CA Orléans, ch. com., économique et financière, 23 septembre 2004, n° 03-01586
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
M-Tech GmbH (Sté)
Défendeur :
Dos Santos (SARL), AEB (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Remery
Conseillers :
Mme Magdeleine, M. Garnier
Avoués :
SCP Laval-Lueger, Me Bordier, SCP Duthoit-Desplanques-Devauchelle
Avocats :
Cabinet Monheit, SCP Cottereau-Meunier, SCP Hervouet-Chevallier
Par deux jugements des 20 décembre 2002 et 21 mars 2003, le Tribunal de commerce de Blois a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, notamment:
1) prononcé en application de l'article 1641 du Code civil, la résolution de la vente entre la SA AEB et la SARL Dos Santos, et en conséquence a :
- ordonné la restitution de la machine à projeter du béton par la SARL Dos Santos à la SA AEB,
- condamné la SA AEB à rembourser à la SARL Dos Santos la somme de 9 119,13 euro avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2000,
4) condamné la société Bero, seule responsable des dommages subis :
- à payer à la SARL Dos Santos la somme de 7 622,45 euro au titre de dommages-intérêts,
- à rembourser à la SA AEB la somme de 6 571,10 euro correspond au prix de cession de la machine,
- à payer à la SARL Dos Santos la somme de 700 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 136 euro ainsi qu'aux coûts des frais d'huissier et de droit de plaidoirie, portés pour mémoire.
La société M-Tech GmbH venant aux droits de la société Bero a interjeté appel de ces décisions. La SARL Dos Santos a formé appel incident ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 18 mai 2004 à la requête de la société M-Tech GmbH, les dernières conclusions signifiées le 25 mai 2004 à la requête de la SA AEB et le 2 juin 2004 à la requête de la SARL Dos Santos.
SUR CE, LA COUR.
Attendu que la société M-Tech GmbH, Société de droit allemand, intervient volontairement à la procédure, déclarant venir aux droits de la société Bero, ce que ne contestent pas les intimées; qu'il lui en sera donné acte, ainsi qu'elle le demande;
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision entreprise et aux conclusions déposées;
Qu'il convient toutefois de rappeler que la SA AEB a vendu le 9 février 2000, à la SARL Dos Santos une machine ayant la capacité de projeter 4 000 m2 de béton pour la réalisation d'enduits, qui s'est avérée défectueuse après 19 heures d'utilisation et la projection de 80 m2 d'enduit;
Que les tentatives de solution amiable au litige n'ayant pu aboutir, la SARL Dos Santos a, le il août 2000, saisi d'une demande d'expertise le juge des référés de Blois qui, par ordonnance du 15 septembre 2000 a désigné M. Voisine à cette fin; que les opérations expertales ont été étendues à la société Bero, fabricant, par ordonnance du 22 décembre 2000, sur une assignation délivrée le 14 novembre 2000 à la requête de la SA AEB;
Que l'expert a déposé son rapport le 19 décembre 2000 ;
Que la SARL Dos Santos a assigné la SA AEB devant le Tribunal de commerce de Blois sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du Code civil par acte du 1er février 2001, procédure au fond à laquelle la société AEB a appelé en intervention forcée et garantie la société Bero par assignation du 9 août 2001;
Que, parallèlement, également le 1er février 2001, la société AEB a saisi le juge des référés d'une demande de réouverture des opérations d'expertise, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 14 février 2001:
Que l'expert judiciaire a déposé son rapport contradictoire à l'égard de toutes les parties, le 14 janvier 2002;
Attendu que la société M-Tech GmbH soutient que la SA AEB est forclose en son action introduite tardivement;
Que la SA AEB n'a pas contesté avoir elle-même été assignée par la SARL Dos Santos à bref délai, l'assignation en référé expertise du 11 août 2000, interruptive de prescription ayant manifestement été introduite dans le délai de l'article 1648 du Code civil au regard de la date d'apparition des incidents, de celle de l'expertise de la compagnie d'assurance de l'acquéreur, ainsi que de l'échec des tentatives d'accord amiable, la société AEB estimant que les désordres étaient imputables à une mauvaise utilisation;
Qu'en vertu de ce même texte, le bref délai du recours en garantie des vices rédhibitoires exercé par le vendeur contre le fabricant court du jour où celui-ci a eu connaissance du défaut de la machine et à tout le moins du jour de sa propre assignation par l'acheteur;
Que la société AEB, persuadée jusqu'à l'assignation en référé du mauvais usage de la machine, a assigné la société Bero trois mois après avoir elle-même été attraite en justice; que ce délai pour agir contre un vendeur dont le siège social se situe à Neuenburg, alors qu'il a commencé à courir pendant les vacances d'été doit être considéré comme remplissant les conditions de brièveté édictées par le texte susvisé;
Attendu qu'il s'ensuit que l'appel en garantie est recevable;
Attendu que la société M-Tech GmbH reproche à l'expert d'avoir conclu à une usure rapide et anormale du corps de pompe Speedy 20 sans avoir testé la machine en fonctionnement, ni abordé la question de la préparation du "mélange chantier" comme cause éventuelle du dommage :
qu'il résulte cependant du rapport d'expertises non contesté sur ce point, que la société Bero n'a fourni à la SARL Dos Santos aucune notice indiquant la définition du matériau pompable, de sorte que cette société a confectionné le produit selon les indications inscrites sur le sac de ciment pour enduit; qu'en outre il a été constaté que ce mélange est conforme à celui utilisé lors de la première présentation de la machine par la SA AEB, alors qu'une consistance plus liquide ne serait pas exploitable pour réaliser un enduit, usage pour lequel la machine litigieuse a été acquise;
Que, par ailleurs, lors de la réunion du 19 décembre 2000, la machine a été mise en marche, l'expert soulignant un transfert lent du lait de chaux dans les tuyaux mais a dû être arrêtée au bout de 5 minutes, le manomètre n'étant pas monté en pression, de sorte que le mortier, pourtant plus liquide que les prescriptions du fabricant, n'était toujours pas arrivé au bout des tuyaux, tandis que la pompe à vis chauffait; qu'à la réunion du 3 avril 2001, (2e expertise), le représentant de la société Bero, présent aux deux réunions, a admis que de nouveaux essais donneraient le même résultat qu'en décembre, de sorte que c'est en accord avec les parties qu'une nouvelle tentative n'a pas été réalisée;
Que l'expertise, non contredite par les éléments du dossier, a révélé que la machine, dont les caractéristiques techniques ne sont pas conformes à celles fournies par le constructeur, présentait après seulement 19 heures d'utilisation et 80m2 d'enduit projeté, une usure prématurée de la pompe à vis à l'origine de son fonctionnement défectueux, malgré une mise en œuvre effectuée avec soin par du personnel connaissant le mode d'emploi;
Attendu qu'une analyse comparative, réalisée par un laboratoire, de la pompe litigieuse et d'une pompe neuve a démontré une différence de dureté entre les deux rotor (vis), la vis neuve fabriquée en fonte présentant une meilleure tenue à l'abrasion que la vis usée fabriquée en acier dont l'usure, après un usage limité, est évaluée à 5,8 mm;
Que l'expert en conclut que la pompe achetée par la société Dos Santos n'a pas rempli sa fonction par suite d'une usure prématurée l'empêchant de fonctionner, usure due à la qualité du rotor dont la matière manque de dureté; qu'il relève que ce vice, indécelable par l'acheteur, rend la machine impropre à sa destination et était connu du fabricant puisque les pièces détachées qu'il propose ont une dureté plus élevée;
Que ces constatations et conclusions ne sont contredites par aucune des pièces versées au dossier, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la résolution de la vente avec ses conséquences de droit;
Que, par ailleurs, la SARL Dos Santos précise que la restitution de la machine, d'une part, du prix d'autre part, sont d'ores et déjà intervenues;
Attendu qu'il résulte des éléments ci-dessus exposés que l'action en garantie de la société AEB à l'encontre du constructeur est recevable et bien fondée, la machine litigieuse présentant un vice de construction rédhibitoire;
Attendu que la SARL Dos Santos, formant appel incident, reproche au tribunal d'avoir sous-estimé son préjudice imputable aux dysfonctionnements du matériel acheté à la société AEB et demande la condamnation in solidum des sociétés AEB et M-Tech GmbH à l'en indemniser;
Que ces demandes formées à l'égard de vendeurs professionnels réputés connaître le vice de la chose sont recevables;
Qu'à juste titre les premiers juges ont relevé, que si le quantum du préjudice apprécié par l'expert ne peut être retenu en l'état eu égard à l'absence de pièces suffisamment précises et probantes, il n'en demeure pas moins évident que la SARL Dos Santos a subi, du fait des dysfonctionnements de la machine à projeter un réel préjudice établi dans son principe par les pièces du dossier, et par les éléments de la cause;
Qu'ainsi il n'est pas contestable que cette société a subi une perte financière certaine à raison des heures perdues par ses employés à tenter de faire fonctionner la machine (attestation Predal);
Qu'il est également manifeste que les prestations imparfaites ont mécontenté des clients (attestations Mlle Véronique Vernat, Predal), de même que les retards ayant fait perdre des chantiers (courrier époux Vernat du 17 novembre 2000) causant ainsi, non seulement un préjudice économique, mais également commercial, improprement qualifié de moral par la demanderesse;
Qu'eu égard à ces éléments, il apparaît que ce préjudice doit être fixé à la somme de 11 000 euro, toutes causes confondues; que la SARL Dos Santos est fondée à en demander réparation in solidum à sa venderesse et au fabricant; qu'à titre de dommages-intérêts complémentaires, il convient de faire partir les intérêts de l'assignation;
Que la décision du 20 décembre 2002, sera donc réformée en ce sens;
Attendu que la société M-Tech GmbH, qui succombe, sera déboutée de toutes ses demandes;
Que l'équité commande d'allouer une indemnité de procédure de 2 000 euro à la SARL Dos Santos et de 1 000 euro à la SA AEB:
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: Donne acte à la société M-Tech GmbH venant aux droits de la société Bero de son intervention volontaire, Reçoit la société M-Tech GmbH en son appel. L'y déclare mal fondée, Confirme le jugement du 21 mars 2003. Reçoit la SARL Dos Santos en son appel incident, Reformant la décision du 20 décembre 2002, Condamne in solidum la société AEB et la société M-Tech GmbH à verser à la SARL Dos Santos la somme de onze mille euros (11 000 euro) en réparation de son préjudice et ce, avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 1er février 2001, Confirme pour le surplus, Y ajoutant, Dit que la société M-Tech GmbH devra garantir la société AEB de toutes les condamnations prononcées à son encontre, Condamne la société M-Tech GmbH à verser à la société Dos Santos, d'une part, à la société AEB, d'autre part, une indemnité de procédure respectivement de deux mille euros (2 000 euro) et mille euro (1 000 euro) ; Condamne la société M-Tech GmbH aux dépens qui comprendront les frais d'expertise; Accorde à Maître Rordier et la SCP Duthoit Desplanques Devauchelle, titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.