Cass. com., 13 février 2007, n° 04-16.520
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Claisse
Défendeur :
Dargent, Carlier (Epoux), Cribier, Bono (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Besançon
Avocat général :
M. Casorla
Avocats :
Me Spinosi, SCP Le Bret-Desaché, SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu l'article 1116 du Code civil ; - Attendu qu'une réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 mars 2004), que par acte authentique du 24 février 1998, les époux Carlier ont cédé à la société Pains et délices d'antan, représentée par M. Claisse, agissant en sa qualité de gérant nommé à cette fonction par délibération des associés du 10 février 1998, un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie situé à Reims ; que cet acte faisait suite à une promesse de vente sous conditions suspensives signée le 2 décembre 1997 entre les époux Carlier et M. Claisse qui, avant réitération, avait constitué la société, devenue finalement acquéreur du fonds de commerce ; que, le 28 avril 1998, la société a assigné les époux Carlier et l'Agence centrale, intermédiaire de vente, aux fins qu'il fût constaté le dol dont elle avait été victime du fait de la dissimulation, au moment de la promesse de vente, de l'ouverture prochaine d'un commerce similaire et que fût accueillie l'action estimatoire du préjudice dont elle avait été victime ; que le 4 mai 1999 la société a été mise en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 6 juillet suivant, M. Dargent étant nommé liquidateur ; que ce dernier a interjeté appel principal et M. Claisse appel incident du jugement du 2 mai 2000 ayant débouté la société de toutes ses demandes et condamné celle-ci à payer aux époux Carlier le solde du prix de vente du fonds ;
Attendu que pour rejeter la demande en nullité pour dol du contrat du 2 décembre 1997 et condamner M. Claisse à payer à M. Bono la somme de 27 210,32 euro, l'arrêt retient que les manœuvres frauduleuses seraient, selon les appelants, constituées par l'ouverture du "Fournil de Papé" ; qu'il convient d'observer que dans la promesse de vente, les vendeurs du fonds avaient déclaré expressément qu'à leur connaissance, il n'existait aucune ouverture prochaine d'un commerce semblable à celui objet de la vente et pouvant lui nuire, que deux attestations laissent entendre que les époux Carlier étaient au courant, avant les négociations ayant précédé la signature de la promesse de vente, d'un terminal de cuisson qui était destiné à vendre des produits similaires à ceux fabriqués par les boulangers-pâtissiers, que bien que ces attestations soient contestées par les intimés, il paraît peu probable que les professionnels de la boulangerie et de la vente de fonds de commerce, qui ont tous une obligation de s'informer, ne fussent pas avertis de l'ouverture d'un terminal de cuisson qui était nécessairement amené à concurrencer l'activité traditionnelle des boulangers, d'autant que ce terminal a été créé sous la forme de société à responsabilité limitée et a donc nécessairement fait l'objet d'une publicité dans les revues d'annonces spécialisées, et qu'il a en outre donné lieu à demande de permis de construire ; que pour autant, l'ignorance dans laquelle M. Claisse s'est trouvé est inexcusable car, en tant que professionnel, il avait aussi l'obligation de s'informer et donc de vérifier avant l'acquisition du fonds de commerce l'état du marché de la boulangerie dans le secteur où il comptait s'installer ; qu'il ne peut s'en prendre qu'à lui-même de son défaut de vérification, laquelle vérification auprès du syndicat des boulangers, de la préfecture et du registre du commerce lui aurait permis facilement de savoir qu'un commerce nouveau et potentiellement concurrentiel devait s'ouvrir à proximité du local qu'il entendait acheter ; qu'en toute hypothèse, l'erreur dans laquelle il s'est trouvé n'a pas été déterminante dans sa décision de contracter car il en a pris conscience à un moment où il pouvait encore se dédire, puisqu'il n'avait pas réitéré sa volonté d'acheter par acte authentique, et ce à un coût très largement moindre que celui de la perte totale du fonds de commerce qu'il lui impute aujourd'hui, l'indemnité, au surplus discutable, ayant été fixée en ce cas à 125 000 francs ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'erreur de M. Claisse, provoquée par la réticence dolosive des époux Carlier, a été déterminante dans sa décision de signer la promesse unilatérale de vente du 2 décembre 1997, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Claisse à payer à M. Bono la somme de 27 210,32 euro avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 1998 et dit que M. Bono reversera 10 % de cette somme à M. Cribier, l'arrêt rendu le 29 mars 2004, entre les parties, par la Cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy ; Fait masse des dépens et les met par moitié, d'une part, à la charge des époux Carlier, d'autre part à la charge de M. Cribier ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Claisse, des époux Carlier et de M. Cribier.