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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. B, 7 septembre 2006, n° 04-05398

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ligne Bleue Automobiles (SA)

Défendeur :

Schaffhold (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Leiber

Conseillers :

Mmes Vieilledent, Conte

Avocats :

Mes Wetzel & Frick, Beckers

TGI Mulhouse, du 19 oct. 2004

19 octobre 2004

Faits et procédure :

Le 27 novembre 2000 les époux Schaffhold avaient acquis auprès de la SA Ligne Bleue Automobile un véhicule d'occasion de marque Ford qui affichait 89 180 kilomètres, pour le prix de 7 798,68 euro.

Le véhicule ayant présenté à partir du 7 janvier 2002 plusieurs incidents mécaniques, les époux Schaffhold ont obtenu en référé la désignation d'un expert judiciaire qui a déposé son rapport le 20 mai 2003.

Le 24 octobre 2003, les époux Schaffhold ont fait citer la SA Ligne Bleue Automobile afin de voir prononcer la nullité de la vente du véhicule pour vice du consentement par suite d'un dol ou d'une erreur, et subsidiairement en arguant de vices cachés ils ont sollicité la résiliation de la vente.

C'est sur ce dernier fondement que par jugement du 19 octobre 2004, le Tribunal de grande instance de Mulhouse a accueilli les demandes des époux Schaffhold et condamné la SA Ligne Bleue à leur payer la somme de 4 500 euro au titre de la restitution du prix, déduction faite du coût lié à l'usage du véhicule, et la somme de 1 172,89 euro à titre de dommages-intérêts.

Par déclaration du 19 novembre 2004 la SA Ligne Bleue Automobile a interjeté appel général de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mars 2006.

Prétentions et moyens des parties :

Pour un plus ample exposé la cour se réfère aux dernières conclusions déposées par les parties :

- le 17 mars 2005 par la SA Ligne Bleue Automobile,

- le 24 mai 2005 par les époux Schaffhold.

Pour conclure, par voie d'infirmation du jugement entrepris, au rejet de toutes les demandes, la SA Ligne Bleue Automobile a fait valoir :

- que le rapport d'expertise, qui ne contient que des suppositions, ne suffit nullement à prouver le bien fondé des prétentions des époux Schaffhold ;

- qu'en particulier il n'est pas établi que les réparations de carrosserie subies par le véhicule avant la vente aient eu une incidence sur la survenance des pannes mécaniques dont les acheteurs se sont plaints après avoir parcouru 40 000 kilomètres avec celui-la et 67 000 kilomètres lorsque l'expert l'a examiné ;

- que le véhicule a été vendu pour un prix correspondant à son état, comme l'a d'ailleurs relevé l'expert ;

- que l'action en résolution de la vente est irrecevable faute d'avoir été engagée à bref délai après l'apparition des premières pannes.

Pour relever appel incident et réitérer les montants de leurs demandes formées en première instance, les époux Schaffhold ont principalement argué de la nullité de la vente pour dol ou erreur, du fait que la venderesse leur avait dissimulé que le véhicule litigieux avait été accidenté et avait dû subir d'importantes réparations. Subsidiairement ils ont invoqué la garantie des vices cachés.

Motifs :

Attendu que l'appelante fait à bon droit grief au premier juge de l'avoir condamnée au titre de la garantie des vices cachés, qui n'était d'ailleurs que le fondement subsidiairement invoqué - et tel est encore le cas en cause d'appel - par les époux Schaffhold ;

Que si l'action était recevable à ce titre - le bref délai ne pouvant être considéré comme méconnu alors que les époux Schaffhold étaient clairement informés sur l'état de leur véhicule après l'expertise amiable contradictoire réalisée le 22 juillet 2002 et que faute d'accord avec le vendeur ils ont interrompu le délai an décembre 2002 pour solliciter une expertise judiciaire, puis qu'après que ledit délai avait recommencé à courir le 7 janvier 2003 date de l'ordonnance de référé, et que l'expert avait déposé son rapport en mai 2003, ils ont assigné le 24 octobre 2003 - elle se trouve mal fondée ;

Qu'en effet les conditions édictées par l'article 1641 du Code civil ne sont pas réunies puisque sans être techniquement contredit l'expert a clairement exclu toute impropriété ou diminution d'usage du véhicule considéré ;

Attendu qu'il échet donc d'examiner, si ainsi que le soutiennent les époux Schaffhold, leur consentement a été vicié du fait d'un dol perpétré par la SA Ligne Bleue étant observé que doit d'emblée être écartée l'invocation subsidiaire d'une erreur sur les qualités substantielles du véhicule alors qu'à ce titre l'unique fondement de l'action pour défaut de la chose vendue est la garantie des vices cachés dont le mal fondé vient d'être démontré ;

Attendu qu'il apparaît des constats réalisés contradictoirement tant par le cabinet d'expertise Rowutex que par l'expert judiciaire que le véhicule vendu le 27 novembre 2000 par la SA Ligne Bleue qui avait été mis en circulation le 18 septembre 1996, avait été accidenté le 27 novembre 2000 et que l'expertise pratiquée le 1er décembre 1997 préconisait le remplacement à l'arrière gauche de l'aile, du bouclier, de la porte et de la doublure d'aile ;

Qu'il est constant que ces réparations ont été réalisées par la société Bollwerk aux droits de laquelle vient la SA Ligne Bleue ;

Attendu que cette dernière avait racheté le véhicule à son précédent propriétaire le 7 juillet 2000 et elle a reconnu devant les deux experts qu'entre le 31 août 2000 et le 29 septembre 2000 elle a procédé à la remise en forme du bouclier arrière ainsi que des deux ailes amères à la peinture desdites ailes arrières, du hayon, du bouclier et de la porte arrière gauche ;

Que toujours sans être techniquement contredit l'expert judiciaire a observé que c'était la corrosion perforante qui avait imposé ces travaux de carrosserie ;

Attendu que la SA Ligne Bleue n'établit pas, et n'allègue d'ailleurs même pas avoir informé les époux Schaffhold de ce que le véhicule qu'elle leur offrait à la vente avait antérieurement été accidenté puis réparé quelques semaines avant pour cause de corrosion perforante ;

Qu'il est patent, eu égard aux risques que représentent pour un propriétaire de véhicule son endommagement par accident et sa corrosion, que s'ils avalent ou connaissance de ceux-là les époux Schaffhold n'auraient pas acquis cette voiture ;

Attendu qu'il apport du tout que c'est volontairement, en sachant qu'il s'agissait d'un élément déterminant du consentement des acquéreurs, que la SA Ligne Bleue s'est, en sa qualité de professionnelle de l'automobile, abstenue d'exécuter envers ceux-ci son devoir d'information et de conseil qui lui imposait de leur révéler les dommages et réparations subis antérieurement par ce véhicule et qu'elle connaissait parfaitement pour avoir elle-même effectué lesdites réparations ;

Que ce comportement constitutif d'un dol au sens de l'article 1116 du Code civil justifie en infirmant totalement le jugement entrepris - sauf en ce qu'il a ordonné la restitution par les époux Schaffhold du véhicule et en ses dispositions afférentes aux dépens et frais irrépétibles - de prononcer la nullité de la vente du 27 novembre 2000 ;

Attendu que consécutivement la SA Ligne Bleue doit être condamnée à restituer le prix, soit la somme de 7 798,68 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 octobre 2003 ;

Attendu que les époux Schaffhold réclament également à bon droit une indemnité de2 136,70 euro représentant à hauteur de 1 486,70 euro le montant dûment justifié et vérifié par l'expert des réparations faites sur le véhicule, et à hauteur de 650 euro la réparation de leurs tracas et trouble de jouissance ;

Attendu que la SA Ligne Bleue qui succombe totalement sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement aux époux Schaffhold de la somme de 1 000 euro pour frais irrépétibles d'appel, sa propre demande sur ce fondement étant rejetée ;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris seulement en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule à la SA Ligne Bleue Automobile et en ses dispositions afférentes aux dépens et frais irrépétibles ; Infirme le jugement déféré pour le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant : Prononce la nullité de la vente du 27 novembre 2000 ; Condamne la SA Ligne Bleue Automobile à payer aux époux Schaffhold la somme de 7 798,68 euro (sept mille sept cent quatre vingt dix huit euro et soixante huit centimes) en restitution du prix augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2003, et celle de 2 136,70 euro (deux mille cent trente six euro et soixante dix centimes) à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité de 1 000 euro (mille euro) pour frais irrépétibles d'appel ; Déboute la SA Ligne Bleue Automobile de sa demande de frais irrépétibles ; Condamne la SA Ligne Bleue Automobile aux entiers dépens d'appel.