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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 18 décembre 2006, n° 06-00341

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dos Santos Monteiro

Défendeur :

Bouet, Page, Bourse de l'Immobilier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Raffejeaud

Conseillers :

Mme Nollet, Hours

Avoués :

Mes Bordier, Garnier, SCP Laval-Lueger

Avocats :

Mes Arguments, Blacher, SCP Grognard-Lepage-Baudry

TGI Tours, du 5 janv. 2006

5 janvier 2006

Laurent Bouet et Eve Page ont conclu avec Serafim Dos Santos Monteiro, le 2 octobre 2003, par l'intermédiaire de la société la bourse de l'immobilier, une promesse synallagmatique de vente portant sur un immeuble sis à Clere les Pins (37), ladite promesse devant être réitérée par acte authentique, le 2 janvier 2004.

Les acquéreurs ont versé entre les mains de l'agent immobilier un dépôt de garantie de 6 097,96 euro.

Laurent Bouet et Eve Page ont refusé de régulariser l'acte authentique de vente, au motif qu'aucun certificat de conformité n'avait été délivré à Serafim Dos Santos Monteiro pour des travaux, portant sur la réalisation de lucarnes, effectués dans l'immeuble en 1995.

Ils ont fait assigner ce dernier devant le Tribunal de grande instance de Tours, pour voir prononcer la nullité de la promesse de vente, en raison des manœuvres dolosives commises par le vendeur, et voir condamner ce dernier à leur restituer le dépôt de garantie, augmenté des intérêts au taux légal, ainsi qu'à leur payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Serafim Dos Santos Monteiro a appelé en garantie la société la bourse de l'immobilier et sollicité, en outre, la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 5 janvier 2006, le tribunal a :

- prononcé la nullité de la promesse de vente,

- ordonné la restitution à Laurent Bouet et Eve Page du dépôt de garantie de 6 097, euro, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2003,

- condamné Serafim Dos Santos Monteiro à payer à ces derniers la somme de 1 000 euro, à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice moral,

- condamné le même à payer à Laurent Bouet et Eve Page, d'une part, et à la société la bourse de l'immobilier, d'autre part, la somme de 1 000 euro chacun, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à garantie de la société la bourse de l'immobilier,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné Serafim Dos Santos Monteiro aux dépens.

Ce dernier, qui a interjeté appel de la décision, en sollicite, par conclusions du 27 septembre 2006, l'infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- prononcer la résolution du compromis de vente, aux torts et griefs de Laurent Bouet et d'Eve Page,

- dire, en conséquence, qu'il conservera à son profit le dépôt de garantie,

- condamner solidairement Laurent Bouet et Eve Page à lui payer la somme de 10 000 euro, à titre de dommages et intérêts,

- débouter les intéressés de toutes leurs demandes,

- les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euro, subsidiairement,

- condamner la société la bourse de l'immobilier à le garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre,

- la condamner à lui payer la somme de 10 000 euro, à titre de dommages et intérêts, et celle de 2 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Laurent Bouet et Eve Page, et subsidiairement la société la bourse de l'immobilier, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Serafim Dos Santos Monteiro soutient que Laurent Bouet et Eve Page n'apportent pas la preuve des manœuvres dolosives qu'ils lui imputent, qu'il ne leur a, en effet, jamais caché l'existence d'un problème lié à l'absence de conformité des lucarnes, que les intéressés étaient d'ailleurs prêts à régulariser la vente à condition que le vendeur prenne en charge le coût des travaux de mise en conformité, ce qu'il a accepté, que seul le désaccord des parties sur le montant de ces travaux a empêché la vente d'aboutir, que l'obtention du certificat de conformité de l'immeuble n'était pas une condition déterminante et essentielle pour les acquéreurs, qu'ils ont refusé de régulariser la vente pour des motifs de pure opportunité, que la résolution de l'acte ne peut être prononcée qu'à leurs torts exclusifs et que, en tout étal de cause, les intimés ne justifient pas de la réalité du préjudice qu'ils invoquent.

Serafim Dos Santos Monteiro allègue, à titre subsidiaire, que la société la bourse de l'immobilier n'a manifestement pas procédé aux vérifications indispensables à la régularité de l'acte, alors que la compétence personnelle de son client ne l'en dispensait pas, que sa faute est d'autant moins excusable qu'elle était parfaitement informée du défaut de conformité des lucarnes, qu'elle devait en faire état dans l'acte sous seing privé et qu'en ne le faisant pas, elle a commis une faute qui lui porte préjudice.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives signifiées le 27 septembre 2006, Laurent Bouet et Eve Page sollicitent la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté leur demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice matériel.

Formant appel incident de ce chef, ils sollicitent la condamnation de Serafim Dos Santos Monteiro à leur payer la somme de 5 759,49 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation de ce préjudice.

Ils réclament enfin 3 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et la condamnation de l'appelant aux dépens.

Laurent Bouet et Eve Page font valoir que Serafim Dos Santos Monteiro leur a dissimulé, lors de la signature de la promesse de vente, que, ensuite de travaux réalisés sur l'immeuble et achevés début 1995, la délivrance du certificat de conformité lui avait été refusée, en raison du non respect des prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, que cette dissimulation est d'autant moins excusable que l'intéressé est marchand de biens, que cette information n'a été portée à leur connaissance que postérieurement à la signature de la promesse de vente, que s'ils en avaient été informés à cette date, ils n'auraient pas contracté, l'absence de certificat de conformité rendant impossibles les travaux d'agrandissement qu'ils souhaitaient entreprendre, que la conformité de l'immeuble était bien une condition déterminante de leur achat, que la tentative de remédier à la situation et l'établissement de devis de travaux de mise en conformité sont postérieurs à la promesse de vente et qu'ils ne peuvent avoir eu pour effet de régulariser le vice affectant cette dernière.

Laurent Bouet et Eve Page allèguent que, ayant donné leur congé en vue d'emménager dans l'immeuble, objet de la promesse de vente litigieuse, ils ont dû se reloger temporairement, le temps d'acquérir un autre bien, et que cette situation a généré des frais supplémentaires, dont ils sont fondés à solliciter l'indemnisation.

Ils contestent en tout état de cause, le préjudice invoqué par Serafim Dos Santos Monteiro, alléguant que ce dernier a reloué l'immeuble et qu'il perçoit des loyers.

En réponse aux moyens développés à leur encontre par la société la bourse de l'immobilier, Laurent Bouet et Eve Page font valoir que la demande en nullité ou résolution de la vente et en restitution du dépôt de garantie est fondée sur la responsabilité contractuelle, tandis que leur demande en paiement de dommages et intérêts est fondée sur la responsabilité délictuelle, que, s'agissant de demandes différentes, ils sont recevables à agir sur des fondements différents et n'ont pas à choisir entre le fondement contractuel et le fondement délictuel, que, contrairement aux affirmations de l'agence immobilière, ils n'avaient pas été informés de la non conformité au jour de la signature de la promesse de vente, que le dol est bien caractérisé, et que, bien que leur projet d'agrandissement des lieux n'ait pas été mentionné dans l'acte, il n'en demeure pas moins que la possibilité d'user de leur bien, sans entrave et légalement, constituait nécessairement une condition substantielle de la vente.

Par conclusions signifiées le 26 septembre 2006, la société la bourse de l'immobilier demande confirmation de la décision déférée et sollicite la condamnation de Serafim Dos Santos Monteiro, subsidiairement de Laurent Bouet et Eve Page in solidum, à lui payer 2 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Elle allègue en substance que Serafim Dos Santos Monteiro ne démontre pas l'avoir informée de l'absence de certificat de conformité de l'immeuble, qu'elle a rempli ses obligations à l'égard de l'intéressé, professionnel de l'immobilier, en lui faisant signer une déclaration sur l'honneur de ne pas avoir omis de lui indiquer toute information importante susceptible d'empêcher la réalisation de la vente et, enfin, que le préjudice économique allégué par l'appelant n'est aucunement démontré.

Sur ce la cour :

Sur l'existence du dol :

Attendu que la promesse de vente a été signée le 2 octobre 2003 ;

Qu'aucune mention n'y figure relativement à la non conformité de la construction ;

Que Laurent Bouet et Eve Page, qui allèguent n'en avoir été informés que postérieurement à la signature de l'acte, versent aux débats la lettre, qui leur a été adressée le 15 décembre 2003 par maître Turquois-Medina, leur notaire, par laquelle celle-ci leur confirmait le rendez-vous fixé au 31 décembre 2003 pour la signature de l'acte authentique et leur transmettait l'ensemble des documents relatifs à la construction de la maison, reçus de la mairie de Clere Les Pins ;

Que, parmi ces documents, figure le refus de certificat de conformité, notifié le 31 mars 1995 par ladite mairie au motif que les travaux n'étaient pas conformes aux plans rectifiés et approuvés par l'architecte des bâtiments de France ;

Que c'est donc à la date de réception de ce courrier, soit bien après la signature de l'acte de vente sous seing privé, que les acquéreurs ont eu connaissance du défaut de conformité affectant l'immeuble, objet de la vente ;

Qu'aucune pièce du dossier n'apporte la preuve contraire, Serafim Dos Santos Monteiro ne justifiant en aucune façon avoir informé Laurent Bouet et Eve Page du défaut de conformité, antérieurement à ce courrier ;

Que ce n'est que postérieurement à celui-ci que des discussions se sont instaurées entre les parties, pour tenter de régler amiablement le litige, discussions dans le cadre desquelles les acquéreurs ont subordonné la régularisation de la vente à la prise en charge des travaux de mise en conformité par le vendeur ;

Que le devis communiqué par Laurent Bouet et Eve Page est d'ailleurs en date du 8 janvier 2004 et le refus de Serafim Dos Santos Monteiro du 14 janvier 2004 ;

Attendu que les attestations produites par l'appelant (Geraldo, Celestin, Oliveira, Neves) ne contredisent pas les déclarations de Laurent Bouet et Eve Page sur ce point ;

Que la circonstance, en effet, que Serafim Dos Santos Monteiro ait pu informer, dans le cadre de précédentes tentatives de vente de l'immeuble, les mandataires alors désignés ou les acquéreurs potentiels de la non conformité des lucarnes, ne permet pas de considérer qu'il l'ait nécessairement fait dans le cas présent ;

Attendu qu'il résulte ainsi des éléments du dossier que Laurent Bouet et Eve Page n'ont été informés de l'existence de la non conformité que postérieurement à la signature de la promesse de vente ;

Attendu, ainsi que l'a souligné à juste titre le premier juge, que la conformité de l'immeuble constitue une condition substantielle et déterminante de son acquisition, le défaut de conformité étant de nature à entraîner des sanctions administratives ou financières pour le futur propriétaire et constituant, au surplus, dans le cas présent, un obstacle aux travaux d'agrandissement que les acquéreurs envisageaient d'exécuter dans les lieux ;

Attendu que Serafim Dos Santos Monteiro, qui exerce la profession de marchand de biens, ne pouvait en sa qualité de professionnel de l'immobilier, méconnaître l'importance du certificat de conformité, ni les conséquences juridiques de la délivrance d'un certificat de non-conformité ;

Qu'en s'abstenant de révéler aux futurs acquéreurs la non conformité affectant les lucarnes, il s'est rendu coupable d'une réticence dolosive, à seule fin de les amener à contracter, ce qu'ils n'auraient à l'évidence pas fait si l'information leur en avait été donnée, étant observé que les précédentes tentatives de vente de l'immeuble à des acquéreurs dûment informés s'étaient soldées par des échecs ;

Attendu que c'est donc à juste titre que le premier juge a prononcé la nullité de la vente et ordonné la restitution du dépôt de garantie à Laurent Bouet et Eve Page ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur le préjudice :

Attendu que, outre l'action en annulation du contrat, la victime du dol est fondée à exercer une action en responsabilité délictuelle, pour obtenir de son auteur la réparation du dommage qu'elle a subi ;

Attendu que les pièces du dossier démontrent que, bien qu'ayant donné congé de leur précédent logement pour le 31 janvier 2004, Laurent Bouet et Eve Page ont été autorisés à demeurer dans les lieux deux mois de plus, soit jusque fin mars 2004 ;

Que les intéressés, qui ne justifient pas des conditions dans lesquelles ils ont été logés ensuite, n'établissent pas avoir dû exposer, pour leur logement, des frais supplémentaires découlant de l'impossibilité de réaliser l'acquisition initialement prévue ;

Attendu, s'agissant des frais de déménagement, que ceux-ci auraient été engagés de toutes façons, même si la vente était intervenue ;

Que Laurent Bouet et Eve Page ne justifient pas avoir dû faire face à un second déménagement comme ils le prétendent ;

Qu'il en va de même des frais de changement d'adresse engagés auprès de la Poste, dont il n'est pas justifié qu'ils aient été exposés deux fois ;

Attendu enfin que, dès lors qu'il n'est pas justifié des conditions dans lesquelles les intimés ont été logés à compter de la fin du mois de mars 2004, rien ne permet de rattacher la location d'un box pour y entreposer des meubles, objet du contrat du 11 mars 2004, au défaut de régularisation de la vente précitée ;

Qu'au surplus, le contrat produit n'est signé ni de Laurent Bouet, ni d'Eve Page et qu'il n'est accompagné d'aucune justification relative au paiement du loyer, de sorte qu'il n'est même pas certain qu'il ait réellement été mis à exécution ;

Attendu qu'il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation au titre du préjudice matériel et alloué à Laurent Bouet et Eve Page une somme de 1 000 euro, à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice moral, ladite indemnité étant de nature à compenser les tracas et désagréments, de toute nature, causés aux intéressés par l'échec de leur projet d'acquisition ;

Sur la demande en garantie formée par Serafim Dos Santos Monteiro contre la société la bourse de l'immobilier :

Attendu que le vendeur ne saurait se faire garantir par son mandataire des conséquences de son propre dol ;

Que Serafim Dos Santos Monteiro, qui, en signant le mandat de vente, a déclaré sur l'honneur ne pas avoir omis d'indiquer au mandataire toutes informations importantes dont la connaissance empêcherait la vente, ne justifie cependant pas avoir informé la société la bourse de l'immobilier de la non conformité des lucarnes ;

Que, ainsi qu'il a déjà été dit, les attestations d'autres agents immobiliers, affirmant avoir été informés de la difficulté, ne suffisent pas à établir que cette information ait été effectivement donnée à la société la bourse de l'immobilier, et ce d'autant que les visites des uns et des autres n'ont pas eu lieu à la même époque ;

Que l'attestation émanant de Didier Baumann, outre que les liens unissant ce dernier à l'appelant jettent un doute sur l'impartialité de son témoignage, s'agissant du locataire de Serafim Dos Santos Monteiro, est, en tout état de cause, sujette à caution en raison même de sa rédaction, l'attestant ayant mentionné "l'agence immobilière" sans autre précision et le nom de la société la bourse de l'immobilier ayant fait l'objet d'un simple rajout au bas du document ;

Attendu que Serafim Dos Santos Monteiro, qui a dissimulé à son mandataire une information aussi importante que la non conformité affectant l'immeuble mis en vente, ne saurait faire grief à celui-ci de n'avoir pas procédé à des vérifications personnelles qui auraient pu lui permettre de découvrir l'irrégularité dont s'agit, alors qu'il s'était lui-même engagé sur l'honneur, aux termes du mandat de vente, à révéler toute information importante susceptible d'empêcher la vente et qu'aucune circonstance particulière ne permettait à la société la bourse de l'immobilier de douter de la sincérité de cet engagement ;

Que c'est donc à juste titre que Serafim Dos Santos Monteiro a été débouté de sa demande en garantie ;

Attendu que le jugement sera, par conséquent, confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que Serafim Dos Santos Monteiro, qui succombe, sera condamné aux dépens, en ce compris les frais de la sommation interpellative du 23 septembre 2006, ainsi qu'au paiement à Laurent Bouet et Eve Page, d'une part, et à la société la bourse de l'immobilier, d'autre part, d'une indemnité de procédure de 1 500 euro, chacun ;

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. Y ajoutant, Condamne Serafim Dos Santos Monteiro à payer à Laurent Bouet et Eve Page, d'une part, et à la société la bourse de l'immobilier, d'autre part, la somme de mille cinq cents euro (1 500 euro), chacun, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes, Condamne Serafim Dos Santos Monteiro aux dépens, en ce compris les frais de la sommation interpellative du 23 septembre 2006, et accorde à SCP Laval - Lueger et à maître Garnier, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.