Cass. crim., 9 mai 2007, n° 06-86.373
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Leader Distribution Aunis Saintonge (Sté), Distribution Leader Price (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Delbano
Avocat général :
M. Finielz
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP de Chaisemartin, Courjon
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : la société Leader Distribution Aunis Saintonge, la société Distribution Leader Price, parties civiles, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 16 juin 2006, qui, dans la procédure suivie contre Frédéric X et la société Y du chef de publicité comparative illicite, a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire commun aux demanderesses et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-8, interprété à la lumière de la directive n° 97-55, L. 121-12 et L. 213-6 du Code de la consommation et des articles 472, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué - statuant sur les seuls intérêts civils - a débouté les sociétés Leader Distribution Aunis Saintonge et Distribution Leader Price, de leurs demandes d'indemnités dirigées contre Frédéric X et la société Y à raison des faits de publicité trompeuse, publicité comparative illicite, et tromperie commis par eux, et les a condamnées à des dommages-intérêts pour constitution de partie civile téméraire ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, la comparaison doit porter sur des produits non pas identiques mais répondant à un même besoin ou ayant le même objectif ; que n'est pas illicite une publicité qui met en œuvre une comparaison exclusive par le prix à condition que les règles d'objectivité et de loyauté soient respectées ; qu'en l'espèce, les photographies versées en copie montrent deux caddies remplis de produits alimentaires et ménagers et les tickets de caisse établissent qu'il s'agit de produits de consommation courante, composant le "panier de la ménagère" ; que les produits répondent à un même besoin et ont un même objectif ; qu'il s'agit en outre de produits de même dénomination ; que les sociétés Leader Price ne fournissent aucun procès-verbal dressé dans le centre Leclerc de Royan, qui établirait le contenu des chariots et encore moins la composition des produits qui y sont contenus ; que l'examen de la copie des tickets de caisse montre que la comparaison a porté sur des produits de même nature, répondant aux mêmes besoins : se nourrir, se laver, nettoyer ; qu'il ne résulte pas des éléments de preuve que les produits comparés ont présenté des différences de qualité ; que la comparaison opérée par le centre Leclerc répond aux conditions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ; que les règles d'objectivité et de loyauté ont été respectées ;
"alors, d'une part, qu'il résulte des termes de l'article L.121-8 du Code de la consommation qu'une publicité comparative ne peut pas porter exclusivement sur un élément de prix, sauf à ce que toutes les autres caractéristiques de ces produits comparés soient rigoureusement identiques ; que constitue une publicité comparative fondée exclusivement sur le prix au regard de ce texte le procédé consistant à présenter au consommateur deux chariots de supermarché remplis de produits de consommation courante, mais non strictement identiques, en affichant simplement sur les chariots le prix total des articles qui y figurent, émanant de deux distributeurs différents ;
"alors, d'autre part, que, dès lors qu'une publicité comparative ne peut pas porter exclusivement sur un élément de prix, en cas de comparaison de produits non identiques, et de prise en compte de leur prix, l'annonceur doit préciser, au-delà des prix, les caractéristiques des produits permettant au consommateur d'apprécier la différence de prix ; que faute de toute précision sur les qualités respectives des produits " de base " présentés dans les chariots, dont les qualités, au-delà de leur utilité, n'étaient pas nécessairement les mêmes, la publicité comparative en cause était illicite ;
"alors, enfin et en toute hypothèse, qu'en cas de publicité comparative, il appartient à l'annonceur pour le compte de qui elle est diffusée, en vertu de l'article L. 121-12 du Code de la consommation dans sa rédaction du 23 août 2001 applicable à la présente espèce, d'être en mesure de prouver l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité, et par conséquent de démontrer, en cas de publicité comparative sur le prix, soit l'absolue identité des produits comparés, soit que la différence de prix ne peut pas se justifier par la différence de qualité intrinsèque de tel ou tel produit et que les produits étaient en tous points (sauf par le prix) comparables ; qu'en imposant à la victime d'une telle publicité de prouver le contenu des chariots et le caractère non comparable des produits, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve" ;
Vu l'article L. 121-8 du Code de la consommation ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur, si elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, et si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, courant mars 2003, le centre Leclerc de Royan a exposé à l'entrée du magasin deux chariots remplis de produits provenant, pour l'un d'eux, de ses rayons, pour l'autre, de l'établissement à l'enseigne Leader Price situé dans la même ville ; que cette présentation était accompagnée de l'annonce suivante : "Stop, inutile de chercher des prix plus bas, valeur du caddie Leader Price 68 euro 89, valeur du caddie E. Leclerc 52 euro 79, achats effectués le 17 mars 2003", ainsi que de la reproduction des deux tickets de caisse ; que la société Y gérant le centre Leclerc et Frédéric X, responsable de ce centre, ont été poursuivis par les parties civiles devant le tribunal correctionnel, du chef notamment de publicité comparative illicite ; que, par jugement du 28 avril 2005, les prévenus ont été relaxés et les parties civiles déboutées et condamnées à des dommages-intérêts pour abus de constitution ;
Attendu que, pour confirmer le jugement les ayant relaxés du chef précité, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations qu'elle n'était pas en mesure de s'assurer que les produits présentaient les mêmes caractéristiques essentielles, de sorte que leur comparaison ne pouvait être opérée de façon objective, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; d'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs : Casse et Annule en ses seules dispositions relatives au délit de publicité comparative illicite, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Poitiers, en date du 16 juin 2006, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.