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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 18 décembre 2006, n° 05-07277

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Dufay (Epoux)

Défendeur :

Joly (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Roussel

Conseillers :

Mmes Guieu, Courteille

Avoués :

SCP Deleforge Franchi, SCP Levasseur-Castille-Levasseur

Avocats :

Mes Rochet, Lheureux

TGI Lille, du 30 sept. 2005

30 septembre 2005

Par jugement du 30 septembre 2005, le Tribunal de grande instance de Lille a:

- prononcé la nullité des opérations d'expertise relatives à la partie avant de l'habitation sise à Templemars 31, rue Jean-Baptiste Mullier,

- déclaré recevable l'action des époux Joly,

- condamné solidairement les époux Dufay à payer aux époux Joly la somme de 17 112,76 euro au titre de la garantie des vices cachés,

- débouté les parties de leurs demandes respectives de dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement les époux Dufay à payer aux époux Joly la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration déposée au greffe de la cour le 16 décembre 2005, M. et Mme Dufay ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 18 avril 2006, M. et Mme Dufay demandent à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du rapport de M. Bernard François dans la mesure où il a largement dépassé le cadre de la mission impartie par l'ordonnance de référé du 8 octobre 2002,

- réformer le jugement en ce qu'il a estimé recevable l'action des époux Joly,

- réformer le jugement en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une somme de 17 112,76 euro au titre de la garantie des vices cachés,

En conséquence,

- dire et juger que M. et Mme Dufay sont de bonne foi,

- dire et juger que le mur arrière déformé est un vice apparent au moment de l'achat,

- dire et juger que ce vice apparent ne saurait donner lieu à garantie,

- dire et juger que les réparations de la toiture étaient apparentes,

- dire et juger que ce vice apparent ne saurait donner lieu à garantie,

- constater le caractère tardif du constat d'huissier dressé par Me Candas,

- constater le caractère tardif de l'assignation en référé qui intervient plus d'un an après la vente,

- dire et juger que l'action des époux Joly est tardive et les en débouter,

- condamner M. et Mme Joly au paiement d'une somme de 1 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 13 juin 2006, M. et Mme Joly demandent de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux Dufay au remplacement de la toiture en tôles ondulées,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux Dufay à payer aux époux Joly la somme de 17 112,76 euro au titre de la garantie des vices cachés concernant la couverture zone arrière, le traitement de la charpente, la dépose et repose du faux-plafond de l'extension arrière,

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu le mur de parpaing comme vice caché,

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu le renforcement des quatre abouts de solive, pas plus que la remise en conformité du câble d'alimentation,

- condamner les époux Dufay au paiement des sommes suivantes:

* renforcement des quatre abouts de solive : 1 147,46 euro,

* renforcement du mur en parpaings : 5 506,73 euro,

- remise en conformité : 554,52 euro,

- les condamner au paiement d'une somme de 1 525 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- confirmer le jugement e" ce qu'il a condamné M. et Mme Dufay à leur payer une somme de 1 000 euro à titre de dommages intérêts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2006.

Données du litige,

Par acte du 19 juin 2001, M et Mme Dufay ont vendu à M. et Mme Joly une maison située à Templemars, 31 rue Jean-Baptiste Mullier.

Cette vente a été consentie moyennant le prix de 73 937,77 euro.

Quelques temps après la vente, les époux Joly se plaignant de divers désordres, ont sollicité en référé la désignation d'un expert.

Par ordonnance du 8 octobre 2002, M. Bernard François a été désigné en cette qualité, il a déposé un rapport le 15 septembre 2003.

Par acte du 4 juin 2004, M. et Mme Joly ont assigné M. et Mme Dufay devant le Tribunal de grande instance de Lille aux fins de les voir condamner à leur payer diverses sommes à titre de dommages intérêts.

C'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision déférée.

Motifs,

M. et Mme Dufay font valoir que l'expert judiciaire, en examinant les désordres sur la charpente, a excédé les termes de sa mission ; que la partie du rapport consacré aux désordres en charpente est nulle; que les époux Joly n'ont pas assigné dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil ; qu'ils ont vendu leur maison pour faire face à leurs dettes ; qu'ils ignoraient l'existence des désordres affectant la charpente; que le prix de vente de l'immeuble tenait compte de son état.

M. et Mme Joly expliquent que les désordres étaient masqués soit par de la peinture (toiture de l'extension) soit par des plaques; qu'ils ont agi dans l'année qui a suivi l'achat ; que s'agissant du mur cintré, celui-ci était invisible lors des visites précédent l'achat.

Sur la nullité partielle du rapport d'expertise,

L'ordonnance de référé du 8 octobre 2002 ayant désigné l'expert précisait que sa mission était de : "décrire les désordres, constater l'état de la toiture et du mur soutenu par un mur de parpaing, donner son avis sur la nature, le coût et la durée probables des travaux destinés à la réfection, donner son avis sur la possibilité pour les vendeurs d'avoir connu ces désordres avant la vente."

Cette mission reprenait le constat opéré par Me Candas, huissier, le 4 juillet 2002 qui décrivait les désordres affectant un mur qui était déformé et la toiture de l'extension de l'immeuble par laquelle se produisaient des infiltrations.

Il résulte de l'article 238 du nouveau Code de procédure civile que l'expert doit donner son avis sur les points pour lesquels il a été commis, il ne peut répondre à d'autres questions sauf accord écrit des parties, toutefois, aucune disposition ne sanctionne par la nullité les obligations imposées par ce texte de sorte qu'il n'y a pas lieu de déclarer nulle la partie du rapport relatif à des constatations effectuées hors la mission de l'expert, dès lors que ces constatations ont été opérées contradictoirement et que les parties ont pu formuler leurs observations par voie de dire.

Il est constant que lors de sa visite sur les lieux, l'expert a constaté des désordres affectant la charpente et les planchers qui n'étaient pas dénoncés dans le constat d'huissier. Il résulte du rapport de M. François (pages 10 à 13 du rapport) que ces constatations ont été opérées contradictoirement ; que le conseil des époux Dufay était présent lors de l'accédit du 10 février 2003 au cours duquel ont été examinés la charpente et les planchers et a adressé à la suite de ce rendez-vous, un dire à l'expert de sorte que le jugement doit être réformé en ce qu'il a déclaré nul le rapport d'expertise.

Sur la fin de non-recevoir tiré de la tardiveté de l'action,

L'action en garantie des vices cachés doit être engagée dans un bref délai à compter de la découverte des vices.

Les époux Joly ont acquis l'immeuble en juin 2001, ils ont constaté des désordres affectant l'immeuble et ont fait réaliser un constat des lieux en juillet 2002 et ont assigné en référé expertise le 23 juillet 2002, soit un an après l'acquisition de l'immeuble et quelques semaines après la découverte des défauts dont ils demandent la réparation de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action en garantie.

Sur les vices affectant l'immeuble,

Le vendeur est tenu à la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui en diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix.

S'agissant des désordres invoqués et décrits par M. François en son rapport, il s'agit de:

- la détérioration de la toiture en plaques ondulées par laquelle se produisent des infiltrations,

- la charpente de cette toiture affectée par le mérule,

- câble électrique encastré,

- le mur arrière du bâtiment déformé,

- la charpente du toit principale attaquée par la vrillette,

Il résulte du rapport de l'expert (page 30) que les désordres affectant la charpente et la toiture en plaques ondulées sont anciens ; que les infiltrations ont permis au mérule de se développer; que ces désordres n'étaient pas visibles lors de l'achat de l'immeuble car masqués par de la peinture appliquée avant la vente par les époux Dufay.

L'expert a relevé la présence de vrillette sur la charpente du bâtiment principal (page 30 du rapport), il précise que ces défauts étaient masqués par les plaques de plancher posées en 1982, il ajoute que les insectes étaient déjà présents dans la charpente à ce moment ; ce désordre doit faire l'objet de travaux de reprise compte tenu du risque pour l'immeuble.

S'agissant du mur déformé (page 31 du rapport), l'expert relève que ce désordre était apparent au moment des visites faites pour l'achat de la maison, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a débouté les époux Joly de leur demande sur ce point.

M. et Mme Joly ont également fait constater à l'expert (page 29 du rapport) qu'un câble électrique était encastré dans la maçonnerie, ce qui n'est pas conforme aux normes EDF, le câble devant dès lors être remplacé, ce défaut n'est apparu qu'après réalisation de travaux sur les murs et étaient cachés lors de l'acquisition.

Il y a lieu de rappeler que compte tenu de la clause d'exonération des vices cachés figurant à l'acte de vente, M. et Mme Dufay ne sauraient être tenus à garantie que dans la mesure où il est démontré qu'ils avaient connaissance des vices cachés rendant l'immeuble impropre à son usage ou en diminuent le prix.

Au vu des constations de l'expert, il y a lieu de dire que les désordres affectant la toiture de l'extension, la charpente étaient cachés au moment de la vente, compte tenu de leur gravité, ils entraînent une dépréciation de l'immeuble, ces défauts constituent dès lors des vices cachés au sens de l'article 1641 du Code civil pour laquelle les époux Joly sont bien fondés à solliciter une indemnisation.

S'agissant du câble électrique encastré, il n'est pas démontré que les époux Dufay avaient connaissance de ce défaut, pas plus qu'il n'est établi que ce vice est de nature à rendre l'immeuble impropre à son usage, s'agissant d'une non-conformité à des normes électriques, ces normes variant dans le temps.

La circonstance que l'immeuble ait été vendu à un prix inférieur au prix de sa mise en vente n'est pas de nature a établir que les époux Joly avaient eu connaissance des vices affectant la maison et auraient fait diminuer le prix.

Les époux Dufay ne sauraient établir leur bonne foi en indiquant que la vente était motivée par leurs difficultés financières, il résulte au contraire des constatations de l'expert, qu'ils ne pouvaient ignorer les désordres affectant la toiture en tôle ondulée, ayant eux-mêmes masqué les désordres par un revêtement de peinture et ayant apposé des plaques de bois et de métal sur la charpente en 1982.

Au vu du rapport d'expertise, le montant des sommes qui devront être allouées aux époux Joly au titre de la dépréciation de l'immeuble seront arrêtées à 18 260,22 euro.

Les époux Dufay ayant eu connaissance des vices affectant l'immeuble, sont tenus le cas échéant, conformément aux dispositions de l'article 1645 du Code civil, à payer des dommages-intérêts aux époux Joly.

Il ressort des constatations opérées par l'expert qu'en raison des vices affectant plusieurs pièces de la maison et compte tenu des travaux à réaliser, les époux Joly n'ont occupé pleinement l'immeuble acquis, il en est résulté un préjudice justement apprécié par le tribunal et le jugement sera confirmé de ce chef ;

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, M. et Mme Dufay étant en outre condamnés à payer une indemnité complémentaire de 500 euro au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Par ces motifs, Infirme le jugement en ce qu'il a constaté la nullité partielle du rapport d'expertise, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M et Mme Joly de leurs demandes relatives au mur en parpaing, et en ce qu'il a condamné M. et Mme Dufay à payer à M. et Mme Joly une somme de 17 112,76 euro outre 1 000 euro de dommages-intérêts, l'infirmant partiellement, Condamne M. et Mme Dufay à payer à M. et Mme Joly une somme de 1147,46 euro, Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, Condamne M. et Mme Dufay à payer à M. et Mme Joly une somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. Et Mme Dufay aux entiers dépens, Autorise la SCP Levasseur, Castile, Levasseur, avoués, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.