive entre M. Ros et la société Fiat le 1er janvier 1989, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi incident ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes des consorts Ros dirigées contre la société Fiat et fondées sur la violation de l'exclusivité dont bénéficiait M. Ros, l'arrêt rendu le 3 février 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse.