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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 14 novembre 2006, n° 05-17635

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grellier

Conseillers :

M. Debû, Mme Horbette

Avoués :

SCP Arnaudy-Baechlin, SCP Varin-Petit, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Mertens, La Burthe, Colignon-Bertin

TGI Meaux, 1re ch., du 21 juill. 2005

21 juillet 2005

M. et Mme F avaient acquis de M. et Mme DI, par acte du 5 janvier 1998 reçu par M. P, une maison d'habitation située sur un terrain à Saint Augustin (Seine-et-Marne) pour le prix de 600 000 F.

Ayant découvert que leurs vendeurs avaient procédé à des agrandissements de l'immeuble initial sans autorisation et sur un terrain inconstructible, ils ont poursuivi la nullité de la vente, estimant avoir été victimes d'un dol, et demandé à ceux-ci, ainsi qu'an notaire rédacteur de l'acte, qui n'avait pas demandé les renseignements utiles, des dommages et intérêts.

Le 1er avril 2005, le tribunal de grande instance de Meaux, retenant le dol des vendeurs et les fautes du notaire consistant à n'avoir pas demandé de certificat d'urbanisme, à avoir demandé des renseignements pour des parcelles non vendues et à avoir inclus dans l'acte une parcelle non vendue, a prononcé la nullité de la vente et condamné in solidum Mme L veuve DI et ses enfants

Mireille DE et Philippe DI (ci-après les consorts DI)et la SCP Bruno DO et Stéphane G (successeur de M. P) à payer à M.et Mme F les sommes de 91 469,41 euro avec intérêts au taux légal en remboursement du prix de vente, 6 097,85 euro au titre des impenses, 34 386,40 euro pour leur préjudice financier, somme assortie des intérêts contractuels, des pénalités et des frais hypothécaires et 6 000 euro pour leur préjudice moral. Il a dit que la SCP notariale devrait garantir les consorts DI des condamnations prononcées contre eux au titre des dommages et intérêts à l'exception de la restitution du prix. Il les a condamnés solidairement au paiement de la somme de 4 000 euro de frais irrépétibles.

Ceci étant exposé,

Vu l'appel de ce jugement en date du 11 août 2005 par la SCP Bruno DO et Stéphane G, ci-après la SCP;

Vu ses conclusions déposées le 9 janvier 2006 tendant à sa réformation, au débouté de toutes les parties de toutes leurs demandes à son égard et à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions déposées le 21 février 2006 par lesquelles les consorts DI demandent à titre principal à la réformation du jugement car le consentement des époux F n'aurait pas été vicié et à titre subsidiaire de constater l'impossibilité matérielle de remettre les parties en l'état car des constructions ont été détruites par les acquéreurs qui doivent leur en restituer la valeur, de juger que la SCP a commis des fautes qui justifient qu'elle les garantissent de toutes les condamnations et conséquences financières, de juger que la mention de la parcelle n° 622 dans l'acte de vente est erronée et d'ordonner sa rectification, de condamner "conjointement et solidairement" ses adversaires à leur verser la somme de 27 962,85 euro en réparation du préjudice subi par la non rectification de l'acte de vente et celle de 4 500 euro, dans les mêmes conditions au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions déposées le 21 février 2006 aux termes desquelles les époux F sollicitent à la confirmation du jugement et à la condamnation de leurs adversaires à leur payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Sur quoi, LA COUR,

Considérant qu'au soutien de son appel, la SCP rappelle qu'elle avait sollicité deux documents d'urbanisme, annexés à l'acte, faisant mention de parcelles bâties, qu'après la vente, les acquéreurs ont voulu faire des travaux d'amélioration et appris alors des mêmes services municipaux que les constructions avaient été édifiées sans permis et que le POS les leur interdisait, qu'elle en déduit qu'un certificat d'urbanisme n'aurait pas fourni plus de renseignements que ceux qu'elle a obtenus et qu'elle n'avait de toutes façons pas l'obligation de solliciter ce certificat, l'article L. 111-5-1 du Code de l'urbanisme ne l'imposant qu'en cas de division de parcelles et n'ayant pour sanction que la nullité à la demande de l'administration; qu'elle souligne qu'elle ne peut être retenue pour un dol, n'étant pas le cocontractant des acquéreurs, qu'elle ne peut donc être recherchée pour la restitution du prix, qui ne constitue pas un préjudice indemnisable, et qu'elle n'est donc pas tenue aux impenses;

Mais considérant que l'examen de la faute de la SCP notariale et de sa responsabilité dans le préjudice subi par les époux F est aujourd'hui sans intérêt puisque l'une et l'autre ont été retenues dans un jugement du Tribunal de grande instance de Meaux en date du 17 mai 2001, définitif qui, après avoir constaté que la SCP avait négligé de s'assurer de la régularité de la construction on sollicitant un certificat d'urbanisme, avait demandé des renseignements pour des parcelles ne correspondant pas à celles vendues et n'avait pas vérifié que le lot n° 622 faisait corps avec le lot n° 567, a "retenu d'ores et déjà le principe de la responsabilité de la SCP DO et P dans le cadre du présent litige et sa vocation à indemniser le préjudice trouvant sa cause dans la faute commise"; que ce jugement a affirmé que la SCP devait "indemniser... les époux F de tous préjudices trouvant leur cause dans la faute commise" et a réservé son évaluation du dit préjudice dans l'attente des résultats d'une expertise qu'il a ordonnée;

Considérant que c'est en suite de ce premier jugement et après dépôt par l'expert de son rapport, qu'a été rendu le jugement querellé; qu'il n'y avait donc plus lieu de se prononcer que sur le préjudice subi par les époux F et sur le fondement de la demande d'annulation de la vente, les magistrats ayant, par le jugement du 17 mai 2001 susvisé, invité les parties à s'expliquer sur ce point;

Considérant que les époux F rappellent l'expertise ordonnée qui a attesté de l'irrégularité de la construction et de son impossible reconstruction en cas de sinistre, de même que son impossible régularisation ; qu'ils soutiennent que cette situation ne leur a jamais été indiquée par les vendeurs, ce qui caractérise le dol;

Considérant que, pour s'opposer à cette analyse, les consorts DI soutiennent qu'à l'époque des travaux effectués, consistant en un agrandissement et des améliorations, en 1975, ils ignoraient qu'il leur fallait un permis de construire ; qu'ils affirment que l'immeuble était connu des acquéreurs qui l'avaient visité, qu'il est parfait pour habiter et que les délais pour permettre à l'autorité administrative d'en demander la démolition sont écoulés ; qu'ils on déduisent qu'il n'y a aucune cause à l'annulation de la vente, le fait de n'avoir pas mentionné l'absence de permis de construire étant sans conséquence ; qu'ils retiennent la faute du notaire rédacteur qui n'a pas exigé les documents utiles ; qu'ils confirment que l'acte de vente a porté une erreur de numérotation des parcelles vendues en incluant la n° 622 au lieu de la n° 567 et rappellent l'importance de rectifier l'acte;

Considérant que les premiers juges, en retenant que le fait par les époux DI de ne pas indiquer le caractère illégal d'une partie de la construction de la maison, dont ils sont les auteurs, et donc son impossibilité à la reconstruire en cas de sinistre, caractérise une " réticence en toute connaissance de cause " qui "constitue un dol", ont fait des éléments de la cause une analyse exempte de critique; qu'ils ne peuvent donc qu'être approuvés dans les conséquences qu'ils en ont tiré en prononçant l'annulation de la vente et, par voie de conséquence la restitution de la somme versée; que leur décision sera, sur ce point, confirmée;

Considérant que les premiers juges ne peuvent qu'être également approuvés en ce qu'ils ont retenu que la SCP notariale avait, par sa faute, concouru à la survenance du dommage, en relevant que le respect de ses obligations professionnelles aurait empêché la commission du dol et en en tirant la conséquence qu'elle doit être tenue in solidum au paiement des sommes dues aux époux F ; qu'ils ont, à juste titre, écarté cependant toute garantie du notaire quant à la restitution du prix de vente aux motifs qu'il ne constitue pas un préjudice indemnisable et que le bien est restitué aux vendeurs;

Considérant que la décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a prononcé la condamnation in solidum de la SCP et des consorts DI au paiement de la somme de 91 469,41 euro représentant le prix de vente et des autres sommes constituant le préjudice des époux F dont l'évaluation, telle que faite dans le jugement, ne souffre aucune critique de la part de la cour et en ce qu'il a dit que le notaire devra garantir les consorts DI des condamnations prononcées à titre de dommages et intérêts;

Considérant que, du fait de l'annulation de la vente, la demande tendant à la rectification de l'acte devient sans objet;

Considérant que c'est vainement que les consorts DI soutiennent l'impossibilité de remettre les parties en l'état du fait de la démolition d'une grange, cette destruction ayant été imposée par sa grande vétusté, qui ne peut être imputée aux acquéreurs qui ne la possédaient que depuis fort peu de temps; que les premiers juges ont d'ailleurs inclus, à juste titre, les frais de démolition dans l'appréciation qu'ils ont faite, et que la cour reprend à son compte, de tous les chefs de préjudice;

Considérant qu'il est légitime d'octroyer aux époux F des indemnités de procédure dans la mesure précisée au dispositif;

Par ces motifs, Confirme le jugement, Condamne un solidum la SCP Bruno DO et Stéphane G et les consorts D à payer aux époux F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La somme de 3 000 euro (trois mille euro), Les condamne sous les mimes conditions aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.