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Décisions

CA Chambéry, ch. com., 21 novembre 2006, n° 05-01329

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Automobiles (SARL)

Défendeur :

Cochard (Epoux), Bouvet (ès qual.), GE Capital Bank (SCA), Icare Assurances (SA), Olympia Capital ASA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Robert

Conseillers :

Mme Carrier, M. Betous

Avoués :

SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon, SCP Forquin-Rémondin, SCP Fillard-Cochet-Barbuat, SCP Dantagnan-Dormeval

Avocats :

Mes Hallel, Bizien, Kalantarian

T. com. Chambéry, du 19 avr. 2004

19 avril 2004

Le 19 janvier 1999, Monsieur Patrick Cochard a acquis auprès de la société France Automobiles, par l'intermédiaire de sa succursale de Chambéry dénommée Chambéry Automobiles, pour l'exercice de son activité professionnelle de bûcheron, un véhicule d'occasion Nissan Patrol diesel de type 4x4, de millésime 1992, mis en circulation pour la première fois le 18 octobre 1991 et ayant parcouru 153 000 km, moyennant le prix de 88 846 F, avec une garantie de six mois pièces et main-d'œuvre. Le véhicule est passé au contrôle technique le 3 février 1999. Il a été livré le 6 février 1999 et immatriculé le 28 février 1999.

Afin de financer cette acquisition les époux Cochard ont souscrit un prêt de 96 650 F auprès de la société GEFI services. La société GEFI services a été absorbée par la société GE Capital Bank, celle-ci a cédé sa créance à une société Olympia Capital Asa.

Les époux Cochard ont souscrit auprès de la compagnie Icare, par l'intermédiaire de la société GEFI services, une garantie complémentaire intitulée Tranquil VO couvrant pendant la durée du contrat les organes boîte pont moteur.

Dès le mois de mars 1999, le véhicule a été immobilisé à de multiples reprises par des pannes successives. Le garage Bramafan a procédé entre les mois d'avril et d'octobre 1999, sur ordre de Chambéry Automobiles, à de multiples interventions sur le véhicule, les pièces de remplacement étant des pièces d'occasion fournies par Chambéry Automobiles. Le coût de ces interventions a été pris en charge par Chambéry Automobiles dans le cadre de la garantie contractuelle vendeur.

Le 9 décembre 1999, Monsieur Cochard a fait expertiser le véhicule par Monsieur Musitelli, lequel a conclu que la nature des interventions mécaniques pratiquées dans les mois suivant la vente notamment le remplacement du bloc moteur, de l'alternateur et du radiateur permettaient de conclure que le véhicule devait être atteint d'un vice caché au moment de la vente, au niveau du moteur notamment ; que les réparations, effectuées avec des pièces d'occasion dans le cadre de la garantie, n'ayant pas donné satisfaction, la seule façon de régler définitivement le problème était de procéder à l'échange standard du moteur par un élément Nissan et non par un remplacement partiel du bas moteur dont le kilométrage et l'origine étaient inconnus.

Au début de l'année 2000, de nouvelles pannes ont affecté le véhicule. Certaines réparations ont été effectuées par le garage Joguet, concessionnaire Nissan. Le garage Technic Auto a effectué le remplacement de l'embrayage au mois de mars 2000. La facture a été prise en charge par la compagnie Icare.

Sur assignation du 7 août 2000 et par ordonnance de référé du 26 septembre 2000, les époux Cochard ont obtenu l'instauration d'une expertise au contradictoire de la société France Automobiles, cette mesure étant confiée à Monsieur Ginet.

Par ordonnances des 21 novembre 2000 et 4 janvier 2001, les opérations d'expertise ont été déclarée communes et opposables aux sociétés Gefi service et Icare.

L'expert désigné a établi le 16 avril 2001 un rapport concluant :

- que l'utilisation professionnelle faite par Monsieur Cochard du véhicule à savoir transport de matériel de coupe sur les lieux d'abattage, était conforme à la destination du véhicule,

- qu'il n'était pas possible à la date de l'expertise d'apprécier l'état du véhicule au jour de la vente, tout particulièrement au niveau du moteur, dès lors que la culasse avait été remplacée en mars 1999 et le bloc moteur en mai 1999 par un élément d'occasion,

- que les différentes interventions réalisées dans le cadre de la garantie qui avaient consisté à reconstruire un moteur n'avaient pas donné satisfaction et que le moteur actuel ne répondait pas aux normes anti-pollution et se trouvait dans un degré de vétusté avancé ; que son état et ses performances étaient fortement dépréciées et le rendaient impropre à l'usage auquel il était destiné,

Il a préconisé le remplacement du moteur par un élément neuf, l'échange standard ne se faisant pas par le constructeur, dont le coût prévisible était de 62 400 F TTC.

Par jugement du 23 juillet 2001, le Tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur Cochard et désigné Maître Bouvet en qualité de mandataire liquidateur.

Par exploits des 5, 6 et 7 février 2002, Monsieur Cochard et Maître Bouvet ès qualité ont fait assigner les sociétés France Automobile, GE Capital Bank et Icare assurances devant le Tribunal de grande instance de Chambéry aux fins de voir prononcer la résolution de la vente pour vices cachés et d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis du fait des désordres.

Par jugement en date du 19 avril 2004, ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce. L'instance a donc été reprise devant cette juridiction. Madame Catherine Cochard est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement en date du 11 mars 2005, le Tribunal de commerce de Chambéry a :

- constaté que le véhicule vendu par la société France Automobiles à Monsieur Patrick Cochard présentait un vice caché "non rédhibitoire" qui avait empêché les époux Cochard d'utiliser normalement ledit véhicule,

- en conséquence dit n'y avoir pas lieu de prononcer la résolution de la vente mais d'indemniser Monsieur et Madame Cochet et Maître Bouvet ès qualité de leur préjudice fixé à la somme forfaitaire de 18 000 euro, tous chefs de préjudice confondus,

- condamné la société France Automobiles à verser à Maître Bouvet ès qualité de liquidateur des époux Cochard la somme de 18 000 euro en principal et la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- dit n'y avoir pas lieu au prononcé de la résiliation du contrat de prêt portant sur le véhicule et qu'il appartiendrait à la Cour d'appel de Chambéry, saisie du litige relatif audit prêt, de se prononcer sur les autres prétentions des parties inhérentes à ce contrat,

- condamné la société France Automobiles à verser à la société Icare assurances la somme de 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné la société France Automobiles aux dépens,

- débouté la société France Automobiles, la société Icare assurances, la société GE Capital Bank, les époux Cochard et Maître Bouvet ès qualité de l'ensemble de leurs autres demandes et prétentions.

La société France Automobiles a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 14 octobre 2005, elle a déclaré se désister de son appel à l'égard de la société Genève Capital Bank et de la société Olympia Capital Asa.

Aux termes de ses dernières écritures, elle conclut à l'irrecevabilité de la demande en garantie des vices cachés au motif de l'action n'a pas été introduite à bref délai.

Subsidiairement elle demande à voir débouter les époux Cochard et Maître Bouvet de l'intégralité de leurs demandes en faisant valoir que l'usage fait du véhicule et les multiples interventions de garages font obstacle à la démonstration de l'antériorité du vice allégué.

Subsidiairement, elle demande à voir condamner la société Icare à la relever et garantir des éventuelles condamnations mises à sa charge.

Elle conclut au débouté de la demande de garantie de la société Icare dirigée à son encontre.

Elle sollicite la condamnation des époux Cochard et de Maître Bouvet ès qualité à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les époux Cochard et Maître Bouvet concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté que le véhicule était affecté d'un vice caché empêchant son utilisation normale et à sa réformation en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer la résolution de la vente.

Ils demandent à voir, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, prononcer la résolution de la vente, ordonner la restitution du véhicule et du prix de vente, condamner la société France Automobiles ou "qui mieux le devra" à leur rembourser l'intégralité du coût du crédit en ce compris le coût des intérêts, les primes d'assurances, les frais et accessoires et toute autre somme versée en exécution du contrat de crédit et à leur payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour privation de la jouissance du véhicule jusqu'au jour du jugement et la somme de 5 000 euro pour cette privation depuis le jour du jugement.

Subsidiairement, ils concluent à la confirmation du jugement déféré et demandent à voir condamner en outre la société France Automobiles à leur verser sur le fondement de l'article 1147 du Code civil les sommes de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires pour privation de jouissance et le coût des réparations facturées aux mois de février, mars et avril 2000 et à voir condamner solidairement la société France Automobiles et la société Icare Assurance à leur payer la somme de 9 512,92 euro au titre du coût de remise en état du véhicule.

Ils concluent au débouté de toutes les demandes formées à leur encontre et sollicitent l'allocation de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Icare conclut au débouté de la demande de garantie subsidiaire de la société France Automobiles et au débouté de la demande subsidiaire en paiement des époux Cochard et de Maître Bouvet ès qualité.

Subsidiairement, elle demande à voir condamner la société France Automobiles à la garantir de toute condamnation sur le fondement de l'article L. 121-12 du Code des assurances.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés

En l'absence d'élément venant établir que la société France Automobiles aurait tenu Monsieur Cochard informé de la nature et de l'étendue des interventions pratiquées sur le véhicule dans le cadre de la garantie-vendeur, il y a lieu de considérer que Monsieur Cochard a eu connaissance certaine de l'existence d'un vice caché par le rapport de l'expert Musitelli au mois de décembre 1999. Il résulte toutefois des devis et factures produits aux débats pour la période de janvier à mars 2000 que Monsieur Cochard a fait jouer la garantie Icare qui a pris en charge de nouvelles réparations postérieurement à l'expertise et qu'il a pu légitimement considérer, au moins jusqu'au mois d'avril 2000, qu'il pourrait être remédié aux vices cachés dans le cadre de la garantie contractuelle. En introduisant son action dans les quatre mois de la constatation de l'inefficacité des réparations prises en charge au titre de la garantie contractuelle, Monsieur Cochard a agi dans le bref délai édicté par l'article 1648 du Code civil et l'action en garantie des vices cachés sera déclarée recevable.

Sur l'existence de vices cachés

Il est acquis que le véhicule a présenté des désordres dès le début du mois de mars 1999 et qu'il a été immobilisé entre le 5 et le 21 mars 1999 pour remplacement de la culasse qui était fendue.

Il résulte d'une attestation de Monsieur Dequier en date du 25 septembre 2001 que le garage Bramafan a procédé sur ordre de Chambéry Automobiles à plusieurs autres opérations de démontage et montage d'organes moteur sur le véhicule entre le 9 avril et le 25 octobre 1999, les factures dudit garage versées aux débats faisant apparaître des travaux de démontage et de remontage du radiateur, de démontage complet du moteur avec échange du bloc moteur, changement de la courroie de distribution, du radiateur, de remplacement des échangeurs thermiques, de démontage et remontage de l'alternateur, de remplacement des bougies, des injecteurs, de démontage et remontage de l'arbre à came, d'échange du poussoir hydraulique, et à nouveau de démontage et remontage du radiateur. Il résulte de ces factures que les pièces de remplacement ont été fournies par le donneur d'ordre.

L'apparition dans les semaines suivant la vente de désordres au niveau des organes moteur provoquant des pannes répétées et nécessitant des réparations importantes établissent suffisamment l'existence de vices préalables à la vente, que ni l'âge ni le prix payé pour le véhicule, supérieur à l'argus, ne laissaient présumer et dont un non-professionnel comme Monsieur Cochard ne pouvait se convaincre par un simple examen attentif du véhicule. Les experts n'ont d'autre part relevé aucun indice d'un usage intensif du véhicule par Monsieur Cochard, celui-ci ayant indiqué utiliser le véhicule pour se rendre sur les lieux d'abattage avec son matériel de coupe et non pas pour le déplacement ou le transport des grumes.

L'expert Musitelli a constaté, au mois de décembre 2000, sans démontage du véhicule : la présence d'huile dans le vase d'expansion, des suintements de gasoil sur le deuxième injecteur côté embrayage, des claquements du moteur avec reprise plus accentuée entre troisième et cinquième vitesse, et la consommation anormale d'huile, ce dont il résulte que les réparations prises en charge par la société France Automobiles dans le cadre de la garantie-vendeur ont été inefficaces à remédier aux désordres.

L'expert Ginet a, de même, constaté l'inefficacité des réparations ultérieures et la nécessité de procéder au remplacement du moteur.

Il est ainsi établi que les vices cachés dont était atteint le véhicule antérieurement à la vente rendaient celui-ci impropre à sa destination, le fait qu'il ait pu, entre deux pannes, parcourir environ 20 000 kilomètres en deux ans ne suffisant pas à établir sa capacité à fonctionner normalement ; que les réparations effectuées dans le cadre des garanties ont laissé subsister le vice.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de résolution de la vente, d'ordonner la restitution du véhicule et la restitution du prix. Les acquéreurs sont en outre fondés en application de l'article 1645 du Code civil à obtenir le remboursement du coût et de tous accessoires du crédit.

Les troubles subis dans la jouissance du véhicule seront justement indemnisés jusqu'au mois de juillet 2001, date à laquelle a été prononcée la liquidation judiciaire de Monsieur Cochard et à laquelle celui-ci a nécessairement cessé son activité. Il résulte d'une attestation de Monsieur Cochet, responsable des coupes d'exploitation de la société bois du Dauphiné, en date du 26 novembre 2001, que Monsieur Cochard, qui travaillait en sous-traitance pour ladite société, a perdu des chantiers avec un manque à gagner de 54 300 F ensuite de la défaillance de son véhicule. Il sera en conséquence fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 5 000 euro réclamée au titre de la période antérieure au jugement, la demande formulée au titre de la période subséquente étant rejetée.

Sur la demande de garantie de la société France Automobiles à l'encontre de la société Icare assurance

La société France Automobiles est irrecevable à se prévaloir de la garantie complémentaire souscrite par Monsieur Cochard auprès de la société Icare, faute d'avoir été partie à cette convention. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de garantie.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement, Constate le désistement d'appel de la société France Automobiles à l'égard des sociétés GE Capital Bank et Olympia Capital Asa. Réforme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir pas lieu de prononcer la résolution de la vente et alloué à Monsieur et Madame Cochet et à Maître Bouvet ès qualité la somme de 18 000 euro à titre de dommages et intérêts. Statuant à nouveau, Prononce la résolution de la vente portant sur le véhicule d'occasion Nissan Patrol diesel de type 4x4, de millésime 1992 conclue le 19 janvier 1999 entre Monsieur Patrick Cochard et la société France Automobiles, Ordonne la restitution dudit véhicule par les époux Cochard et Maître Bouvet ès qualité à la société France Automobiles. Condamne la société France Automobiles à rembourser aux époux Cochard et à Maître Bouvet ès qualité la somme de 13 544,48 euro outre intérêts au taux légal à compter du 7 février 2002, jour de la demande. La condamne à leur rembourser en outre l'intégralité du coût du crédit en ce compris le coût des intérêts, les primes d'assurances, les frais et accessoires et toute autre somme versée en exécution du contrat de crédit souscrit auprès de la société GEFI services. La condamne à leur payer en outre la somme de 5 000 euro outre intérêts au taux légal à compter de ce jour. Déboute les époux Cochard et Maître Bouvet ès qualité du surplus de leur demande. Déboute la société France Automobiles de sa demande de garantie dirigée contre la société Icare assurances. Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions. Condamne la société France Automobiles à payer aux époux Cochard et à Maître Bouvet la somme de 2 000 euro et à la société Icare assurance la somme de 1 000 euro, ce en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la société France Automobiles aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon et de la SCP Dantagnan Dormeval. Dit que les dépens des époux Cochard seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.