CA Rennes, 1re ch. B, 27 février 2004, n° 03-00350
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Gouellec
Défendeur :
Noel, Weisser
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Piperaud
Conseillers :
Mme Sillard, M. Bohuon
Avoués :
SCP Gauvain & Demidoff, SCP Guillou & Renaudin, SCP Castres Colleu & Perot
Avocats :
Mes Riffaud, Leroux, Larzul, Loas
Par jugement du 15 novembre 2002 le Tribunal de grande instance de Saint-Malo a prononcé la résolution de la vente d'une remorque conclue entre Joël Le Gouellec et David Weisser le 14 juin 1999, a condamné David Weisser à rembourser à Joël Le Gouellec le prix de vente de 18 000 F, soit 2 744,08 euro, a rejeté le moyen d'irrecevabilité de la demande de David Weisser à l'encontre de Daniel Noel tiré du non-respect du bref délai ; a prononcé la résolution de la vente de la remorque conclue le 22 mai 1998 entre David Weisser et Daniel Noel, a condamné ce dernier à rembourser à celui-ci le prix de vente de 13 000 F, soit 1 981,84 euro, a dit que les condamnations au paiement précitées étaient exécutoires indépendamment l'une de l'autre ; a ordonné la restitution de la remorque par Joël Le Gouellec directement à Daniel Noel et aux frais et diligences de ce dernier mais sur justification préalable du paiement par Daniel Noel du prix de vente de 13 000 F à David Weisser, a dit que Daniel Noel devra procéder à ces diligences dans les 10 jours du paiement de la somme précitée à David Weisser, sous astreinte de 100 euro par jour de retard, a dit qu'à défaut de démarches volontaires de Daniel Noel pour récupérer la remorque Joël Le Gouellec est autorisé à la faire porter devant le domicile de Daniel Noel aux frais de ce dernier, a dit que la garantie ne pouvait être appliquée pour la condamnation de David Weisser au remboursement du prix de vente à Joël Le Gouellec, a condamné David Weisser à payer à ce dernier les intérêts au taux légal sur la somme de 18 000 F à compter du 4 décembre 2000, le coût de la carte grise, soit 36,59 euro avec les intérêts au taux légal à compter de la même date et les intérêts liés au prêt souscrit pour l'acquisition de la remorque, soit 5,25 % sur 2 744,08 euro sur une durée de 36 mois, a rejeté le surplus des demandes au titre du préjudice, a condamné Daniel Noel à garantir David Weisser du paiement des intérêts précités et de la somme de 36,59 euro, a condamné David Weisser à payer à Joël Le Gouellec la somme de 770 euro sur le fondement de l'article 37 et de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sans garantie de Daniel Noel, a condamné ce dernier à payer à David Weisser la somme de 770 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire, a rejeté le surplus des demandes et a condamné Daniel Noel aux entiers dépens incluant le coût du constat d'huissier du 15 juillet 1999;
Joël Le Gouellec a interjeté appel de cette décision et, par écritures du 13 janvier 2004 récapitulant ses moyens et arguments, a conclu à sa confirmation en ce qu'elle a ordonné la résolution des ventes successives, condamné David Weisser au remboursement du prix de vente et des frais de vente ainsi qu'au paiement des frais irrépétibles et aux dépens et ordonné la restitution de la remorque sous astreinte, à sa réformation pour le surplus, à la condamnation de David Weisser à lui payer la somme de 4 678 euro au titre des aménagements réalisés sur la remorque, la somme de 320 euro au titre des frais de réparation et de dépannage et la somme de 11 650 euro en réparation des pertes d'exploitation, outre les intérêts au taux légal ; subsidiairement l'appelant a conclu à une expertise comptable; Joël Le Gouellec a enfin conclu au débouté de David Weisser et de Daniel Noel en toutes leurs demandes et à la condamnation du premier à lui payer la somme de 1 500 euro en cause d'appel sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi sur l'aide juridictionnelle;
Par écritures du 14 janvier 2004 David Weisser a fait valoir ses moyens et arguments et a conclu à titre principal à la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions ; subsidiairement l'intimé a conclu à la condamnation de Daniel Noel à le garantir des éventuelles condamnations à dommages-intérêts qui seraient prononcées contre lui ; David Weisser a enfin conclu à la condamnation de Joël Le Gouellec ou de Daniel Noel à lui verser une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par écritures du 3 octobre 2003 Daniel Noel a conclu pour sa part, après avoir exposé ses moyens et arguments, à la réformation partielle du jugement du 15 novembre 2002, au débouté de Joël Le Gouellec et de David Weisser en toutes leurs demandes à son encontre et à leur condamnation à lui payer la somme de 1500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Sur quoi,
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que Daniel Noel a revendu le 22 mai 1998 à David Weisser, pour le prix de 13 000 F, soit 1981,84 euro, une remorque aménagée pour l'activité de crêpier ambulant qu'il avait lui-même acheté d'occasion en 1993; que le 14 juin 1999 David Weisser a revendu cette remorque pour le prix de 18 000 F, soit 2 744,08 euro, à Joël Le Gouellec ; que le 9 juillet 1999 la remorque a été accidentée alors qu'elle était tractée, son châssis s'étant soudainement rompu;
Considérant que Joël Le Gouellec a assigné le 3 janvier 2000 en référé expertise David Weisser, lequel a appelé Daniel Noel en intervention forcée et en garantie le 21 janvier 2000 ; qu'après dépôt du rapport d'expertise en date du 21 juillet 2000 Joël Le Gouellec a assigné son vendeur en résolution de la vente, par acte du 4 décembre 2000, David Weisser assignant à son tour son propre vendeur, Daniel Noel, le 4 avril 2001;
Considérant que les actions en résolution des ventes successives pour vices cachés sont donc recevables comme ayant été engagées à bref délai, le point de départ de l'action de David Weisser contre Daniel Noel étant la date de l'assignation du premier par Joël Le Gouellec;
Considérant, sur l'existence contestée par Daniel Noel d'un vice caché affectant la remorque, qu'il résulte du rapport d'expertise qu'à la suite de travaux qu'avait fait exécuter ce dernier lorsqu'il en était propriétaire, en décembre 1996, ce véhicule était équipé d'un essieu dont la plaque d'homologation mentionnait une charge maximum de 650 kilogrammes alors que la carte grise de la remorque prévoyait un poids total en charge de 800 kilogrammes;
Considérant, étant observé que l'accident du 9 juillet 1999 est consécutif selon l'expert à une surcharge de l'essieu, que la remorque vendue par Daniel Noel à David Weisser puis par ce dernier à Joël Le Gouellec était donc affectée d'un vice caché la rendant impropre à son usage puisque l'essieu dont elle était équipée ne lui permettait pas de supporter la charge prévue par la carte grise;
Considérant que c'est donc à bon droit que le Tribunal de grande instance de Saint-Malo a prononcé, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, la résolution des deux ventes successives, a ordonné le remboursement par chaque vendeur à son acheteur du prix de vente qu'il en avait perçu et a organisé la restitution de la remorque;
Considérant, sur la demande de dommages-intérêts présentée par Joël Le Gouellec, objet de son appel, qu'en application des dispositions de l'article 1645 du Code civil, elle n'est recevable qu'à la condition de rapporter la preuve que son vendeur David Weisser connaissait le vice ou qu'en sa qualité de vendeur professionnel il était présumé le connaître;
Or, considérant qu'il n'est aucunement démontré que David Weisser savait que l'essieu équipant la remorque était inadapté ; que par ailleurs l'appelant soutient à tort que son vendeur aurait agi en professionnel de la vente de véhicules d'occasion; qu'en effet s'il est exact que la remorque était entreposée dans un garage, force est de constater d'une part que ce dernier appartenait non pas à David Weisser mais à son père, d'autre part et surtout que l'intimé démontre par les pièces versées aux débats qu'il avait fait l'acquisition de cette remorque non pas dans le but de la revendre après exécution de travaux de peinture mais bien dans le but de l'exploiter lui-même, ainsi qu'il résulte de son inscription à la chambre des métiers le 2 octobre 1998, de sa déclaration à la préfecture en qualité de marchand ambulant de crêpes le 22 septembre 1998, de l'obtention par lui le 5 novembre 1998 du certificat d'agrément sanitaire de sa voiture boutique et de son immatriculation à la Caisse Régionale des Actions et Commerçants;
Considérant que c'est donc également à bon droit que le premier juge a débouté Joël Le Gouellec de ses demandes de dommages-intérêts, l'appelant étant mal fondé à réclamer le remboursement des frais d'aménagement de la remorque, et des frais de réparation et de dépannage ainsi que l'indemnisation de son préjudice d'exploitation;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1646 du nouveau Code de procédure civile David Weisser n'est donc tenu, outre la restitution du prix de 2 744,08 euro avec les intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2000, qu'au remboursement à l'acquéreur des seuls frais occasionnés par la vente; qu'à ce titre Joël Le Gouellec est fondé à lui réclamer le coût de la carte grise, soit les 36,59 euro accordés à bon droit par le premier juge ; qu'en revanche c'est à tort qu'il lui a été également alloué les intérêts liés au prêt souscrit pour l'acquisition de la remorque, ces frais financiers n'étant pas inhérents aux frais de vente du véhicule au sens du texte précité ; qu'ainsi le jugement dont appel sera réformé de ce chef;
Considérant que le jugement entrepris sera également réformé en ce qu'il a condamné Daniel Noel à garantir David Weisser du paiement des intérêts au taux légal sur le prix de vente de 2 744,08 euro et du remboursement du coût de la carte grise; qu'en effet il n'est aucunement démontré que Daniel Noel, qui s'était adressé à un tiers professionnel pour installer un "essieu freiné" sur la remorque dont il était le propriétaire, avait une connaissance de son inadaptation aux caractéristiques du véhicule; que dès lors il n'est débiteur à l'égard de David Weisser que de la restitution du prix de vente qu'il en avait reçu, soit 1 981,84 euro, et non des frais occasionnés par la seconde vente à laquelle il est étranger non plus que des intérêts courant sur le prix de cette seconde vente dont il a d'ailleurs été à juste titre jugé par la décision dont appel qu'il n'en devait pas la garantie;
Considérant que Joël Le Gouellec, appelant, est débouté de son recours, qu'en conséquence il sera condamné aux dépens; qu'en équité il sera alloué à chacun des intimés la somme de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, - Déclare Joël Le Gouellec mal fondé en son appel; - L'en déboute; - Réforme le jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Malo du 15 novembre 2002 en ce qu'il a condamné David Weisser à payer à Joël Le Gouellec les intérêts liés au prêt souscrit pour l'acquisition de la remorque et condamné Daniel Noel à garantir David Weisser "des sommes allouées sous le présent 2° du dispositif'; - Confirme le jugement précité en toutes ses autres dispositions; - Condamne Joël Le Gouellec à payer à : David Weisser et à Daniel Noel la somme de 1 000 euro chacun au titre des frais irrépétibles d'appel; - Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.